Emma courrait à en perdre haleine. Elle avait reçu un message de sa collègue l'informant qu'elle avait procédé à l'arrestation d'Ava Tillman avant l'arrivée des agents de probations. La possible véritable coupable du meurtre de l'enfant de Concord était seule avec la juge, au tribunal, et pour une raison qu'elle ignorait, la blonde ne pouvait s'empêcher d'être inquiète.

Elle avait commandé un taxi, presque immédiatement après avoir eu vent de l'annonce. Celui-ci avait pris du temps à arriver, beaucoup trop à son goût, alors elle s'était lancée dans une course effrayée dans les rues doucement enneigées de la ville.

Elle courrait sans s'arrêter. Elle empruntait des raccourcis pour gagner quelques précieuses minutes. Elle sentait la brulure de l'effort naitre dans les muscles de ses jambes bien qu'elle ait l'habitude de côtoyer la salle de sport au moins une fois par semaine.

Elle courrait comme si sa vie en dépendait, comme si la mort était à ses trousses. Elle n'avait pas souvenir d'avoir, un jour, couru de cette manière. Le souffle court, les cheveux volant dans son dos, elle continuait d'avancer malgré ses poumons qui la suppliait d'arrêter. L'air frais lui brulait la gorge mais elle ne pouvait s'arrêter. Elle devait continuer de courir, encore plus vite.

Une fois qu'elle vit le tribunal se dessiner sous ses yeux, elle plongea sa main dans la poche de sa veste pour en tirer son badge d'accès qui lui permit d'ouvrir la porte.

« Mademoiselle Swan ? Comment ça se fait que vous êtes revenue ? » S'exclama Belle, étonnée de la voir dégoulinante de sueur.

« Les preuves que l'on a obtenu du bureau d'enquête sur le meurtre de cet enfant, apportez-les-moi tout de suite, dans la salle d'interrogatoire. » Répondit-t-elle essoufflée avant de reprendre sa course en direction des ascenseurs.

« Euh... Mais... Mais Mademoiselle Swan ! J'étais sur le point de rentrer chez moi ! » Fit la brune, désespérée à l'idée de pouvoir enfin retrouver le confort de son petit appartement après une interminable journée.

« Ava Tillman est dans la salle d'interrogatoire ! » Informa la juge qui se défoula sur le bouton pour appeler l'ascenseur.

« Quoi ? » Lâcha la médiatrice en justice, incrédule.

« Ava Tillman, dans la salle, en ce moment ! » Cria-t-elle en optant finalement pour les escaliers.

« Oh mince. J'ai compris ! Attendez ! Attendez-moi ! »

Montant les marches par paires de deux, elles se séparèrent au détour d'un couloir – se mettant d'accord, d'un simple signe de tête, pour se retrouver dans ladite salle d'interrogatoire. Emma se précipita alors vers son bureau et, voyant son homologue au bout du couloir, elle s'autorisa à ralentir pour reprendre son souffle et être un peu plus présentable.

« Madame Mills, parfait ! Mais enfin, qu'est-ce que vous vous êtes fait à la main ? Vous vous êtes blessée ? Vous avez besoin d'aller à l'hôpital ? » S'exclama-t-elle, l'inquiétude se lisant sur son visage, en voyant le bandage déjà teinté de sang qui recouvrait l'intégralité de sa main droite – de son poignet à ses métacarpes.

« Ne vous inquiétez pas, ce n'est absolument rien. » Souffla la brune qui tira un peu plus sur la manche de son manteau pour cacher sa blessure.

« D'accord... Je n'ai pas encore réussi à joindre le tuteur légal d'Ava Tillman mais je vais essayer par tous les moyens de la contacter... »

« C'est bon, je m'en suis déjà occupée. » Affirma Regina en lui coupant la parole.

« Vous avez fait quoi ? »

« J'ai contacté son avocate. »

« Son avocate ? » Répéta Emma, quémandant silencieusement plus d'explication.

« Ses deux parents vivent en ce moment en Europe. Son père est à la tête d'une entreprise et sa mère gère une boutique renommée, c'est pour cette raison qu'un cabinet d'avocat s'occupe d'elle en leur nom. Je suppose que connaissez le cabinet d'avocat Enchanted, c'est un très grand cabinet d'avocat. Leur représentant ne devrait plus tarder. »

Et ce fut le cas, en quelques minutes à peine, une sulfureuse rousse se présenta comme étant l'avocate de l'adolescente. Belle arriva presque en même temps alors, toutes ensembles, elles rejoignirent la salle d'interrogatoire où Ava se trouvait être enfermée à double tour depuis son arrivée au tribunal.

« Je me demandais quelle juge pouvait bien être aussi inconsciente pour convoquer une mineur à cette heure-là. Je me doutais bien que ce serait toi. J'ai entendu parler de toi Regina, tu ne travailles que dans les tribunaux pour mineur. » Lança la jeune femme, assise au côté de sa cliente.

« Vous êtes là en tant qu'avocate, Madame Green, alors ne prenez pas cette affaire trop à la légère. » Conseilla la brune qui la fusilla du regard avant de reprendre : « Vous avez le droit de garder le silence et donc, par conséquent, de ne pas répondre aux questions que je vais vous poser. Si vous renoncez à ce droit, tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous devant une cours de justice. Vous avez également le droit à un avocat. Signez, en bas de la page. »

Ava jeta un léger coup d'œil en direction de la rousse qui, d'un simple hochement de tête, lui donna l'autorisation d'agir. Elle empoigna alors le stylo et s'appliqua à gribouiller, de sa plus belle plume, son prénom en dessous du paragraphe qui affirmait qu'elle avait eu connaissance de son droit au silence et à une défense.

« Cet interrogatoire n'est pas un interrogatoire de police. C'est une enquête judiciaire visant à vérifier certains faits, vous pouvez donc répondre sereinement. » Ajouta Emma qui récupéra le document en lui adressant un sourire qui se voulait rassurant.

Elle savait bien que l'adolescente qui lui faisait face – même si à première vue, celle-ci semblait être fragile et timide – était sans doute le cerveau qui se cachait dernière cet horrible meurtre. Elle ne faisait pas preuve de gentillesse ni même de compassion à son égard, elle se l'interdisait, mais elle jugeait qu'être deux à jouer le méchant flic n'était pas le meilleur angle d'attaque alors, bien qu'elle n'eût aucune envie de se trouver dans cette pièce, elle fit en sorte de se comporter comme elle le ferait pour tous les jeunes délinquants, coupable de délits mineurs, qu'elle avait vu dans son bureau jusqu'à aujourd'hui.

« Je vous remercie Madame. » Souffla doucement Ava.

« On commence ? » Fit Zelena qui commençait à s'impatienter.

« Nicholas Zimmer est allé se rendre à la police en disant qu'il avait tué quelqu'un, la victime allait dans une école primaire du quartier. »

« Vous pouvez aller droit au but ? » S'exclama l'avocate, les yeux rivés sur sa montre, tout en interrompant la brune.

« Nicholas Zimmer, vous le connaissez ? » Grommela Regina.

« Je ne le connais pas. » Fit fébrilement l'adolescente.

« Pourquoi vous être enfuie alors ? »

« Parce que j'avais peur, vous n'arrêtiez pas de me suivre. »

« Regardez cela, c'est une liste des appels téléphoniques entre vous et Nicholas Zimmer. » Annonça la juge en glissant le document sous ses yeux.

« Elle a dû faire un mauvais numéro. » Assura immédiatement l'avocate qui s'empara du dossier avant de se le faire arracher des mains.

D'un stylo rouge, afin que tout le monde puisse bien les distinguer Regina se mit à souligner, un à un, chacun des appels qui reliaient les deux jeunes délinquants. Rien que sur la première page, elle comptait au moins douze fois où ils avaient été en contact pendant minimum trois minutes le jour du meurtre, ce qui invalidait donc la défense du mauvais numéro.

« Là, c'est du harcèlement. Elle a quelque chose à nous dire ? »

« Ma cliente va garder la silence. »

« Le jour du meurtre, aux alentours de l'heure estimée de l'incident, vous êtes la seule personne à avoir parlé au téléphone avec lui. Vous soutenez toujours que vous ne le connaissez pas ? »

« Ma cliente va garder le silence. »

« Le 13 décembre 2021, vous pouvez me dire où vous vous trouviez entre 11h et 16h ? Vous allez sans doute vouloir garder le silence aussi ? »

Le silence était pesant dans la salle. Ava fixait ses genoux sans oser relever le visage. Belle avait du mal à prendre note de tout ce qui était dit tant la juge Mills allait vite. Emma ne savait plus quoi dire, elle observait sa collègue d'un regard à la fois admiratif et terrifié. Elle était admirative de la voir mener cet interrogatoire d'une main de maitre mais aussi terrifiée... parce que la brune était, à cet instant précis, totalement terrifiante.

Regina se leva de sa chaise et fit quelques pas autour de la table, le bruit de ses talons martelant le sol brisait le silence qui emplissait la pièce. Les bras croisés au niveau de la poitrine, elle dépassa la médiatrice en justice qui pianotait à toute vitesse sur son ordinateur et vint se poster derrière l'adolescente.

« Ava, Nicholas Zimmer est un jeune délinquant de moins de quatorze ans. Il peut donc éviter les poursuites pénales à son encontre mais pas vous. Selon les articles 2 et 4 relatifs aux cas particuliers concernant la répression d'infractions violentes pour les mineurs, dans ce cas-là, la peine maximale est de 20 ans de prison. Je suis sûre que vous en êtes bien consciente. Vous savez que Nicholas a été jugé cet après-midi ? Vous ne devinerez jamais tout ce qu'il nous a raconté après le procès. »

L'adolescente essayait de garder son calme en soutenant le regard de la juge mais son langage corporel ne mentait pas. Sa respiration contenue, la contraction de sa mâchoire, les ongles qu'elle plantait sur le dos de sa main. Elle était sur le point de craquer, Regina en était consciente, Emma n'avait rien raté et son avocate l'avait également parfaitement compris.

« Il est minuit, je crois qu'il est l'heure. Fin de l'interrogatoire. » Annonça Zelena en bondissant de sa chaise.

« Asseyiez-vous ! J'ai une dernière question, vous partirez après. »

Les deux jeunes femmes retrouvèrent chacune leur chaise sous le regard noir de l'autre, la tension était vraiment électrique entre elles. Regina se réinstalla confortablement puis elle adressa un léger signe à Emma qui positionna son ordinateur au milieu de la table de manière à ce que tout le monde puisse voir l'écran de ce dernier.

« Voici les images que les caméras de sécurités ont enregistrés dans un ascenseur sur les lieux du crime, le jour du meurtre. Pouvez-vous me dire, Ava Tillman, ce que vous faisiez là ? Pourquoi étiez-vous dans cet ascenseur en compagnie de la victime ?» Repris la brune.

« J'ai juste pris un ascenseur en même temps que lui, quel est le problème ? » Questionna l'adolescente avec une petite voix.

« Les appels téléphoniques entre vous et Nicholas Zimmer juste avant et après l'incident ainsi que les caméras de surveillances montrent que vous étiez sur les lieux du crime le jour du meurtre. Ces informations tendent à prouver que vous seriez la troisième personne à être impliquée dans le meurtre de ce jeune garçon. »

L'adolescente n'eut pas le temps de répondre quoi que ce soit pour se défendre puisque la porte dans son dos s'ouvrit subitement sur plusieurs hommes en uniforme de police. Sans un mot, ils l'encerclèrent alors qu'Emma se contentait de baisser honteusement la tête, désolée de la tournure que prenait la situation.

« Alors, en tant que juge, vous pouvez m'enfermer comme ça, sans procès ? » S'exclama-t-elle en sachant très bien pourquoi ils étaient là.

« Lors d'un précédent procès, vous avez été placée sous probation avec astreinte. Vous avez enfreint les règles et vous vous êtes aussi très mal comportée, vous n'aviez pas le droit d'être dans un cybercafé à une heure aussi tardive et vous le savez très bien. »

Le regard d'Ava devint noir et elle explosa lorsque les deux policiers l'attrapèrent par les bras pour la soulever de chaque côté.

« Lâchez-moi ! Madame Green, aidez-moi ! Non ! Posez-moi ! Ne me touchez-pas, vous n'avez pas le droit ! C'est injuste ! » Hurla-t-elle en se débattant.

« Allez-y doucement. Ne lui faites pas de mal. » Fit la blonde qui leur emboita le pas.

Ses cris résonnèrent dans le couloir et Belle décida de quitter la pièce à son tour, laissant ainsi les deux jeunes femmes en tête à tête. Dès qu'elle eut fermé la porte, la rousse retrouva sa capacité à bouger et remballa ses affaires.

« Tu savais que tu l'emmènerais, tu aurais au moins pu la laisser dormir et venir la chercher demain matin. Cette fille est encore mineur et... »

« Et quoi ? Cette fille est peut-être encore mineur mais un enfant a été tué et ça a détruit une famille entière. Où est le problème si elle n'arrive pas à dormir juste une nuit ? Que ce soit bien clair entre nous, je ne fais ici que mon travail. Je suis juge et vous, vous êtes avocate. Contentons-nous de faire notre travail. » Grogna-t-elle en direction de son ancienne camarade.