- Je suis désolé que nous ayons dû vous imposer cela, mais vous ne nous avez pas laissé le choix, monsieur Stilinski.

Le médecin jeta un coup d'œil au poignet droit de son patient, lequel était relié au barreau du lit par la menotte finement serrée – pas assez pour empêcher sa circulation sanguine, mais suffisamment pour le maintenir au lit sans qu'il risque de s'arracher la main. En d'autres termes, Stiles Stilinski était forcé au repos et le menotter avait été la meilleure solution que l'on avait trouvée. Efficace et indolore. Puis on lui avait laissé la main gauche libre, histoire qu'il puisse se gratter si besoin, bénéficier d'un minimum de confort.

Stiles, bien que contrarié, ne pipa mot. Il comprenait la mesure qui avait été prise… Sans pour autant la valider. Autant dire qu'il était obligé d'y adhérer même s'il était d'avis qu'il n'avait pas à se retrouver dans cette position. Ici, le fait qu'il soit policier n'avait aucune stricte importance : le statut de patient rendait tout le reste ridiculement peu important. Les médecins avaient autorité sur le moindre de ses faits et gestes… Et les conséquences qui allaient avec.

- A vrai dire, c'est madame McCall qui nous a conseillé de vous maintenir… Sous contrôle, finit par avouer le médecin. Elle dit que, même blessé, vous ne savez pas tenir en place. Force est de constater qu'elle vous connaît bien.

Forcément, Melissa avait eu vent de son hospitalisation… Si jamais elle décidait de passer le voir, Stiles n'hésiterait pas à lui dire le fond de sa pensée. Tout comme il savait cette mesure restrictive, il avait conscience du fait que cette femme, une sorte de deuxième maman, tenait à lui. Puis elle le connaissait depuis des années : les quatre cents coups, il les lui avait faits, avec et sans Scott. Outre le fait qu'il avait tendance à éviter l'hôpital, il était vrai qu'il faisait généralement tout pour éviter que l'on entrave ses mouvements, sa liberté d'aller et venir, qu'importe son état. La différence, c'est qu'il ne cherchait cette fois-ci pas à fuir les potentiels soins qu'on pouvait lui apporter.

Il désirait juste ardemment voir son père. Pas seulement avoir de ses nouvelles, pouvoir… L'avoir près de lui. Être certain qu'il allait bien. Parce qu'on ne lui disait rien, ou pas grand-chose. Stiles refusait de se contenter du maigre « nous avons stabilisé l'état de votre père » que lui avait servi le médecin, le même qui regardait sa main menottée au lit avec remord. De fait, Stiles n'arrivait pas à penser à autre chose qu'à cette idée, ce besoin. Il aurait bien forcé pour tenter d'arracher la barre du lit à laquelle il était accroché contre son gré… Si l'on n'avait pas profité de sa courte inconscience pour, en plus de l'entraver de façon physique, lui administrer un sédatif suffisamment puissant pour lui retirer ses forces, mais pas assez pour lui faire perdre connaissance.

L'on avait fait attention à la dose pour pouvoir discuter avec lui, l'avoir conscient. Même si l'on savait qu'il devait récupérer, il lui fallait aussi coopérer… Et lui donner les informations qu'il désirait, de sorte à le calmer, le dissuader de tenter de se lever à nouveau. L'on voyait à ses yeux qu'il avait certains souvenirs des évènements qui l'avaient conduit à se retrouver dans cette chambre de soin et il valait mieux pour tout le monde le soulager autant sur le plan psychique que physique.

- Je veux voir mon père, articula péniblement Stiles.

Les mots lui étaient venus facilement : c'était les sortir qui avaient revêtu pour lui une immense difficulté. A la sécheresse qu'il ressentait au niveau de sa bouche, à l'irritation de sa gorge, il devinait que l'on avait dû l'intuber, peut-être pendant quelques heures. Il songea rapidement avec angoisse à un potentiel réveil avec un tube dans la gorge – lui permettant de respirer, certes. Sans doute aurait-il fait une crise de panique et quelque autre bêtise qui l'aurait conduit à finir de la même façon qu'il se trouvait actuellement : entravé, privé de sa totale liberté de mouvement. Il en vint vaguement à envier la force surnaturelle de ses amis loups-garous. Derek, Scott, Peter… Ils n'auraient fait qu'une bouchée de cette menotte de pacotille.

Le médecin près de lui prit un air désolé que Stiles interpréta comme faux. Car désolé, l'homme ne l'était pas vraiment. L'hyperactif n'était pas stupide et savait fort bien que dans le monde hospitalier, l'empathie était de mise et si l'on ne l'était pas naturellement, il fallait la simuler pour le patient.

Or, Stiles détestait l'idée que l'on puisse lui mentir… Se montrer faux face à lui. C'était d'autant plus vrai qu'il était tendu et qu'il attendait une réponse qui ne venait pas.

- Je regrette, monsieur Stilinski, mais cela ne va malheureusement pas être possible.

Stiles sentit presque instantanément une flamme naître en lui : non pas celle de la colère, mais celle de la contrariété… Qui pouvait se muer en ire. Tout dépendrait de la tournure que prendrait ce semblant de conversation. Pourtant, Stiles n'était pas du genre à s'énerver si vite. Il avait toujours préféré la réflexion à l'impulsion, la violence. Parfois, il agissait mal, en laissant son excitation parler… Mais jamais si cela pouvait occasionner le moindre dégât, la moindre souffrance. Il faisait en tout cas cela dans la mesure du possible et s'en voulait amèrement lorsqu'il en venait à mal faire.

Mais là, il réfléchissait peu, ses pensées étant presque exclusivement tournées vers son père. Ses émotions, elles avaient le pouvoir de régner, de le faire agir sans qu'il le voie venir.

Finalement, cette menotte qui le retenait au lit n'était peut-être pas une si mauvaise chose… Et cette pensée-là ne venait pas de lui. Stiles n'avait toutefois pas assez conscience des choses pour le remarquer.

- Votre père est toujours au bloc, ses soins prennent… Un peu plus de temps que prévu, expliqua le médecin après avoir remonté ses lunettes sur son nez.

- Il est sorti d'affaire… ?

Stiles détesta sa voix, sa gorge, ses difficultés à parler. C'était véritablement dur… Un petit calvaire rendu d'autant plus difficile à appréhender que l'antidouleur qu'on lui avait administré était fort et l'obligeait à mâcher ses mots. Il en avait vraiment la bouche pâteuse. Insupportable fut le premier mot qui lui vint à l'esprit et qui caractérisait au mieux, selon lui, sa condition actuelle. Impossible pour lui de se lever, d'aller voir son père, de parler correctement… Voilà son enfer personnel. Il ne pensait même pas au traumatisme qui grandissait en lui, à la violence de l'agression qui le marquerait au fur et à mesure que passerait le temps. Il ne se souvenait même pas de la chose en détail : juste du principal, de quelques images ici et là qui suffisaient à reconstituer grossièrement à elles seules la raison de sa présence ici.

Stiles n'avait pas besoin des détails.

- Je ne vous cache pas que son pronostic vital reste engagé, mais nos équipes ont des raisons de penser qu'il pourrait s'en sortir. L'appel que vous avez passé aux urgences est peut-être ce qui le sauvera. Il nous a probablement permis de prendre en charge votre père à temps.

Contrairement à Stiles, l'homme n'avait aucune difficulté à parler. Il faisait même des efforts pour bien articuler ses mots, de sorte à les rendre les plus intelligibles possibles car si son patient semblait conscient et lucide, il ne savait pas à quel point – et tenait à ne pas prendre le risque de ne pas être compris.

C'est alors qu'il le vit froncer les sourcils – une confusion certaine gagnait son visage.

- J'ai appelé les urgences… ?