Chapitre 7 : Tell me now
Hermione sortit de la cheminée de Luna et se retrouva face à son amie assise sur le canapé du salon
- Tatie Luuu !
Une petite tornade de cheveux noirs et bouclés lâcha la main de sa mère pour se précipiter sur la sorcière blonde.
- Hé bien quel accueil, fit Luna en se levant pour embrasser Hermione après avoir serré Cassandre dans ses bras.
- Elle est intenable depuis ce matin. Je suis contente de ne pas lui avoir dit hier qu'on venait, sinon je suis sûre qu'elle n'aurait pas dormi de la nuit. Et nous non plus par association.
- Pauvre de toi.
- Je suis sérieuse, j'ai cru que Severus allait l'étrangler ce matin, quand il a dû lui courir après dans toute la maison pour l'habiller.
- J'aurais payé cher pour voir ça, rit Luna.
- Et il te l'aurait fait regretter d'une manière ou d'une autre, sois-en certaine, plaisanta à son tour Hermione.
Reprenant son sérieux elle ajouta :
- Où sont les autres ?
- Ils ne devraient pas tarder. En attendant, tu m'accompagnes à la cuisine ? J'ai mis du thé à chauffer et préparé des biscuits.
- Ouaiiiis des biscuits ! fit Cassandre en courant dans la direction indiquée par Luna.
Les deux jeunes femmes pouffèrent de concert et la suivirent pour sortir le service à thé. Alors que Cassandre avait déjà un biscuit en main, Hermione intervint :
- Il ne me semble pas t'avoir entendue demander à Luna si tu pouvais te servir.
La fillette eut une petite mine contrite en se tournant vers sa marraine.
- Pardon Tatie Lu. Je peux prendre un biscuit, s'il te plaît ?
Luna sourit.
- Tu peux manger celui que tu as en main. Mais laisse le reste pour les autres.
A ces mots, les yeux de la fillette brillèrent d'intérêt.
- Qui va venir ? Tonton Draco ?
Hermione se baissa pour se mettre à la hauteur de la fillette.
- Non mon cœur, ce n'est pas Tonton Draco. Ce sont les amis de Maman et Tante Luna qui seront là. Tu les as vu l'autre jour.
À ces mots, Cassandre fronça les sourcils.
- Ils n'ont pas été gentils. Papa était très fâché, je me souviens. Encore plus fâché que ce matin. Pourquoi ils viennent ?
- Ils viennent pour qu'on puisse parler et essayer d'arranger les choses entre nous.
- Pour qu'ils soient plus gentils ? Et que Papa ne soit plus fâché contre eux ?
Luna pouffa discrètement de rire en laissant échapper ce qui ressemblait à un "même pas en rêve" et Hermione eut elle-même un peu de mal à garder son sérieux en répondant à sa fille.
- Oui, c'est cela.
- D'accord.
La discussion sembla s'arrêter là pour Cassandre, dont l'attention s'était reportée sur le biscuit qu'elle avait encore en main. Hermione sourit en constatant à quel point les événements étaient simples pour une enfant de trois ans. Si seulement c'était également le cas pour les adultes qu'ils étaient.
Elle n'eut cependant pas le temps de s'attarder sur ses pensées, puisque de légers coups se firent entendre à la porte de la cuisine, qui s'ouvrit pour laisser entrer Harry, Ron et Ginny.
Hermione se redressa et plaqua un sourire sur son visage. Sourire qui se décrispa lorsque Ginny se dirigea naturellement vers elle pour l'enlacer.
Reconnaissante envers son amie pour son geste spontané, Hermione profita de l'étreinte quelques instants. Lorsqu'elles se détachèrent l'une de l'autre, les deux amies se sourirent franchement avant de se tourner vers les deux garçons qui étaient restés dans l'entrée, un air penaud sur le visage.
Ce fut Harry qui brisa le silence en premier :
- Salut Hermione.
- Bonjour Harry.
Elle dirigea ensuite son regard vers Ron qui marmonna dans sa barbe ce qui ressemblait à un "B'jour".
Hermione capta alors les coups d'œil nerveux que son ami jetait çà et là autour de la pièce, dans une attitude qui se voulait discrète, mais qui n'échappa pas à son regard avisé.
Elle ne put s'empêcher de ricaner face à ce comportement :
- Détends-toi Ron, Severus n'est pas là. Il est resté à la maison car il avait, pour le citer, "bien d'autres choses à faire que d'assister à une réunion de Gryffondor émotifs".
Il avait également ajouté que "Gryffondors émotifs" était un pléonasme, mais Hermione estima qu'il était inutile d'en rajouter. Surtout que ses amis ne comprendraient certainement pas l'humour sarcastique de son époux.
Le visage du rouquin s'empourpra violemment et Hermione jura avoir entendu quelque chose comme "pas inquiet du tout" sortir de sa bouche.
Après un instant de silence et refusant de laisser un malaise s'installer, Ginny décida de se baisser pour s'adresser à Cassandre, postée à proximité d'Hermione :
- Bonjour. Tu dois être Cassandre.
La fillette acquiesça et Ginny poursuivit :
- Moi c'est Ginny. Je suis une amie de ta maman. Je suis ravie de faire ta connaissance.
Cassandre eut un regard interrogateur vers Hermione, qui marqua son assentiment d'un hochement de tête.
- Bonjour Ginny. Tu veux que je te montre les coloriages magiques que Tatie Lu m'a offerts ?
- Avec plaisir !
Cassandre saisit alors naturellement la main de Ginny pour la mener au salon et Luna en profita pour s'adresser au reste du groupe :
- Suivez-les, je m'occupe d'apporter le thé pendant que vous vous installez.
Hermione et les garçons leur emboîtèrent le pas et chacun prit place dans la pièce chaleureusement décorée par Luna. Ginny et Cassandre étaient déjà installées par terre, penchées sur les coloriages éparpillés sur la table du salon. Harry et Ron s'affalèrent donc sur le canapé et Hermione prit place sur le fauteuil posté dans un coin.
Cette position avait l'avantage de dominer l'ensemble de la pièce tout en lui offrant une bonne visibilité sur la porte de la cuisine. C'était assez déstabilisant de se rendre compte que ses habitudes d'espionne prenaient le pas en toutes circonstances, même les plus banales.
A force de côtoyer Severus, elle avait pris l'habitude de ne jamais s'asseoir dos à une porte, afin de pouvoir réagir rapidement à une éventuelle intrusion.
Elle avait compris il y a longtemps, pourquoi il choisissait toujours de s'isoler dans le coin le plus sombre de la pièce. Ce n'était pas - seulement - un besoin de tranquillité, mais bien un choix stratégique. Ainsi positionné, il pouvait observer à loisir les mouvements de tous, sans être dérangé ni repéré. Chaque interaction sociale était alors minutieusement scrutée, chaque comportement analysé.
Il glanait ainsi de précieuses informations, qu'il pouvait réutiliser à loisir, lorsque les circonstances le requerraient.
Lors de son entraînement, il avait pris l'habitude de lui montrer ses propres souvenirs des réunions de Mangemorts, mais également celles de l'Ordre. Ceci afin de lui montrer ce qui se jouait dans de tels événements et ce, des deux côtés de la barrière.
A force d'observation minutieuse, elle avait appris tous les mécanismes de ces rencontres, à travers les apparences et les non-dits. Elle pouvait maintenant aisément repérer les signes de stress, de mensonge, de contrariété ou de satisfaction chez les différents protagonistes, mais elle avait également acquis la capacité de repérer les signes d'alliances et de mésententes, aussi subtils soient-ils.
En ce moment, elle pouvait voir Harry triturer régulièrement sa cicatrice de la main gauche, ce qui était chez lui un signe de nervosité. De son côté, Ron regardait partout autour de lui, en prenant soin de ne jamais croiser son regard, ce qu'elle interprétait comme un malaise et une envie de s'échapper de cette situation inconfortable.
Et malgré son apparente décontraction, Ginny lui jetait régulièrement des regards en coin, comme si elle s'assurait qu'Hermione n'allait pas subitement disparaître.
Décidée à briser la glace, Hermione allait prendre la parole, lorsque la petite voix de Cassandre s'éleva :
- Pourquoi mon papa, il est fâché contre vous ?
Elle n'avait même pas levé les yeux de son dessin, continuant son activité comme si de rien n'était, alors que Harry et Ron se jetaient un regard interloqué. De son côté, Ginny haussa les sourcils en direction d'Hermione, qui lui répondit d'un rictus en coin qui lui rappela étrangement un tout autre sorcier.
Nullement perturbée par l'absence de réponse, la fillette continua :
- Parce que, quand mon papa est fâché, c'est qu'on a fait quelque chose de pas bien. Ou une bêtise. Enfin, Papa il dit pas "bêtise", mais moi j'ai pas le droit de répéter le mot qu'il dit à la place.
Hermione pouffa dans sa tasse de thé et Harry leva vers elle un regard paniqué, dans l'espoir qu'elle allait prendre le relais de cette question. Cependant, la sorcière décida de laisser son ami se dépatouiller seul de la situation et lui fit signe de répondre.
Harry soupira de résignation et décida de tenter une approche, alors que Cassandre levait finalement les yeux de son projet en cours pour les fixer dans les siens.
- Je pense que tu es encore un peu trop petite pour comprendre tout ça.
- Papa il dit que c'est pas les enfants qui sont trop petits pour comprendre, c'est les adultes qui ne savent pas expliquer.
- Évidemment, marmonna Harry. Ça lui va bien de dire ça, lui qui était un prof déplorable, continua-t-il dans sa barbe.
Si le regard d'Hermione brilla d'amusement quelques instants en entendant les paroles de son ami, elle le laissa continuer ses explications :
- Il y a longtemps, avant que tu ne sois née, ton papa et ta maman ont fait quelque chose sans nous le dire.
- En secret ?
- Oui c'est ça, en secret. Ils avaient sûrement de bonnes raisons pour le faire, mais ils ne nous les ont pas expliquées et depuis on n'a pas revu ta maman, ce qui nous a fait beaucoup de peine. Alors l'autre jour, tout le monde était un peu fâché et un peu énervé contre eux. Et les gens énervés font parfois des choses très bêtes, comme dire des paroles blessantes qu'ils ne pensent pas. C'est ce qu'il s'est passé et c'est la raison pour laquelle ton père est fâché contre nous.
Cassandre considéra un instant le Survivant avant de demander :
- C'est tout ?
- Oui c'est tout, acquiesça Harry, croisant les doigts dans l'espoir que son explication lui suffise.
- D'accord.
Harry laissa échapper un soupir de soulagement et Hermione décida qu'elle s'était assez amusée à ses dépens. Elle fit un signe de tête à Luna, qui hocha la tête avant de se lever de son siège.
- Cassandre ma puce, tu viens ? On va aller nourrir les Botrucs et les Jobarbilles pour laisser ta maman et les autres parler.
- Ouaiiiis !
Ravie à l'idée d'aller s'occuper des créatures magiques hébergées par sa marraine, Cassandre laissa son matériel à dessin sur la table et se précipita dans la cuisine, suivie de près par la sorcière blonde.
Une fois la porte d'entrée refermée, Harry ne put empêcher un rire nerveux de lui échapper.
- Merlin Hermione, elle pose autant de questions que toi quand nous étions à Poudlard. C'est vraiment ton portrait craché, même si on ne peut nier qu'elle soit également la fille de la chauve-s… De Snape, se rattrapa-t-il face au regard noir de son amie.
- Elle est aussi un peu… effrayante, souffla Ron. Sans vouloir te vexer Hermione, ajouta-t-il précipitamment.
La jeune femme lui offrit un sourire indulgent.
- Brillante, mais effrayante ? demanda-t-elle par-dessus sa tasse de thé. Ça me rappelle étrangement quelqu'un. Mais rassurez-vous, Severus me le dit constamment. Si elle n'avait pas quelques traits physiques se rapportant à lui, on pourrait presque croire que je l'ai faite toute seule, fit-elle dans un léger rire.
À la mention de son mari, les garçons grimacèrent et Ginny fixa son regard dans le sien, dans l'attente de plus amples explications.
- Oh Merlin, grandissez un peu ! Le Severus que je connais n'a rien à voir avec le professeur honni de Poudlard ou avec le chef des renseignements de l'Ordre que vous côtoyez depuis des années. S'il était fidèle à ces images, croyez-moi je ne serais jamais tombée amoureuse de lui. Il est un homme totalement différent une fois que tous ses masques sont tombés.
- On ne demande qu'à te croire Hermione, intervint Ginny, mais avoue que c'est tout de même très déstabilisant tout ça. Je ne doute pas de tes paroles, mais comprends que pour nous, tout s'est arrêté il y a quatre ans, lorsque nous t'avons enterrée. Te voir réapparaître dans de telles conditions a été un vrai choc pour nous, même si pour toi cela s'apparente à du quotidien.
Hermione accorda un petit sourire triste à son amie :
- Je comprends. Et je tiens de nouveau à vous présenter mes excuses pour la peine que je vous ai causée en simulant ma mort. Honnêtement, s'il y avait eu une autre solution nous aurions fait autrement, mais c'était la seule manière de garantir ma sécurité et de préserver la couverture de Severus auprès de Voldemort.
- On a plus ou moins intégré cela, répondit gentiment Harry, mais si tu pouvais nous donner un peu plus d'explications et de contexte, cela nous aiderait certainement à comprendre toute l'histoire. D'autant plus que ton attitude avant ta supposée mort n'a jamais laissé entendre que tu pouvais avoir développé quoi que ce soit de romantique avec Snape.
La bouche de Harry s'était momentanément crispée à la mention de "romantique", montrant qu'il avait encore beaucoup de mal à se faire à cette idée.
Hermione se redressa dans son fauteuil, sa tasse de thé posée en équilibre sur ses genoux.
- Je veux bien vous raconter toute l'histoire depuis le début. Mais vous devez me promettre de ne pas m'interrompre et surtout, de ne pas arborer ce type d'expression faciale lorsque je ferai référence à Severus, fit-elle en agitant négligemment sa main vers eux. Je sais que vous ne l'aimez pas, mais laissez-moi vous donner mon point de vue avant de vous faire de fausses idées à son sujet. Je vous promets que lorsque vous connaîtrez toute l'histoire, votre opinion changera.
- Tu as toute notre attention Hermione, répondit Ginny. Et ces deux-là sauront se tenir, je vais m'en assurer.
- Hey ! protesta vivement Harry, avant qu'un coup d'œil de la rouquine ne le force à se ratatiner sur le canapé.
- Bien. Installez-vous confortablement, parce que je pense que ça va être un peu long. Si je veux que vous preniez la mesure de toute l'histoire, il va falloir remonter quelques années en arrière.
Hermione se pelotonna alors son fauteuil et commença son récit.
