Je pense que ça doit être l'une des premières fois où je poste ce chapitre dans les temps... Comme quoi, rien n'est impossible.

Je me disais que ce chapitre était la bonne occasion pour vous remercier de lire cette fic. Cela fait plus d'un an que j'en ai commencé l'écriture et cela me fait vraiment très plaisir de voir que vous l'appréciez.

J'en profite également pour remercier ma revieweuse anonyme (oui je pense que c'est une femme, et oui je pense que c'est toujours la même... Peut-être que je me trompe, mais sincèrement, je ne pense pas).

Merci également pour les autres reviews, auxquelles j'ai déjà répondu en MP.

En ce qui concerne la suite, je ne sais pas quel sera son rythme de publication, car je n'ai plus qu'un seul chapitre d'avance (enfin deux, puisque vu sa longueur, je vais le couper).

J'espère pouvoir continuer à avancer à un rythme satisfaisant, mais je sais que je ne suis pas une grande adepte de l'écriture sous pression. Nous verrons comment je m'en sors.

Sachez cependant que quelques chapitres arrivant après le 14 sont déjà écrits (le 15 et le 16 notamment), dont certains qui arrivent bieeeen après tout ce qui est en train de se passer ici.

Bref, je vais essayer de faire au mieux pour vous frustrer le moins possible.

En attendant, profitez bien de ce chapitre 12 !

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Chapitre 12 : Nothing comes for free

Leur première véritable confrontation eut lieu un peu plus d'un mois après l'arrivée d'Hermione.

Ils étaient tous les deux dans le laboratoire, chacun penché sur son propre chaudron. Snape préparait une concoction aux reflets bleu nuit, tandis qu'elle suivait les instructions notées sur un parchemin.

Mais alors qu'elle parcourait une nouvelle fois la liste des ingrédients, dressant mentalement leurs effets respectifs, elle resta perplexe quelques instants.

Le sorcier, qui avait remarqué son trouble, interrompit son travail pour s'adresser à elle :

- Quelque chose ne va pas, Miss Granger ?

Elle leva les yeux vers lui.

- La liste des ingrédients de cette potion me laisse dubitative, Monsieur. Yeux de scarabées du Japon, feuilles de laurier rose, colchique, épines de porc-épic... Si je réfléchis à leurs différentes propriétés et que je les associe, je ne pense pas me tromper en disant que tout cela mis ensemble dans un chaudron donnera un poison plutôt violent. À moins qu'un détail m'ait échappé, ajouta-t-elle.

- Aucun détail ne vous a échappé, Granger, il s'agit bien là d'un poison.

- Mais, Monsieur, qui dans l'Ordre pourrait avoir l'utilité d'une telle préparation ?

- Cette potion n'est pas destinée à l'Ordre.

Il lui avait répondu simplement, pourtant Hermione s'arrêta dans son mouvement, sa louche suspendue à mi-chemin entre son chaudron et elle. Ses pensées s'ordonnèrent alors, la menant la seule conclusion possible.

- Vous voulez dire que je suis en train de confectionner une potion pour les Mangemorts !?

Il ne répondit pas, mais son regard lui offrit une réponse plus concrète qu'aucun mot. Elle en fut subitement atterrée. Elle était en train de réaliser un poison puissant, qui allait être utilisé par leurs ennemis.

Elle lâcha sa louche dont le bruit métallique de la chute résonna dans la pièce.

- Comment pouvez-vous faire une chose pareille ? N'avez-vous donc aucun scrupule ? Pire encore, comment pouvez-vous m'impliquer là-dedans ? Je ne suis pas une sorcière adepte de Magie Noire et je refuse de participer à cela. C'est abject !

Les yeux de Snape se voilèrent d'une colère sourde et Hermione sut qu'elle était allée trop loin. Elle aurait voulu reculer et partir, mais le regard implacable du potionniste la pétrifia sur place.

Lorsque sa voix s'éleva de nouveau, elle était froide et coupante.

- Au cas où vous l'auriez oublié, nous sommes en guerre et je suis un espion, Miss Granger. La précarité de ma position dans le Premier Cercle du Seigneur des Ténèbres m'oblige donc régulièrement à commettre des actes auxquels je répugne.

Il contourna son propre poste de travail pour se diriger vers le sien, de sa démarche féline et dangereuse que tous ses élèves craignaient. Ses yeux n'avaient pas quitté ceux d'Hermione lorsqu'il s'arrêta devant sa paillasse et il continua sur sa lancée :

- La préparation de potion pour les Mangemorts fait partie de ce que je me dois de faire pour conserver ma couverture. Alors oui, quelques-uns de mes remèdes serviront à remettre sur pied des Mangemorts influents, tandis que certains de mes poisons seront peut-être administrés à des victimes innocentes. Voire même à des membres de l'Ordre, capturés et interrogés, qui sait ?

Elle ouvrit la bouche pour émettre une remarque contrite, mais Snape ne lui en laissa pas l'opportunité. Il leva brusquement sa main pour la couper dans son élan et ce simple geste suffit à lui faire garder le silence. Elle écouta donc les remontrances de l'homme qu'elle avait insulté.

- Mais toute guerre requiert des sacrifices. Il faut juste savoir jusqu'où nous sommes prêts à aller pour la gagner. Quelles choses nous acceptons de faire, même si cela implique d'aller contre nos propres convictions.

Il posa ses mains à plat sur sa table et se pencha légèrement, sa haute stature lui permettant de conserver sa position dominante sur elle. Hermione déglutit faiblement, impressionnée malgré elle par l'aura qui se dégageait de l'homme. Elle eut subitement conscience de sa prestance et de sa puissance. En cet instant il aurait pu la blesser ou la tuer sans qu'elle ne réagisse, car elle se sentait comme une biche prise dans les phares d'une voiture, incapable de faire le moindre mouvement pour se mettre en sécurité.

- Je n'éprouve aucun plaisir à torturer des gens au service du Seigneur des Ténèbres. Mais si je veux continuer de les espionner, lui et ses sbires, pour nous offrir une chance de mettre fin à ce conflit une bonne fois pour toute, je suis obligé de prendre certaines décision difficiles.

Je le sais, Dumbledore le sait, beaucoup d'autres membres de l'Ordre le savent également.

Il se pencha un peu plus vers elle, ses cheveux noirs glissant le long de son visage pour former un rideau ne laissant plus apercevoir que des ombres sur son visage et ses yeux luisant de colère.

- La question, Miss Granger, est de savoir jusqu'où vous êtes prête à aller pour gagner cette guerre.

Il laissa s'écouler quelques secondes lourdes de silence, avant de reprendre :

- Quand vous aurez répondu à cette question, nous pourrons éventuellement avoir une conversation d'égal à égale sur ce sujet. Cependant, avant que cela ne survienne, ne vous avisez surtout pas de juger une nouvelle fois mes actes.

Il se redressa soudain, coupant la connexion qui s'était établie entre eux pendant cet échange. Il lui tourna alors le dos, se dirigeant vers son espace de travail à pas mesurés.

- Vous vous considérez comme une adulte ? Vous souhaitez être traitée comme telle ? Alors apprenez à réfléchir par vous-même, plutôt que de simplement régurgiter ce que vous apprenez dans vos livres ou ce que les personnes de votre entourage vous disent de penser.

Il tira sa chaise de sous son bureau et s'y installa. Puis il ramena lentement ses mains sous son menton, son regard impénétrable se fixant sur elle.

À cet instant, il ressemblait véritablement au Severus Snape de son enfance. Le redouté Maître des Potions semblait avoir repris vie face à elle et elle n'en éprouvait aucune satisfaction.

Au contraire, c'était l'appréhension qui prédominait dans son esprit. Car cet homme qui avait été son professeur durant six longues années était quelqu'un de brusque et d'intraitable. Quelqu'un qui imposait le silence à une trentaine d'adolescents de par sa seule présence dans une pièce. Un sorcier qui était craint par tous et toutes car la rumeur courait qu'il pouvait plier quiconque à sa volonté, par la force de son esprit.

Un homme qui à l'époque, avait été un immonde salopard avec ses amis et elle.

Lorsqu'il reprit la parole, son ton était aussi ferme qu'à l'accoutumée. Et c'est précisément ce qui la sortit de ses pensées.

- À l'avenir, si je sens, ne serait-ce qu'une once de jugement de valeur dans votre comportement, Dumbledore ou pas, vous serez bannie de cette maison, assena-t-il.

Après une très courte pause, sa voix claqua de nouveau dans le lourd silence de la pièce.

- Ceci sera mon unique avertissement, Miss Granger.

Il leva alors un sourcil dans sa direction. Comprenant qu'il l'incitait à s'exprimer, Hermione se racla faiblement la gorge avant de prendre la parole :

- Bien, Monsieur, souffla-t-elle d'une voix quasi inaudible.

Il hocha la tête, apparemment satisfait de sa réponse. Puis, sans un regard de plus vers elle, il lui indiqua la porte d'un geste négligent de la main.

- Vous pouvez disposer. Je n'ai plus besoin de vos services pour ce soir.

Reprenant ses esprits, Hermione rassembla ses affaires et sortit du laboratoire sans demander son reste.

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Une fois que la jeune femme eut quitté la pièce, Severus s'effondra en arrière dans son siège en poussant un lourd soupir de lassitude. Il ramena lentement ses mains à son visage, alors qu'une migraine due à la frustration commençait déjà à pulser contre ses tempes.

Bordel, qu'est-ce qu'il détestait ce genre de situation !

Une myriade d'émotions se bousculait dans son esprit et il ne parvenait pas à les analyser froidement comme il en avait l'habitude. Que venait-il de se passer exactement ? Comment la situation avait-elle pu déraper à ce point et aussi rapidement ?

Une minute, il était en train de travailler à proximité de la jeune femme, son esprit concentré sur sa propre concoction en cours, et la suivante il s'efforçait de conserver une attitude stoïque pour ne pas lui hurler dessus.

À bien y réfléchir, il était déçu par le comportement de Granger. Il se sentait dépité par la méfiance qu'elle avait manifestée à son encontre quelques minutes auparavant, sans vraiment comprendre pourquoi il ressentait cela.

Oh, il était habitué à la défiance qu'il inspirait chez les autres ! Mais il avait naïvement pensé que la jeune femme qu'il hébergeait chez lui depuis un mois serait un peu plus dégourdie que tous les autres membres de l'Ordre. Qu'elle pouvait réfléchir et faire la part de choses. Qu'elle pouvait même commencer à voir chez lui autre chose qu'un immonde salopard. Mais apparemment il s'était trompé. Lourdement.

Et cela le perturbait plus que de raison, sans qu'il ne sache pourquoi.

Bon, s'il devait être totalement honnête, peut-être aurait-il dû lui faire part de la future utilisation de sa potion avant de lui en confier la recette et la préparation, mais il n'avait pas jugé cela nécessaire sur le moment.

Il n'avait pas non plus songé qu'elle déduirait ces choses-là d'elle-même.

Cette femme était décidément trop intelligente pour son propre bien. Et il l'avait sous-estimée. Ce n'était clairement pas dans ses habitudes.

Il eut un rictus fatigué et se massa lentement les tempes, tentant de faire passer sa migraine.

Il se targuait d'être un espion chevronné et pourtant, il s'était laissé déstabiliser par cette sorcière. Lui qui était d'ordinaire si prévoyant, n'avait pas du tout anticipé le fait qu'elle puisse analyser sa recette et en comprendre les implications.

Pourquoi ne parvenait-il pas à la traiter comme tous les autres ? Pourquoi n'analysait-il pas tous ses faits et gestes, comme il le faisait avec n'importe qui croisant sa route ?

Bien sûr, lors de leurs entraînements il arrivait aisément à anticiper ses moindres gestes - ce qui avait l'art de la frustrer - mais elle lui paraissait indéchiffrable par bien d'autres aspects.

Jusqu'à maintenant, elle n'avait jamais eu l'air de se méfier de lui. Même durant sa scolarité, c'était une des seules élèves qui lui avait toujours montré du respect. Jamais elle n'avait prononcé une parole blessante ou une insulte à son égard et il s'était toujours demandé pourquoi.

Alors, l'entendre douter de lui aujourd'hui, ça l'avait mis hors de lui. Dans un sens, il se sentait trahi.

En tout cas, il espérait que sa leçon avait fait mouche et qu'il n'aurait dorénavant plus à subir ce genre de scènes. Il ne le supporterait pas.

Cela dit, il avait été clair sur ce point. Si elle doutait à nouveau de sa loyauté, elle serait ramenée manu militari au Square Grimmauld et tant pis pour les ordres de ce vieux cinglé de Dumbledore. Il savait qu'il lui avait juré allégeance, mais il y avait des limites que même lui n'était pas près de franchir.

Il aspirait au calme et au respect dans sa propre demeure. Ce n'était tout de même pas trop demander ?

Soupirant lourdement, il décida de mettre ses ruminations de côté. Il ferma les yeux et commença à réguler sa respiration, se concentrant sur ses inspirations et ses expirations, comme il avait l'habitude de le faire pour s'ancrer dans le présent. Il fit le vide dans son esprit et sombra dans son subconscient. Là, il retrouva le décor familier de son bureau mental et grimaça devant l'amas de papier présent autour de lui. Merlin, c'était un vrai capharnaüm ! Il commença alors à les rassembler pour les classer dans un dossier, qu'il enferma ensuite dans un des tiroirs du meuble ouvragé qui représentait ses pensées profondes.

Il ne pouvait pas se permettre de laisser ce genre de pensées à la surface de son esprit, alors qu'il était fort probable qu'il soit convoqué dans les jours ou les heures à venir. Voldemort ne ferait qu'une bouchée de lui, s'il laissait entrevoir des signes de faiblesse de ce genre.

Pour le moment, il valait mieux garder tout cela sous clé. Il prendrait le temps d'y penser une autre fois.

Quand qu'il eut reprit pied avec la réalité, il se dirigea vers le plan de travail de la sorcière et jeta un œil à sa préparation. Évidemment, elle était parfaite. En tout cas, parfaite jusqu'au moment où elle s'était arrêtée dans la recette.

Malheureusement, c'était le genre de potion qui n'appréciait pas d'être interrompue en cours de route, et le mélange était déjà en train de former des bulles graisseuses qui éclataient à intervalles réguliers dans un bruit absolument dégoûtant.

Fronçant le nez face à ce spectacle désolant, Severus lança un Evanesco en direction du contenu du chaudron, un sortilège de stase sur le sien, puis retourna à son bureau pour reprendre l'analyse du rapport que Lupin lui avait fait parvenir ce matin à propos de l'apparition d'un nouveau groupe de loups-garous en Ecosse.

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En pénétrant dans sa chambre, Hermione se dirigea prestement vers la salle de bain, éparpillant ses vêtements dans la pièce à mesure qu'elle se déshabillait. Elle était nue lorsqu'elle arriva devant la douche et se précipita dessous, sans même prendre le temps d'attendre que la température soit idéale. Elle se crispa fortement lorsque l'eau glacée s'abattit sur sa tête, avant de sentir son corps se détendre au fur et à mesure que l'eau gagnait en température.

Ce n'est qu'une fois complètement réchauffée qu'elle s'autorisa à penser à la scène qu'elle venait de vivre et qu'elle se laissa submerger. Elle pleura longtemps, assise dans la douche alors que ses bras encerclaient son corps, évacuant les vagues de dégoût, de peur, mais aussi de honte qui l'avaient assaillies durant le discours de Snape.

Elle ne se présenta pas au dîner ce soir-là, préférant rester cloîtrée dans sa chambre avec Pattenrond, afin de mettre un peu d'ordre dans son esprit.

Allongée sur son lit, son chat blotti dans le creux de son épaule, elle entreprit de faire le point sur les événements de l'après-midi.

Elle avait été effarée d'apprendre que Snape la faisait réaliser un poison mortel destiné à être utilisé par le camp adverse. Cela lui avait fait froid dans le dos de penser aux implications d'une telle arme entre les mains des Mangemorts. À partir de là, elle ne s'était plus contenue et avait laissé ses émotions prendre le pas sur son esprit rationnel.

Mais en repensant aux remontrances qu'il lui avait faites, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait entièrement raison : une guerre était faite de sacrifices.

Chaque guerre apportait son lot de morts et de blessés. Le but de l'Ordre était d'en minimiser le nombre, même si au final, il y avait des victimes collatérales. Et ce dans les deux camps.

Elle l'avait jugé bien vite, ne réfléchissant pas à la position difficile qu'il tenait. Son rôle d'espion était crucial dans ce conflit et il devait chaque jour vivre avec le poids de toutes ces vies sur ses épaules.

En fait, il était probablement la personne qui subissait le plus les effets de cette guerre, puisqu'il en voyait les implications des deux côtés. Cela devait être aliénant par moment.

En outre, une minuscule partie d'elle-même pensa qu'elle aurait dû se sentir flattée de la confiance accordée par le potionniste. Après tout, il lui avait offert l'opportunité de travailler sur une potion des plus complexes et intéressantes. Évidemment, elle était également dangereuse et destinée à être utilisée par leurs ennemis, mais cela était aussi l'occasion d'en analyser les composants.

Peut-être qu'en réfléchissant bien, il serait alors possible de travailler sur un antidote…

Hermione se redressa brusquement sur son lit, se frappant le front d'exaspération.

Par Circé, elle était complètement idiote !

Il était évident que c'était là le but de Snape ! Lui faire réaliser un poison pour ensuite étudier les possibilités de créer un remède.

Et elle avait tout fichu par terre en réagissant comme la Gryffondor impulsive qu'elle était. Harry et Ron n'auraient pas fait mieux, elle en était persuadée. Savoir qu'elle s'était mise à leur niveau lui amena un léger sentiment de frustration, mêlé de culpabilité.

Elle aimait ses amis de tout son cœur, mais elle était parfaitement consciente de leur être intellectuellement supérieure. Ce n'était pas de l'arrogance, c'était simplement la vérité.

De plus, ils étaient influencés par leur étroitesse d'esprit, surtout concernant Snape. Et elle, elle s'était laissée embarquer par tout ça. Elle avait été obtuse et bornée. Des choses que Snape exécrait, elle le savait.

La réaction violente du sorcier était parfaitement justifiée. Alors qu'il s'efforçait de la faire réfléchir, elle avait sauté à pieds joints dans le piège qui avait été placé devant elle.

Quelle idiote !

Elle se laissa retomber sur ses oreillers, la tête bourdonnant de pensées, d'hypothèses et d'interrogations.

Comment Snape allait-il réagir à sa présence le lendemain matin ? Serait-il dur et froid ? Violent et intransigeant ? Elle ne parvenait pas à se l'imaginer. C'était un personnage tellement insaisissable qu'aucune de ses réactions ne pouvait être anticipée.

Oh Merlin, mais qu'est-ce qu'elle avait fait ?

Elle avait foutu en l'air un mois de cohabitation presque paisible avec ses jugements à l'emporte-pièce ! Elle aurait pu se gifler face à sa propre bêtise. Et elle n'aurait été ni surprise ni contrariée que Snape se venge sur elle lors de l'entraînement du lendemain. Elle l'avait totalement mérité.

Soupirant de lassitude, elle se blottit dans ses couvertures, décidée à prendre un peu de repos pour affronter la journée du lendemain. Malheureusement, elle ne parvint à trouver le repos qu'après s'être tournée et retournée dans son lit, ce qui finit par lasser Patterond. Le félin préféra d'ailleurs quitter la chambre à pas de velours alors que sa maîtresse sombrait enfin dans un sommeil agité.

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Le lendemain, Hermione se présenta devant la maison à six heures trente précises. Snape était évidemment déjà prêt et lorsqu'il nota sa présence, il commença sa course sans lui accorder un seul regard. Elle le suivit alors en silence durant toute l'heure, au moins satisfaite de constater qu'elle pouvait à présent, aisément suivre sa cadence.

Néanmoins, sa victoire personnelle était entachée par l'ambiance lourde qu'elle sentait s'infiltrer entre eux.

Durant leur entraînement au combat, elle donna tout ce qu'elle avait, décidée à tout faire pour le satisfaire. Il se contenta de brèves remarques sur ses enchaînements.

Ses coups manquaient également de leur agressivité habituelle et elle ne put s'empêcher de se demander si elle en était la cause.

Il était en fait totalement impassible et indifférent. Cela amena chez la sorcière une sensation de culpabilité qu'elle ne savait pas très bien comment interpréter.

En fait, elle aurait presque préféré qu'il lui hurle dessus et la malmène. Ça c'était une réaction qu'elle pouvait gérer.

Mais cette indifférence froide, cette impassibilité, cela la mettait véritablement mal à l'aise. Elle ne savait sur quel pied danser.

Le repas fut pris dans un silence pesant et inconfortable. Hermione ne termina même pas son assiette, se contentant de tout débarrasser une fois que le sorcier eut quitté la table dans un froissement de tissus.

L'après-midi, elle entra dans le laboratoire, prit place derrière sa paillasse et s'attela à la confection du poison - dont la recette se trouvait toujours sur son bureau - sans émettre la moindre remarque.

Lorsqu'elle quitta le laboratoire en le saluant doucement, alors que la nuit était tombée depuis des heures, Severus la regarda partir, une lueur satisfaite dans le regard.

Hermione laissa une journée supplémentaire s'écouler, avant de prendre son courage à deux mains afin de confronter le sorcier. Elle ne pouvait laisser cette situation perdurer. Elle marchait sur des œufs depuis la veille et ne supporterait pas ce silence oppressant plus longtemps.

Elle préférait l'affronter directement, quitte à se prendre une douche froide. C'était ça, ou virer totalement folle à force de vivre dans une situation de tension permanente.

Il lui avait signifié qu'ils ne travailleraient pas au laboratoire ce jour-là. Il semblait avoir besoin de faire une pause et elle pouvait parfaitement le concevoir.

Après avoir pris plus de temps que nécessaire à débarrasser les reliefs de leur repas du midi, elle pénétra dans le salon où il se trouvait, et se racla la gorge :

- Monsieur ?

Snape quitta son livre des yeux et leva un sourcil dans sa direction, lui donnant l'autorisation silencieuse de parler.

- Je tenais à vous présenter mes excuses pour mon comportement de l'autre soir.

Elle lui faisait face, à quelques pas de là où il se trouvait. Elle s'efforçait de se tenir droite et immobile, dans une volonté de paraître assurée, mais elle basculait régulièrement son poids d'un pied à l'autre, signe chez elle d'une grande nervosité.

Snape referma complètement son livre et le posa à côté de lui, afin de focaliser son attention sur elle. Un signe de sa main l'invita à continuer.

- Vous aviez raison, j'ai tiré des conclusions hâtives en oubliant de mettre les choses en perspective. C'était injuste de ma part de vous blâmer pour des choses que vous êtes obligé de faire pour notre bien à tous. Je vous réitère donc mes excuses et j'espère que vous les accepterez.

Il la considéra longuement, ses yeux la détaillant, cherchant chez elle un signe qui lui montrerait ses véritables intentions. Il avait tellement l'habitude de chercher des significations cachées dans chaque parole et chaque geste qu'il ne prit pas garde à ce vieux réflexe.

La jeune sorcière en était quelque peu mal à l'aise, mais elle s'efforça de rester stoïque. Elle savait que c'était un test de la part du sorcier et elle était déterminée à le réussir.

Au bout de ce qu'il lui parut une éternité, il prit finalement la parole :

- Asseyez-vous, Miss Granger.

Elle s'exécuta prestement, prenant place dans le canapé proche qu'il lui désignait. D'un mouvement de baguette, il fit apparaître sur la petite table, un service à thé. Un mouvement supplémentaire plus tard et une tasse flottait jusqu'à elle, remplie de thé noir et agrémentée d'un sucre. Exactement comme elle l'aimait.

Elle se demanda quand il avait pris le temps d'observer la manière dont elle buvait son thé, mais préféra se concentrer sur lui, les sens aux aguets.

Il réceptionna sa propre tasse et la porta à ses lèvres, savourant une gorgée avant de reporter son attention sur elle. Il planta ses iris noirs droit dans les siens et une nouvelle fois, elle se sentit happée par son regard, incapable d'en décrocher.

Ce sorcier avait vraiment l'art de vous maintenir sous son emprise sans s'encombrer de grands discours ou de sortilèges.

Un simple regard et vous étiez pris, telle une mouche emmêlée dans la toile de l'araignée.

Quand il prit la parole, sa voix était basse et mesurée :

- Tout d'abord, je tiens à vous dire que j'accepte vos excuses. Je sais le courage que cela vous demande de vous présenter devant moi après la petite scène d'il y a deux jours. Je dois vous avouer que je suis même légèrement impressionné. Je pensais que vous laisseriez passer plus de temps avant de venir me dire tout cela.

Elle rougit, alors qu'un faible rictus moqueur se dessinait brièvement le visage du sorcier.

- Comme je vous l'ai dit, je ne laisserai pas ce genre d'incident se reproduire. Je ne tolérerai pas qu'on me manque de respect sous mon propre toit.

Elle ouvrit la bouche dans le but de s'excuser une nouvelle fois, lorsqu'il lui coupa l'herbe sous le pied :

- Je peux néanmoins concevoir que certaines de mes actions puissent vous paraître floues et difficiles à appréhender. À l'avenir, lorsque ce type de situation se présentera, je vous prierai de m'interroger directement. Vous n'apprécierez pas forcément les réponses que j'aurai à apporter, mais cela sera toujours mieux que la petite scène dont vous m'avez gratifié.

Lorsqu'il la fixa un peu plus intensément, dans l'attente de son assentiment, Hermione hocha la tête. Apparemment satisfait, il poursuivit :

- Au vu du temps que nous allons passer ensemble dans cette maison, je pense qu'il est judicieux d'instaurer entre nous un principe de confiance. Sans cela, nous n'avancerons jamais dans la bonne direction. Vous me détestez et je ne vous apprécie pas beaucoup non plus pour être honnête, mais nous sommes adultes. Je pense que nous pouvons ranger nos différents de côtés afin de travailler ensemble à rétablir la paix dans le monde sorcier.

- Je ne vous déteste pas, souffla Hermione en réponse.

Un sourcil dubitatif s'arqua sur le visage du Serpentard. Il avait l'air surpris par sa réponse. Elle décida donc de continuer sur sa lancée :

- Bien sûr, vous avez toujours été injuste avec moi, de par ma proximité avec Harry notamment. Mais j'ai récemment réalisé que vous étiez obligé d'être dur envers moi et envers les autres élèves Nés-Moldus. Vous deviez jouer votre rôle à la perfection, afin de donner le change auprès de vos élèves dont les parents étaient proches du Seigneur des Ténèbres.

- Voyez-vous cela.

Il s'était penché dans son fauteuil, ses bras reposant maintenant sur ses genoux, une main sous son menton. Mais il ne la lâchait toujours pas des yeux.

- Et à la lumière de ces conclusions concernant mon comportement en tant qu'enseignant, qu'avez-vous déduit de notre altercation de la nuit dernière ?

Il paraissait sincèrement intéressé par sa réponse.

- Que vous m'aviez imposé cette potion afin que j'en maîtrise la confection, mais aussi pour que je puisse réfléchir à l'élaboration d'un antidote.

- Continuez, l'encouragea-t-il

La jeune femme chercha ses mots pendant un instant, avant de se redresser sur l'assise de son siège. Elle était toujours plus petite que lui, mais cette position lui donnait un peu plus confiance en elle. Et elle en avait besoin pour ce qui allait suivre.

- Si nous instaurons effectivement un climat de confiance entre nous, m'autorisez-vous à énoncer une remarque ?

Le visage de Severus Snape se ferma brièvement à cette demande, mais il reprit bien vite son masque impassible avant de s'adresser à elle :

- Je n'ai pas pour habitude de m'excuser ou de me justifier, mais allez-y, je vous écoute.

Hermione rassembla son courage avant de se lancer :

- Je pense que c'était malvenu de votre part de m'imposer la préparation de cette potion sans me dire au préalable à quoi elle était destinée. Si vous m'aviez expliqué les choses dès le départ, ma réaction n'aurait alors pas été aussi vive et enflammée. Nous aurions tout à fait pu avoir une discussion civilisée autour de ce sujet.

Severus conserva son calme apparent, mais intérieurement il applaudit la témérité de la sorcière devant lui. Elle osait le confronter à ses erreurs et lui exposer son point de vue. C'était risqué et culotté de sa part, mais elle y parvenait sans trop de difficulté, même s'il pouvait voir qu'elle n'en menait pas large.

Bien, il était temps de la tester un peu plus. Réprimant un sourire mesquin, il se redressa dans son fauteuil et attaqua :

- Êtes-vous en train d'insinuer que cette altercation était entièrement de mon fait, Miss Granger ?

Hermione ne se laissa pas démonter par l'attitude de son interlocuteur et croisa les bras sous sa poitrine en lui répondant.

- Il me semble que les torts étaient partagés, Monsieur.

À la grande surprise de la jeune femme, il eut un petit reniflement amusé à ses paroles. Un éclair de satisfaction passa même dans ses yeux d'ordinaire insondables. Ce fut bref, mais elle eut le temps de l'apercevoir.

- Je vous accorde ce point, Granger. Dorénavant, nous discuterons librement durant nos sessions dans le laboratoire. Après tout, confronter nos différents points de vue est encore la meilleure manière pour vous d'apprendre.

Elle le regarda comme s'il venait de lui annoncer la réincarnation des Fondateurs. Il n'y prit cependant pas attention et continua :

- Comme vous l'avez si judicieusement fait remarquer, nous ne sommes plus à Poudlard. Je suis donc libre de vous enseigner tout ce que je sais, et ce de la manière qui me convient. Et si je veux que vous soyez opérationnelle et efficace le jour où nous devrons partir en mission ensemble, j'aime autant le faire dans les meilleures conditions possibles.

- Bien, maintenant que vous avez acquis ces nuances, je me dois d'être transparent avec vous, Granger.

Son ton sérieux la ramena à la réalité et elle attendit qu'il se lance.

- Il se peut qu'un jour - je prie Merlin pour que nous n'en arrivions jamais là - vous soyez vous-même capturée par les Mangemorts et que je ne puisse absolument rien faire pour vous. Comprenez-vous pourquoi ?

D'abord décontenancée et choquée par les propos du sorcier, Hermione s'apprêtait à laisser de nouveau ses émotions prendre le dessus sur ses réflexions, lorsqu'elle capta le regard attentif que Snape portait sur elle. Elle commença alors à réfléchir, les liens se tissant peu à peu dans son esprit à mesure que ses pensées s'ordonnaient.

Elle avait un goût de cendres dans la bouche quand elle parla, les implications des paroles du sorcier bourdonnant dans son esprit.

- Parce que vous devrez évaluer les pertes et profits qu'engendrerait mon sauvetage au prix de votre couverture. Et qu'il soit fort probable que ma vie ne vaille pas la peine d'être sauvée au regard de tout ce que l'Ordre perdrait si votre rôle d'espion était découvert.

- Cinq points pour Gryffondor, lâcha-t-il, sarcastique. Et qu'en concluez-vous ?

Elle répondit, d'une voix lente et mesurée, observant les réactions de l'homme assis face à elle.

- Que je dois redoubler d'efforts durant nos entraînements défensifs pour que nous n'en arrivions jamais à de telles extrémités. Et que vous allez être de plus en plus exigeant vis-à-vis de mes performances.

L'espion se recula dans son fauteuil, s'y adossant avant de récupérer sa tasse de thé.

- Félicitations Miss Granger, vous venez d'entrer pleinement dans la guerre qui oppose l'Ordre du Phénix au Seigneur des Ténèbres.

Il leva sa tasse devant ses yeux, dans une parodie de toast, avant de la porter à sa bouche et d'en avaler une gorgée.

En cet instant Hermione n'éprouva aucun plaisir à être félicitée par Severus Snape.