Chapitre 19 : Les champions

Deux jours s'étaient passés depuis sa confrontation avec le professeur Rogue. June n'était pas dupe, il chercherait à se venger. Elle restait donc vigilante.

Ils avaient tous les deux complètement vrillé et dépassé les bornes. Elle ne comprenait pas comment la situation, au départ plutôt simple, avait pu dégénérer à ce point-là.

Elle avait néanmoins vérifié une théorie. Son professeur de potions et Karkaroff se connaissaient bel et bien. Ils s'étaient rencontrés au fanclub du Lord Noir, et à son humble avis, pas pour jouer au scrabble ou tout autre jeu moldu du même acabit. Elle avait de ce fait un point de pression sur l'un des membres de l'équipe professorale, et pas le moindre. June sourit. Il fallait toujours avoir une carte surprise dans sa poche.

Elle avait suivi les cours des derniers jours sans incident particulier. Le directeur des serpentards l'avait soigneusement ignorée à chaque cours et s'était fait le plaisir de lui rendre des devoirs notés, accompagnés de la mention « Troll » bien que les travaux de la jeune femme soient à la hauteur de ses potions, c'est-à-dire absolument parfaits.

Entre temps, elle avait fini sa « Grande Défaucheuse » qui reposait à présent fièrement dans plusieurs flacons sur une étagère de la salle sur demande. Elle en était ravie. Un contre-poison de cette pureté était extrêmement efficace et pouvait remettre un homme, même empoisonné lourdement, sur ses jambes en quelques minutes seulement.

Elle avait aussi avancé sur son projet de lotion capillaire pour le « syndrome des cheveux gras du potionniste ». Un troisième travail, cette fois beaucoup plus dangereux, mijotait dans un chaudron. C'était un « filtre rongeur », une énième invention de la jeune sorcière. Celui-ci, lancé sur un ennemi même à très faible dose, venait ronger sa peau petit à petit, pour ne laisser qu'un cadavre disparaissant complètement, tissus mous et ossements, en une demi-heure maximum. Elle avait évidemment préparé un antidote spécifique, même si la « Grande Défaucheuse » pouvait servir à cet usage également.

Elle lança un regard fier à ses flacons. Elle poserait un brevet assez rapidement pour que ce soit vendu sur le marché au plus vite.


Au repas du soir, June remarqua la présence d'Igor Karkaroff. Il avait l'air d'avoir perdu une dizaine d'années, ses joues étaient creusées et les poches sous ses yeux trahissaient le manque de sommeil. Si son état inquiéta tout le monde, surtout du côté de ses propres élèves, personne ne pouvait se douter de la raison qui le rendait ainsi. Tous pensaient qu'il avait eu une dragoncelle ou bien une éclabouille particulièrement virulente. Mais la réalité, était que son corps le faisait atrocement souffrir depuis son réveil à cause de douleurs musculaires et squelettiques affreuses, l'empêchant de se reposer comme son état le demandait.

Il savait très bien à qui il devait cette convalescence abominable. Il jeta à l'origine de tous ses maux un regard mauvais. Il lui ferait payer cet acte. À elle et à Dumbledore. Celui-ci était venu s'entretenir avec lui à l'infirmerie après son réveil à propos de sa « confrontation » avec son ancienne élève. Elle avait évidemment tout rapporté au vieux mage ce qui l'avait bien entendu rendu furieux. Il risquait à présent de se faire retirer la place de directeur dans l'Institut Durmstrang. Il n'en était pas question ! Il allait tout faire pour que cela n'arrive pas, quitte à faire disparaître victime et témoins. Albus lui avait dit qu'il ne parlerait au roi qu'à la fin du mois de juin pour éviter un scandale médiatique pendant le tournoi. Il avait donc le temps de préparer sa défense et de faire disparaître les preuves.

Dumbledore se leva au milieu du repas. Il contourna la grande table des professeurs pour se placer derrière son pupitre en forme de chouette .

-« Sileeeeence ».

La salle se tut presque immédiatement, attendant la suite.

-« Mes chers enfants, ce soir je vais vous annoncer une nouvelle que vous attendiez tous impatiemment. Il est en effet temps de vous révéler la sélection des trois champions ! » s'exclama-t-il avec un sourire.

Un tonnerre d'applaudissements accueillit ses paroles.

Le vieux directeur avança vers la coupe qui brûlait à présent d'un feu bleuté. Celle-ci cracha soudain, dans un jet de flammes, un petit bout de parchemins blanchâtre qui retomba directement dans la main tendue de Dumbledore.

-« Le champion de Durmstrang ne sera autre que …. VICTOR KRUM ! » annonça-t-il avant de chercher des yeux le sorcier bulgare.

Celui-ci salua en souriant toute l'assemblée qui hurlaient et applaudissait à s'en décrocher les poignets. Il se pencha vers June pour lui voler un baiser et, sous les yeux de la foule en délire et le regard assassin de la jeune sorcière, il se leva de la table et s'approcha d'un pas fier vers l'estrade. Il la contourna pour aller dans une pièce annexe accompagné de son directeur qui l'accompagna avec toute la peine du monde, ses muscles tiraillant son corps.

La coupe de feu crépita une nouvelle fois pour choisir la championne de Beauxbâtons, la très jolie Fleur Delacour, qui eut un accueil aussi flamboyant que son prédécesseur. Elle se retrouva dans les bras de Madame Maxime qui tremblait de joie, à la limite de la syncope. Elle disparaissait à son tour de la grande salle quand la coupe se réveilla pour la troisième fois.

Ce fut le silence. Tout le monde attendait le nom du champion de Poudlard. Beaucoup d'élèves avaient parié sur le jeune Cédric Diggory comme représentant de l'école britannique. En opposition, c'était le nom de « Revali » qui revenait en force chez une autre partie des étudiants.

Elle était vraiment très populaire dans l'école et encore plus depuis le match de Quidditch où elle avait impressionné la foule. Elle était connue comme intelligente, débrouillarde, dangereuse et ferait pour de nombreux étudiants une redoutable concurrente.

Même les professeurs semblaient de cet avis. Ils s'étaient tous mis d'accord dans la salle des professeurs en début de semaine après de longues heures de débat depuis l'annonce du Tournoi, et ce, au grand dam de Rogue qui avait horreur de ce genre de débats stériles.

Le papier un peu brulé arriva dans les mains du directeur. Il le déplia d'une main ferme.

-« Le champion de Poudlard sera... », dit-il, rendant le suspense presque insoutenable pour l'assemblée, « CEDRIC DIGGORY ! »

La moitié de la foule hurla de joie en se levant pour applaudir et les camarades du Poufsouffle lui tapèrent gentiment dans le dos.

Les autres étaient déçus et regardaient d'un air désolé la jeune sorcière aux yeux bicolores. June vit Cédric passer devant elle avec un air satisfait et disparaître à son tour dans la salle d'à côté avec le professeur Rogue. Elle ne semblait pas sentir les nombreux regards posés sur elle, ni celui de l'homme en noir qui lui avait jeté un regard victorieux.

Celui-ci, en effet, jubilait. Il espérait qu'elle s'étoufferait dans sa déception.

Il était tellement heureux qu'il en félicita le jeune homme à ses côtés d'un ton mielleux. Celui-ci le regarda, choqué par la bonne humeur de son professeur, qu'il remercia avec précipitation.

Mais à ce même moment, dans la Grande Salle, il n'y avait plus un seul bruit. Tous avaient le regard braqué sur la coupe qui se manifestait une nouvelle fois.

Un quatrième bout de parchemin en sortit dans une explosion de flammes et atterrit dans la main du directeur. Celui-ci fronça les sourcils, qui finirent par se toucher pour ne former qu'une seule ligne.

-« Harry…. HARRY POTTER ?! » dit-il d'une voix presque tremblante.

Un silence lui répondit. Tous étaient sous le choc. D'un coup, ce fut le capharnaüm. Les chuchotements devinrent des hurlements de fureur et de surprise. Ils convergèrent tous leur regards sur le jeune sorcier qui tentait de disparaître sous la table, écrasé par le malaise.

-« HARRY POTTER VENEZ ICI TOUT DE SUITE ! » cria Albus.

Celui-ci se leva comme un robot, les jambes flageolantes et tenta de ne pas tomber au sol. Sous les regards de haine que lui jetaient les autres élèves, il arriva timidement au niveau du vieux sorcier.

Dumbledore le regarda gravement, les lèvres pincées avant de lui donner l'ordre de suivre les autres candidats par la porte dérobée.

June, qui n'avait rien raté de la scène, resta un moment dans ses pensées. Autour d'elle tout le monde pestait contre Harry. Il était devenu, en l'espace de quelques minutes, plus impopulaire que Peeves. Les élèves étaient remontés contre lui mais se demandaient surtout comment il avait réussi cet exploit.

June, elle, ne pensait pas une seule seconde que Harry était le responsable de la situation.

C'est surtout un beau coup monté. Mais quel intérêt franchement ?

Des éclats de voix sortaient de la salle où les quatre champions, Karkaroff, Madame Maxime, Rogue, Maugrey et Dumbledore avaient disparu. C'était une situation inédite. Le Tournoi des Trois Sorciers ne pouvait pas avoir quatre champions ! C'était ridicule ! Cela revenait à avantager l'école de Poudlard par rapport aux autres institutions. De nombreux étudiants proposaient déjà de refaire les élections. D'autres souhaitaient rajouter deux nouveaux étudiants, un de Durmstrang et un de Beauxbâtons pour équilibrer les chances.

Mais June, qui connaissait très bien le sujet pour l'avoir étudié dans un certain nombre de livres, savait que c'était impossible. La coupe de Feu choisissait une seule fois. Les candidats choisis étaient tenus de participer aux épreuves par un contrat magique inchangeable. La seule règle possiblement modifiable, et encore, était l'inter-changement de candidat provenant de la même école, si jamais celui qui avait été choisi en premier avait une raison exceptionnelle et valable de ne pas pouvoir participer, raison qui ne pouvait être que la maladie ou la mort.

Les éclats de voix devenaient de plus en plus virulents dans la salle annexe, ce qui décida le professeur McGonagall à envoyer les élèves aller se coucher en vitesse.

Quelques minutes après, la Grande Salle était vide.

June profita que les professeurs soient tous occupés pour agir. Elle entra dans la salle des Objets Perdus et retrouva le chemin jusqu'au diadème ensorcelé. Elle le trouva à l'exact même emplacement où elle l'avait placé et s'en empara, après l'avoir emballé dans un vieux tissu blanchâtre qui avait dû appartenir à une chemise de nuit. Elle le glissa sous sa cape et ressortit de la salle. Elle pénétra dans ses quartiers avec l'objet. Toute la manœuvre lui avait pris moins de dix minutes.

Elle métamorphosa une assiette en plateau d'argent et posa dessus le bijou en faisant bien attention à ne surtout pas le toucher. Elle savait très bien que poser la main sur un objet rempli de magie noire était le meilleur moyen de se faire tuer.

June tourna autour de la petite table sur lequel elle avait déposé le précieux artéfact. Elle ne le lâchait pas du regard. L'air s'était considérablement alourdi depuis qu'elle était rentrée, lourd et électrique comme si l'objet dégageait des vagues puissantes de magie. Elle savait qu'il n'était pas bon de travailler dans cet air ambiant et que ce genre de conditions de travail avait fait tourner la tête de nombreux scientifiques au cours de l'histoire, provoquant chez eux des troubles cognitifs associés à des comportements hétéro ou autoaggressifs et les menant souvent à la folie et au suicide.

Comme elle ne désirait pas finir dans ces abominables conditions, elle utilisa sa baguette pour fabriquer une sorte de coque transparente et protectrice autour du diadème qui se mit à léviter au-dessus du petit plateau d'argent. L'air perdit son électricité et devint plus respirable. Elle se demanda alors pourquoi elle n'avait pas ressenti cela dans la salle des objets perdus. Elle en arriva à la conclusion que la salle y était bien plus grande et surtout pleine d'objets qui devaient aider à absorber les nocives émanations du bijou.

Elle pratiqua plusieurs tests assez rapides sur l'artéfact. Il n'y avait pas de doute, il était doté d'une très grande quantité de magie noire. June se demanda ce qu'il pouvait en être. Elle aurait certainement plus de renseignements dans un grimoire qu'en le fixant, attendant qu'il lui parle. Malheureusement elle ne savait pas où trouver ce genre de recueils. La Réserve ne contenait rien de ce style, elle avait eu l'occasion d'en faire le tour pendant ses nombreuses sorties nocturnes. Elle ne trouverait certainement pas son bonheur dans la librairie de Pré-au-lard qui était un lieu réservé aux bonnes gens et pas aux sorciers dépravés et dangereux.

Il restait la solution de Barjow ou bien de l'Allée des Embrumes. Si elle était déjà allée dans le premier lieu, elle ne savait pas exactement ce qu'elle trouverait dans le second. Elle aurait aimé y aller à la prochaine sortie organisée mais malheureusement une fille de son âge avait toutes les chances de se faire méchamment agresser. Si June savait se battre, elle n'était pas non plus du genre à se jeter tête baissée dans le danger. Elle pouvait y aller avec un ami mais savait que cela reviendrait à devoir révéler ce qu'elle cherchait. Quoique… si elle prenait quelqu'un de suffisamment costaud, de bête mais de discret, elle ne risquerait rien.

Elle réfléchit alors intensément au candidat idéal en s'allumant une cigarette. Elle regarda par ailleurs sa réserve de paquets. Il n'en restait plus beaucoup. Elle devrait bientôt envoyer une lettre à Agatha pour qu'elle lui en renvoie une cartouche.

La jeune femme prit place sur un des fauteuils de son petit salon et tira une grande bouffée de cigarette avant de la recracher la seconde d'après.

Drago Malfoy était une fouine, Edgar et Angelica étaient trop intelligents, Graham trop occupé, Luna était, à sa manière, extrêmement lucide, les gryffondors allaient dénoter avec l'ambiance…

Elle imagina embarquer avec elle le jeune Harry Potter. Dumbledore serait capable de la renvoyer si jamais elle mettait en danger son petit protégé.

Elle ricana en tapotant son index sur sa tempe, le poignet sous son menton.

Non il lui fallait un garçon, assez baraqué, et stupide.

Mais qui pouvait être l'heureux élu ?

Soudain, elle eut un éclair de lucidité.

Et si elle devenait elle-même ce fameux garçon baraqué à l'œil stupide ? Ainsi elle pourrait ne rien révéler, agir par soi-même et être bien plus efficace.

Elle devait dans ce cas préparer du polynectar pour que son plan soit réalisable le mois prochain. Elle avait déjà choisi le donneur de cheveux idéal. Goyle. Grégory Goyle serait absolument parfait. Il avait en plus des précédentes « qualités », un œil assez méchant qui ne la rendrait pas très abordable aux yeux des passants de l'Allée des Embrumes.

Elle n'avait plus qu'à se mettre à la préparation de la potion. Mais quand elle fouilla dans ses placards, elle ne vit pas tous les ingrédients dont elle avait besoin. Il lui en manquait un ou deux. Elle savait où elle pourrait en trouver facilement et surtout gratuitement.

Dans la réserve personnelle du professeur Rogue.