Chapitre 8 : Standing alone on that hill using your fuel to kill

Square Grimmaurd, mars 2000.

Hermione ouvrit péniblement les yeux et força peu à peu son regard à se stabiliser, malgré la migraine qu'elle sentit lui vriller douloureusement les tempes. Elle se redressa péniblement dans son lit et observa son environnement. Elle était dans sa chambre au Square, sans se rappeler comment elle était arrivée là. La dernière chose dont elle se souvenait, c'était d'être aux prises avec une dizaine de Mangemorts en compagnie de Harry et Ron, quelque part du côté de Liverpool.

Merlin, sa tête la faisait terriblement souffrir ! À vrai dire, son corps n'était pas en reste. Elle avait l'impression d'être passée sous le Magicobus. En soulevant le drap qui la recouvrait, elle aperçut çà et là quelques bandages sur son corps et elle grimaça, à la fois de douleur et d'appréhension. Tout cela n'avait pas l'air beau à voir.

Elle en était là dans ses réflexions, lorsque des voix se firent entendre dans le couloir. Celles-ci étaient suffisamment proches pour qu'elle réalise que c'était Dumbledore et Snape qui discutaient âprement à quelques mètres de sa porte. Elle se dit que c'était probablement cela qui l'avait tirée de son sommeil.

- Cela fait des années que je me tue à vous dire que ces deux-là sont des idiots, Albus ! Une fois encore, nous en avons la preuve. Si Miss Granger n'était pas intervenue, ils seraient certainement morts ! Et elle a bien failli y rester cette fois !

La voix de Snape montrait qu'il était indubitablement en colère, mais elle y sentit également une certaine lassitude. C'était étrange de percevoir ce sentiment dans la voix de cet homme, habituellement si mesuré. Intriguée, Hermione tendit l'oreille pour continuer d'entendre la discussion qui continuait d'avoir lieu dans le couloir.

- J'en ai conscience Severus et j'ai eu une longue discussion avec eux. C'est également pour cela que j'ai prié Alastor et Nymphadora de s'en occuper. Afin de faire en sorte qu'ils acquièrent tous les deux une attitude plus prudente et réfléchie. Alastor prendra Harry en charge, tandis que Nymphadora s'occupera de Ronald.

A ces mots, Snape eut un reniflement dédaigneux qui ne laissait aucun doute sur les pensées qu'il avait à l'esprit.

- Je leur souhaite bonne chance pour faire entrer quoi que ce soit d'utile dans la cervelle de ces deux chiens fous ! Si cela ne concerne pas le Quidditch, ça ne les atteint même pas. Cela dit, j'ose espérer que cela évitera à Miss Granger de s'interposer de nouveau entre eux et le danger.

Il y eut un bref silence, interrompu quelques secondes plus tard par Snape. Au ton de sa voix, Hermione l'imaginait aisément froncer les sourcils.

- Qu'avez-vous fait, Albus ?

Hermione entendit Dumbledore soupirer imperceptiblement, comme si ce qu'il s'apprêtait à révéler était particulièrement éprouvant.

- J'ai décidé de te confier la responsabilité de Miss Granger pour les mois à venir.

- Pardon !?

Hermione elle-même retint un halètement surpris. Elle ne voulait pas être prise à espionner les deux sorciers, mais la nouvelle l'avait choquée autant que son ancien professeur.

- Tu as bien entendu, Severus. Tu vas désormais prendre en main l'entraînement de Miss Granger.

- Il n'en est absolument pas question ! tempêta l'homme. Si je n'enseigne plus les potions depuis la montée au pouvoir du Seigneur des Ténèbres, ce n'est pas pour faire du baby-sitting auprès d'un membre du Golden Trio !

- Severus, il faut que quelqu'un lui enseigne comment rester en vie. Quelqu'un qui lui apprenne à distinguer les moments où il est opportun d'intervenir des situations sans issue, afin que ce genre de chose ne se reproduise pas.

- Pour cela, il faudrait qu'elle cesse d'être toujours derrière eux.

Hermione put clairement entendre le mépris dans sa voix. Si la discrétion n'était pas de mise en ce moment précis, elle aurait eu quelques phrases bien senties à lui sortir.

Cependant, Dumbledore poursuivit, loin d'imaginer les tourments qui occupaient en ce moment-même l'esprit de celle dont il était en train de parler.

- C'est pour cela que tu vas l'emmener avec toi pour l'entraîner. Ton expérience en tant qu'espion lui sera très utile, tout comme tes connaissances en sorts défensifs et en potions. De plus, il est nécessaire de les séparer les uns des autres pour un petit moment, afin qu'ils apprennent à agir par et pour eux-mêmes. Alastor et Nymphadora feront pareil de leur côté, je le leur ai expressément demandé.

- Il est hors de question que j'emmène un de ces gamins sans cervelle chez moi ! Je refuse que ma vie personnelle soit livrée en pâture aux moqueries du trio infernal !

- Severus, tu sais très bien que Miss Granger n'est pas du genre à colporter des ragots et qu'elle est la plus réfléchie des trois. Mais si tu le juges nécessaire, tu as mon accord pour la soumettre à un sort de Fidelitas ou tout autre sort que tu jugeras utile pour préserver ta vie privée à l'Impasse du Tisseur. En attendant, elle partira avec toi dès qu'elle sera rétablie et tu t'occuperas de la former du mieux que tu pourras.

- Non Albus, je ne ferai pas cela !

- Severus, ce n'est pas une demande, c'est un ordre, claqua la voix de Dumbledore qui était subitement devenue froide et sévère. Si tu ne le fais pas, tu pourrais bien avoir la mort de cette jeune femme sur la conscience.

Un silence assourdissant suivit les propos du directeur. Hermione ne savait pas réellement quoi penser de ce qu'elle venait d'entendre. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle était effarée par les paroles du célèbre Albus Dumbledore et qu'elle interprétait le silence de Snape comme un signe de son propre choc.

Au bout d'un moment, la voix de Snape retentit de nouveau.

- Ce que vous venez de faire est immonde Albus. Je vous connaissais fourbe, mais pas à ce point.

- Si c'est la seule façon de te faire accepter la mission, alors tu ne me laisses pas le choix.

Après un moment de silence où Hermione se demanda si les deux sorciers étaient encore derrière sa porte.

- Laissons Miss Granger se remettre des événements des derniers jours. Ensuite tu l'informeras de ma décision et tu l'emmèneras.

- Très bien.

La voix de Snape était tranchante et froide comme la glace. C'était celle que tous les élèves de Poudlard avaient appris à craindre durant toutes les années où il avait été professeur, et Hermione ne pouvait qu'imaginer à quoi ressemblait son visage à cet instant. Pas que le sien reflète des sentiments différents, elle en était bien consciente.

Après une courte pause, Snape ajouta :

- Lorsque tout ceci tournera mal, rappelez-vous bien que vous m'avez forcé la main, directeur !

Après cette dernière déclaration, Hermione put entendre les pas du potionniste s'éloigner dans le couloir. Quelques instants plus tard, la porte d'entrée du Square claqua et Walburga Black se mit à vociférer ses injures habituelles à l'encontre des Nés-Moldus et des traîtres-à-leur-sang.

Ce n'est que lorsqu'elle entendit les pas de Dumbledore quitter son étage qu'elle s'autorisa à soupirer et à s'affaler contre ses oreillers.

Oh Morgane, Rowena et Circé, elle était dans une sacrée mouise !

oOoOoOoOo

La semaine qui suivit sa séance d'espionnage improvisée s'écoula simplement, entre les soins prodigués par Madame Pomfresh à ses - trop - nombreuses blessures, ses séances de repos forcés et les visites de ses amis, qui s'étaient confondus en excuses à de très nombreuses reprises pour leur imprudence.

Et alors même qu'elle ne leur avait pas parlé de la discussion qu'elle avait perçue entre le Directeur et lui, elle repensait aux paroles de Snape.

Suivre Harry et Ron dans leur expédition avait effectivement été une erreur, puisqu'ils étaient tombés dans un traquenard face à un groupe de Mangemorts. Mais force était de constater que sans elle, les deux garçons n'en seraient pas revenus. Ce n'était pas de l'arrogance que de l'admettre : c'était sa vivacité d'esprit qui les avaient sortis d'affaires. En l'envoyant quelques jours dans les vapes, avec de nombreuses blessures plus ou moins graves. Mais au moins ils étaient tous vivants.

C'était ce à quoi elle pensait maintenant, en grattant distraitement une des plaies en cours de cicatrisation sur son bras, lorsque des coups furent frappés à sa porte.

Lorsqu'elle l'ouvrit, elle tomba sur la haute silhouette noire de Severus Snape.

Son visage affichait son habituel air pincé, qui donnait à tout le monde l'impression qu'il aurait aimé être n'importe où ailleurs - ce qui était probablement le cas. Lorsqu'elle s'écarta pour le laisser entrer, ses prunelles d'obsidienne observèrent brièvement les lieux avant de se fixer sur elle. Ce regard la mit subitement mal à l'aise, sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi et elle se dandina quelques instants sur ses pieds avant de prendre la parole :

- Professeur Snape…

- Je ne suis plus votre professeur depuis des années Miss Granger, vous devriez perdre cette habitude ridicule une bonne fois pour toutes.

- Oui, Monsieur.

Snape soupira de lassitude et se pinça l'arête du nez, comme si une migraine pointait subitement à ses tempes. Mais lorsqu'il prit la parole, sa voix était la même que lorsqu'il lui donnait cours de potions. Basse et grave, elle prévenait son interlocutrice qu'il ne supporterait aucune contradiction.

- Ce que j'ai à vous dire ne va certainement pas vous plaire Miss Granger, mais sachez que la situation ne me convient pas plus. Cependant je suis obligé de répondre aux exigences de Dumbledore, quoi que cela m'en coûte. Alors je vous saurai gré de m'écouter très attentivement et de vous abstenir de m'abreuver de vos jérémiades ou de vos pleurnicheries lorsque je vous aurai expliqué la raison de ma présence ici.

Le visage d'Hermione vira au rouge face à cette description peu flatteuse de sa personne et qui était loin de lui rendre justice.

Elle releva alors fièrement la tête pour planter ses yeux dans ceux de son vis-à-vis, dans une attitude défiante qu'elle n'avait jamais prise face à lui.

- Sachez, Monsieur, qu'il n'est pas dans mes habitudes de pleurnicher ou de faire une scène. De plus, je sais parfaitement de quoi vous êtes venu me parler.

Un sourcil se haussa sur le visage du sorcier.

- Voyez-vous cela. Expliquez-vous.

- J'ai entendu votre conversation avec le professeur Dumbledore l'autre jour, dit-elle en mettant l'accent sur le mot pour qu'il perçoive bien l'ironie de sa phrase. Et même si je ne comprends pas toutes les raisons qui ont mené à cette décision, je respecte le jugement du directeur.

Un rictus méprisant s'étira sur le visage du potionniste en face d'elle et Hermione s'empêcha de justesse de trembler face à l'expression qu'il lui offrait..

-Si vous avez entendu notre conversation, fit-il en reprenant exactement le ton qu'elle avait employé auparavant, vous connaissez donc le mépris que m'inspire cette décision.

- Tout à fait, répondit-elle sans se démonter.

Il se pencha alors vers elle, son nez touchant presque le sien, ses yeux noirs vissés à ses prunelles acajou. Son premier réflexe avait été de se reculer face à cette violation de son espace personnel, mais elle sut que si elle faisait le moindre geste en ce sens, elle perdrait le peu de points qu'elle avait réussi à glaner en le défiant de la sorte. Il n'était pas question qu'elle perde cette bataille en lui donnant l'occasion de la railler, car elle sentait que son séjour en sa compagnie deviendrait alors un véritable cauchemar.

- Dans ce cas, je compte sur vous pour vous tenir à carreaux, Miss Granger, susurra-t-il. Car au moindre faux pas de votre part, Dumbledore ou pas, vous regretterez d'avoir été si sûre de vous en cet instant.

Il se redressa brusquement et se dirigea vers la porte, qu'il ouvrit en grand avant de se tourner une dernière fois vers elle.

- Nous partirons ce samedi à 7 heures tapantes. Je vous attendrai dans le hall. Inutile de vous dire que je ne souffrirais aucun retard.

Il quitta alors sa chambre en claquant la porte et Hermione put reprendre sa respiration - qu'elle ne se souvenait pas avoir retenue - en s'effondrant sur son lit.

Merlin, cet homme était intraitable et elle allait devoir vivre confinée avec lui, pendant elle ne savait combien de temps.

Elle n'avait pas de représentation précise de l'Enfer, mais il lui semblait que ça commençait fortement à y ressembler.

oOoOoOoOo

Lorsqu'elle descendit dans la bibliothèque du Square cet après-midi-là, Harry et Ron l'y attendaient de pied ferme. En les voyant frétiller comme des enfants à qui on aurait offert le dernier balais à la mode, elle sut que Dumbledore leur avait fait part de sa volonté de les confier aux bons soins des deux Aurors.

- Hermione ! s'exclama Harry quand elle eut franchi la porte, tu ne devineras jamais ! Dumbledore veut que nous suivions un entraînement d'Auror auprès de Tonks et Maugrey ! Nous allons partir avec eux dans quelques jours.

La jeune femme força un sourire sur son visage avant de lui répondre.

- C'est formidable, Harry. Je suis contente pour vous deux.

- J'ai hâte d'y être, ça va être absolument génial ! Bon je sais que Maugrey est parfois un peu extrême dans son comportement, mais je suis sûr qu'il aura plein de choses à nous apprendre ! Qui aurait cru que notre petite expédition nous rapporterait autant au final ?

Hermione fusilla Harry du regard et le jeune homme eut tout de même le bon sens de paraître gêné quand il s'en rendit compte.

- Désolé Hermione, je sais que nous avons été imprudents…

- Et plus que cela même ! l'interrompit-elle. Nous avons eu de la chance de nous en sortir vivants. Au passage, permettez-moi de vous rappeler que j'ai écopé de quelques blessures dans cette histoire.

Il y eut un silence pendant lequel les garçons échangèrent un regard gêné. Soupirant, Hermione reprit, estimant qu'il était temps de mettre un peu de plomb dans la cervelle de ses deux meilleurs amis.

- Par contre je me dois de vous avertir que cet apprentissage n'est pas une récompense. Dumbledore a jugé plus sage de nous séparer les uns des autres pour vous obliger à agir plus prudemment à l'avenir.

- Nous séparer ? fit Harry, pendant que de son côté, Ron demandait, perplexe :

- Comment sais-tu cela ?

- J'ai surpris une conversation entre Dumbledore et Snape lorsque j'étais alitée.

Elle sût alors, même sans les regarder, qu'elle avait leur attention pleine et entière.

- Raconte-nous ! la pressa Harry en les dirigeant tous les trois vers les fauteuils de la pièce.

- Il n'y a pas beaucoup plus à raconter, continua Hermione. Snape était hors de lui et vous blâmait pour votre attitude imprudente. C'est là que le directeur a suggéré cet apprentissage. Et je me rappelle l'avoir entendu dire que nous allions partir nous entraîner chacun de notre côté, avec un mentor différent.

Les mines réjouies de Ron et Harry se fanèrent aussi vite qu'elles étaient apparues à la perspective d'un camp de vacances pour Aurors. Hermione retint un soupir de frustration de franchir ses lèvres. Snape avait effectivement raison : ses amis étaient imprudents et totalement immatures. Malgré les années qui venaient de s'écouler, ils agissaient comme si la guerre n'était rien de plus qu'une version géante d'Échecs Sorciers.

À leur décharge, elle pressentait que Dumbledore leur avait caché énormément d'informations, probablement pour préserver Harry de sa culpabilité. Mais la jeune femme ne pouvait s'empêcher de penser que ce n'était pas la solution idéale. Le directeur voulait certainement bien faire, mais Harry serait un jour où l'autre de nouveau confronté à la mort ou à Voldemort et il fallait qu'il y soit préparé. Elle espéra que leur séjour en compagnie de l'ancien chef des Aurors et de la Métamorphomage leur apporterait un minimum de sérieux pour affronter cette perspective.

- Mais et toi, avec qui vas-tu faire ton apprentissage, Hermione ?

La voix de Ron la ramena à la réalité et elle fixa de nouveau son attention sur ses amis qui l'observaient, attendant qu'elle réponde.

- La réponse ne va pas vous plaire, grimaça-t-elle.

Alors que le regard du rouquin se fronçait de perplexité, Harry bondit sur ses pieds, une expression de rage se formant sur ses traits.

- Non !

- Harry… commença Hermione, avant d'être brusquement interrompue.

- Comment Dumbledore peut-il sérieusement penser que t'envoyer vivre avec le Bâtard Graisseux des Cachots va nous aider en quoi que ce soit ! Ce Mangemort en puissance va plutôt tout faire pour nous saboter ! Ou pire, il va essayer de t'endoctriner !

- Harry, ne sois pas stupide, intervint Hermione. On en a déjà discuté à maintes reprises, Snape n'est pas du côté de Voldemort. Il est notre espion ainsi que notre chef des renseignements et ses informations nous ont souvent été précieuses. Arrête de t'accrocher à tes anciennes rancunes, pour l'amour du ciel !

- Mes anciennes rancunes !? hurla le Survivant. Dois-je te rappeler que c'est lui qui a livré la prophétie à Voldemort ? Cette même prophétie qui a conduit à la mort de mes parents ! Tu t'en souviens Hermione ?

Hermione se leva à son tour du canapé où elle était assise, refusant de se laisser dominer par la taille de son meilleur ami pendant cette dispute. Furieuse, elle pointa son doigt sur son torse, le forçant à reculer d'un pas alors qu'elle répliquait :

- Oh bon sang Harry, bien sûr que je m'en souviens ! Je me souviens également que c'est lui-même qui te l'a avoué après la débâcle du Ministère. Je sais que c'était un acte impardonnable, mais je crois qu'il se fustige déjà suffisamment lui-même et qu'il essaie de faire amende honorable depuis. Cela fait cinq ans maintenant, il est peut-être temps de passer à autre chose.

Elle fit une légère pause pour observer le visage fermé de son ami. Se rappelant que lorsque le vin est tiré, il faut le boire, elle continua sur sa lancée :

- Je sais que cela ne ramènera pas tes parents et j'en suis vraiment désolée, mais en attendant cela ne fait pas de lui un Mangemort. Du moins plus aujourd'hui. Il me semble qu'il nous l'a suffisamment prouvé au fil des années.

Elle soupira, lasse de devoir sans cesse rappeler ces choses au Survivant.

- La guerre nécessite des sacrifices de notre part et je pense que traiter Snape avec un minimum de respect n'est pas insurmontable. Personne ne te demande de l'apprécier, mais arrête de remettre sans cesse en doute sa loyauté. Le fait que Dumbledore lui fasse confiance devrait largement te suffire.

Hermione stoppa sa tirade, essoufflée et constata que Harry avait baissé la tête, penaud. Au bout de quelques secondes de silence, quand il fut sûr que sa meilleure amie n'allait pas lui balancer un sort ou un coup de poing en plein visage, le jeune homme murmura :

- Désolée de m'être emporté contre toi, Hermione.

La jeune femme haussa les épaules, épuisée par cette confrontation.

- Ce n'est rien. Je pense que nous avions besoin de relâcher la pression. Mais mesure tes paroles à l'avenir, s'il te plait.

- Il n'empêche que Snape reste un vrai bâtard, marmonna Ron depuis le fauteuil qu'il n'avait pas quitté.

Hermione lui jeta un regard noir et Harry eut un reniflement amusé, ce qui finit de détendre complètement l'atmosphère. Chacun et chacune reprit alors sa place dans le canapé, dans un silence confortable.

- Si cela peut vous rassurer, il n'avait pas l'air très emballé par la situation lui non plus, ajouta finalement Hermione.

- Je ne suis pas certain que je qualifierai cela de "rassurant", fit Ron. Cet homme va faire de ta vie un enfer, Hermione.

La jeune femme se baissa et se prit la tête entre ses mains, ses coudes reposant sur ses genoux.

- Je sais, marmonna-t-elle, pendant que les deux garçons posaient une main rassurante dans son dos. Il va vraiment falloir que je me fasse discrète, si je ne veux pas mourir de manière prématurée.

Ses deux amis ricanèrent à sa pauvre tentative d'humour et elle se redressa pour leur sourire à son tour.

- Allez, ne parlons plus de cela et profitons plutôt de nos derniers jours tous ensemble sans penser aux perspectives négatives. Nous connaissant, les problèmes arriveront bien assez tôt.

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Severus Snape faisait les cent pas dans son salon, un verre d'alcool intact à la main. Il se l'était servi machinalement, mais n'y avait finalement pas encore trempé les lèvres, trop occupé à tempêter contre les décisions absurdes de l'ancien directeur de Poudlard. Le chef de l'Ordre du Phénix continuait à toujours exiger plus de lui et cela finirait par avoir raison de son équilibre mental, il le sentait.

- Putain !

Le verre de whisky qu'il tenait à la main fut brutalement propulsé dans l'âtre de la cheminée, explosant en mille morceaux et ravivant les flammes mourantes du feu, en une gerbe d'étincelles impressionnante.

- Putain de Dumbledore ! Putain de Granger ! N'ai-je pas déjà suffisamment donné dans cette guerre, pour qu'on m'en impose toujours plus ?

Las, il se laissa tomber dans un large fauteuil en cuir, dont le confort ne parvint cependant pas à apaiser son esprit bouillonnant.

- Qu'est-ce qui a pris à ce vieux fou de me forcer à babysitter Miss-je-sais-tout ? Qu'est-ce qui a pu traverser son esprit tordu pour le convaincre que c'était une bonne idée de nous associer tous les deux ? Je ne donne même pas deux semaines à cette gamine pour abandonner et aller pleurer dans ses foutues robes bariolées !

Snape soupira et rejeta sa tête en arrière sur le dossier du fauteuil. Ses poings enfoncés sur ses yeux, il força sa respiration à se calmer, afin que son esprit puisse en faire de même.

Dumbledore ne se rendait évidemment pas compte de tout ce qu'impliquait cette décision pour son espion. Pour le plus puissant sorcier de Grande-Bretagne, il s'agissait simplement d'inclure quelqu'un dans la vie du potionniste solitaire et taciturne qu'il était. Or pour lui, cela allait bien au-delà.

Jamais personne n'avait pénétré son habitation. C'était pour lui un lieu sacré, inviolé. Un endroit sûr où il pouvait laisser tomber ses masques et enfin être lui-même, que ce soit pour quelques jours ou même quelques heures. Et Dumbledore venait de tout gâcher en imposant une présence permanente dans son havre de paix. Et quelle présence…

Merlin, il avait vraiment envie de tout envoyer valser !

Le prix qu'il continuait à payer pour la mort de Lily Evans commençait à lui sembler diablement élevé.

Sentant que ses réflexions commençaient à dériver dangereusement, le sorcier mobilisa son Occlumencie dans un exercice qui était devenu à la fois une habitude et une question de survie. Il tria méticuleusement ses pensées, les forçant à se ranger dans les différents tiroirs de son esprit. Une fois que le bureau représentant son espace mental fut parfaitement en ordre, il s'autorisa un mince rictus satisfait.

Avec un dernier soupir, le sorcier se leva péniblement de son siège. Un geste négligent de la main vers la cheminée lui rendit son verre de cristal intact. Il prit le temps de le ranger soigneusement à sa place dans le cabinet à liqueurs situé dans un coin de la pièce avant que ses pas ne le conduisent vers l'escalier menant à l'étage de la maison.

Après tout, il avait une chambre à préparer.