J'en eu le souffle coupé.
Au-dessus de moi se tenait le Seigneur Noir du Mordor. Il portait son armure étincelante d'obscurité. Ses prunelles de feu rougeoyaient dans les deux seules fentes de son heaume d'horreur.

L'état de choc nous avaient figés dans cette posture que mon rêve avait forgé. Ses mains gantées de métal retenaient mes poignets de chaque côté de ma tête.

La terreur monta dans ma poitrine. J'étais désarmée, vêtue seulement d'une tunique de lin, face à l'être le plus puissant de la Terre du Milieu.
Je tentais de me débattre, de fuir ce face à face plus que déséquilibré.
Cela sembla ramener Sauron à lui.

Il retira ses mains de mes poignets avec brusquerie, comme s'il s'était brûlé à mon contact… Il s'éjecta du lit à une vitesse que je n'aurais pas cru possible pour un être en armure, tout Maïar qu'il fut. En réponse, mon instinct me fit reculer dans le moelleux des oreillers. Mettre le plus de distance possible entre nous malgré la petitesse de la pièce.

Malgré la distance, je pouvais sentir vibrer sa haine fulminante dans l'air. Son regard de feu ne me quittait pas, à l'affût du moindre de mes gestes. De la moindre traîtrise.

- «Qu'est-ce que cela signifie?» tonna-t-il, pointant du doigt le lit où nous nous tenions quelques instants plus tôt.

Piquée au vif, je répondis d'une voix glaciale.
- «J'ignore de quoi vous parlez, mon seigneur... »

Exaspéré par la pointe d'ironie qui perçait dans ces derniers mots, il explosa.

- «Pas de ça avec moi, elfe! Pourquoi m'avoir invoqué?»

- «Je n'ai jamais fait une telle chose...» assenais-je.

- «Les rêves sont puissants. Mais rares sont ceux assez puissants pour m'invoquer!»

Mon esprit se vida, sous le choc.

- «Je… Je...»

Ma bouche se faisait l'écho de ma sidération.

Comment était-ce possible?

Aucun de nous deux n'était capable de se l'expliquer. Jusqu'à ce qu'un éclat attire mon attention.

- «Oh...»

Le Seigneur des Ténèbres suivit mon regard. A mon doigt, l'anneau Nenya brillait étrangement.

- «Non… C'est… impossible.»

Un silence lourd s'ensuivit.

Mon anneau avait le pouvoir de l'eau, un élément puissant capable de relier les mondes du Réel et de l'Irréel.

Je perçus un mouvement dans ma vision périphérique. Lorsque je levais les yeux, Sauron me surplombait de toute sa hauteur.

- «Pourquoi m'avoir invoqué?»

- «J'ignorais le pouvoir de l'anneau...»

- «Pourquoi?» insista-t-il.

- «Ce n'était pas à VOUS que je pensais...»

Il ne répondit pas immédiatement.

- «Je vois...»

Sa réaction aiguillonna ma curiosité. Était-il capable de... ressentir…?

Il me laissa l'approcher, bien que sur ses gardes.

J'esquissais avec lenteur un geste vers son masque qui m'emplissait de terreur. Il ne m'arrêta pas. Sous mes doigts, le métal se modela pour devenir chair.

Mon cœur rata un battement. Se tenait devant moi Halbrand.

Ses traits étaient moins tirés que dans mon souvenir. Ses cheveux étaient soyeux et sa barbe naissante entretenue. Ses yeux avaient de nouveau cette teinte de bleu que je n'avais vue que dans les profondeurs de l'océan. Contrairement à la version qu'il nous avait tous laissé entrevoir, y dansait désormais la lueur de son pouvoir.

Il m'était tellement difficile de le regarder dans les yeux. La douleur de sa trahison ne pouvait apaiser la tristesse de l'avoir perdu. Il n'existait même pas vraiment. Il n'était qu'une illusion pour les yeux de ceux qu'il voulait berner.

- «Galadriel...» dit-il, peiné.

Des larmes se mirent à rouler sur mes joues.

- «Non.»

Je pris une profonde inspiration.

- «Halbrand n'a jamais existé.»

- «C'est donc ce que tu crois...»

- «C'est la vérité.»

- «Tout ce que nous avons vécu...»

- «… n'était que des mensonges.» le coupais-je.

Je savais ce qu'il cherchait à faire. Me rappeler ces moments que nous avions partagé, tous plus intimes les uns que les autres. Je fermis les yeux, les lèvres pincées. Je devais lutter contre l'afflux de ces souvenirs.

Un autre silence se fit.

Quelque chose de doux effleura ma joue.

- «Ma plus grande erreur fut de te blesser...»

Ces inflexions dans sa voix résonnaient parfaitement comme LUI.

- «Je t'en prie, ne fais pas ça» suppliais-je.

De sa main, il prit mon menton avec tendresse. Je sentis son souffle contre mes lèvres.

- «Laisse-moi me faire pardonner cette nuit.» murmura-t-il, tentateur. «Et toutes les autres nuits...»

Je ne pouvais lui céder. Je me devais au moins ça. Résolue, je plantais mon regard dans le sien.

- «Je ne te laisserais pas gagner. Aux premiers rayons du soleil, je redeviendrais ta plus farouche ennemie. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour t'achever.»

Il ne put retenir un rire avant de me fixer avec intensité.

- «Je n'en attendais pas moins de la Commande des armées du Nord...»

J'approchais encore davantage mon visage du sien. Son sourire s'était figé.

- «Parfait.»

Et sans attendre un instant de plus, je déposais mes lèvres contre les siennes scellant ainsi notre accord.