Chapitre 15 : De l'autre côté du miroir
Severus Rogue arriva au bureau de son mentor après de longues minutes de marche.
Il lança le mot de passe et, sans s'arrêter, il grimpa les marches deux à deux. Après avoir toqué à la porte pour la forme, il ouvrit la porte à la volée.
Le directeur venait de sortir de ses appartements, encore en robe de nuit avec un bonnet assez ridicule sur la tête, qui aurait fait certainement rire intérieurement le jeune sorcier si la situation n'était pas aussi grave.
-« Que se passe-t'il Severus ? J'imagine qu'il y a quelque chose de grave si tu viens à cette heure dans mon bureau.
-Vous imaginez bien Albus. » répondit Rogue, encore essoufflé de son effort.
-« Calme-toi et raconte-moi ce qu'il se passe mon garçon. Veux-tu une chaise ou un bonbon au citron ? »
Rogue ne releva pas le surnom une fois de plus utilisé sans son consentement par son mentor et refusa le siège ainsi que la sucrerie.
-« Albus, en revenant aux cachots après avoir terminé de ma ronde de cette nuit, je suis tombé sur Karkaroff en train d'agresser Miss Revali. Je les ai séparés et Karkaroff est tombé au sol, inanimé. J'ai souhaité m'assurer que Miss Revali allait bien mais il s'est avéré que ce n'était pas la plus amochée des deux. L'homme est dans un sale état…. Et ce n'est absolument pas de mon fait. » expliqua le maitre des potions en passant ses grandes mains sur son visage.
-« Qu'était-il en train de faire exactement Severus ? » demanda Albus d'une voix grave.
-« Il allait la violer, Albus.
-Et elle s'est défendue, d'où l'état de Mr Karkaroff, c'est bien cela ? »
-Oui, c'est ce que je viens de vous dire. Mais elle ne s'est pas simplement défendue. Elle lui a fait subir sa colère d'une façon extrêmement violente. C'est de la magie très noire, je pourrais en mettre ma main à couper. C'est comme si il avait perdu toute l'eau de son corps, comme si elle l'avait fait bouillir de l'intérieur. Il est totalement desséché. Et elle allait le tuer si je ne les avais pas interrompus, elle me l'a confirmé. Pas qu'il ne le méritait pas, mais je n'avais jamais vu une chose pareille, Albus. Jamais.
-L'as-tu emmené à l'infirmerie ?
-Karkaroff ? Oui évidement.
-Et miss Revali ?
-C'est là la partie qui m'échappe. Elle a disparu pendant que je me penchais sur le cas de Karkaroff dans le couloir. Je l'ai cherchée absolument partout et impossible de mettre la main sur elle. Elle est nulle part. Comme volatilisée. Pourtant je suis presque certain qu'elle est encore dans le château. Mais où ?
Albus fronça les sourcils. Il se tourna alors vers les tableaux suspendus aux murs de son bureau et s'adressa aux anciens directeurs.
-« Savez-vous où est miss Revali ? »
Un grand silence lui répondit. La plupart secouèrent la tête à la négative. D'autres restaient silencieux, atterrés par l'histoire qu'ils venaient d'entendre.
-« Personne ne l'a vue ? En êtes-vous bien certains ? » reprit le vieil homme, de plus en plus soucieux.
C'est alors que l'un d'entre eux prit la parole. Le portrait était celui d'un certain Phineas Nigellus Black, un viel homme aux cheveux et à la barbe grisonnante, coiffé d'un petit chapeau de fourrure brune.
-« Moi je l'ai vue ! » Annonça-t'il d'une voix calme.
Albus le détailla du regard attendant la suite. Comme elle ne venait pas il lui demanda des explications.
-« Phineas ? Vous venez de nous dire que vous avez vu Miss Revali ? Savez-vous où elle se trouve à présent ? »
-Tout à fait Albus !
-Et pourriez-vous nous faire part de vos connaissances à ce sujet ?
-C'est que… c'est délicat… » répondit le portrait d'une voix un peu hésitante.
Rogue se rapprocha alors du tableau, menaçant.
-« Vous vous moquez de nous ? » Gronda t'il. « Dites-nous immédiatement où elle est ! »
-Je viens de vous dire que c'était délicat. » Se justifia le portrait d'une voix vive.
Albus fit au jeune sorcier le signe de se calmer. Il s'adressa alors d'une voix douce au tableau.
-« Phineas, mon ami… Vous comprenez bien que nous devons savoir où elle se trouve. Elle est peut-être en danger. Après ce qu'il s'est passé, il vaudrait mieux ne pas la laisser seule !
-« Oh elle n'est pas en danger, Albus. Elle va bien c'est tout ce que je peux vous dire. »
-Par les couilles de Merlin !» hurla Rogue, « Je ne reviens pas qu'on doive convaincre un simple portrait de nous révéler un élément aussi crucial ! Tu vas parler oui espèce de croûte hideuse ?! »
La dite « croûte » lui jeta un regard noir et Dumbledore regarda son fidèle bras droit avec un soupir.
-« Severus, calme-toi. Agresser Phineas ne nous aidera pas. »
Le maître des potions eut l'air de s'étouffer avec un os d'autruche mais n'ajouta rien. Dumbledore se tourna une fois de plus vers le portrait.
-« Pouvez-vous nous dire si Miss Revali est dans le château Phineas ?
-Oui, Albus elle s'y trouve.
-Et pourquoi ne pouvez-vous pas nous dire où elle se trouve mon ami ? demanda Albus d'une voix calme.
-Parce que dans le lieu où elle est, elle est introuvable. Elle en a fait la demande. Et vous savez aussi bien que moi qu'une aide est toujours apportée à ceux qui en ont besoin à Poudlard ». Répondit l'ancien directeur sur toile.
-« Je comprends mieux… »
Albus se mit à réfléchir quelques longues secondes. Le jeune sorcier en face de lui se retenait de cracher sa hargne. De son fauteuil, le vieux directeur ressentait les vagues de colère émaner de lui.
-« Si vous ne pouvez pas nous dire où elle est, peut être pouvez-vous nous montrer… » demanda alors le directeur d'un ton énigmatique qui fit froncer les sourcils de son maître des potions.
Phineas parut réfléchir un instant avant de répondre.
-« Eh bien…. Je crois qu'elle ne s'y était pas vraiment opposée… après tout sa requête était de ne pas pouvoir être trouvée où elle se trouve, mais elle n'a pas demandé explicitement de ne pas être vue…
Il sortit alors du tableau en s'éloignant, puis d'un coup, le tableau se transforma en miroir. Mais les deux hommes qui s'étaient rapprochés du cadre ne virent pas leur reflet dans celui-ci.
Ce qu'ils virent leur coupèrent le souffle.
Ils tombèrent sur une pièce, un petit salon plus précisément, assez coquet et chaleureusement aménagé, où ronflait joyeusement un feu de cheminée. À sa droite, un magnifique piano à queue était installé, d'où sortait un sublime air de musique. Une musique douce et mélodieuse. Une musique qui transperça le cœur des deux hommes.
Et qui était jouée par une jeune femme brune et svelte. Elle avait les yeux baissés sur le clavier où ses doigts semblaient à peine toucher les touches. Elle semblait totalement perdue dans sa concentration.
Soudain, l'air doux se transforma pour donner naissance à une mélodie beaucoup plus vive et entraînante. Certains accords rajoutaient même un ton légèrement inquiétant à la musique. Mais c'était magnifique. De la grande musique.
Perdus dans leur contemplation, les deux hommes ne virent pas le temps s'écouler, comme figés sur place.
Subitement, la jeune femme leva les yeux dans leur direction comme si elle avait senti le poids de leur regard sur elle. Pourtant les deux sorciers étaient certains qu'elle ne pouvait pas les voir. Elle fronça les sourcils puis s'arrêta net dans son morceau et leva une main dans la direction des deux hommes.
L'image fut comme brouillée et ils ne virent plus rien. Le miroir laissa à nouveau la place à une peinture et Phineas revint doucement vers son fauteuil.
Le moment de grâce prit alors fin, ce qui sembla sortir le directeur et son potionniste d'une certaine léthargie.
Ils ne dirent d'abord rien et restèrent comme deux piquets, figés à leur place. Puis le directeur soupira.
-« Au moins nous voilà rassurés. Miss Revali n'était effectivement pas en danger. »
-« Je vous l'avais bien dit ! » S'exclama le portrait avec un brin d'indignation.
Severus Rogue le fusilla du regard et s'approcha du bureau de son mentor, lequel s'était déjà rassit dans son fauteuil. Il prit place à son tour et leva les yeux pour regarder le vieil homme.
-« Vous savez où elle se trouve n'est-ce pas ? » demanda-t'il d'une voix calme.
-« Je crois avoir ma petite idée sur la question, oui » répondit Albus d'un air énigmatique.
-« Serait-ce trop vous demander d'éclairer mes lumières ? » réclama Rogue d'un ton sarcastique où pointait une légère impatience.
Albus Dumbledore pouffa et le regarda avec son habituel air malicieux.
-« As-tu déjà entendu parler de la Salle sur demande, Severus ? » dit-il en mettant ses deux mains, aux doigts entrecroisés, sous son menton dans une posture professorale.
-« Pardon ? » demanda l'homme en noir en fronçant les sourcils.
-« Au vue de ta réaction, je vais prendre cela pour un non. »
Le vieux directeur s'adossa dans son fauteuil et prit une grande inspiration.
-« La salle sur demande est une pièce de ce château qui apparait quand on en formule la demande. Il suffit de demander quelque chose et elle apparait avec ce que l'on veut dedans. » expliqua-t'il.
-« Mhm intéressant… » répondit Rogue, la main tapotant sa tempe dans une attitude pensive. « Et où se trouve-t 'elle cette fameuse pièce ?
-Alors ça mon ami, je n'en ai pas la moindre idée. » annonça Albus d'un air un peu déçu.
-« Vous êtes en train de me dire qu'il y a au moins une chose dans ce château que vous ne connaissez pas ? » Demanda le serpentard dans un rictus ironique.
Albus lâcha un petit rire, véritablement amusé par la petite pique du professeur.
-« Eh oui, mon garçon, même un vieil homme comme moi possède des lacunes. » répondit le directeur toujours souriant.
Ainsi donc, voilà où Revali se cachait toutes les fois où je l'ai suivie… Je me demandais bien d'où elle tenait cette capacité de disparaitre complètement du château. Quelle intelligente petite garce. Se dit Rogue intérieurement.
-« Si vous voulez mon avis, Albus, je pense que Miss Revali ne joue pas simplement de douces mélodies pendant ses petites « retraites intimes ». Je crois qu'elle y fait bien d'autres choses. Il y a quelques semaines, son état physique s'était nettement détérioré. Comme si elle passait ses nuits à travailler sur un projet. Car je doute sérieusement que l'on puisse se mettre dans un état pareil pour jouer d'un instrument. Non, Albus, vous pouvez me croire, ses cheveux gras ne trompaient pas. Elle fait des potions. Et je doute que ce soit tout. » lança le maitre des potions, suspicieux.
-« Mhm effectivement, ton raisonnement me parait juste, mon ami… Surveille là, vois où elle peut se cacher. J'aimerais en savoir plus sur ses activités, fussent-t'elles dangereuses ou non. » missionna Dumbledore au jeune sorcier en face de lui. « Cette jeune femme me parait de plus en plus intrigante, je dois dire. Il faut vraiment que j'effectue des recherches sur son passé… Notamment sur ses parents. J'ai été bien trop occupé ces derniers temps pour m'en occuper mais je pense que cela ne peut plus attendre. » Continua-t 'il d'une voix ferme .
Le directeur des serpentards hocha la tête, en accord avec son supérieur.
Oui décidément cette Revali est une énigme. Et, elle l'a prouvé ce soir, une bien « dangereuse » énigme. Se dit Rogue dans sa réflexion.
-« Et que faisons-nous pour Karkaroff, Albus ? Parce que je ne sais pas du tout quel sortilège elle a pu utiliser, cela dépasse mon expertise en Magie Noire. »
-« C'est à ce point catastrophique Severus ? » demanda-t-il en se levant dans l'optique d'aller constater les dégâts de lui-même.
-« Oui Albus, je n'exagère pas » Répondit Rogue en le suivant dans les escaliers en colimaçon.
Tout en essayant de trouver une solution, ils se dirigèrent vers l'infirmerie où ils trouvèrent Karkaroff inconscient.
-« Comment-va notre patient Poppy' ? » s'adressa le vieil homme à l'infirmière des lieux.
-« Je ne sais pas Albus, il est vraiment très faible et déshydraté comme je n'ai jamais vu. Je lui ai fait deux perfusions pour le réhydrater mais sa fièvre ne diminue toujours pas. Je crains qu'il ne passe pas la nuit… » Annonça-t-elle d'un air malheureux.
-« Mhm. » répondit le vieux sorcier avant de lever sa baguette vers le corps inanimé.
Il prononça quelques paroles inintelligibles et, sortirent de sa baguette, quelques brins dorés qui vinrent entourer le malade, formant un halo autour de lui. Le reflet doré disparut progressivement et la respiration du directeur de Durmstrang se ralentit.
-« Qu'avez-vous fait Albus ? » demanda Pomfresh, les yeux écarquillés. « Sa respiration s'est nettement améliorée.
-Un sort de stase humaine, Poppy. Cela devrait nous laisser le temps de trouver le remède à son état. » lui répondit-il.
Il se tourna ensuite vers son maître des potions.
-« Severus, puis-je compter sur tes talents et ton intelligence pour travailler sur un moyen de le soigner ? Sa mort dans ces lieux pourrait causer de graves problèmes diplomatiques avec la Bulgarie. Et Merlin sait à quel point nous avons besoin de soutien. Surtout par les temps qui courent » demanda-t'il d'une voix douce.
-« Oui Albus, je m'en charge ».
Il tourna les talons dans une envolée de cape noire, non sans avoir avant jeté un regard assez méprisant au corps de l'homme allongé devant lui. Il sortit de l'infirmerie et bientôt le bruit de ses pas claquant sur le sol disparurent dans le silence de la nuit.
