Bonjour à toutes et à tous !
Merci à Cassye pour sa review, et à Boulays pour la mise en favori ! Merci aussi aux lecteurs silencieux, je suis contente de voir que les statistiques sont régulières à chaque nouveau chapitre.
L'écriture fut compliquée pour moi cette semaine ; ayant terminé la rédaction de l'Acte I récemment, les chapitres actuels font en quelque sorte offices de "transition" avant de rentrer dans le coeur de l'Acte II. Et même si c'est nécessaire, ce n'est pas forcément le plus passionnant, mais au moins l'histoire avance !
Hâte de voir également les nouveautés prévues par Larian cette semaine avec la sortie du Patch 6 !
Réponse aux reviews :
Cassye : Merci pour ton retour ! J'aime beaucoup écrire les dialogues entre les personnages, que ça soit les remarques sarcastiques qu'ils s'envoient avec allégresse, ou les moments plus touchants ! Oui, Nymuë a eu un passif compliqué au sein du cirque de La Belle Etoile ; je pense sincèrement qu'un des thèmes forts de Baldur's Gate 3 et l'exploration et la survie aux traumas, et c'est ce que j'ai voulu toucher également avec mon personnage.
Je vous souhaite à tous une bonne lecture !
Chapitre 04 :
Le Bosquet d'Emeraude
Cela faisait des lustres qu'elle n'avait plus rêvé d'Elyon.
Nymuë terminait d'empaqueter ses effets personnels. Le soleil était levé depuis peu, et Lae'zel avait mis un point d'honneur à les réveiller dès l'aube. Tout en défaisant sa tente, elle s'était rappelée son rêve ; les événements de la veille avaient dû la secouer plus qu'elle ne le pensait si ses souvenirs se décidaient soudainement à la revisiter.
Comme à chaque fois qu'elle se remémorait la petite fée aux yeux verts, un mélange de tendresse et de tristesse l'envahissait. Qu'aurait pensé Elyon de l'étrange compagnie à ses côtés ? Elle aurait été fascinée par les yeux rubis d'Astarion. Aurait supplié Ombrecoeur de lui apprendre à s'attacher les cheveux comme elle. Quant à la guerrière githyanki, aucun doute qu'elle l'aurait qualifiée de "très drôle".
Elle secoua la tête ; ils avaient des problèmes plus urgents que des échos du passé. Aujourd'hui, il leur fallait trouver un soigneur pour leur parasite. Elle n'avait ressenti aucune fièvre, aucune douleur au cours de la nuit. A l'exception de ses songes indésirables, elle se sentait même en pleine forme. Voilà qui était étrange : Lae'zel leur avait détaillé avec grande satisfaction les étapes de la transformation en ilithid, et à la lumière de cet exposé, les premiers symptômes auraient déjà dû apparaître. Une chance, ou un sursis ?
Nymuë jeta un œil à ses camarades. Si la prêtresse et la gith semblaient en pleine forme (trop, sûrement, au vu de leurs éclats de voix), Astarion, quant à lui, présentait des signes de fatigue. Difficile d'en juger au vu de sa pâleur naturelle, mais les traits de son visage étaient creusés, ses yeux presque hagards. L'elfe noire se rappela qu'il n'avait pas dîné la veille… bien qu'il leur ait annoncé s'être sustenté ce matin, au retour de sa promenade nocturne. Couvait-il quelque chose ? Cela avait-il un lien avec leur larve ?
Elle décida de le surveiller discrètement au cours des prochaines heures. En attendant, ils ne pouvaient que se dépêcher de trouver un remède.
Une fois le camp désassemblé, le groupe reprit ses recherches là où il s'était arrêté la veille. Suivant la piste des deux tieffelins, ils avancèrent en direction de l'Ouest. Il ne leur fallut pas longtemps pour repérer une immense porte de pierre, partiellement recouverte de végétation. Une plateforme en bois, un niveau au-dessus, permettait d'accueillir des archers et des guetteurs. C'est d'ailleurs une sentinelle qu'ils aperçurent en premier, faisant des grands signes à un individu en contrebas. Sur un geste de Nymuë, les compagnons s'approchèrent discrètement :
" On laisse entrer personne, ordre de Zevlor !"
La vigile était un jeune tieffelin, d'âge moyen. Ils étaient arrivés au bon endroit ! L'homme s'adressait à un groupe d'humains rassemblé devant l'entrée. Celui à leur tête enchaînait les gestes brusques et nerveux.
" Ouvrez cette foutue porte ! cria-t-il. Ces gobelins seront sur nous d'un instant à l'autre !"
Nymuë se tourna vers ses camarades, qui la dévisagèrent avec inquiétude. Des gobelins ? Si près d'un campement armé ? Ces créatures étaient des adeptes du pillage, certes, mais elles n'avaient ni l'intelligence, ni l'organisation pour des mises à sac de cette envergure.
Un autre tieffelin rejoignit son compatriote. Il semblait plus âgé, et était vêtue d'une large armure rouge et dorée.
" Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il.
- Des gobelins sont sur nos talons ! Ouvrez la porte, Zevlor ! Vite !
- Vous avez conduit des gobelins ici ? se scandalisa le dénommé Zevlor. Où est le druide ?"
L'homme voulut lui répondre, mais un grognement lugubre le fit à sa place. A quelques mètres des humains, un worg avait fait son apparition. Cet animal, semblable à un loup, mesurait presque un mètre soixante de long. Apercevant ses proies acculées, il se mit à aboyer encore plus férocement. Derrière lui, une demi-douzaine de gobelins ainsi qu'un gobelours suivaient.
" Par les Neuf Enfers ! s'écria Zevlor. Ouvrez la porte !"
Le guetteur tieffelin se précipita aussitôt vers la manivelle ; hélas, les gobelins avaient rattrapé leur retard et deux d'entre eux armèrent leur arc. "Pour l'Absolue !" cria leur meneur ; des flèches traversèrent la vallée pour transpercer le pauvre garde de part en part.
" Kanon ! Non !", hurla son camarade.
La porte retomba lourdement sur le sol, malgré les tentatives désespérées des combattants pour la retenir. Celui qui semblait être leur chef dégaina sa masse et leur ordonna de former une ligne. Ils n'avaient aucune issue, à trois seulement contre le double d'opposants.
Nymuë jeta un œil à ses compagnons ; Ombrecoeur et Astarion étaient clairement récalcitrants à l'idée de rejoindre un combat qui n'était pas le leur. Lae'zel, cependant, bouillait de se lancer à corps perdu dans une bataille sanglante et sans pitié. L'elfe noire hocha la tête à l'intention de ses camarades : quoi que ce campement recèle, ils avaient besoin d'aide. Et sans leur intervention, ces gens allaient se faire massacrer. Ça valait une prise de risque.
Faisant tournoyer son poignard chaîné, Nymuë se précipita dans la mêlée à la suite de la guerrière gith. Derrière elles, Astarion et Ombrecoeur plongèrent à leur tour au cœur de l'affrontement. Les forces gobelines prenaient déjà d'assaut les trois humains et leur intercession les prit à revers. Leur effectif se divisa en deux, se partageant entre leurs proies et les nouveaux arrivants.
Astarion tirait flèche sur flèche afin d'éliminer les quelques créatures restées en retrait. Zevlor, le chef tieffelin, l'assistait à l'aide de carreaux d'arbalètes bien placés. Lae'zel taillait tout ce qui se trouvait sur son chemin, et elle et le chef humain avaient pris le worg en tenaille. Nymuë pirouetta, et son poignard chaîné suivit son élan. Il traçait un chemin d'acier autour d'elle, virevoltant au gré des mouvements de son poignet. Avec adresse, elle le lança autour de la cheville du gobelours et tira : la créature tomba sur le sol et fut achevée par un de leur nouvel allié. Ombrecoeur gardait ses arrières, désintégrant les gobelins fonçant dans sa direction à l'aide d'Éclairs Radiants.
Bien vite, leurs assaillants furent dépassés. Quoi qu'aient fait les trois fuyards qu'ils venaient de secourir, les gobelins n'avaient lancé à leur trousse qu'une petite escouade. L'attention de Nymuë se tourna vers les rescapés, des mercenaires au vu de leur apparence, alors que Lae'zel achevait leur dernier ennemi au fil de son épée. Qu'est-ce qui avait poussé des créatures aussi disparates à les pourchasser ?
" C'était le dernier, leur cria Zevlor au-dessus de leur tête. Rentrez tous à l'intérieur, d'autres pourraient suivre !"
Il activa la manivelle et la porte de pierre se leva pour leur libérer le passage. Le chef des mercenaires se précipita à l'intérieur, sans même un remerciement pour ses sauveurs. "Voilà qui promet", songea Nymuë.
" Ce Zevlor a l'air d'être le chef, chuchota Ombrecoeur. Nous devrions lui demander si le campement possède un soigneur.
- Non, nous devons lui demander où est ce "Zorru", intervint Lae'zel. Un soigneur ne sera d'aucune utilité pour nos parasites, seule une crèche peut nous sauver !
- Vous n'en savez rien, rétorqua la prêtresse. Et j'ai davantage foi en un guérisseur qu'en un membre de votre espèce.
- Encore faut-il qu'un guérisseur ait été suffisamment désespéré pour venir ici, s'exclama dédaigneusement Astarion. Ça, un campement ? "
Nymuë ne pouvait guère lui donner tort. Alors que l'entrée de pierre se refermait derrière eux, les compagnons s'avancèrent dans ce qui ressemblait davantage à un terrier de lapins qu'à un campement. Une excavation à quelques mètres regroupait marchands et habitations. Des chariots, de tous les côtés, rassemblaient de la nourriture et des vêtements usés jusqu'à la corde. Quelques tieffelins armés faisaient des rondes, mais la maladresse avec laquelle ils tenaient leurs lames indiquait qu'ils n'étaient pas des guerriers. L'elfe noire en repéra certains lui jetant des regards nerveux ; elle se prépara mentalement à l'accueil qui allait fatalement lui être réservé.
Lae'zel s'avançait déjà d'un pas assuré vers le fameux Zevlor. Sa carrure imposante et son armure bien entretenue faisaient de lui peut-être le seul combattant expérimenté parmi la soi-disant garde tieffeline. Pas étonnant, par conséquent, qu'il soit aux commandes de cet affligeant troupeau. Cependant, Zevlor n'avait pas de temps à leur consacrer dans l'immédiat. Les poings serrés, il semblait réunir tout ce qu'il possédait de sang-froid pour ne pas se jeter à la gorge du chef des mercenaires :
" Aradin, espèce d'imbécile ! Il y a des enfants ici ! hurla-t-il.
- On essayait de sauver notre peau, se défendit l'autre. Et on ne peut pas dire que vous vous soyez pressé pour donner un coup de main !
- Vous les avez conduits jusqu'à nous et vous les avez laissés s'emparer du druide. J'ose à peine y croire !
- Quel druide ?", s'enquit Lae'zel.
Les deux hommes se tournèrent aussitôt vers eux. Les compagnons s'étaient approchés de l'altercation, pas impressionnés pour deux sous. Astarion semblait même plutôt amusé. L'elfe noire, quant à elle, tenait à briser la glace rapidement ; plus vite ses camarades et elle obtiendraient leurs réponses, mieux ils se porteraient. Et bon sang, cette dispute était ridicule.
" Halsin, répondit Aradin. Le chef des druides de ce misérable patelin. On l'a perdu de vue du côté des ruines, à quelques jours de marche. Ca grouillait de gobelins par là-bas.
- Il vous faisait confiance, feula Zevlor.
- Personne l'a obligé à venir, il a insisté. Et quand ça a commencé à tourner au vinaigre, il n'a pas réussi à suivre. C'est aussi simple que ça.
- Par tous les dieux, vous n'êtes qu'un lâche !"
Aradin roula des épaules, un tressaillement nerveux au niveau de l'œil. Aucun doute qu'il s'apprêtait à frapper. Nymuë lâcha un léger soupir : ils étaient sur le point de leur communiquer des informations intéressantes ! Ne pouvaient-ils pas prendre sur eux, l'espace de quelques minutes ?
" Aux dernières nouvelles, lança-t-elle froidement, les combats de chiffonnières ne ramènent pas les morts à la vie. Cessez donc, et utilisez plutôt vos neurones.
- Vous avez raison, grinça Zevlor. Il y a trop de choses en jeu.
- Inquiet de vous casser un ongle ? La sympathique drow et vous ? provoqua Aradin.
- Ça suffit, trancha le chef tieffelin. Ça ne sert à rien de se chamailler. Les gobelins nous ont trouvés. Maintenant, les miens vont devoir fuir le plus vite possible.
- Ça, c'est votre problème.", grommela le mercenaire en faisant un geste rapide à ses troupes.
Sans une parole supplémentaire, il entra à l'intérieur de la grotte.
" S'il avait mis autant de hargne face aux gobelins que dans cette dispute puérile, nous n'aurions pas eu besoin d'intervenir, souffla Ombrecoeur.
- A la place du cornu, je lui aurait tranché la gorge, informa Lae'zel.
- Alors comme ça, d'autres gobelins peuvent débarquer à tout moment ? chuchota Astarion. Merveilleux. Voilà vraiment un endroit charmant…
- Oubliez toute cette affaire, leur lança Zevlor en se rapprochant de leur compagnie. Aradin est un idiot, mais ce n'est pas une excuse. Je n'aurais pas dû m'abaisser à son niveau. Je n'aurais jamais crû dire ça à une drow un jour mais… Merci pour votre aide. A vous tous. Je me nomme Zevlor.
- Je sais, siffla Nymuë. Un problème avec les elfes noirs ?
- Loin de moi l'idée de vous insulter, répondit le tieffelin avec un poli hochement de tête. Votre peuple est en proie à des luttes intestines permanentes, j'ignorais qu'il vous arrivait de vous soucier des autres."
Nymuë sentit le regard de ses camarades dans son dos. Elle ne pouvait donner tort à Zevlor ; du peu qu'elle connaissait de ses congénères, ils étaient effectivement des individus qui s'entre-déchiraient sans cesse. Certains pour une meilleure place dans la société, d'autres pour acquérir les faveurs de leur déesse souterraine, Lolth… Et d'autres encore, par simple plaisir. La nature sanglante des elfes noirs avait poursuivi Nymuë toute sa vie, quand bien même elle n'avait jamais mis un orteil dans les Tréfonds Obscurs. C'est ce qui lui avait valu une place au sein de la "Parade Exotique" ; c'est aussi pourquoi elle n'avait jamais été la bienvenue nulle part. Maintenant qu'elle y repensait, pouvait-elle considérer Baldur's Gate comme chez elle ? La seule personne à qui elle pouvait manquer était Revan, et il avait ses propres démons à combattre.
" Ces gobelins ont-ils lancé beaucoup d'attaques comme celle-là ? demanda-t-elle, afin de changer de sujet de conversation.
- Le Bosquet d'Emeraude a été attaqué par toutes sortes de monstres, et les druides l'habitant accusent les "étrangers" que nous sommes de les avoir attirés ici. Quelles que soient les raisons de votre visite, je vous conseille de faire vite. Ils ont décidé de chasser tout le monde. Plus personne n'est le bienvenu.
- Que voulez-vous dire ? s'enquit Ombrecoeur.
- Ils ont entrepris un rituel pour couper le bosquet du monde extérieur. D'ici quelques jours, cet endroit sera recouvert d'épines. Plus personne n'entrera ou ne sortira. Nous ne pouvons donc pas rester… Mais si nous partons, nous nous ferons massacrer, c'est une certitude. Nous ne sommes pas des combattants.
- Je suppose qu'il n'y a aucun moyen de négocier avec ces druides ? demanda Nymuë.
- J'ai essayé, mais Kagha, leur nouvelle première druidesse, ne veut même pas me recevoir."
Nymuë sentit une légère pression sur son bras, alors qu'Astarion lui chuchotait :
" Ce n'est pas notre problème. N'allez pas jouer la bonne samaritaine, nous avons d'autres soucis sur les bras."
Elle grimaça ; aussi détestable cela soit-il, le haut-elfe avait raison. Elle compatissait sincèrement avec Zevlor et son peuple : être jugés pour la simple raison d'être d'ascendance démoniaque était aussi stupide et primaire que d'être condamnée pour être née drow. Mais le parasite dans sa tête ne se souciait guère des questions de discrimination en Faerun. Lorsqu'il se manifesterait, il s'en prendrait à quiconque se trouverait sur son chemin.
" Sachez que je sympathise de tout coeur avec vous, murmura-t-elle doucement, mais notre temps est compté également. Nous recherchons un soigneur.
- Les gobelins vous ont amochés ? s'inquiéta Zevlor. Le druide Halsin est connu pour ses talents de guérisseur, mais il n'est pas rentré de l'expédition d'Aradin. Si ce n'est pas trop grave, vous pouvez toujours vous adresser à son apprentie, Nettie. Vous la trouverez avec les autres druides, au cœur du bosquet.
- Je vous remercie. Je recherche également un certain Zorru… Ferait-il partie de votre groupement, par hasard ?
- Je connais Zorru, confirma le chef tieffelin. Que lui voulez-vous ?
- Il sait où est mon peuple, répondit sèchement Lae'zel.
- Nous voulons juste lui poser des questions, rassura l'elfe noire, afin que notre amie ici présente puisse remonter la trace d'autres githyankis dans la région. Une fois fait, nous irons à la rencontre de Nettie.
- La dernière fois que je l'ai vu, il était près de la zone d'entraînement des cadets, plus loin dans les cavernes. J'espère que vous obtiendrez ce que vous cherchez. Si vous voulez bien m'excuser, je ferai bien d'aider les miens à se préparer."
Sur un dernier hochement de tête à leur intention, Zevlor s'éloigna. Les compagnons s'enfoncèrent dans la grotte faisant office de refuge pour les tieffelins. Quelques plateformes de bois accueillaient des familles ou des étables destinées à la vente et au ravitaillement. Une large zone avait été délimitée avec des cordages et des poteaux afin d'organiser ce qui ressemblait à un terrain d'entraînement. Quelques jeunes tieffelins, armés d'épées en bois, s'exerçaient sur des mannequins.
" Comment procédons-nous ? demanda Nymuë à ses camarades.
- Peut-être devrions-nous profiter de l'accueil temporaire de ces druides pour acheter quelques vivres et herbes médicinales, suggéra Ombrecoeur. Si la rencontre avec Nettie ne se passe pas comme prévu, qui sait combien de temps s'écoulera avant que nous tombions sur un autre lieu habité.
- Perdez votre temps si vous le souhaitez, siffla Lae'zel, pour ma part je vais chercher le cornu.
- Peut-être devrions-nous faire deux équipes ?" proposa Astarion.
Cela parut une excellente idée à l'ensemble du groupe. Sans grande surprise, la guerrière gith et la prêtresse souhaitaient être éloignées l'une de l'autre autant faire que peut. Il fut finalement décidé que Nymuë accompagnerait Lae'zel à la rencontre de Zorru, tandis qu'Ombrecoeur et Astarion feraient le tour des ressources disponibles. Ils se donnaient rendez-vous d'ici une heure à proximité de l'entrée du Bosquet. L'elfe noire ne put s'empêcher de remarquer qu'Astarion semblait particulièrement insatisfait ; elle l'entendit marmonner qu'il allait manquer "tout le fun".
Lae'zel et elle se dirigèrent vers le terrain d'entraînement. Les jeunes tieffelins manipulaient leurs armes avec difficulté, ayant à peine la force de soulever leur épée de bois pour effectuer une parade. La guerrière Gith pesta :
" Tous les githyankis savent manier l'épée avant leurs six ans, et doivent avoir fait leur première victime avant leur dixième anniversaire. A l'opposé, ces tieffelins se révèlent fragiles. J'ai bien envie de mettre fin à leurs misères moi-même.
- Calmez-vous donc. Ce sont des réfugiés, pas des soldats.
- Je crains de ne pas saisir la différence."
" C'est probablement ça, le problème", pensa Nymuë sans répondre. Elle n'avait pas encore exactement décidé si elle appréciait le mordant de la guerrière githyanki, ou si elle le trouvait problématique. Une des raisons qui l'avait poussé par ailleurs à l'accompagner voir Zorru.
Un tieffelin se tenait légèrement en retrait de la pratique des cadets, et faisait l'inventaire de plusieurs caisses de ravitaillement. Lorsqu'il se tourna vers elles, l'homme écarquilla les yeux et lâcha un cri suraigu. Lae'zel le prit comme une invitation pour foncer droit à sa rencontre :
" Par… par les yeux de Mordaï ! Une autre ? Le… le sang de mon ami ne vous a pas suffi ? Vous venez me… m'éventrer, moi aussi ?"
Nymuë soupira : voilà qui répondait à ses interrogations internes quant aux autres githyankis. Là où les jeunes lords de Faerun s'éduquaient sur quelle fourchette saisir selon l'avancée de leur repas, les giths, quant à eux, apprenaient par quel orifice il était le plus commode de passer son épée. Classique.
" Au sein de la crèche K'liir, on commence par saluer les gens en s'inclinant." commanda Lae'zel, les bras croisés.
Zorru jeta un coup d'œil affolé à Nymuë, espérant manifestement la voir intervenir. Ses tremblements s'accentuèrent quand il remarqua qu'elle était une elfe noire. "Moui. Ombrecoeur ou Astarion auraient été des choix de compagnons plus stratégique pour le coup."
" Elle veut juste vous poser quelques questions. Elle ne vous fera aucun mal, pas vrai Lae'zel ?"
Sa compagne lui jeta un regard courroucé alors que le tieffelin se détendait légèrement. Nymuë lui renvoya une expression similaire et se décida à tenter une expérience. Se concentrant sur son parasite, elle chercha à communiquer avec celui de sa camarade. La larve de Lae'zel répondit aussitôt à son appel alors que l'elfe noire lui lançait télépathiquement :
" Lorsque nous approcherons de la crèche githyanki, nous ferons selon vos recommandations. En attendant, mon monde. Mes règles. On ne coupe pas les gens en deux, ni même en trois. Et on se rappelle que les aimables inconnus sur notre chemin révèlent nettement moins d'informations une fois morts."
"Tchk. Votre mollesse causera notre perte. Quant à vous, cracha la guerrière en se concentrant à nouveau sur Zorru, vous avez vu un autre gith. Où ?
- Sur la route de Baldur's Gate, près du c… col de la montagne. Il nous a vus avant qu'on le voie, lui. Il a transpercé le ven… ventre de Yul avec sa lame. Elle est ressortie de l'autre côté.
- Il ne l'a pas tourné dans la plaie ? Il devait être pressé. La carte, maintenant ! Montrez-moi."
Zorru s'exécuta, pointant sur leur plan une zone se trouvant à quelques jours de marche. En regroupant cette donnée avec les informations offertes par Zevlor précédemment, Nymuë en déduisit que le col de la montagne devait être un peu plus haut que les ruines où s'étaient réfugiés les gobelins. Ce qui voulait donc dire que pour atteindre les githyankis, il faudrait passer par ces créatures quoi qu'il arrive. Lae'zel était arrivée à la même conclusion, mais la perspective de durs combats à venir ne paraissait guère l'inquiéter. Au contraire, son air renfrogné était plus détendu, ses sourcils moins froncés. Si Nymuë se sentait d'humeur plus audacieuse, elle pourrait presque avancer qu'elle irradiait.
" Debout, ordonna la guerrière. Vous allez pouvoir garder vos organes."
Zorru ne se le fit pas dire deux fois. Sans demander son reste, il fila à l'autre bout de la caverne, jetant parfois un bref regard terrifié derrière lui.
" Les autochtones sont particulièrement dociles, apprécia Lae'zel. C'est toujours utile.
- Nous verrons si vous pensez toujours la même chose lorsqu'il reviendra en compagnie de ses amis, rétorqua Nymuë. Je ne suis pas contre un peu d'interrogation armée. Mais peut-être serait-il bon à l'avenir de choisir plus judicieusement nos cibles. Les gobelins sur notre chemin, par exemple, seraient un bon moyen de vous dépenser.
- Vous avez déjà assisté à ce genre d'échanges, en déduisit sa camarade. Pourquoi avoir la faiblesse de ne pas écraser ceux qui prouvent ne pas être assez forts pour vous faire face ? Quand une carapace est si fine, il ne faut pas grand-chose pour la fissurer.
- C'est la première fois que vous atterrissez en Faerun, pas vrai ?"
La guerrière ne répondit pas, lui adressant à la place un autre regard malveillant. Nymuë l'étudia : elle n'était pas sûre d'elle, mais la défiance de la githyanki, son agressivité continuelle… Cela lui rappelait les autres membres de la "Parade Exotique" avec qui elle avait grandi. Lors des premières représentations des nouveaux arrivants, Dame Seri engageait constamment un mercenaire, prêt à intervenir en cas de perturbation. Cela incluait aussi bien les accidents côté public… que côté scène. Lorsqu'ils sont seuls, sans option, forcés de marcher en pleine lumière alors qu'ils sont en milieu hostile, les êtres vivants ont souvent deux réactions : la terreur pure, ou la violence. Etait-ce ainsi que Lae'zel voyait leur situation ? Une terre inconnue, un parasite prêt à la transformer en créature monstrueuse à tout instant… Dans un monde dont elle ne connaissait ni les règles, ni les habitants ? A sa place, peut-être que Nymuë aurait aussi envie de rejoindre les siens sans perdre une seule seconde.
Non, stupide. Elle n'appartenait à aucune communauté.
" Très bien, déclara-t-elle simplement. Si une crèche se trouve à l'ouest d'ici, nous ferons au mieux pour nous y rendre. En espérant tout de même qu'un guérisseur nous aide d'ici là.
- La purification ne peut attendre, approuva Lae'zel. Le zaith'isk de la crèche nous débarrassera du parasite.
- Allons rejoindre les autres, proposa l'elfe noire, avant qu'ils ne se mettent à menacer quelqu'un, eux-aussi."
La guerrière hocha la tête et se dirigea vers l'entrée du Bosquet, Nymuë sur ses talons. La jeune femme l'observait, pensive. La route à venir allait être difficile, probablement riche en accidents diplomatiques et autres menaces de mort. Mais elle avait pris sa décision.
Elle l'aimait bien, finalement, cette githyanki.
Notes de fin :
Et voici pour ce chapitre 04 ! Pas mon favori pour être honnête avec vous, j'ai vraiment commencé à m'amuser en terme d'écriture à partir du chapitre 05.
Comme vous l'avez vu, il y a une "petite" scène d'action dans ce chapitre. Voilà comment j'ai décidé de procéder pour les combats : comme ce ne sont pas les phases les plus évidentes à rédiger, j'ai décidé de sélectionner les batailles que je souhaitais voir apparaître au sein de cette histoire. Elles ne seront pas aussi nombreuses que dans le jeu, par contre à l'heure actuelle elles sont toutes mises en scène et font l'objet quasiment de chapitres dédiés. Ca me paraît être un bon équilibre à ce jour.
Ne vous inquiétez pas, le rapprochement entre Nymuë et un certain vampire prend son temps, mais il arrive. J'aime poser mes bases pour le développement des personnages.
N'hésitez pas à me faire vos retours, et d'ici là je vous dit à la semaine prochaine !
