Pour moi
Eddie s'enfonça un peu plus dans le canapé, ses lunettes posées sur le bout de son nez alors qu'il se perdait dans son livre. Ça faisait un moment qu'il n'avait pas lu et il n'avait de cesse d'imaginer la suite de cette histoire passionnante.
Oui d'accord, il l'avait commencé depuis trois semaines mais il n'avait pas vraiment eu une minute à lui entre ses gardes, son fils, ses rendez-vous romantiques avec Buck et l'emménagement de son petit-ami.
Et puis, Eddie n'aimait pas trop montrer son style de lecture.
Il était un homme avec un peu d'égo quand même et la grande épopée romantique n'était pas le genre de littérature qu'on attendait d'un homme dans son style, et encore moins les histoires d'amour gay de noël.
Sa dernière trouvaille s'appelait « Un nouveau papa pour Noël ».
Une histoire d'amour improbable entre Sébastien, un jeune homme désœuvré incapable de garder un boulot plus de deux jours et Kevin, son nouveau patron charismatique et diablement sexy. Et Eddie ne pouvait s'empêcher de s'imaginer à la place de Kevin, donnant des ordres à Buck, en le déstabilisant.
Le coin de son livre était légèrement écorné, signe qu'il avait souvent été tenté de le jeter dans son sac pour partir pour son quart, avant de le cacher derrière un des coussins du canapé.
Il était absorbé par son roman, peut-être un peu trop fleur bleue, mais captivant.
La maison, qu'il partageait désormais avec Buck était calme, et il profitait de ce rare moment de tranquillité. Il était heureux que son petit-ami ait enfin emménagé avec lui. Il avait longtemps hésité avant de se lancer et jamais il n'avait vu un sourire aussi éblouissant sur le visage de son amour.
Le rendre heureux le rendait évidemment heureux et Christopher semblait également aux anges à cette nouvelle alors ils n'avaient pas trainé et Buck avait juste rompu son bail et débarqué avec toutes ses affaires.
Aujourd'hui, les cartons étaient vidés et Buck avait pris pleinement possession des lieux. Christopher passait la nuit chez Denny et Buck, de son côté, était dans la cuisine, occupé à préparer quelque chose pour la soirée.
Eddie avait plusieurs minutes devant lui pour finir au moins un chapitre.
Il mit quelques minutes à se rappeler des derniers évènements de l'histoire, sentant l'ambiance se réchauffer soudainement entre les deux personnages. Il s'attendait à tout moment à les voir s'arracher leurs vêtements.
Il sentit tout à coup une présence et releva brusquement la tête, faisant sursauter ses lunettes qui glissèrent légèrement. D'un geste rapide, il referma son livre d'une main et tenta de le coincer entre lui et l'accoudoir du canapé.
Ses joues se mirent à chauffer avec un mélange de surprise et de gêne.
Buck, figé sur le seuil, observait la scène avec un petit sourire en coin. Ses yeux étaient fixés sur les siens, et semblaient étrangement hors contexte sur le visage habituellement sérieux de son partenaire.
Un éclat d'amusement et quelque chose de plus profond brilla dans ses yeux.
Eddie se leva lentement, ses doigts tapotant nerveusement le dos du canapé.
– Je... je peux t'expliquer pour le livre, dit-il, clairement embarrassé. Ce n'est pas ce que tu crois, je lis juste pour passer le temps, c'est tout.
Buck secoua la tête, interrompant Eddie.
– Je vois ça, s'amusa-t-il. Et c'est très intéressant.
– N'en parle à personne, ok ? Je… Je n'assume pas vraiment.
– Oh mais tu devrais assumer parce que merde, c'est vraiment très excitant.
– Euh, ouais, c'est un peu le but de l'érotisme.
– Le… quoi ?
– D'être excitant, je veux dire, c'est un peu le but de l'érotisme.
– Mais de quoi tu parles ?
– De mon livre, répondit-il surpris. De quoi tu parles toi ?
– De tes lunettes, affirma-t-il, un sourire malicieux se dessinant sur ses lèvres. Mais je suis heureux de savoir que tu lis des livres porno.
– Erotique Buck, pas porno.
– Je te charrie Eddie. Je m'en fiche du livre. Toi avec des lunettes en revanche.
Le rouge aux joues d'Eddie s'intensifia.
Il se rendit compte qu'il n'avait pas vraiment porté ses lunettes avec Buck. A vrai dire, il ne les mettait que pour lire, donc rarement. Il commença à les retirer, mais Buck fit un pas en avant, levant une main pour l'arrêter.
– Non, ne les enlève pas, murmura-t-il, ses yeux brillants d'une lueur qui fit frissonner Eddie. Ça m'excite terriblement de te voir avec.
Eddie resta immobile, surpris par cette confession inattendue.
– Tu... tu plaisantes, n'est-ce pas ? répéta-t-il, sa voix légèrement tremblante. Parce qu'elles ne sont vraiment pas terribles, et vieille et…
– Et elles te vont si bien. Tu es incroyablement sexy avec ces lunettes.
Eddie ne savait pas quoi dire.
C'était la première fois qu'il voyait Buck réagir ainsi. Habituellement, il était le plus sûr des deux dans l'intimité, celui qui prenait les choses en mains, mais là, il se sentait vulnérable, exposé.
Et pourtant, il aimait cette sensation.
– Tu es sérieux, murmura-t-il, ses doigts se crispant sur le bras du canapé.
Buck hocha la tête, se glissant lentement sur le sol entre ses jambes, ses yeux ne quittant pas ceux d'Eddie.
– Oh que oui.
Leurs lèvres se rencontrèrent dans un baiser passionné, Eddie sentant les mains de Buck se poser sur ses hanches, l'attirant contre lui. Il oublia tout, sauf le désir brûlant qui passait entre eux. Juste au moment où Eddie allait retirer ses lunettes par réflexe, Buck attrapa ses poignets, murmurant contre ses lèvres.
– Non, laisse-les, souffla-t-il. Pour moi.
Eddie obéit, laissant ses lunettes en place alors qu'il se laissait emporter par la passion du moment.
Il ne comprenait toujours pas pourquoi Buck trouvait cela si excitant, mais il était prêt à le découvrir. Et peut-être, juste peut-être, il commencerait à voir ses lunettes sous un jour nouveau.
La matinée touchait à sa fin, les rayons du soleil filtrant doucement à travers les rideaux du salon. Buck et Eddie avaient décidé de passer le reste de leur journée collé l'un contre l'autre.
Après leur baiser, ils s'étaient installés confortablement sur le canapé, Buck gardant un œil amusé sur Eddie qui avait repris son livre, ses lunettes toujours en place sur son nez. Eddie se sentait encore un peu gêné, mais la chaleur du regard de Buck le rassurait.
Il leva les yeux de son livre et croisa le regard brillant de Buck.
– Tu veux que je te raconte de quoi ça parle ? demanda Eddie, une pointe de défi dans sa voix.
Buck sourit, haussant les épaules.
– Si tu veux. Mais honnêtement, je suis plus intéressé par autre chose.
– Ah oui ? se moqua-t-il en arquant un sourcil. Et quoi donc ?
Buck se pencha en avant, ses lèvres effleurant l'oreille d'Eddie.
– Te voir rougir chaque fois que je te regarde avec tes lunettes.
Eddie éclata de rire, un rire libérateur qui fit tomber les dernières barrières de sa gêne.
– Tu es incroyable, tu le sais ça ?
– Je le sais, oui, répondit-il avec un sourire. Et toi aussi.
Ils passèrent le reste de l'après-midi à discuter, à rire et à se découvrir sous un jour nouveau. Les lunettes d'Eddie devinrent rapidement un symbole de cette intimité nouvelle et excitante entre eux, un rappel constant de l'attirance profonde qu'ils ressentaient l'un pour l'autre.
À la fin de la journée, alors que la nuit tombait, ils se retrouvèrent à nouveau sur le canapé, blottis l'un contre l'autre. Eddie avait retiré ses lunettes pour les poser sur la table basse, mais Buck les attrapa et les reposa délicatement sur le nez d'Eddie.
– Pour moi, murmura-t-il, ses yeux brillants de tendresse.
Eddie sourit, sentant son cœur se réchauffer.
– Pour toi, répéta-t-il, avant de l'embrasser tendrement.
