Journal de la revieweuse

Lilinnea: Si seulement Ysée n'était qu'un hérisson... XD Je n'ai pas développé plus la «carrière» littéraire de la demoiselle, mais oui, on peut dire qu'elle se débrouille ;) J'adorerai faire un truc basé sur le pitch de Droit au Coeur, il y aurait de la matière mais non, ne me rajoutons pas du taff en plus. XD
Tu as tout à fait raison, j'adore et fonctionne au bonding et l'une de mes plus grandes angoisses quand je fais de la romance entre deux persos non-pairing de base, c'est que le rythme aille trop vite et que les interactions ne passent pas bien. Je vais peut-être trop lentement mais j'ai la conscience de me dire grosso modo « Au moins, ils sont tombés dans les bras l'un de l'autre après avoir échangé un peu plus qu'un simple bonjour». Et avec un perso aussi fermé qu'Ysée, c'est encore plus difficile...

Un de mes chapitres préférés ici, je vous laisse découvrir pourquoi.


CHAPITRE 13 - MALGRÉ MOI

Ce fut avec une nouvelle insomnie, le bruit des chariots des infirmières dans le couloir et un décompte minute par minute qu'Ysée fut la première à pouvoir se souhaiter un joyeux anniversaire à sept heures et quart précises le lendemain matin.

« Happy birthday to me... » murmura-t-elle avec un bâillement à s'en décrocher la mâchoire.

Elle n'avait pas encore de bougies à souffler mais elle avait envie de prendre un peu d'avance pour faire un vœu de praticité : avoir un sommeil plus lourd doublé d'une capacité à s'endormir immédiatement. Ce n'était certes pas son vœu le plus cher, mais après avoir passé deux nuits difficiles sans le douillet et le silence d'une chambre normale, le besoin s'en faisait ressentir. Quant à un vrai vœu à faire... bah. Il lui faudrait patienter jusqu'au traditionnel repas de famille avec ses parents et Nell quand cette dernière rentrerait de Detroit.

Vingt-quatre ans et il fallait que ce soit pendant le voyage d'affaires de sa sœur aînée et avec un arrêt maladie en prime. Certes, sa journée ne s'annonçait pas des plus festives mais Ysée avait grand hâte de quitter l'hôpital, ne serait-ce que pour retrouver son environnement habituel et se reposer.

La jeune femme se saisit de sa tablette et s'attela alors à reprendre son brainstorming pour consigner quelque part les quelques idées d'histoires qui avaient fait irruption dans sa tête au détour d'un pied-de-nez du sommeil. Pourquoi son esprit littéraire se mettait-il surtout en branle au moment de dormir ?

La matinée prit doucement place. Le soleil qui brillait déjà bien vivement dehors laissait présager une nouvelle chaude journée, ce qui n'était pas pour déplaire à Ysée. Très souvent, il ne faisait pas beau le jour de son anniversaire. Elle aurait tout le loisir de paresser sur la terrasse de Nell à son retour.

Vers dix-heures du matin, le ballet de messages et de coups de fil de la famille et des amis commença et permit à la jeune femme de se sauver un peu de la solitude en s'occupant l'esprit autrement.

En début d'après-midi, son impatience grimpa d'un cran. Reis ne devrait plus tarder pour venir la chercher. Elle avait hâte de rentrer. Cette pensée enthousiaste lui donna la force de faire sa première tentative de se lever du lit pour faire quelques pas et se réhabituer à la posture debout. Une sensation d'inconfort demeurait du côté droit de sa hanche, mais rien de bien méchant.

Forte d'avoir retrouvé une mobilité, Ysée en profita pour s'habiller, préparer ses affaires pour son départ et passa le temps qu'il lui restait sur le visionnage du dernier épisode de son k-drama du moment, Longest Promise.

Quand Reis toqua à la porte de sa chambre sur les coups de quinze heures, la jeune femme accueillit sa venue comme une délivrance.

« Je pensais te voir plus tôt, avoua-t-elle pendant que l'androïde prenait son sac de vêtements.

_ J'ai été retenu plus longtemps que je ne le pensais », répondit celui-ci.

Ysée ne chercha pas à insister. Quoi qu'ait pu demander Nell à Reis, ce devait être très important si cela ne pouvait pas attendre son retour en France.

Après les dernières formalités de sortie, les deux jeunes gens quittèrent enfin l'hôpital et repartirent via le taxi que Reis avait appelé avant de venir chercher Ysée.

Le visage rayonnant de cette dernière quand elle passa le seuil de la porte d'entrée avec Siam qui l'accueillit pour la renifler avec ferveur en disait long sur sa joie de rentrer. Sa bulle de train-train rassurant allait se reformer pour son plus grand confort.

« Qu'est-ce qui te ferait plaisir pour ton retour ? l'interrogea Reis en refermant la porte derrière eux.

_ Une sieste ! s'exclama l'humaine comme elle aurait désigné la chose la plus plaisante au monde. Avec un oreiller familier et du calme.

_ Très bien. Je te réveillerai pour le dîner.

_ Ne t'embête pas, je mettrai une alarme sur mon téléphone. »

L'androïde l'observa monter l'escalier, pris en tenailles. Il avait beau se réjouir par avance de la surprise qui s'annonçait, sa satisfaction se galvaudait d'une pointe amère qui ne l'avait pas quitté depuis la veille. Il ne pouvait compter que sur sa binarité de machine pour s'empêcher de voir sa protégée autrement que comme un miroir au reflet déformé, maintenant qu'il en savait un peu plus sur elle. Quand il regardait Ysée, il s'interrogeait, encore et encore.


Quand sa sieste prit fin au son d'une alarme près de sa tête, Ysée avait l'impression qu'elle venait à peine de poser la tête sur son oreiller. Néanmoins, par le faible changement de luminosité qui filtrait au-travers de la baie vitrée en verre intelligent, l'endormie réalisa que l'heure avait en effet tourné.

Les traits un peu brouillons, elle éteignit son réveil. Dix-huit heures. Cela lui donnerait le temps de mieux émerger avant le dî...

Elle s'immobilisa en découvrant une grande boîte plate joliment enrubannée posée plus loin sur son lit. Un sourire sur les lèvres, elle se redressa et prit la petite carte qui était coincée sous le ruban.

« Quand je l'ai vue, j'ai aussitôt pensé à toi. Même si je ne peux pas fêter ton anniversaire avec toi, ça me ferait plaisir que tu te fasses jolie et que tu la portes aujourd'hui.

Je t'embrasse fort, ma petite sœur adorée.

Nell »

Le sourire d'Ysée s'agrandit. Elles n'avaient peut-être pas grandi ensemble mais sa sœur aînée se donnait du mal pour ne pas donner cette impression. Curieuse comme une petite enfant, la jeune femme se dépêcha d'ouvrir le présent.

La boîte renfermait une ravissante robe d'été d'une grande marque qui fit ouvrir de grands yeux à son heureuse nouvelle propriétaire. Fluide, élégamment cintrée et faite de voilages vaporeux avec des motifs bohèmes discrets, cette jolie pièce eut le don de réconcilier Ysée avec son hésitation à porter des robes. Quand elle se glissait dans des vêtements trop féminins, elle se sentait gauche. Mais cette robe-ci cochait toutes les cases pour la rassurer et la mettre en confiance.

La jeune femme se hâta d'enfiler l'habit et prit autant plaisir à s'observer dans le miroir que de tourner sur elle-même pour apprécier les mouvements du tissu. Savoir qu'elle n'avait pas été complètement oubliée pour son anniversaire lui faisait plaisir, même si attendre la vraie réunion de famille ne la dérangeait pas. Elle se prit en photo dans le reflet et envoya le cliché à Nell avec de longs remerciements ravis.

Emportée par son élan heureux, Ysée prit le temps d'accessoiriser sa tenue avec quelques bijoux avant de se réarranger rapidement par un brin de toilette et éviter d'avoir le teint trop enfariné. Ce serait dommage, avec une tenue griffée.

L'heure du dîner approcha suffisamment pour que Reis l'appelle depuis le rez-de-chaussée. Après un dernier coup d'œil d'inspection générale, la jeune femme quitta sa chambre et descendit.

Reis attendait sa protégée au pied des marches et le regard attentif qu'il posa sur elle en la découvrant joliment habillée fit ralentir le pas de l'observée en plus de lui faire baisser le nez de timidité.

« C'est... un cadeau de Nell, dit-elle d'une petite voix en se triturant nerveusement les mains.

_ Je sais. C'est moi qui suis allé la récupérer au magasin pour elle. »

Quand il avait vu le modèle, Reis avait prévisualisé le rendu final sur Ysée et savait par avance que ce serait parfait mais il ne s'attendait pas à ce que la réalité ne l'accapare autant. La coupe cintrée mettait en avant la grande taille et la minceur de son mannequin et les motifs simples seyaient à la perfection à son humilité en évitant le clinquant trop tape-à-l'œil.

« Tu es ravissante », lui sourit-il sans pouvoir la délester de ses yeux posés sur elle.

La gorge subitement plus étriquée, Ysée lissa un pan de sa robe et regarda ailleurs.

« B-Bah. N'importe qui avec un peu de maquillage ou un vêtement un peu classe peut...

_ Ysée Wiley. Non. »

Elle se tourna vers l'androïde avec surprise. Il la toisa d'abord d'un air réprobateur avant de pencher la tête sur le côté, plus indulgent.

« Il n'est pas question d'entendre de mauvaises choses sur toi aujourd'hui. Tu es jolie, c'est ton anniversaire et je compte m'acquitter de ma mission en te faisant passer une bonne soirée, alors, pas de mauvaises pensées. »

Son interlocutrice ouvrit la bouche pour répondre mais son regard attrapa par hasard d'étranges lumières au niveau de la terrasse. Ayant remarqué que sa surprise avait été partiellement découverte, Reis l'invita à aller voir, ce qu'elle s'empressa de faire.

Ses yeux s'agrandirent d'ébahissement en voyant qu'une multitude de lampions colorés éclairaient le jardin et l'espace autour d'une table joliment dressée de belle vaisselle, le tout sous une musique de fond composée des nombreuses playlists de la fêtée du jour. Ysée demeura bouche-bée, figée dans une tiédeur qui l'empêchait de s'exprimer.

« C'est...

_ Surprise. Nell m'a alloué un budget pour que je puisse organiser un petit quelque chose, histoire de ne pas te laisser sans rien avant votre repas de famille tous ensemble, expliqua Reis en contemplant son travail. Je me suis dit qu'après ton séjour enfermée à l'hôpital, un peu d'air te ferait plaisir. J'ai commandé japonais, j'espère que ça te plaira. »

Une nouvelle vague s'abattit sur elle. Elle n'en revenait pas. Ce dîner improvisé... c'était de lui ? Voilà donc les fameuses tâches demandées par Nell ?

Reis s'inquiéta un peu du silence qui lui revint. Un regard de biais vers sa voisine lui indiqua qu'elle s'était complètement statufiée, les yeux fixes dans le vague et brillants.

« Ysée... ? »

Elle déglutit comme elle put et tourna la tête vers lui. Ses paupières bataillaient pour continuer de faire barrage à l'émotion qui échauffait ses yeux.

« Merci, Reis, souffla-t-elle, les mots un peu tremblants. C'est parfait. »

Pendant le repas, Ysée ne put se défaire de cette douce langueur qui l'engourdissait et la faisait tourner au ralenti alors que les succulents plats de ce traiteur japonais haut de gamme avait de quoi mettre à genoux ses papilles gustatives avec extase. C'était tel qu'elle en occultait le fait d'être encore seule à en profiter. Assis en face d'elle, Reis ne mangeait certes pas mais il se délectait de ce sourire constant qui ne quittait pas le visage de son invitée. Ses yeux pétillaient de joie et d'émotions et ce tableau n'avait pas de prix pour lui.

L'air était doux juste comme il le fallait, l'ambiance tamisée par les lampions dans la lueur du soir appelait à la détente et les musiques suaves en fond sonore sublimaient l'ensemble. Tout ce qu'Ysée appréciait dans la vie était là et cela valait tous les cadeaux du monde.

Chaque fois qu'elle se hasardait à lever les yeux vers lui, Ysée rencontrait le vert des iris de Reis dirigé sur elle ainsi que son air bienheureux face à sa bonne humeur. Elle devait avoir l'air bête à s'extasier comme une enfant.

Elle baissa les yeux sur ses genoux pour rassembler un semblant de raisonnement.

« C'est... une très belle surprise que tu m'as faite, Reis.

_ Avec Nell, précisa-t-il de sa neutralité ordinaire.

_ Non. Nell t'a juste donné les moyens. C'est toi qui as pensé et préparé tout ça et c'est... Enfin... À part la famille, personne ne m'a jamais fait ça. Et encore moins de façon si bien ciblée. »

Il tiqua, un peu étonné. Personne ? Même pas une meilleure amie ou un ancien petit ami ?

Elle secoua la tête. Sa meilleure amie vivait aujourd'hui à l'autre bout du pays et elle ne fréquentait pas assez les autres personnes qu'elle qualifiait d'amis pour avoir droit à ce genre d'attentions.

« Et pour ce qui est des ex, attention spoilers, ma vie sentimentale est une catastrophe, avoua-t-elle avec un rire jaune. Je t'épargnerai les détails. » Elle se pencha sur la table vers Reis et baissa la voix sur un ton de connivence très sérieux. « Je crois qu'on nous ment un peu. Les histoires d'amour ont l'air plus simples à la télé ou dans les livres. »

Reis se força à essuyer un sourire qu'il ne parvint pas à transformer en rire face à cette plaisanterie qui n'était qu'une nouvelle pirouette pour masquer une déception. Face à ce triste aveu, la pointe acérée de culpabilité se rappela au bon souvenir de l'androïde. Il était ironiquement paradoxal qu'une amoureuse malchanceuse soit aussi efficace et prolifique pour créer des récits romantiques pour son lectorat d'anonymes.

Le caractère introverti d'Ysée était-il la cause de ses échecs sentimentaux ? Reis se posait assurément la question. Sa protégée jouissait pourtant de qualités qui la rendaient attractive, pour peu qu'elle se laisse un peu approcher.

Son sourire en demi-teinte retrouva un peu de chaleur quand il lui désigna d'un geste du menton le téléphone portable de la jeune femme posé sur la table.

« Alors j'espère que l'autre petit cadeau que je me suis permis de te faire en plus avec ce qui me restait de budget te plaira. Il me semble que tu as reçu un message. »

Ysée arqua un sourcil gentiment intrigué à l'adresse de son voisin alors qu'elle s'emparait de son téléphone. En effet, sa messagerie indiquait la réception... d'une vidéo ? Elle appuya sur l'objet sobrement intitulé « Bon anniversaire » et une vidéo se chargea.

Ses yeux s'écarquillèrent comme des soucoupes et sa mâchoire manqua de tomber par terre. Elle n'avait pas la berlue ? Est-ce que c'était bien une vidéo d'Axel Fansac, son comédien de doublage préféré, qui était en train de lui souhaiter un bon anniversaire, armé de sa meilleure voix ?

« AH ?! s'écria-t-elle comme une gosse. Une vidéo personnalisée d'Axel Fansac ?! Juste pour moi ? J'y crois p... Aïe ! »

Le sursaut surexcité qui l'avait secouée ne fut pas du goût de sa cicatrice au ventre qui se crispa dans son mouvement. Ysée réprima la douleur dans le plus grand sourire que Reis eût jamais vu.

« Oh, Reis ! C'est... ! Je n'ai pas de mots ! Non mais, regarde-moi, j'ai à nouveau douze ans, là ! C'est vraiment... ! »

Sa joie régressive et désinhibée rencontra un visage empreint d'une douceur attendrie qui la sortit de sa bulle. Ysée tempéra ses fervents élans de fan et se pinça les lèvres pour se reprendre mais la tâche ne fut pas aisée car elle ne pouvait s'empêcher de sourire comme une enfant à Noël.

« Ahem. Oui, bon. On repassera pour la prise de maturité avec l'âge, hein, s'excusa-t-elle en lissant une mèche de cheveux entre ses doigts.

_ Ça me va très bien. C'est comme ça que je te préfère », répondit son hôte avec naturel.

Elle rentra un peu la tête dans les épaules, le teint légèrement coloré.

« Comme ça comment ?

_ Naturelle. Sans réfléchir. »

La jeune femme s'accorda un sourire d'indulgence un peu désolé.

« Dommage que ce ne soit pas ma facette la plus visible. On ne peut pas dire que je suis dominée par une aura de golden retriever... » nuança-t-elle.

En prononçant ces mots, Ysée réalisa encore que Reis avait eu accès à bien plus d'elle que beaucoup d'autres dans son entourage. Cette pensée lui fit tout drôle. Sans doute n'avait-elle jamais été aussi « elle » face à un quelqu'un.

L'androïde lut sur le visage de l'humaine son léger trouble.

« Tu es un ensemble complexe, je le reconnais. Mais chaque facette de toi apporte quelque chose et je trouve dommage que tu n'en vois que du négatif, regretta-t-il. Comment expliques-tu ta répulsion envers les compliments ? »

Elle fit la moue en tordant la bouche.

« Peut-être parce qu'indirectement, ils m'imposent une forme de pression. Un « devoir » de me montrer à la hauteur alors que mon sentiment profond est de ne pas l'être. Et au final, les gens sont déçus. »

Reis associa aussitôt un nom à ses dires : le syndrome de l'imposteur. Il n'en voyait pas l'origine cependant. Ysée n'avait souffert d'aucune comparaison avec sa brillante sœur aînée, ses parents étaient de ceux qui adoraient leurs enfants au lieu de les rabaisser... en quoi ne valait-elle pas ce qu'elle représentait ?

Elle aussi entre ses pensées, Ysée se rendit vite compte qu'elle avait jeté un froid alors que son hôte androïde s'était donné beaucoup de mal pour lui faire plaisir. Hors de question de gâcher la soirée. Elle se racla un peu la gorge pour se reprendre.

« Ceci dit... » Elle fit silence, à la recherche de comment formuler ce qui la traversait. « Je... m'aime un peu plus quand tu es là. »

Son interlocuteur cilla de douce surprise et à en juger l'ébauche de sourire intimidé qu'Ysée tentait de dissimuler, elle lui disait la vérité. Il était sur la bonne voie et cette pensée le galvanisait au-delà de ce qu'il aurait cru.

Il se leva de table et alla se poster aux côtés de sa protégée.

« Dans ce cas, accepterais-tu un dernier cadeau improvisé ? »

Il s'inclina un peu et lui offrit sa main. Ysée alterna quelques secondes entre lui et la paume qu'il lui présentait sans comprendre avant de réaliser que le fond sonore avait transité sur sa playlist intitulée Romantic & Emotionnal, celle qu'elle écoutait en boucle pour s'aider lors de ses sessions d'écriture ciblées sur les sentiments de ses protagonistes. Elle rosit malgré elle.

« T-Tu veux danser ?

_ Es-tu gênée parce que je suis un androïde ? supposa Reis de sa candeur neutre habituelle.

_ Pas du tout. »

Elle se surprit de la rapidité et de la ferveur avec laquelle elle venait de lui répondre. Elle baissa les yeux sur cette paume face à elle. Elle avait beau savoir que sous cette peau, il n'y avait que du plastique, sa tête isolait de manière imperméable le fait d'avoir un robot face à elle.

Ysée déposa une main hésitante dans celle de Reis et se leva, bien consciente du sourire satisfait qu'il lui adressait en dépit de l'interdiction qu'elle se faisait de le regarder.

D'un habile et élégant mouvement de traction qui attira la main scellée de la jeune femme derrière son épaule, l'androïde fit en sorte que sa cavalière soit obligée de s'approcher de lui pendant qu'il la capturait d'un bras autour de la taille.

Cette dernière eut un blanc dans son esprit, trop sidérée par cette feinte qui l'avait prise au dépourvu. Se refusant à perdre la face, elle accorda à l'androïde un sourire de bonne perdante tandis qu'il récupérait son autre main valide dans la sienne.

« Pas mal, le complimenta-t-elle avec le plus d'indolence possible en dépit de ses joues roses. Tu me permets de te piquer ça aussi pour une de mes histoires, si l'occasion s'en présentait ? »

Reis prit garde de ne pas faire fluctuer son expression faciale. Bien sûr qu'elle en aurait l'occasion ; elle le ferait peut-être même dès son prochain chapitre... Il ravala la pointe de culpabilité qui revenait le titiller d'un hochement de tête d'approbation.

« Un prénom provenant d'un de tes écrits, une réplique à réutiliser et maintenant ça ? Je suis flatté. »

La jeune femme laissa un rire nerveux s'échapper pour espérer soulager ce trac qui raidissait ses membres. C'était comme si un voile de chaleur venait de se plaquer sur l'ensemble de son corps et enrubannait son visage. Son dernier slow remontait à quoi ? Ses onze ans, en colonie de vacances ? Et il n'avait rien à voir avec cet échange plus intimiste dans lequel l'entraînait Reis. Reis qui était un robot. Comment un robot faisait-il pour...

« Shhh... souffla ce dernier qui entendait presque la ruche dans la tête de sa cavalière. Arrête de penser. »

Le bouton off qu'Ysée appelait de ses vœux se matérialisa quand l'androïde accota doucement sa tempe contre la sienne. Sa chaleur lui fit l'effet d'une onde qui se propagea au reste de ses membres pour en supprimer l'appréhension qui les engourdissait. Une fois encore, Reis faisait une brillante démonstration de sa prodigieuse facilité à contourner les défenses pourtant toujours bien dressées de sa protégée.

Le balancement lent de leurs pas, la tiédeur de la nuit et le toucher éthéré et respectueux de son cavalier eurent petit à petit raison du cerveau trop alerte de l'humaine qui finit par se laisser porter par la musique. En quelques instants, elle était passée d'une hésitation angoissée à un début de sérénité. Toutefois, son inconscient hyper-productif ne pouvait s'empêcher de tourner en fond de tâche.

« Reis...

_ Hmm ? »

Il écarta la tête pour la regarder mais Ysée retint sa pensée de se concrétiser verbalement. Reis avait pensé qu'elle trouverait étrange de danser avec un androïde, mais lui ? Cela lui faisait-il quelque chose de se retrouver ainsi avec elle ? Sans doute rien. Car les androïdes ne ressentaient pas.

Ils se sondèrent, chacun à se demander ce qui se tramait derrière ces yeux clairs à la fois flous et perçants. Leur danse s'était interrompue mais ils n'avaient osé se libérer l'un de l'autre. Ne demeuraient alors que cette douce langueur et les notes délicates d'un piano-voix qui les berçaient.

Reis sentit les doigts d'Ysée se resserrer faiblement sur sa main et la course accélérée de son sang à travers eux. Lui-même avait l'impression que son flux de thirium filtrait plus rapidement dans ses biocomposants et il notait une légère augmentation d'activité de son système de refroidissement. Le temps de remarquer tout cela, il réalisa que son visage et celui d'Ysée se rapprochaient de plus en plus.

Le clignement de paupières qu'il eut tout à coup cessa de faire clignoter sa LED furieusement.

Son mouvement ralentit et il inclina la tête de côté pour déposer un long baiser sur la joue de la jeune femme.

« Bon anniversaire, Ysée. »

Elle entendit à peine ce murmure au milieu du fourmillement qui crépitait dans sa tête et du martellement de son cœur qui devait ressortir à travers sa gorge. Quand sa raison réintégra son enveloppe charnelle, Ysée vit que Reis s'était séparé d'elle et il ne lui restait plus que la sensation que tout son sang était tombé dans ses chevilles.

« Dessert ? proposa-t-il de son affabilité naturelle. Si tu as encore de la place pour des mochis ? »

Son corps s'anima tout seul dans un réflexe instinctif et elle opina du chef comme un automate.

« B-B-Bien sûr, cette question... »

À peine Ysée terminait-elle sa phrase que Reis était déjà reparti à l'intérieur sans se retourner. Sa gorge s'étriqua tellement qu'elle peina à déglutir.


Déviance, déviance... Autant d'un côté que de l'autre, hé hé ! Je précise toutefois, non, Reis n'a pas encore basculé totalement. Vous le saurez quand ce sera le cas, je vous le garantis.

Mon premier vrai premier coup de pression entre eux. Je vous préviens, je suis adepte du yoyo...

Comment vont-ils gérer l'un et l'autre cet acte manqué? Réponse au prochain chap!