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Les images du corps nu du garçon défilaient en boucle dans son esprit. Il se souvenait, avec délice, des muscles tremblant sous ses caresses, des gémissements étouffés, du désir brut qui les avaient consumés. Un souffle moqueur et désabusé s'échappa de ses lèvres : il était foutu. Un Sang-Pur qui s'éprenait d'un moldu. Il était bon à faire enfermer. Ou pire encore, à finir comme ces traitres de Weasley, à lécher les pieds des non-mages. Le destin était décidément pire qu'une fille de joie.
« Lucius. Tu m'écoutes ? »
La voix froide de Severus le sortit de ses pensées.
Lucius releva les yeux, croisant le regard perçant de son ami. Severus avait croisé les jambes et tapotait avec agacement ses doigts sur la table, une expression de mépris sur le visage. Il était son seul véritable ami, le seul à qui il avait révélé sa position exacte.
« Le Seigneur est furieux, » reprit Severus avec humeur, « et des rumeurs idiotes circulent sur ta prétendue mort. » Son regard se fit plus sévère alors qu'il jetait un coup d'œil dégoûté à l'appartement exigu. « Qu'est-ce que tu fous dans ce taudis, déjà ? »
Lucius esquissa un sourire. Il avait toujours apprécié la franchise brutale du professeur. « Je vis chez le garçon qui m'a soigné. »
« Ne sois pas ridicule. »
Le silence s'installa entre eux. Severus, voyant qu'il ne plaisantait pas, se frotta l'arête du nez avec exaspération : « Bon sang ! Lucius ! Qu'est-ce que tu es en train de me faire ? »
« Tu as ce que je t'ai demandé ? »
Severus le fixa sans bouger quelques secondes, puis il ouvrit, avec un soupir résigné, un pan de son manteau pour en tirer une fiole de verre au liquide noir, visqueux : « Fais attention quand tu l'utilise. Tu ne voudrais pas entrer en contact avec ce truc, tu peux me croire. Personne ne le voudrait. »
Lucius sourit, reconnaissant : « Oui. Je te remercie. »
Severus le scruta, glacial : « Tu comptes revenir ? »
« Oui. Dès que j'aurai fini de me débarrasser des parasites qui m'ont presque tué. »
« Ne prends pas trop ton temps, tu veux ? Plus tu traines ici et plus la punition que tu recevras sera violente. Où es le moldu ? »
Lucius resta silencieux un instant, pesant ses mots : « Dehors. Il se promène. »
Les yeux de Severus s'écarquillèrent de stupeur : « Il se promène ? Lucius ! Tu ne le connais pas ! Et s'il révélait ta position ? »
Lucius secoua la tête : « Il ne le fera pas. »
Severus se pencha en avant, accusateur : « Comment peux-tu laisser tes prisonniers sans surveillance ? »
« Ce n'est pas mon prisonnier. »
Severus se tut sous le choc de la révélation. Il jeta un regard de pure pitié à Lucius. Quelques secondes s'écoulèrent ainsi. Le blond s'empara d'une tasse de thé et la porta à ses lèvres.
« Il n'est pas mon prisonnier. » répéta-t-il comme s'il cherchait à s'en convaincre lui-même.
« Débarrasse-toi du moldu avant de le regretter. Tue-le ou Oubliette-le. C'est un conseil d'ami. Tu ne peux pas te permettre, dans ta position, de t'attacher à qui que ce soit. Toi et moi, nous sommes destinés à la solitude. »
« J'ai une famille… » marmonna Lucius peu convaincu.
Severus ne montra aucune pitié : « Tu n'as pas de famille. Tu as une façade. Une confond pas tout. »
« Mais ce garçon… » tenta-t-il faiblement, cherchant encore une justification à ce qu'il savait être une dangereuse obsession.
« Lucius. Ce moldu est une corde autour de ton cou, une arme que le Seigneur utilisera contre toi. Ne te mens pas à toi-même. »
Lucius garda le silence, les doigts crispés autour de la tasse de thé.
Les mots de Severus étaient un rappel brutal de la vie qu'il avait choisie, ou peut-être de celle qui l'avait choisi. Il savait que le potionniste avait raison. Mais savoir ne changeait rien à ce qu'il ressentait, à ce désir de plus en plus insupportable de protéger ce qu'il n'aurait jamais dû laisser entrer dans sa vie.
Le potionniste planta son regard dans celui de Lucius, exaspéré : « Écoute, je me fous que tu baises un non-mage. Tu peux bien faire ce que tu veux de ton corps. Mais ne te laisse pas dominer par tes émotions. Le chemin que nous avons choisi ne nous le permet qui que ce soit l'apprends… tu… »
« Nous pourrions le tuer. » Lucius l'avait coupé abruptement, ses pensées se précipitant hors de sa bouche avant même qu'il ne les ait pleinement réfléchies.
Severus le fixa, incrédule, comme s'il venait de prononcer la chose la plus insensée qu'il ait jamais entendue : « Qui ? »
« Le Maître. Toi et moi. Ensemble. »
Un nouveau silence s'abattit sur la pièce et Severus le regarda comme s'il était l'être le plus stupide de la Terre. « Et comment tu veux faire ça, génie ? Tu sais très bien ce que le Seigneur a fait de son âme. Nous ne sommes pas assez puissants, Lucius. »
« Tu es un excellent sorcier. Moi aussi. Ensemble nous… »
« Lucius ! Nous. Ne sommes. Pas assez. Puissants. »
« Alors… trouvons l'Ordre et… »
« Et quoi ? » Severus éclata d'un ton dégoulinant de sarcasme mordant. « Tu veux leur dire que le bras droit du Seigneur s'est entiché d'un Moldu ? Et qu'il veut renier tout ce en quoi il a jamais cru pour une histoire de cul ? Mais mon pauvre ami ! Ils te tueront avant que tu n'aies pu ne serait-ce qu'ouvrir la bouche ! »
Lucius serra les dents sous l'assaut verbal de son ami.
« Lucius. » reprit Severus d'une voix plus basse, presque apaisante, « Je comprends que tu sois perdu, que ce garçon te fasse ressentir des choses que tu n'as peut-être jamais ressenties auparavant. Mais ce que tu proposes… c'est du suicide. Nous n'avons pas la force de renverser le Seigneur, et l'Ordre ne te fera jamais confiance, pas après tout ce que nous avons fait. Nous sommes… tout seuls. Alors règle tes problèmes, remets ta vie en ordre et ensuite nous pourrons discuter de la suite des évènements. Et crois-moi, ça ne sera jamais 'toi et moi contre le Seigneur'. »
« Et si Harry Potter… »
Severus roula des yeux ; son exaspération atteignait un nouveau sommet : « Et si… et si… par pitié Lucius ! Arrête avec tes 'et si' ! Tu ne lis donc pas les journaux ? »
« Non…Tu sais bien que non. »
Le potionniste poussa un soupir agacé : « Potter est introuvable depuis des mois. Il y a des rumeurs, des tas de rumeurs. On l'aurait vu dans l'est, on l'aurait vu à Londres, on l'aurait vu en Irlande… Si j'écoutais tout ce qui se disait sur lui, j'apprendrais probablement, dans l'heure, qu'on l'a vu sur le canapé de ta grand-mère ! » Lucius grimaça à cette dernière remarque, mais ne dit rien. « Non, la vérité, » reprit durement son ami « c'est que ce garçon a probablement fui. Et ça serait la chose la plus raisonnable qu'il n'ait jamais choisi de faire. »
Lucius serra les poings : « Fuir... » murmura-t-il pour lui-même. « Ce n'est pas une option pour nous, n'est-ce pas ? »
Severus le regarda froidement : « Non, Lucius. Non, ce n'est pas une option. Ni pour toi, ni pour moi. Nous nous sommes trop profondément enfoncés dans cette merde. Tout ce que nous pouvons faire, c'est jouer nos rôles et espérer survivre un jour de plus. »
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Lucius s'appuya contre l'arbre, observant d'un œil indifférent les enfants qui se pressaient hors du bâtiment. « C'est laquelle ? » demanda-t-il d'une voix sans émotion, comme s'il discutait de la météo.
L'homme encapuchonné, à ses côtés, désigna d'un geste discret une enfant blonde et grassouillette qui sautillait joyeusement le long du trottoir.
« Celle-là. Le portrait de son père. Tarif habituel. Prix d'ami pour toi. »
« Ça vous enverrai ça d'ici trois jours. »
Sans un mot de plus, l'homme disparut, comme s'il n'avait jamais été là. Lucius ne fut même pas surpris. Le pouvoir, il le savait, ne résidait pas dans la force brute. Non, le véritable pouvoir, celui qui tenait les rênes du monde, se cachait dans les renseignements, dans la divulgation des secrets bien gardés. Et le réseau auquel il venait de faire appel était l'un des plus étendus et efficaces de tout le Royaume-Uni. Puissant, neutre, insaisissable. Même le Seigneur des Ténèbres n'avait jamais réussi à mettre la main dessus.
Lucius resta un moment immobile, les yeux fixés sur la fillette qui s'éloignait, puis il se décolla lentement de l'arbre et s'approcha d'elle. « Salut. »
La petite lui jeta un coup d'œil intéressé : « Salut. »
« Je viens pour ton père. Je dois venir te chercher. Tu m'accompagnes ? »
L'enfant secoua la tête : « Non. Papa me dit toujours de ne pas parler aux inconnus. »
« Oh, mais nous ne sommes pas des inconnus, tu te souviens ? J'ai un lien très très très fort avec ton papa. À la vie à la mort, comme on dit chez nous. »
La fillette, intriguée, tendit une main potelée pour toucher les longs cheveux dorés de Lucius : « Tu travailles avec papa ? »
« Oui. » Répondit-il en inclinant légèrement la tête. « Oui c'est exactement ça. Tu es vraiment très intelligente. Je travaille avec lui. »
« Et tu as des animaux ? »
Lucius attrapa la petite main dans la sienne : « Non. Je n'en ai pas. »
« Et des bonbons ? »
« On devrait pouvoir trouver ça. Ta maman est à la maison ? »
« Non. Elle est partie en voyage, papa il a dit. Elle reviendra dans tout ça comme jours. » Elle lâcha la main de Lucius pour tendre ses doigts sous son nez. Puis elle s'empara de nouveau de la main du blond. « Tes mains sont grandes. »
« Oui. On me l'a déjà dit. »
« Ma nounou elle vient pas aujourd'hui ? »
Lucius secoua la tête : « Non. Elle était très très fatiguée, alors j'ai dû l'aider à dormir. »
La petite fronça des sourcils avec sérieux : « C'est parce qu'il faut faire des siestes. Moi je fais toujours des siestes. Alors je ne suis jamais fatiguée. »
« Vraiment ? » murmura Lucius amusé. « Ça tombe plutôt bien alors parce que j'avais envie d'aller à la fête foraine. »
« À LA QUOI ? » hurla la gamine en trépignant sur place.
Lucius grimaça légèrement devant son enthousiasme débordant : « À la fête foraine. Tu m'accompagnes ? »
« ON Y VA TOUT DE SUITE ! »
Il s'agenouilla pour se mettre à la hauteur de l'enfant : « Oui. Mais seulement si tu arrêtes de crier comme ça. »
La fillette plissa les yeux, assimilant ses paroles, puis répéta d'une voix plus douce, presque un murmure : « On y va tout de suite ? »
Un sourire amusé se dessina sur le visage de Lucius : « Oui. On y va tout de suite. Est-ce que tu es d'accord si j'invite un ami ? »
La gamine jeta sur lui un regard curieux : « C'est qui ? Un autre monsieur qui travaille avec papa ? »
« Non. » Répondit Lucius en sortant son téléphone. « C'est juste mon amoureux. »
La fillette s'arrêta brusquement, lâchant la main de Lucius. Sa bouche s'ouvrit en grand, mais elle ne réussit qu'à murmurer, stupéfaite : « Tu as un amoureux ? »
« Oui. » confirma simplement Lucius.
« Pourquoi ? »
Lucius haussa légèrement les épaules : « Je ne sais pas trop. On s'aime bien, c'est tout. »
La fillette resta un instant silencieuse, ses grands yeux scrutant Lucius avec sérieux, avant d'hocher la tête avec conviction, comme si elle avait résolu le plus grand mystère de l'univers : « C'est parce que tu es très beau. »
« Oh ? Vraiment ? »
« Oui, bien sûr. Il a vu tes cheveux et il est tombé amoureux. » Répondit-elle avec un sérieux désarmant.
« Ah. C'était donc ça, la raison. »
« Évidemment. »
« Au fait, je m'appelle Lucius. Et toi, c'est quoi ton nom ? »
« Mira. »
Lucius leva la petite main de l'enfant vers ses lèvres, feignant un baise-main avec une élégance exagérée. « Enchanté, Mademoiselle Mira. »
La petite rougit de plaisir : « C'est très chic Lucius ! Tu ne dois pas faire ça à tout le monde, sinon tout le monde risque de tomber amoureux de toi. »
Lucius acquiesça gravement, comme s'il considérait ses paroles avec la plus grande attention : « Je comprends. Alors je ne le ferais qu'à toi. »
« Et à ton amoureux, aussi. »
« D'accord. C'est noté. »
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« Qu'est-ce que c'est que ça ? » Loki les fixait tour à tour, méfiant.
Mira le pointa du doigt avec assurance : « Nous allons à la fête foraine. Et toi, tu es l'amoureux de Lucius. »
« Qu… quoi ? » Le garçon recula d'un pas sous l'œil indifférent de Lucius.
La fillette plissa des yeux : « Alors tu n'es pas l'amoureux de Lucius ? Alors Lucius ne peut pas te faire un bisou sur la main. » Son ton était catégorique. Le jugement irrévocable.
Loki leva les yeux vers Lucius, complètement perdu, mais il se prêta au jeu : « Ah. C'est dommage alors. Parce que j'ai toujours rêvé que Lucius me fasse un bisou sur la main. Du coup, j'ai changé d'avis. Je veux bien être son amoureux. »
La situation semblait lunaire.
La petite, visiblement très satisfaite de cette tournure des événements, donna un coup de coude dans la jambe de Lucius : « Fais ton truc, maintenant. »
Lucius, feignant l'indifférence, s'exécuta. Il s'empara délicatement de la main de Loki, la portant avec élégance à ses lèvres. Il les laissa effleurer doucement la peau chaude du garçon, y déposant un baiser léger, presque imperceptible. Puis, sa langue traça discrètement un sillon brûlant là où il avait posé sa bouche.
Un sourire sournois s'esquissa sur son visage. Lorsqu'il se redressa et qu'il croisa le regard de Loki, il ne put s'empêcher de remarquer la rougeur qui s'était installée sur ses joues.
« Ça m'a fait la même chose. » Murmura la fillette en le regardant. « C'est parce que Lucius a de très beaux cheveux. »
« Oui. » Grinça difficilement Loki. « Oui, ça doit être à cause de ses cheveux. »
« J'en était sûre... »
Le garçon se racla la gorge pour reprendre contenance: « Alors. La fête foraine donc. On… y passe la soirée ? »
« Non. » répondit Lucius. « Juste un petit moment, le temps que je m'occupe d'une affaire. »
Loki fronça les sourcils : « Comment ça ? Ne me dis pas que tu as l'intention de… »
« C'est seulement pour quelques heures. »
« Tu ne vas pas me laisser la gamine, Lucius ? »
« Le temps de régler mon petit problème et je reviens. »
« Je rêve. » siffla Loki, visiblement furieux.
Lucius esquissa un léger sourire, tentant de le calmer : « Je suis certain que vous adorez la fête foraine. Et si vous êtes sage, je vous emmènerai quelque part ce soir. »
« Avec la gosse ? »
« Non. Juste nous deux. »
Loki le regarda un long moment puis soupira, agacé : « Ça a intérêt à valoir le coup, je te jure. »
Lucius se détourna mais quelque chose retint son manteau. Il tourna la tête pour croiser le regard goguenard du garçon : « Tu ne comptais tout de même pas partir comme ça ? Sans même avoir testé une attraction ? »
« Je suis pressé, Loki. »
« Oui… oui bien sûr. Tu es toujours tellement pressé. Mais tu vas prendre le temps, maintenant, n'est-ce pas ? Parce que tu n'as pas le choix. Sauf si tu veux te retrouver tout seul avec la gamine… »
Lucius serra les dents. L'affront se payerait. Le jeune homme leva une main vers le ciel, se moquant visiblement de lui : « Qui vote pour que Lucius fasse du manège avec nous ? »
La gamine leva les deux bras en l'air : « Moi ! »
« Moi aussi ! » renchérit le garçon avec un sourire espiègle. « Ça fait deux contre un ! On a gagné. »
« Ouais ! » Ils se tapèrent dans la main, complices, comme s'ils avaient remporté une grande victoire.
Lucius leva les yeux au ciel, résigné : « Un seul. Pas plus. »
Loki lui sourit, triomphant. « Pas plus… » répéta-t-il avec malice.
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La maison était plongée dans le noir. « Mira ? Tu es rentrée ? » Il jeta un coup d'œil à l'horloge murale. Il n'était que 19 heures. La gamine devait probablement être au parc avec la domestique.
Il soupira, fatigué, se débarrassant de sa cape qu'il suspendit avec soin à la patère du couloir, avant d'avancer jusqu'au salon. Les lourds rideaux bloquaient la lumière extérieure, plongeant la pièce dans une pénombre presque complète. Il se pencha pour ouvrir le petit buffet de bois sombre, révélant une collection de bouteilles parfaitement alignées.
Sans hésiter, il s'empara d'un verre et y versa une généreuse dose de whisky, observant un instant le liquide ambré avant de porter le verre à ses lèvres. Il ferma les yeux, savourant la brûlure familière de l'alcool qui coulait dans sa gorge, chassant brièvement la fatigue accumulée de la journée.
Un silence pesant régnait toujours, presque oppressant. Il ne pouvait pas s'empêcher de trouver cette absence étrange. Il fronça les sourcils. Quelque chose n'allait pas.
Il resta un moment immobile, écoutant le silence pesant qui l'entourait. « Mira ? »
« Elle n'est pas là. »
L'homme se retourna vivement pour braquer sa baguette sur l'inconnu qui se tenait dans l'ombre.
Malfoy.
Lucius se cala plus confortablement dans le fauteuil et croisa avec nonchalance les mains sur ses genoux : « Dis-moi, Mickaël, tu as déjà fait de la 'chenille' ? »
L'homme sentit un frisson glacé lui parcourir l'échine, ses doigts se crispèrent autour de sa baguette alors qu'il fixait l'intru avec une terreur à peine contenue. « Où es ma fille ? »
Lucius sourit légèrement : « C'est affreusement ennuyant. Ça tourne en rond pendant des minutes entières et ça donne juste l'impression que ta tête va exploser. Est-ce que tu as déjà vu une tête exploser, Mickaël ? »
La main de l'homme trembla : « Ma fille… »
Lucius inclina légèrement la tête : « Moi j'ai déjà vu ça, tu sais. Il y a longtemps. Le crâne du pauvre gars a enflé comme un ballon, jusqu'à ce que sa peau se déchire comme un fruit trop mûr. Tout s'est ouvert en deux, comme une vulgaire coupe anatomique… Le plus fascinant, c'est que ce pauvre homme était encore vivant, conscient de tout ce qui lui arrivait. »
« Qu'est-ce que tu veux ? »
Lucius tourna la tête, feignant la surprise et balaya la pièce du regard : « Où est ta charmante femme, au fait ? Mira m'a dit qu'elle revenait dans 'tout ça de jours'. » Il déploya lentement ses longs doigts devant lui. « Mais entre nous, entre amis, on peut bien l'avouer, elle ne reviendra plus, n'est-ce pas ? »
Mickaël serra les dents : « Écoute. Ce n'est pas moi qui ai monté le plan pour te tuer. Vois ça avec Otto. C'est lui le cerveau. »
Lucius laissa échapper un léger rire, glacé : « Oui… le cerveau. C'est amusant que tu le mentionnes, parce que le pauvre gars dont je te parlais tout à l'heure, celui dont la tête a explosé, et bien il… »
« FERME-LA ! PUTAIN, FERME-LA ! »
Lucius resta un instant silencieux, puis un sourire cruel se dessina sur ses lèvres. Son regard glacial transperçait l'homme qui lui faisait face.
« Tu as tué ma fille ? »
Un rire mauvais secoua le blond : « Moi ? Mais pour quel genre de monstre tu me prends, Mickaël ? Je ne suis pas comme toi, tu sais. »
« Non. Tu es pire… » murmura Mickaël. Sa voix était pleine de haine.
Le sourire de Lucius ne fit que s'accentuer en entendant cette réponse. « Tu devrais ranger ta baguette, que nous puissions parler entre t'assoir près de moi. » Lucius tapota le fauteuil qui lui faisait face.
L'homme ne bougea pas.
« Non ? Bon, comme tu veux. Bien. Dis-moi alors, où tu l'as mis ? »
« Où j'ai mis quoi ? »
« Le corps de ta femme, évidemment. Est-ce que tu l'as laissé dans la maison ? » Il avait dit cela d'un ton décontracté.
« Je ne vois pas de quoi tu parles. »
« Mmmh. Non, bien sûr que non. Te connaissant, ça doit être dans un endroit ridicule et évident. Tu n'as jamais été un garçon très subtil. Dans la cave ? »
Mickaël se contenta de le fixer, sans dire un mot.
Lucius fit mine de réfléchir, ses doigts tapotant le bras du fauteuil : « Oh, non… dans le jardin peut être ? »
Un muscle tressauta sur le visage du Mangemort, un tic nerveux, et le sourire de Lucius s'élargit : « Dans le jardin, donc. Tiens, en arrivant, j'ai vu un très joli massif d'hortensias. Tu viens de les planter, non ? Je demande juste ça pour faire la conversation, bien sûr. »
« Je vais te tuer, Lucius. Tu n'aurais pas dû venir chez moi. Tu as signé ton arrêt de mort. », siffla Mickaël.
« Oui… oui c'est évident. Mais j'ai toujours ta fille tu sais. »
Mickaël éclata d'un rire amer : « Qu'est-ce que j'en ai à foutre, putain ? »
« Oh ? Vraiment ? Alors je suis terrifié. Littéralement terrifié. » Il afficha un instant une grimace caricaturale de peur avant de retrouver son masque d'indifférence glaciale « Oui, tu vois, je dois encore prendre quelques cours de théâtre. Perfectionner cette émotion, c'est tout un art.»
Un sort jaillit de la baguette de Mickaël et s'écrasa contre le mur derrière Lucius, mais celui-ci ne bougea pas d'un millimètre. « Oh, tu devrais mieux tenir ta baguette si tu veux me tuer. »
La voix de Mickaël chevrota : « Qu'est-ce que tu as fait ? »
Lucius inspira bruyamment en prenant un air faussement désolé : « Oui, je dois reconnaître que tu es plus perspicace que je ne l'aurais cru. Évidemment, tu dois te demander : comment Lucius Malfoy, le bras droit du Seigneur, pourrait-il venir chez moi sans préparer en amont la pire des tortures ? Eh bien, j'avoue, tu as raison. Je t'ai réservé une petite surprise. Mais… si j'étais toi, je ne serais pas aussi impatient de découvrir de quoi il s'agit. »
Un nouveau sort fila au hasard dans l'appartement et le lustre vacilla doucement, oscillant comme poussé par une brise.
Lucius soupira : « Ne sois pas si dramatique, Mickaël. Tu vois, c'est ce que j'ai toujours détesté chez toi. Tu n'as jamais su garder ton calme. » Il fit un geste vague de la main, comme pour chasser l'émotion hors de la pièce.
« Qu'est-ce que tu vas me faire ? »
« Non… non, la question est mal posée. La bonne formulation c'est : 'qu'est-ce que j'ai bien pu déjà te faire ?' »
L'homme se figea. Lucius enchaîna sans pitié : « Tu veux un indice ? »
Aucune réponse.
Le blond prit une voix exagérément enjouée et tapota trois fois dans ses mains : « Un indice, un indice ! » Puis, revenant à son ton grave, il continua : « D'accord, d'accord. Je me sens d'humeur magnanime aujourd'hui. Je t'aide un peu. Indice numéro 1, ça te concerne toi, tout personnellement. »
Toujours aucune réponse. L'homme semblait paralysé.
« Rien ? Pas de proposition ? Bon, alors indice numéro 2 : j'ai fait appel à un ami. Tu le connais je pense. Un mangemort toujours habillé en noir. Non ? Toujours rien ? Aucune réaction ? »
Lucius se délectait de chaque seconde. Il se trouvait infiniment drôle. Il aurait pu continuer son son petit jeu des heures durant.
« D'accord. Je t'aide encore. Il a un nom connu. Snape ? Ça réveille quelque chose en toi ? »
Mickaël frissonna, son visage pâlissant encore davantage. Bien sûr qu'il connaissait Severus Snape. Tout le monde savait qu'il était l'homme aux poisons, un maître des potions redoutable. Personne ne voulait de lui comme ennemi.
Lucius redevint soudain mortellement sérieux : « Indice numéro 3 : Comment était ton Whisky ? Un peu âpre, non ? »
Les yeux de Mickaël se tournèrent, terrifiés, vers le petit meuble où étaient alignées les bouteilles. Il secoua frénétiquement la tête : « C'est impossible. Tu ignorais dans laquelle j'allais boire. »
Lucius le fixa froidement, exaspéré par tant de stupidité. « Évidemment. C'est pourquoi j'en ai mis dans toutes les bouteilles… »
Mickaël balbutia, la terreur montant en lui : « Est-ce que… est-ce que ma tête va exploser ? »
Lucius prit un air horrifié : « Mais qui t'a mis des idées pareilles dans la tête ? Non ! Bien sûr que non ! Non, non… Ça sera une toute autre expérience. Je t'ai déjà dit que j'avais déjà vu ce genre de choses. Il faut innover un peu, tu ne crois pas ? C'est ce qui fait le piment de nos vies. »
Il se leva tranquillement et fit quelques pas jusqu'au mur qui lui faisait face. Il observa un long moment les photographies de famille affichées. « Elle ne sourit pas beaucoup, ta compagne. C'est une ecchymoseque je vois là ? » Il se détourna, soudain désintéressé : « Bien. Je vais t'expliquer comment ça va se passer. Tout d'abord, le poison va attaquer tes terminaisons nerveuses. Perte de sensibilité dans les membres, tremblements, incapacité à saisir des objets ou… à lancer correctement un sort… Tu vois où je veux en venir, n'est-ce pas ? »
À peine eut-il fini sa phrase que la baguette de Mickaël tomba au sol dans un claquement sec. L'homme déglutit difficilement : « Lucius… je… je peux t'offrir de l'argent… des informations… tout ce que tu veux. Sauve-moi. »
Lucius le fixa un instant, puis il jeta un coup d'œil distrait à la pendule du couloir. « Non, Mickaël. Je suis désolé, mais il n'y a rien que tu puisses m'offrir qui m'intéresse… Laisse-moi continuer, tu veux ? Où en étais-je ? Ah oui, la deuxième étape : tes organes internes… comment t'expliquer ? Tu as déjà mis du sel sur une limace ? Non ? Ah… la comparaison ne t'aidera pas alors. »
« Lucius… c'est la faute d'Otto, tout ça… je peux t'aider à le tuer… Je peux… faire tout ce dont tu as besoin. »
« Oui… oui bien sûr. Mais tu vois… je peux me débarrasser moi-même des indésirables. Tu n'es pas le premier, tu sais ? Non ? Tu n'avais pas remarqué la disparition de tes deux adorables acolytes ? Vous n'avez décidément vraiment pas l'esprit d'équipe…»
Un étrange borborygme monta du ventre de Mickaël. Lucius hocha la tête, satisfait : « S'il y a une chose de fiable dans ce monde, c'est bien le talent de Severus. Bien. Sur ce, je vais te laisser. »
Le Mangemort tenta de dire quelque chose, mais seul un gargouillis immonde sortit de sa bouche. Lucius lui adressa un sourire contrit. « Ah. Oui, désolé, j'adorerais rester. Mais j'ai promis à quelqu'un une soirée en tête à tête. Un autre jour, peut-être ? » Il marqua une pause, son regard devenant encore plus glacial. « Enfin, quand je dis 'un autre jour', c'est une figure de style, bien sûr. »
Dehors, la nuit était tombée, enveloppant le jardin dans une obscurité paisible. Les hortensias, fraîchement plantés, semblaient presque luisants sous la lumière de la lune. Lucius s'arrêta un instant pour observer les fleurs. Elles étaient sublimes. Il inclina légèrement la tête vers elles en signe de respect, puis souffla doucement : « Ne t'inquiète pas. Je trouverai bien quelqu'un de fiable pour s'occuper de la gamine. »
Il jeta un coup d'œil à sa montre. Un sourire doux traversa son visage : le garçon l'attendait certainement. Il pensa brièvement à ce que Severus lui avait dit plus tôt : « Débarrasse-toi du moldu avant de le regretter. » Son sourire s'effaça presque immédiatement.
Non. Il n'en avait pas terminé avec lui. Pas encore.
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Lucius avait contacté la tante de l'enfant. Cette dernière, visiblement soulagée et même enchantée à l'idée de pouvoir s'occuper de la petite, avait accepté sans hésitation. Cela réglait la question de la fillette, une charge dont il n'avait ni le temps ni l'envie de s'occuper plus longtemps.
Il considérait l'affaire comme classée.
Il réapparut dans la petite ruelle adjacente à l'appartement. Un endroit discret d'où il pouvait transplaner en toute discrétion. Avant de monter, il s'arrêta un instant au pied de l'immeuble, levant les yeux vers la fenêtre derrière laquelle une lumière vacillait faiblement.
Les escaliers craquèrent sous son poids quand il les monta lentement. Son cœur battit un peu plus fort quand il pensa au garçon qu'il ne devait pas désirer.
Il le trouva allongé sur le lit, jouant distraitement avec son téléphone. Loki leva les yeux vers lui, un sourire doux aux lèvres. « De retour ? »
Lucius referma la porte derrière lui. « Oui. » répondit-il simplement. Il s'approcha lentement du jeune homme. « Oui, je suis de retour. »
Sans un mot, le garçon ouvrit les bras, l'invitant à le rejoindre. Lucius resta un instant immobile, les yeux ancrés dans ceux de son compagnon, avant de s'agenouiller sur le matelas pour poser une main froide sur sa joue chaude.
Loki pencha légèrement la tête contre la main de Lucius et ferma les yeux un instant. « Tu es gelé. » murmura-t-il sans ouvrir les paupières.
« Oui. » Souffla le blond en laissant son pouce descendre le long de la mâchoire du garçon.
« Tu as réglé ton problème ? »
Lucius hocha doucement la tête : « Oui, c'est fait. »
Un léger silence s'installa et Loki observa son visage, comme s'il essayait d'y lire quelque chose. Finalement, il laissa échapper un soupir et s'allongea plus confortablement, tirant doucement sur le bras du blond pour l'inciter à le rejoindre. « Alors, viens ici. Je pense que tu en as besoin. »
Lucius hésita un bref instant, puis il se laissa à son tour glisser sur le lit. Le garçon se rapprocha, posant sa tête contre son torse, comme pour écouter les battements de son cœur.
« J'espère que tu n'as pas oublié ce que tu m'as promis ? J'ai horreur des gens qui ne tiennent pas parole… »
Lucius sourit et il joua distraitement avec les mèches brunes sous ses doigts. « Je n'ai pas oublié. Habillez-vous bien, nous partons bientôt. »
Le brun se redressa légèrement : « Tu m'emmènes où ? »
« À l'opéra. Et au restaurant, après. »
Loki regarda Lucius en silence. Ce dernier esquissa une grimace d'inconfort. Était-il allé trop loin ? Était-ce trop… trop intime pour lui ?
« Vous… n'êtes pas obligé si vous n'en avez pas envie… »
Mais le jeune homme n'écoutait pas. Il murmura pour lui-même, perdu dans ses pensées : « À l'opéra ? »
Lucius déglutit : « Oui. »
« À l'Opéra ? Vraiment ? »
« Vous n'aimez pas l'idée ? »
Loki sembla enfin revenir à la réalité : « Quoi ? Tu rigoles ? J'adore ! Je n'y suis jamais allé ! C'est comme dans les films ! »
« Dans les films ? » grimaça Lucius sans comprendre.
« Oui ! » Le garçon semblait extatique. « Quand ils vont à l'Opéra, c'est tellement… tellement… »
« Tellement quoi ? » Encore cette manie de ne pas finir ses phrases.
Sans répondre, Loki prit soudainement le visage de Lucius entre ses mains et l'embrassa sauvagement. Bien. Finalement, l'idée n'était peut-être pas si mauvaise, pensa-t-il en laissant sa main glisser le long du dos du garçon. Il avait beaucoup hésité avant de faire cette proposition, craignant d'être trop… intrusif, peut-être.
Loki se redressa légèrement pour approfondir le baiser, laissant une de ses jambes glisser par-dessus celles de Lucius pour le chevaucher. Ils étaient sur une pente glissante ; s'ils continuaient ainsi, ils ne sortiraient jamais de cet appartement…
Enfin, le garçon se détacha, haletant : « C'est tellement romantique. » souffla-t-il enfin contre les lèvres du blond.
Lucius se figea, déstabilisé par ce mot. Romantique ? Non ! C'était simplement… simplement… juste… une simple… sortie pour… pour quoi, au juste ? Certainement pas pour que cela devienne 'romantique'.
Et pourtant, l'excitation évidente de Loki, cet enthousiasme enfantin qu'il montrait à l'idée d'aller à l'Opéra, atteignait quelque chose en lui.
Quelque chose qu'il aurait préféré ignorer.
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Lucius ne faisait jamais les choses à moitié. La loge privée qu'il avait réservée était spacieuse, agencée avec goût et leur offrait toute l'intimité nécessaire pour ne pas être vu par les autres spectateurs. Il désigna d'une main la fosse où l'orchestre s'accordait.
« Je vous présente l'orchestre philarmonique de Londres. Ils sont en tournée dans toute l'Angleterre pour jouer Faust. Ils sont très bons. Peut-être pas au niveau de celui de Berlin, bien sûr, mais ce sont d'excellents professionnels. »
Loki hocha la tête en essayant de repérer les différents instruments qui allaient être joués ce soir-là. Lucius continua ses explications : « Il y aura cinq actes et deux entractes. Ne sortez pas avant ceux-ci, même pour un besoin très urgent, cela serait extrêmement impoli. »
Loki esquissa un sourire amusé, mais il acquiesça.
Les trois coups traditionnels retentirent et le lourd rideau de velours se leva lentement. Lucius plaça une main sur la jambe du garçon pour attirer son attention, sentant la chaleur de sa peau à travers le tissu : « L'opéra est en français, alors je vais vous raconter un peu l'histoire : un homme, au soir de sa vie, passe un pacte avec le Diable pour prolonger son existence…Il finira par tomber éperdument amoureux d'une femme, Marguerite. Quelqu'un qu'il n'aurait jamais dû aimer… »
Loki écoutait, son regard rivé sur la scène alors que l'orchestre entamait les premières notes.
Les violons s'emballèrent.
Quand le premier chanteur se lança dans son premier solo, d'une puissante voix de baryton, Lucius retint un instant son souffle.
Il observa le garçon, du coin de l'œil, cherchant à capter sa réaction. Ce dernier semblait captivé, ses yeux suivant chaque mouvement sur scène.
Le premier entracte survint et les lumières se rallumèrent doucement. Les conversations reprirent lentement dans la salle. La main de Lucius était toujours posée sur la jambe du garçon. Loki tourna enfin la tête vers lui : « Cette histoire va mal finir, n'est-ce pas ? »
Lucius garda le silence et le jeune homme se pencha légèrement en avant, les coudes sur les genoux : « L'amour entre Marguerite et Faust, ne va jamais tenir. Le Diable les séparera, c'est sûr ! » Il jeta un coup d'œil au blond, comme pour avoir confirmation, mais il se heurta à un mur d'indifférence. Il soupira : « Le Diable a toujours le dernier mot, de toute façon. »
Lorsque le deuxième entracte arriva, Loki était visiblement ébranlé par la montée en puissance de l'histoire. Lucius profita de ce moment pour se lever, proposant un rafraîchissement que le garçon accepta volontiers. Il revint avec deux coupes de champagne, qu'ils burent en silence, leur regard perdu sur la scène vide en contrebas.
Enfin, quand le cinquième et dernier acte débuta, Loki murmura quelque chose que Lucius ne comprit pas. Les chanteurs rivalisaient de talent, leur voix se mêlant aux notes poignantes de l'orchestre. Il se pencha vers le garçon dans l'espoir de saisir ce qu'il marmonnait. Leurs yeux se rencontrèrent et le jeune homme souffla d'agacement en désignant d'un geste la scène. Lucius haussa les sourcils, perplexe.
Loki secoua la tête et quitta son siège pour venir s'asseoir sur les jambes du blond, face à face. « Ce n'est pas ainsi que vous devriez écouter un Opéra. Retournez à votre place. »
Mais le garçon lui jeta un regard méprisant : « Je n'aime pas les histoires malheureuses. Je ne veux pas connaître la fin. »
« Tout… ne peut pas toujours finir bien. Il faut parfois des tragédies pour… »
Lucius n'eut pas le temps de finir sa phrase. Loki, toujours installé sur ses genoux, se pencha soudainement en avant pour capturer ses lèvres dans un baiser fougueux. Le geste prit le blond par surprise, mais il se laissa rapidement emporter par la passion du garçon.
Lucius savait qu'il aurait dû réagir, se détacher, rappeler l'importance de ce qu'ils étaient en train de manquer. Mais il en était incapable. Ses mains glissèrent naturellement le long du dos du garçon, le rapprochant encore davantage.
Loki rompit le baiser, ses lèvres effleurant celles de Lucius lorsqu'il murmura : « Dans mon monde, tout fini toujours bien. »
Lucius plongea son regard dans celui de Loki et sa main se crispa légèrement sur sa taille : « Et dans le mien, tout fini toujours mal. »
Les mains du garçon devinrent plus audacieuses et, alors que l'une d'entre elles s'enfonçait dans ses cheveux blonds, l'autre glissa sous sa chemise.
Lucius grogna : « Loki… ne faites pas cela. »
Mais Loki ignora l'avertissement et un sourire effronté se dessina sur ses lèvres. Ses doigts continuèrent leur exploration insistante. Lucius tenta de garder le contrôle, de ne pas céder à l'appel de la tentation, mais chaque geste dont il était la cible semblait conçu pour éroder sa volonté.
« Je vous ai demandé d'arrêter… »
Le jeune homme se pencha vers lui et ses lèvres frôlèrent son oreille : « Pourquoi ? Tu as peur de ce qui pourrait arriver si tu perds le contrôle ? » Sa voix était provoquante.
Lucius ferma les yeux un instant.
La main de Loki glissa plus bas, effleurant son abdomen avec légèreté. La musique se fit plus intense. Les hautbois se joignirent aux violoncelles et une mélodie poignante résonna dans le théâtre.
Lucius rouvrit les yeux et, alors que les doigts du garçon détachaient sa ceinture, il glissa à son tour une main sous le pantalon de son assaillant. Il sentit la chaleur du corps du garçon contre le sien.
Tout était devenu incontrôlable.
Loki se cambra légèrement, laissant échapper un soupir de plaisir, et Lucius resserra son étreinte. Il longea lentement le sillon entre ses fesses. « Vous m'avez provoqué. Vous serez le seul responsable. » souffla-t-il en glissant un doigt dans l'intimité du garçon.
Loki se tendit sur lui et un sourire moqueur illumina son visage : « Non… ça, c'est te provoquer… » Il s'empara d'une main ferme de l'érection de Lucius et un grognement sourd coula de la gorge de ce dernier.
Un adagio se jouait maintenant, les chanteurs s'étaient tus, laissant l'orchestre prendre toute la place. Sur scène, la chanteuse pleurait, désespérée, sous la lumière tamisée.
Lucius ajouta un autre doigt, approfondissant ses mouvements pour préparer les chairs à ce qui allait suivre. « Je vous ferais pleurer comme le fait cette femme. » Sa voix était un murmure brûlant.
« Tu parles beaucoup, mais tu agis peu… »
Bien. S'il le prenait de cette façon… Le blond se dégagea de son pantalon, le laissant tomber négligemment sur ses jambes. Il fit de même avec celui du garçon, l'observant un instant avant de le tirer violemment contre lui. Sans plus de préparation, il l'empala brutalement sur son sexe.
Un gémissement s'échappa des lèvres de Loki et son corps se tendit sous l'assaut inattendu : « Tu n'es qu'une brute… » murmura-t-il en s'accrochant aux épaules de son tortionnaire.
Le souffle de Lucius était saccadé. Sur scène, la chanteuse lançait une mélopée malheureuse, sa voix s'élevant au-dessus des instruments. Il saisit à son tour l'érection du garçon et commença quelques va-et-vient lents et mesurés.
La musique semblait guider leurs mouvements.
Loki s'arc-bouta de nouveau et le blond sentit ses chairs se rétracter autour de son membre. Il grogna une nouvelle fois. Ce gamin était tellement serré…
Alors que l'adagio se poursuivait, il intensifia ses mouvements, ses mains et ses hanches travaillant de concert pour maintenir un rythme soutenu. Loki se mouvait avec lui, en parfaite harmonie. Ses doigts s'enfonçaient dans les épaules du blond, tandis que leurs corps se synchronisaient avec une précision presque effrayante.
Quand les cuivres se joignirent aux cordes, un écho puissant sembla faire vibrer les murs de la loge. Lucius, accéléra et ses coups de rein devinrent plus puissants, plus profonds. Le garçon cria et ses gémissements devinrent plus bruyants. Ils se mêlaient désormais à la musique en une harmonie presque parfaite.
Les lumières illuminèrent la scène et la mélodie devint plus légère, presque éthérée alors que Marguerite s'élevait vers les cieux, laissant Faust, éploré, sur Terre.
Lucius sentait la sueur perler sur son front et il ajusta son rythme une dernière fois. Les deux hommes étaient désormais au bord de l'explosion. Ses doigts glissèrent encore sur le sexe tendu contre son ventre.
Le garçon s'abandonnait désormais totalement à lui, se laissant guider par sa cadence imposée. Un roulement de percussion retentit dans le théâtre et leurs corps se contractèrent enfin, se tendirent dans un ultime soubresaut d'extase, avant de retomber lourdement, l'un sur l'autre.
Alors que la dernière note mourait dans l'air, Lucius, encore haletant, relâcha doucement sa prise sur Loki. Le garçon nicha son nez dans le cou du blond et, à cet instant précis, la salle résonna des applaudissements des spectateurs.
Et cette ovation sembla résonner pour eux aussi, comme un hommage à leur union.
Lucius glissa une main dans les cheveux bruns en bataille, les caressant doucement, tandis que le garçon, toujours allongé sur lui, écoutait la salle s'enflammer en esquissant un sourire satisfait.
« Je crois que c'était la meilleure fin d'Opéra que j'aie jamais vue… »
Lucius ne put réprimer un sourire amusé : « Je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait ce que Gounod avait en tête en écrivant cette scène. »
Un rire clair échappa de la gorge du garçon : « Je pense qu'il aurait trouvé une place pour cet acte, quelque part dans sa partition… »
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Le restaurant, tout comme la loge du théâtre, avait été choisi avec un soin méticuleux par Lucius. La soirée avait été un succès, un véritable festin des sens, et alors qu'ils quittaient leur table, les deux hommes se sentaient repus, enveloppés dans une douce léthargie.
L'air frais de la nuit les cueillit à la sortie, les réveillant peu à peu de leur engourdissement.
Malgré l'heure tardive, Loki ne semblait pas enclin à rentrer immédiatement. Il s'empara de la main de Lucius, le tirant doucement vers une route bordée d'arbres, qui s'éloignait des lumières de la ville pour plonger dans les ténèbres.
« Je n'ai pas envie de rentrer tout de suite. Viens, promenons-nous encore un peu. »
Lucius ne répondit pas, mais il se laissa guider sans résister.
« Cette soirée était exceptionnelle. »
Le blond haussa un sourcil : « Vous l'avez rendue mémorable. »
Loki éclata d'un rire léger : « Je suis désolé. Je suppose que ce que j'ai fait n'était pas très noble, n'est-ce pas ? Mais je n'ai pas pu résister. Chaque fois que je te regarde, avec ton air sérieux et imperturbable, j'ai envie de... de faire tout un tas de choses idiotes. »
Lucius esquissa un sourire. C'était la toute première fois qu'il avait une relation si charnelle à l'Opéra et... et Merlin, l'expérience avait été électrisante. Il devrait y inviter le garçon plus souvent...
Ils longèrent un petit canal. Loki rejeta la tête en arrière pour observer le ciel assombri : « À chaque fois, j'ai l'impression que ça va me dévorer... »
Lucius suivit le regard du garçon : « Qu'est-ce qui va vous dévorer ? »
« Tout. Les étoiles, la lune, la nuit... Je regarde le ciel et je me sens comme... englouti. On vit nos vies en croyant qu'elles sont importantes, et puis, on lève les yeux et on se rend compte de notre insignifiance. »
Lucius fronça légèrement les sourcils : « Et que ressentez-vous, quand la nuit vous dévore ? »
Loki baissa la tête. Son sourire avait disparu, remplacé par une expression de vulnérabilité qu'il n'avait encore jamais vue : « C'est écrasant. Un vide qui te prend à la gorge et qui ne te lâche plus. C'est... terrifiant. »
Lucius resta silencieux. Les mots du garçon semblaient s'enrouler autour d'eux comme un manteau froid. Il connaissait si bien ce sentiment de vide, cette peur de se dissoudre dans l'obscurité.
« Parfois... » reprit le garçon sans le regarder, « Parfois je suis fatigué. Je voudrais tout laisser tomber et disparaître dans les ténèbres, là où personne ne pourra plus jamais me retrouver. » Ses doigts traçaient nerveusement des formes indistinctes sur la paume de Lucius. « Parfois, j'ai l'impression que les autres ne me voient pas. Enfin... plutôt qu'ils ne voient que ce qu'ils ont envie de voir. Mais la nuit, elle, elle ne me demande jamais rien. Je pourrais me réfugier en elle jusqu'à la fin des temps. »
Lucius laissa son regard se perdre sur les eaux sombres du canal. « Vous vous ennuieriez rapidement... »
« Peut-être que tout ce que j'attends depuis toujours, c'est de me laisser emporter loin de toute cette merde... »
Lucius ne trouva rien à redire. Il comprenait parfaitement ce que le garçon tentait de lui dire, mais les mots lui manquaient pour l'apaiser.
« Est-ce que tu savais que les hommes n'ont pas peur du noir ? Ils ont peur de ce qui peut s'y cacher et qu'ils ne voient pas. C'est juste un réflexe primal, incontrôlable. » murmura doucement le garçon.
Lucius tourna légèrement la tête pour l'observer : « Avez-vous peur du noir ? »
Loki releva les yeux vers lui : « Oui. Terriblement. Dès que je ferme les yeux, j'ai peur d'être emporté. »
« Par la nuit ? »
« Oui. Par la nuit. »
Ils continuèrent de marcher en silence, main dans la main, chacun perdu dans ses pensées. L'obscurité se referma autour d'eux, comme si elle cherchait à les engloutir.
Les doigts du garçon se pressèrent un peu plus fermement contre les siens : « Quand ce moment viendra… quand la nuit m'emportera pour de bon, j'aimerais… j'aimerais que tu sois à mes côtés… Juste… là. »
Lucius s'arrêta brusquement, forçant Loki à le regarder dans les yeux : « Écoutez-moi bien. Ce jour-là, je l'empêcherai de vous dévorer. Vous m'avez bien entendu ? »
Un sourire mélancolique effleura les lèvres du garçon : « C'est une promesse ? »
« Oui. » La voix de Lucius résonna étrangement dans les ténèbres.
« Mais tu ne fais jamais de promesse. »
Lucius resta un instant silencieux, les yeux plongés dans ceux du jeune homme : « C'est vrai. » Murmura-t-il enfin d'une voix basse. « Je n'en fais jamais. »
Puis, sans un mot de plus, il reprit lentement sa marche, gardant la main de Loki fermement ancrée dans la sienne, comme pour repousser la nuit qui les encerclait.
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