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Le duel

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Note : les répliques en haut valyrien sont écrites en gras/italique

Une journée sombre et nuageuse. Un petit dragon qui traverse des nuages épais. Son dragonnier possède un message qui pourrait celer une alliance et renforcer un camp contre un autre. Une alliance à un moment délicat de l'Histoire de sa propre famille et du continent.

Le cœur battant, le jeune prince pénétra dans le palais du seigneur d'Accalmie.

A l'intérieur, l'ambiance était tout sauf chaleureuse. Il frissonna. Entouré de nombreux gardes locaux, le prince gardait la tête droite. Il avait une mission à accomplir.

-Prince Lucerys Valaryon, clama un garde. Fils de la princesse Rhaenyra Targaryen.

Aemond fixa Lucerys alors que celui-ci prit la parole :

-Seigneur Borros, j'apporte un message de ma mère, la reine.

-Pourtant, j'ai reçu un envoyé du roi, fit le seigneur Borros. Qu'en est-il ? Avons-nous un roi ou une reine ? Il marqua un silence avant de reprendre : la maison du dragon ignore qui la gouverne. Quel est le message de votre mère ?

Le jeune homme sorti le parchemin de sa poche et le tendis à un garde qui l'apporta au seigneur Borros.

Aemond soutient le regard de son neveu et celui-ci ne détourna pas la tête.

-Me rappeler le serment fait à son père ? s'exclama Borros. Et rien en échange. Qu'ais-je à gagner d'une telle alliance ? Le roi Aegon me propose un mariage pour mon soutient. Et vous venez avec quoi à part ce bout de papier ? Laquelle de mes filles allez-vous épouser, mon garçon ?

-Je ne suis pas libre de me marier, répondit calmement Lucerys. Je suis déjà fiancé.

-Rentre chez toi, gamin. Et rappel à ta mère que le seigneur d'Accalmie n'est pas un chien qu'elle peut siffler à sa guise pour se défendre de ses ennemis.

-Je rapporterai votre réponse à la reine, messire.

Lucerys tourna les talons et s'apprêta à quitter la pièce quand la voix de son oncle résonna :

-Attends ! Messire Fort. Tu pensais vraiment pouvoir voler le trône de mon frère aussi facilement ?

-Je ne me battrais pas contre toi. Je suis venu comme messager, non en guerrier.

-Dommage, un combat serait intéressant, déclara Aemond. Non. Je veux que tu t'arraches ton œil. En paiement du mien.

-Je ne suis pas venu pour me battre, répéta Lucerys. Je suis un envoyé.

Aemond émis un petit rire avant de prendre son poignard et de ne lancer en direction du plus jeune. La lame froide atterrit sur le sol de pierres dans un cliquetis métallique.

-Donne-moi ton œil ! hurla Aemond dont la colère était égale à la haine qu'il ressentait pour Lucerys. J'en ferai un cadeau à ma mère. Elle l'attend depuis tant d'années.

Par reflex, le cadet porta sa main au pommeau de son épée alors que son ainé approchait dangereusement de lui.

-Donne-moi ton œil ou je le prends moi-même !

-Pas ici ! s'écria le seigneur Borros. Le sang ne coulera pas dans ce lieu.

Quand Lucerys quitta la forteresse, Vhagar avait déjà disparue, et la pluie tombait dru tout autour de lui.

Malheureusement, sa mission était un échec, et il s'en voulait de décevoir sa mère adorée. C'était un allier en moins pour le clan des noirs.

Heureusement pour lui, son oncle Aemond avait déjà quitté les lieux et il n'aurait pas à l'affronter une nouvelle fois.

Il souffla avant de prendre place sur la selle d'Arrax.

- Soit prudent Arrax , fit Lucerys en haut valyrien. Sers-moi quoi qu'il arrive .

Le petit dragon prit son envol, seul dans le ciel obscur alors que l'orage grondait.

Lucerys regardait autour de lui, s'attendant presque à voir surgir Vhagar derrière chaque nuage. Il ne pouvait pas voir à plus de quelques mètres de lui, et la pluie n'arrangeait pas sa vision. Mais bien qu'il ne le vît pas, il senti une ombre dangereuse sur lui. Et ne pas pouvoir l'apercevoir ne le rassurait pas.

Et puis soudain, Vhagar apparu devant Arrax.

- Arrax tourne ! hurla Lucerys.

Plus mobile que le large dragon, le plus petit manœuvra pour éviter le danger.

- Tu crois que tu peux m'échapper ? hurla Aemond en regardant autour de lui à la recherche du petit dragon de son neveu. Tu as une dette à payer, petit .

Aemond était trempé mais il était hors de question de lâcher la chasse. Il avait attendu ce moment depuis si longtemps, et maintenant que son frère Aegon était sur le trône, la guerre qui rodait depuis des années allait pouvoir éclater. Peu importe quand.

- Petit ! Est-ce que tu as peur ? ricanna froidement Aemond. Vient ici !

Ce fut alors à son tour d'être surprit quand Arrax surgit et tenta d'enflammer la tête de Vhagar, énervant le vieux dragon au passage.

- Non Vhagar ! Non ! Sert moi Vhagar ! hurla Aemond.

Mais son dragon était en furie.

Une course s'engagea alors, et Vhagar fut à un rien de rattraper Arrax mais celui-ci disparu entre deux falaises étroites.

-Tu ne m'échapperas pas ! cria Aemond.

La voix de l'oncle résonna quelques secondes avant de disparaitre, engloutie par le roulement du tonnerre.

Ils sortirent enfin de leur cachette, et le petit dragon monta haut dans les nuages sombres.

Lucerys avait du mal à voir quelque chose, aveuglé par l'eau froide qui lui tombait dessus. Il secoua la tête.

Une fois hors de la tempête, au-dessus des nuages, il put de débarrasser de l'eau devant ses yeux. Le cuir de ses gants n'était pas agréable, mais qu'importe, au moins il voyait à nouveau.

- Arrax, fait attention. On ne sait jamais .

Et il ne crut pas si bien dire car Vhagar surgit devant lui.

Par réflexe, Arrax plongea sous le large dragon.

- Arrax ! Vite !

Le cœur de Lucerys battait fort dans sa poitrine, et il pouvait sentir la peur dans ses veines. Il fallait qu'il se dépêche. Vhagar était certes désavantagé par sa taille, large et imposante, mais elle n'en restait pas moins un des dragons les plus dangereux au monde.

A la force des ailes, Arrax atterris sur le sable d'une plage désolée et déserte. Ils étaient encore loin de Peyredragon, mais Lucerys savait pertinemment qu'il ne pouvait pas semer Vhagar et Aemond plus longtemps.

Le jeune garçon scruta le ciel gris et vit rapidement on oncle arrivé à son tour.

- Tu te crois plus fort ? cracha Aemond en descendant de selle.

-Je ne pense pas plus fort ! cria Lucerys en faisant de même.

-C'est vrai. Tu es le gentil Lucerys. Tu n'as jamais fait preuve de violence.

Le reproche était à peine voilé. A la hauteur de la violence de ce qu'avait vécu Aemond dans leurs jeunes années.

-Est-ce que tu as une simple idée de ce que c'est d'être moqué constamment ? D'être le seul sans dragon. Le moins armé pour tout.

-Aemond, commença Lucerys.

-Quoi ?

-Je n'étais qu'un enfant.

-Un enfant qui a pris une lame par terre et a meurtri mes chairs avec. J'ai fini éborgner !

Un lourd silence s'abatis entre les deux, brisé uniquement par le bruit des vagues non loin d'eux. La pluie avait cessé mais l'air restait humide.

Une colère sourde animait toujours Aemond qui tourna le dos à son neveu. Son cadet ne comprenait pas sa douleur, et il ne la comprendrait sans doute jamais. Il soupira.

Soudain, sans prévenir il dégaina son épée.

-Je ne veux pas te combattre ! Mais si tu approches, je le ferai, le prévint Lucerys.

-Ne me fait pas rire, cracha Aemond en s'avançant.

Lucerys dégaina à son tour son épée, prêt à se défendre.

-N'approche pas !

-Pourquoi cher neveu ? Tu as peur ?

-Tu es en colère et tu pointe une épée devant mon visage, réplica Lucerys.

Ils restèrent ainsi de longues secondes, chacun visant de visage de l'autre. L'un voulant tout simplement se défendre, l'autre épris de vengeance pour un traumatisme bien trop lourd vécu par un enfant.

Depuis des années, Aemond avait conçu une seule version de sa possible vengeance. L'unique façon pour son neveu de se racheter, de les rendre égaux l'un envers l'autre. Son œil. Lucerys lui avait retiré une partie de sa vision, il fallait qu'il le subisse lui aussi.

-Je vais te prendre ton œil, lança Aemond, glacial.

-Non.

-Comment ? Tu oses ?

-Je ne suis pas responsable.

-Pas responsable ? hurla l'oncle en retirant son bandeau. Est-ce que tu vois deux yeux sur mon visage ?

Lucerys frémi en apercevant le saphir qui ornait son orbite vide.

- Est-ce que tu vois deux yeux sur mon visage ? répéta Aemond bouillant d'une colère froide.

-Je vois, commença Lucerys, je vois… un œil et un saphir.

-Ton œuvre, cracha-t-il en redressant son épée.

Soudain, le vent siffla, et les deux dragons devinrent agités. Une bourrasque les éloigna l'un de l'autre. Le mer grise elle, grondait, les vagues s'écrasants avec bruit en un flot d'écume. Les embruns embaumèrent l'air environnant. Lucerys ferma les yeux et son épée tomba sur le sable humide.

Aemond le regardait sans comprendre, mais malgré tout il baissa sa garde. Attaquer un adversaire sans arme était lâche, il ne le savait que trop bien.

-Je me souviens parfaitement de cette nuit-là. Des cris. De mon frère Jace qui me réveille après que Baela et Rhaena nous ont avertis. L'étonnement palpable quand tu t'es lié à Vhagar. Les insultes ensuite.

-Ce n'était pas seulement des insultes, ce sont des faits.

-Je t'interdis ! s'écria Lucerys.

-Tu n'oserais tout de même pas dire que tu es un véritable Targaryen ? Tu es risible cher neveu.

-Ma mère est Rhaenyra Targaryen et cela me suffit.

-Peut-être, mais…

-Tu oses remettre en question sa filiation ? coupa Lucerys en s'approchant.

-Pas la sienne.

Lucerys encaissa l'insulte sans mot dire. Les rumeurs concernant sa filiation paternelle il ne les avaient que trop entendues. De ses oncles, les demi-frères de sa mère, où d'autres membres de sa propre famille. Mais aussi des bruits de couloirs, des chuchotements. Sans cesse. Lui-même s'était posé la question, ses boucles brunes mettant en doute les paroles de sa propre mère.

-Tu te pose toi-même la question, affirma Aemond d'une voix faussement douce.

-Non, menti Lucerys.

-J'imagine que tu peux bien être à moitié Targaryen.

-Tout comme toi.

Aemond se figea. Ce coup-là, il ne l'avait pas vu venir.

-Seul ton père, mon grand-père est Targaryen. Pas ta mère. Alicent est une Hightower.

-Comment oses-tu ?

-Tu le demande encore ? Je me mets à ton niveau. Comme ça tu sais ce que cela fait.

Aemond serra les mâchoires, mais ne répondit rien. Force de constater que son neveu n'avait pas tort. Celui-ci se détourna et plongea son regard dans l'horizon gris.

Que dire de plus quand tout avait déjà été dit ? C'était les mêmes mots qui étaient déversés depuis des années. A quoi bon ?

-C'est Aegon.

-Quoi, Aegon ?

-C'est lui qui m'a raconté les rumeurs. J'étais trop plongé dans mes études pour les entendre moi-même.

-Cela ne change rien, et tu le sais.

-Je n'ai jamais dit que cela changeait quelque chose.

Autour d'eux Vhagar et Arrax s'étaient calmer, et le roulement des vagues poursuivait sa partition sans le fracas qui avaient été le sien à peine que heures auparavant. Comme si, une fois les mots prononcer, les choses mises sous silence avaient enfin été dite.

-Je regrette.

Aemond se tourna vers son neveu sans comprendre.

-Je regrette, répéta Lucerys. D'avoir prit cette lame, d'avoir répondu à tes insultes et d'en avoir dit moi-même. Je ne suivais que mon grand-frère. Tout ça c'est du gâchis.

Lucerys rengaina son épée.

-De toute façon nous allons bien nous combattre un jour, non ?

-Sans aucun doute, répondit Aemond.

-Tu sais ce que j'ai appris il y a quelques semaines ? questionna Lucerys en pivotant vers Aemond. Celui-ci secoua la tête à la négative et le neveu poursuivit : ma mère a proposé un mariage entre Jace et Helaena quand nous étions enfant. Ils seraient montés sur le trône et il n'y aurait pas eu de conflit. N'est-ce pas ironique ?

-Sauf que…

-Je sais ce que tu vas dire, coupa Lucerys. Mais le royaume aurait été protéger.

-Tu n'aimes pas combattre ?

-Mon grand-père m'a dit une fois que ce que l'on avait de plus précieux était la paix. Quand on ne combat pas on a le temps de s'instruire ou de bâtir quelque chose.

-C'est bien naïf.

-Peut-être.

Aemond rengaina à son tour son épée.

-Jace aurait dû prendre exemple sur toi, affirma celui-ci.

-Tu sais comment sont les grand-frères, lança Lucerys avec un faible sourire.

-On ne se combattra pas aujourd'hui.

Lucerys serra la main que lui tendis Aemond avant de tourner les talons.

-Je ne ferai que me défendre, lança le cadet.

-/-

L'ironie de l'histoire, fut que la danse des dragons tua une grande partie des protagonistes de cette guerre et ne couronna aucun vainqueur.

Aussi bien l'oncle que le neveu perdirent la vie.

Ce fut un carnage et un torrent de larmes de chaque côté.

Le pouvoir de la dynastie Targaryen, les dragons, disparurent. Cent trente ans de domination par le feu réduite à peau de chagrin.

FIN


J'espère que cet OS vous a plu.

Prenez soin de vous.

Little-road