Comme prévu, voici le chapitre 21 dans la foulée du dernier HS.

Malheureusement j'ai des soucis de publication. Je n'ai plus accès au gestionnaire de fiction depuis le site, via mon ordinateur. En attendant j'ai trouvé une parade en utilisant l'application mobile mais j'avoue avoir eu très peur sur le coup... ^^' J'espère juste que le problème se résoudra rapidement car ce n'est vraiment pas pratique, sans oublier que cela ne fonctionne pas tout le temps.

Bref j'espère que ce nouveau chapitre vous plaira, en attendant je vous souhaite une agréable lecture et je vous vous retrouve à la fin pour une petite anecdote informative ;)

PS : comme d'habitude n'hésitez pas à me laisser un petit mot sur vos impressions ou critique constructive qui pourrait m'aider à toujours plus m'améliorer dans mon écriture.


Chapitre 21

Le Moby Dick faisait route toutes voiles dehors en direction d'une île appartenant au territoire de Barbe Blanche, celle de Foodvalten. De ce qu'Isaya avait compris celle-ci était sous la protection de l'homme le plus fort du monde, les pirates y menaient des échanges et marchandage avec ses habitants. Ces derniers étaient réputés pour leur nourriture unique et le travail remarquable de leurs tisserands. Mais ce qui l'intéressait le plus était le fait qu'elle sentait qu'un fragment s'y trouvait également. De plus si elle était capable de le détecter d'aussi loin cela signifiait qu'il n'avait pas été absorbé pas quelqu'un. Cette excellente nouvelle la rassura car elle ne se voyait pas pomper son pouvoir hors d'une potentielle connaissance de l'équipage qui l'avait recueillie.

Le dernier cube de pouvoir que Satch avait récupéré, était resté à l'abri dans la cabine du capitaine. Cela lui avait d'ailleurs permis de faire quelques expériences. En effet les personnes possédant une certaine puissance et force volonté étaient bien moins attirées par les murmures incessants. À contrario plus le mental leur manquait, plus les hommes étaient sujet à l'appel du pouvoir. Quant aux détenteurs de fruits du démon, c'était une tout autre histoire. Eux n'y étaient quasiment pas sensibles voire pas du tout. On aurait également dit qu'en leurs présences, les murmures insidieux cessaient presque comme étouffés par leurs auras.

Isaya était ravie de cette découverte et ne souffrait quasiment plus des appels lancinants. Cela allait lui permettre d'en stocker quelques uns afin qu'elle puisse prévoir d'avance ses allers-retours à Erevan dans des conditions idéales et ainsi rencontrer Lance à des dates bien précises pour échanger plus aisément.

La dragonnière avait également était très occupée pendant les dix jours de voyage vers Foodvalten. Avec l'aide Edward Newgate, elle avait expliqué et montré à l'équipage à quoi ressemblait un fragment, son utilité et fonctionnement. Ainsi si le moindre pirate tombait par hasard sur l'un des cubes durant leur mission, il avait ordre de prévenir un commandant afin de le ramener au Moby Dick. Avec un peu de chance cela pourrait s'avérer être fructueux.

La jeune femme avait aussi repris ses entraînements avec la bénédiction du médecin de bord. Sa fracture s'était grandement consolidée même si elle devait rester prudente pendant encore deux bonnes semaines. Le seul souvenir apparent qui lui restait de sa mésaventure était une cicatrice irrégulière sur sa pommette. Mais elle s'en moquait et était heureuse de laisser cette malheureuse expérience derrière elle. De temps en temps elle pensait tout de même à Ross et ses convoyeurs, à qui elle n'avait pas pu dire adieu. Elle espérait qu'ils ne s'étaient pas trop inquiétés de sa disparition soudaine et qu'ils avaient pu reprendre leur travail.

De son côté Vista avait été plus que ravi de la voir revenir avec son épée lors de sa reprise. Le commandant émerveillé par son arme, lui avait posé énormément de questions sur sa formation d'épéiste. Ils avaient ainsi pu discuter à propos des différents types et techniques d'escrime jusqu'à en trouver une qui leur convenait à tous deux. Ils continuaient tout de même leurs échanges aux dagues car la dragonnière aimait également les combats un peu plus rapprochés, cela restait important de savoir se défendre en milieu restreint voire clos. Ses entraînements aux lames courtes lui permettaient ainsi de faire le lien avec ses affrontements au corps à corps avec le commandant de la première division.

D'ailleurs Marco était monté d'un cran dans leurs échanges, la poussant toujours plus dans ses retranchements et ainsi la forçant à se dépasser. Elle n'avait eut de cesse de passer par dessus bord mais malgré les nouvelles difficultés, les combats duraient de plus en plus longtemps. Son corps s'était renforcé ces derniers mois et était devenu un peu plus endurant. Isaya semblait être plus observatrice, prévoyant parfois à l'avance les coups de son redoutable entraîneur, qu'elle commençait à bien connaître. Une certaine dynamique plus joueuse et malicieuse s'était également installée entre eux. Ils n'hésitaient plus à se chercher et lancer des paris pour le plus grand plaisir des spectateurs, toujours ravis de leurs échanges.

Le temps qu'Isaya ne passait pas avec les commandants, était réservé pour s'exercer avec ses pouvoirs en compagnie d'Ojutaï. Elle s'efforçait de polir sa volonté et sa maîtrise, dorénavant elle savait précisément qu'elles étaient les limites à ne pas franchir. Cela lui avait valu tout de même quelques évanouissements intempestifs mais sans grosse perte de contrôle. Bien qu'elle ne puisse pas utiliser de haute magie, celle intermédiaire lui devenait un peu plus accessible en tous cas pour certains sorts. La jeune femme s'était également rendue compte qu'il lui était plus aisé d'utiliser les éléments naturels. Car possédant leur propre énergie, elle usait bien moins de la sienne, ne se fatiguant que peu selon l'intensité et la demande. Ainsi elle avait surpris l'équipage un matin en faisant se lever le vent d'un coup, gonflant subitement les voiles et poussant puissamment le navire en avant. Plusieurs pirates ne s'y attendant pas, s'étaient retrouvés au sol mais ils avaient rapidement trouvé cela utile.

Grâce à toutes ces dernières avancées positives, la dragonnière se sentait bien. Elle était en pleine forme et heureuse auprès de l'équipage. Elle avait même autorisé Marco, passionné de cartographie, à dessiner la topographie de l'ancien volcan qui lui servait de refuge. Ils avaient ainsi passé quelques heures dans la bibliothèque ou la salle de navigation à travailler sur les tracés, lorsque la météo ne se prêtait pas aux entraînements en extérieur. Isaya avait même promis au pirate de lui faire découvrir d'autres parties de son royaume lorsqu'elle en aurait les moyens. Bien sûr ce devrait être des lieux déserts et des endroits où personne ne la reconnaîtrait mais le territoire étant immense, elle pensait cela faisable.

Malheureusement plus elle passait de temps avec le phénix, plus Satch et Ace qui étaient rentrés de mission, n'avaient eu de cesse de la taquiner à propos du commandant. La jeune femme tentait de les ignorer mais quand elle se retrouvait à les entendre ricaner derrière une porte ou à l'angle d'un couloir, elle les chassait même s'ils finissaient par toujours revenir à la charge. Elle ne savait pas si Marco avait eu le droit au même traitement mais si c'était le cas, cela n'avait pas dû durer longtemps car les deux fauteurs de troubles s'étaient mystérieusement retrouvés un matin avec deux énormes bosses fumantes sur le crâne. Au moins les deux pirates avaient la délicatesse de l'embêter quand le premier commandant n'était pas en sa compagnie même si cela commençait à devenir lourd.

Malgré une habituelle maîtrise de soi, elle avait tout de même craqué la veille. Elle venait de finir un entraînement sur le pont avec Marco sous les yeux du capitaine et d'autres commandants quand ceux de la quatrième et deuxième division étaient venus discrètement l'enquiquiner. Alors d'un simple sort elle avait fait léviter Satch par dessus bord, en s'assurant tout de même qu'on ne le perde pas en route. Et tandis qu'Ace se moquait allégrement des malheurs de son camarade, elle avait fait passer une vague par dessus le bastingage, le balayant ainsi plus loin sur le sol et le rendant incapable de tout mouvement. Les témoins avaient bien sûr tous ri et semblaient ravis qu'on ait enfin trouvé un moyen de calmer le caractère fougueux et ardent du jeune homme.

Toujours est-il qu'aujourd'hui Isaya avait la paix et personne n'était venu la déranger alors qu'elle se trouvait allongée sur une hune à faire la sieste, sous un ciel bleu et dépourvu de nuages. Au bout d'un moment la jeune femme fut tout de même sortie de son sommeil en sentant la plate-forme bouger sous elle quand un pirate y grimpa afin d'abaisser l'une des voiles. Donc une fois bien éveillée, elle l'aida dans sa tâche, impatiente car leur destination était enfin en vue.

Le travail alors accompli, elle se laissa glisser le long d'un cordage mais n'eut pas le temps de faire quoi que ce soit car Izou l'intercepta et la poussa gentiment à l'intérieur du navire jusqu'à sa cabine. Ces derniers temps il l'avait parfois aidé à s'améliorer au tir même si elle avait quelque peu délaissé cette discipline préférant se remettre au niveau à l'épée. Mais ce n'était pas tout, le commandant remarquant qu'Isaya se sentait de plus en plus à l'aise avec sa féminité, s'était mis en tête de faire sauter ses dernières barrières mentales. Ainsi il lui avait fait présenté tout un tas de vêtements en tout genre afin qu'elle voit d'autres possibilités et ne se limite plus à ce qu'elle portait habituellement.

- Bon Isaya, qui dit nouvelle île dit nouveau look. Il faut que tu sois présentable et qu'on te retire ces chiffons informes et trop grands. On a déjà réussi à passer le cap des shorts longs, tee-shirts et débardeurs mais j'aimerai que tu portes autre chose aujourd'hui et surtout que tu te sentes bien dedans.

- Izou tu dis ça mais toi même tu t'habilles toujours de la même manière.

- Détrompes toi, il existe une multitude de kimonos qui n'ont pas la même fonction et de différentes matières, couleur et motifs. Aussi ils représentent mon identité, mes origines et mon histoire. C'est tout cela que je porte à travers ces habits. Toi de ton côté tu te cherches encore. Oh ! Justement pourquoi pas un kimono ?

- Même si je trouve cela très beau, ce n'est pas pratique pour se déplacer.

- Alors on peut tenter une jupe ou mieux une robe ?

- Euh, non je ne préfère pas, désolée.

- Bon d'accord mais puisqu'il fait chaud sur Foodvalten on peut repartir sur un short mais pas l'un de ces bermudas immenses qu'Ace te prête.

- Pourquoi pas.

Le pirate fouilla alors dans son immense penderie, dégotant un short en jean accompagné d'une ceinture faites d'anneaux d'argent. Pendant quelques instants la dragonnière se dit qu'il était horriblement court avant de se rappeler qu'elle devait faire des concessions et s'ouvrir un peu plus aux nouveautés, alors autant essayer.

Elle prit donc le bas des mains du commandant tandis qu'il se retournait afin qu'elle puisse se changer sereinement. Quand elle eut terminé il lui lança un regard admiratif avant de la placer devant un miroir de plein pied reposant le long d'une paroi de sa cabine.

- Franchement Isaya, tu as de magnifiques jambes. Ce short te va à ravir et la ceinture est parfaite avec ! Comment tu te sens honnêtement ?

La jeune femme s'observa alors attentivement et malgré la longueur réduite de l'habit à laquelle elle n'était pas encore habituée, elle ne se sentait pas si mal à l'aise que cela.

- Je crois que je me sens bien. Je pense que je vais le porter. Mais encore une fois, comment ça se fait que tu possèdes tous ces vêtements ?

- Toujours la même réponse, chacun ses secrets.

Il lui lança un clin d'œil avant de replonger dans l'armoire pour trouver un haut. Mais cette fois-ci elle ne valida pas du tout ce qu'il en sortit et il le vit instantanément à sa grimace.

- Bon je suppose qu'on oublie les dos nus pour l'instant. Mais est-ce qu'au moins on peut découvrir tes épaules ? Tu devrais être plus ou moins habituée grâce aux débardeurs.

Elle acquiesça de la tête en attendant de voir ce qu'il allait lui dégoter. Si ça ne lui plaisait pas au pire elle aurait juste à refuser de nouveau. Il chercha longtemps avant de lui montrer triomphalement un haut crème à manche courte dans la même matière que les chemises qu'elle affectionnait tant. Ne voyant pas de refus, il lui lança et se détourna à nouveau. Elle se débarrassa de son vieux tee-shirt et enfila le vêtement par dessus son bandeau puis lui indiqua qu'il pouvait se retourner. Il l'observa d'un œil critique avant de lui demander s'il pouvait ajuster l'habit car elle ne le portait pas de la bonne manière. Elle le laissa faire avant de se placer encore une fois devant son reflet.

Elle se découvrit et fut surprise de l'image qu'elle renvoyait, elle se trouvait jolie. Les manches courtes du haut se portaient sur la partie supérieure des bras, sous les épaules laissant celles-ci dénudées. Le fait qu'il soit bouffant la mettait à l'aise. De plus le vêtement était plus serré au dessus de sa poitrine de même qu'au niveau de sa taille où il ceinturait celle-ci. Isaya tiqua tout de même quelques instants sur les cinq bon centimètres de peau découverts entre les deux pièces avant de finalement se dire que cela restait tout à fait acceptable. En plus sa balafre restait dissimulée en dessous et c'est ce qui lui importait le plus.

- Alors ?

- J'ai l'impression d'être quelqu'un d'autre mais je pense que je vais quand même m'habiller comme ça aujourd'hui. Cela me convient, bon je ne te promets pas de le faire tous les jours mais sur certaines îles estivales, pourquoi pas.

- Parfait alors ! Tu gardes tes sandales avec et même si ce n'est pas mon fort, j'aimerai essayer quelque chose avec tes cheveux. Je peux ?

La dragonnière accepta et le pirate ne se fit pas prier. Il dut toutefois s'y reprendre à deux fois avant d'être satisfait par le résultat. Sur ce coup là, Isaya valida instantanément. En effet le pirate lui avait fait deux tresses collées passant au dessus ses oreilles avant de finir sur sa nuque pour enfin reposer dans son dos. Ainsi elle n'était pas dérangée par ses cheveux et cela se prêtait plutôt bien aux températures élevées. Elle lui offrit donc un sourire sincère qui se figea quand quelqu'un toqua à la porte car même si elle avait accepté ces nouveaux habits, se montrer ainsi était une autre histoire. Le commandant l'encouragea d'un regard avant d'aller ouvrir.

- Oh Marco, tu tombes à pic !

- On va bientôt débarquer alors je venais voir si tu étais toujours partant pour garder le navire et -

La phrase du phénix resta en suspend quand il aperçut enfin la jeune femme. Celle-ci devint nerveuse quand son regard plissé la détailla longuement. Soudainement un bref sourire apparut au coin de ses lèvres avant de disparaître tout aussi rapidement qu'il été venu tandis que son visage reprenait un air impassible. Mais le commandant de la seizième division l'avait également remarqué, alors il en profita.

- Oui, oui, aucun soucis pour surveiller le Moby Dick. Sinon on peut avoir ton avis ? Isaya n'est pas encore sûre de sortir comme ça, tu pourrais peut-être la rassurer.

Il y eut quelques secondes de silence avant qu'il ne prenne la parole mais sa voix fut chaleureuse et bienveillante.

- Isaya, ici tu es libre de t'habiller comme tu le souhaites, personne ne te jugera. Alors fais ce dont tu as envie, en plus ça te va très bien.

Sur cette conclusion il tourna les talons et s'éloigna bien vite à travers le couloir du quartier des commandants, Izou à sa suite. Les deux plantèrent ainsi une jeune femme légèrement rougissante mais rassurée par les paroles.

- Attends Marco, il faut que tu développes ! Tu la trouves comment ? Hey, ne t'enfuis pas et reviens ici !

[...]

Isaya se trouvait sur une grande chaloupe en compagnie de Barbe Blanche ainsi que de certains commandants, bien d'autres suivaient celle de tête dans un étroit passage entre deux hautes parois rocheuses. Le canyon fluvial s'élargit d'un coup et ils débouchèrent sur une très large ouverture à ciel ouvert. En levant la tête, la jeune femme vit des oiseaux aux larges ailes qui planaient de manière indolente dans les hauteurs. Elle était sincèrement émerveillée par ce qu'elle voyait. En effet vu de l'extérieur l'île paraissait être faite dans un seul et même bloc de roche sur lequel poussait un peu de végétation. Mais en réalité elle était creuse à l'intérieur et de nombreuses et fines embarcations étaient amarrées le long de pontons en pierre encerclant l'étendue d'eau.

Ses yeux parcoururent alors les parois rocheuses à la verticale où des centaines d'escaliers, passages et plates-formes en tout genre se trouvaient. Parfois des balcons verdis de plantes, apportaient de la couleur et dénotaient sur les falaises troglodytes presque blanches. Les habitations semblaient y avoir été creusées à même la pierre et de nombreuses larges ouvertures et fenêtres sans vitres s'y trouvaient, sûrement pour faire entrer un maximum de lumière. Cela lui rappela la citadelle de son enfance, construite à flanc de montagne et s'enfonçant dans les entrailles de la terre.

Elle reporta son regard sur les habitants perchés à différents niveaux de cette forteresse naturelle, saluant vivement l'arrivée des pirates. Ils se ressemblaient fortement, tous possédaient des cheveux passant du brun très foncé au noir de jais. Leurs habits étaient également plus ou moins les mêmes. Cela allait de la longue tunique brodée de fils colorés et d'un poncho essentiellement pour les femmes et les anciens jusqu'au simple pantalon recouvert des mêmes motifs parfois accompagné d'une veste courte sans manches et ouverte sur le torse, pour les hommes et les enfants. Beaucoup portaient également des brassards tissés sur les avants-bras et les biceps. Mais le plus notable était ces plumes piquées dans leurs chevelures ou portées sur des bandeaux de tête.

La dragonnière fut coupée dans ses observations quand leur embarcation atteignit une large jetée en pierre s'avançant sur l'étendue d'eau circulaire. Un petit comité d'accueil les y attendait, essentiellement composé d'hommes dont un plus en avant, sûrement le chef. Ce dernier possédait une chevelure longue et grisonnante presque blanche, Isaya lui donnait à peu près la soixantaine. Lorsque l'homme s'avança elle se rendit compte qu'il était très grand, peut-être dans les trois mètre cinquante. Avec un immense sourire chaleureux, il tendit le bras vers l'empereur qui le salua dans une puissante poignée de main. Pendant ce temps les pirates finirent de débarquer de leurs chaloupes.

- Edward, bon retour parmi nous. Cela faisait une éternité pirate !

- Anoki vieux renard, je suis heureux de te revoir. Cela faisait en effet bien trop longtemps mon ami.

- Te rappelles-tu de mon fils Tokela ?

Un homme aux cheveux noirs et courts, torse nu et fortement musclé s'avança pour saluer à son tour le capitaine. Il restait plus petit que son père mais devait avoisiner tout de même les trois mètres. Le pirate rigola à sa vue.

- C'est maintenant que je me rends compte que le temps s'écoule à une vitesse folle. J'ai encore le souvenir d'un tout jeune adolescent turbulent mais te voilà devenu un homme !

Le chef de l'île rigola à son tour.

- Tu sais ce qu'on dit, la mauvaise graine pousse toujours plus vite. Allez mon ami, un festin est déjà en court de préparation pour fêter ton arrivée. Malgré que cela me désole de ne pas pouvoir accueillir la totalité de ton équipage, je me fais tout même une grande joie de vous recevoir comme il se doit.

- Alors allons boire en souvenir du bon vieux temps !

Plus tôt on avait expliqué à Isaya que Foodvalten était trop étroite et escarpée pour accueillir le nombre impressionnant de pirates. C'était pourquoi seuls les commandants et certains hauts gradés de leurs divisions respectives, avaient pu accompagner Barbe Blanche. Ils restaient tout de même plus d'une cinquantaine et la jeune femme se demandait sérieusement si les lieux étaient assez hauts de plafond pour le capitaine et les hommes les plus grands de l'équipage.

Tandis que les deux vieux amis se dirigeaient vers une large ouverture dans la roche, Marco en tant que second de l'empereur resta à ses côtés. Isaya quant à elle était un peu en retrait, en compagnie d'Ace et de Satch qui n'avaient pas arrêtés de la complimenter sur son nouveau style vestimentaire. Ils suivirent le mouvement et la jeune femme fut surprise de découvrir de très larges couloirs et salles, éclairés parfois par des fenêtres ou simplement des torches reposant le long des murs. Ils marchèrent de longues minutes, s'enfonçant toujours plus profondément dans la roche et grimpant de nombreux escaliers. La dragonnière fut vite perdue dans ce dédale troglodyte.

Au bout d'un moment ils débouchèrent enfin sur une très vaste salle où de nombreuses tables et bancs trônaient au centre sur de larges tapis, des tentures colorées décoraient les murs. La jeune femme vit des habitants apporter activement des plats fumants ainsi que de nombreux tonneaux d'alcool. Sur l'une des parois de la pièce, des fenêtres et de larges ouvertures donnaient sur des balcons à l'extérieur, apportant une luminosité naturelle.

Les pirates allèrent s'installer autour des longues tables et Isaya fut entraînée par les commandants de la deuxième et quatrième division, qui l'installèrent entre eux deux, sur un banc. Les plats ainsi sous son nez, dégageaient de puissants arômes qu'elle ne reconnaissait pas. Une femme lui apporta une choppe de bière et elle s'empressa de la remercier tandis qu'elle écrasait son coude dans les côtes de Satch qui ne pouvait s'empêcher de faire son Don Juan à la vue de celle-ci. Il lui lança un regard de reproche avant de lui servir une assiette et la déposer sous ses yeux, le tout dans un grand sourire innocent.

- Goûte moi ça, je suis sûr que tu n'as jamais rien connu de tel. Cela fait partie des spécialités de cette île.

Watson et Gabriel, qui avaient eu le droit d'accompagner leur commandant la regardaient fixement avec un petit sourire en coin, depuis le banc qui leur faisait face. Elle trouva louche qu'une bonne partie des pirates de leur tablée la dévisage en attendant qu'elle essaye la nourriture, même Ace était silencieux.

Mais ne se méfiant pas plus que ça, elle prit une bonne bouchée d'un coup avant de se figer subitement quelques instants plus tard, dans un regret le plus total. Toute sa langue, son palais ainsi que sa gorge se mirent à la brûler intensément et la dragonnière se sentit devenir rouge, avant de commencer à tousser bruyamment sous les rires de ses compagnons hilares. Elle avait l'impression d'être en feu et que la sensation descendait jusqu'à son estomac. Elle tenta alors d'apaiser son corps malmené en ingurgitant de grandes lampées de bière mais cela ne suffisait clairement pas, ce qui fit assurément encore plus rire les pirates.

Heureusement le salut de la jeune femme vint de la part du fils du chef. Ayant remarqué la mauvaise blague, il lui apporta un grand verre de ce qui semblait être du lait, qu'elle s'empressa de boire. Une fois son contenu vidé et qu'elle fut en mesure d'à peu près s'exprimer, elle le remercia vivement, des larmes perlant encore au coin de ses yeux.

- Mer-merci vous êtes mon sauveur !

- Tu peux me tutoyer et m'appeler Tokela. Ce que ces plaisantins t'ont fait manger s'appelle le Cau-Cau, c'est un ragoût de pommes de terre et de poisson où on y incorpore des épices et de la pâte de piment. C'est extrêmement relevé et quand on n'a pas l'habitude c'est sûr que ça peut surprendre. Je te conseille plus de prendre de cet autre plat, c'est bien plus doux.

Tout en lui expliquant, l'homme imposant lui servit un autre plat dans une nouvelle assiette avant de la poser devant elle. Éloignant ainsi le dangereux ragoût de la portée de la jeune femme. À présent elle était sûre et certaine que ses papilles resteraient à jamais anesthésiées. Elle jeta donc un regard noir à Satch avant de le faire basculer du banc en arrière, où il s'affala sur le sol, cherchant de l'air à cause de son fou rire interminable. Elle releva la tête vers le fils du chef pour le remercier une nouvelle fois.

- Encore merci Tokela, c'est très aimable.

- De rien, méfies toi il y a de nombreux mets comme ça. Demande plutôt l'avis de quelqu'un d'ici, on saura te conseiller sans te piéger.

L'homme lui offrit un sourire solidaire avant de repartir à la table où se trouvaient Barbe Blanche, Anoki et Marco. Ces derniers les observaient, amusés par ce qu'il venait de se passer tout en riant discrètement des mésaventures de la dragonnière.

[...]

Cela faisait au moins trois heures que le festin avait commencé et les plats ne cessaient toujours pas d'arriver, c'était également la même chose pour l'alcool et Isaya avait été sincèrement impressionnée par les quantités de nourriture qu'Ace pouvait engloutir entre deux crises de narcolepsie. De plus puisque tout était excuse à la compétition, les pirates s'étaient largement mêlés aux habitants qu'ils connaissaient déjà, pour des concours tantôt de boissons tantôt de celui qui engloutirait le plus de piments avant de flancher.

S'étant alors vite retrouvée à une table quasiment déserte, certaines jeunes femmes de l'île qui étaient plutôt réservées et timides avec les hommes, avaient bien tenté de venir discuter avec elle. Mais malheureusement la dragonnière ne se retrouvait pas dans leurs conversations car elles n'avaient aucun point en commun. Par politesse elle avait tout de même demandé des informations à propos de la vie sur cette île et ce que ces femmes y faisaient. Elle avait alors appris que ces dernières étaient essentiellement tisserandes et faisaient aussi la culture du piment. Tandis que les hommes élevaient les animaux nécessaires à leur travail sur de petits îlots aux alentours. Ils dressaient également des aigles pêcheurs qui nichaient sur les hauteurs de l'île, c'étaient eux que la jeune femme avait pu observer lors de son arrivée. Ces rapaces étaient utiles lors de leurs sorties en mers afin de les aider à ramener le poisson nécessaire à leurs repas quotidiens.

Ayant vite épuisé le stock de questions qu'elle avait, Isaya s'était rapidement de nouveau retrouvée seule et à présent elle regardait par une fenêtre, de manière pensive tout en jouant du bout des doigt avec un quignon de pain. Elle s'ennuyait et commençait à se sentir très légèrement d'humeur maussade, ne sachant pas trop quoi faire pour s'occuper. Une voix la coupa dans ses réflexions sans réelle profondeur, c'était celle d'Edward Newgate. Elle se tourna alors vers lui.

- Isaya, tu peux venir s'il te plaît ?

La jeune femme se leva donc pour le rejoindre où elle s'assit sur le large banc sous l'invitation du capitaine.

- Anoki, Tokela, je vous présente donc Isaya. Ne m'en veux pas je leur ai parlé de toi et expliqué que tu avais rejoint la famille il y a peu. Ils sont également au courant que tu recherches quelque chose qui t'appartient et qui a atterrit sur Foodvalten. J'ai donc demandé à mon ami s'il t'autorisait à la récupérer.

À son explication la dragonnière sut que l'empereur n'avait donné aucun détail qu'elle n'aurait voulu partager avec des inconnus et ce malgré leur amitié. Lui laissant alors le choix de révéler ou non les informations qu'elle voulait, ce dont elle lui fut très reconnaissante.

Alors le chef de l'île prit la parole :

- C'est un plaisir de te rencontrer Isaya, je te souhaite également la bienvenue. Ce vieux briscard n'a rien voulu dire mais je ne lui en veux pas, chacun ses secrets après tout. Toujours est-il que je te donne volontiers ma bénédiction afin d'explorer cette île et retrouver ce que tu as perdu.

- Merci c'est très aimable de votre part et je vous remercie de votre compréhension. En tout cas cet endroit est incroyable, j'ai hâte de le visiter.

- Oh voyons ne fait pas tant de manières, pas besoin d'être aussi polie avec un vieil homme tel que moi. Sinon j'ai vu que tu étais restée bien seule. Je sais que les citoyens d'ici ne sont pas forcément habitués aux étrangers, encore moins aux femmes qui sont pirates de surcroît. Donc si tu ne te sens pas à l'aise en notre compagnie, tu m'en vois fortement navré.

- Oh non, ne vous inquiétez surtout pas pour moi ! En plus les femmes qui sont venues me parler ont bien essayé de m'intégrer. C'est juste que l'on n'a pas réussi à trouver de sujet commun de discussion.

- C'est sûr qu'une vie de forban sur les mers est bien différente de celle des femmes de cette île, je comprends qu'il y ait un réel décalage. Mais laisse encore un jour ou deux aux hommes pour venir t'aborder. Je suis persuadé que dès qu'ils comprendront que tu fais partie de l'équipage et par extension que tu sais sûrement te battre, ils feront le premier pas et viendront te poser tout un tas de questions. N'ai-je pas raison ?

Barbe Blanche se mit à rire et cette fois-ci ce fut Marco qui répondit d'un ton amusé.

- Oh ça oui, elle sait se battre.

- Eh bien voilà ! D'ailleurs Edward, Marco vu que vous restez une semaine, je tenais à vous dire qu'on a agrandi l'espace d'entraînement dernièrement. Si vous êtes d'accord, j'aimerai que des hommes aguerris enseignent l'art du combat à nos jeunes.

La discussion entre les deux amis et incluant le commandant reprit de plus belle, Isaya ne savait donc plus trop quoi faire. Ce fut Tokela qui lui offrit une échappatoire.

- Est-ce tu veux chercher cette mystérieuse chose maintenant ? Je pense qu'ils sont repartis pour discuter toute l'après-midi. Je vais t'aider si tu veux.

En vérité elle n'avait pas besoin d'aide mais ne voulant froisser personne elle ne refusa pas et puis ça lui permettait de quitter la tablée.

- Pourquoi pas.

Ils se levèrent donc et prirent la direction de l'une des ouvertures dans la roche, menant à l'extérieur. Là Isaya se rendit compte qu'ils n'étaient finalement pas à un niveau si élevé que cela, peut-être tout juste à un tiers de la hauteur de la cité troglodyte. Avant que le fils du chef ne s'engage dans un escalier descendant, elle l'interpella :

- Tokela ?

Il baissa son regard sur la jeune femme, l'incitant à continuer.

- Je peux savoir où se trouve exactement ce que je recherche. Ainsi on peut régler ça tout de suite.

- C'est parfait alors mais comment tu vas faire ?

Elle ne prit pas la peine de lui expliquer et activa son sort de détection.

- Occulis.

Ses iris passèrent du ambré à l'émeraude et les deux traits verticaux, habituels au sort, apparurent sous ses yeux. Faisant fi de la réaction de surprise de l'homme l'accompagnant, elle scanna l'île jusqu'à trouver l'objet de sa quête. Là juste au dessus de leurs têtes, au sommet. Elle laissa donc la magie quitter son corps avant d'indiquer l'emplacement du fragment à Tokela. Ce dernier s'était vite repris et adopta le rôle de guide.

Ils s'élevèrent alors dans les hauteurs en passant par l'extérieur grâce aux nombreux escaliers et passerelles taillés dans la pierre. Le long du chemin la jeune femme remarqua qu'il n'y avait aucune balustrade ou même simple barrière et elle se demanda même si les accidents n'étaient pas fréquents. Au fil de leur longue ascension, les passages devenaient de plus en plus étroits, hasardeux et le fils du chef n'avait de cesse de se retourner afin de lui demander si tout allait bien. Ce qui l'agaça au bout d'un moment. Alors quand elle fit face à la paroi dépourvue de toute construction humaine, elle prit les devants et escalada vivement et souplement jusqu'au sommet. Refusant au passage la main tendue de son guide qui pensait la hisser voire la porter sur les derniers mètres.

Quand il la rejoignit l'homme avait un air gêné et contrit, presque semblable à celui d'un enfant en faute. Soudainement elle s'en voulut, après tout son père venait de lui expliquer que les gens d'ici n'étaient pas habitués aux femmes sachant se débrouiller un minimum. De plus si les seuls modèles qu'il avait eu de la gente féminine, étaient les tisserandes timides et réservées de l'île alors elle comprenait mieux son comportement protecteur. Ce fut donc au tour de la dragonnière d'être gênée par l'humeur maussade qu'elle avait laissé s'emparer d'elle lors du banquet.

- Désolée de ne pas t'avoir attendu Tokela. J'ai plutôt l'habitude de me débrouiller seule quand je le peux. Alors n'y vois rien de méchant ou personnel et je te remercie de l'aide que tu essaies de m'apporter.

L'homme imposant rougit violemment avant de bafouiller des excuses tout en se passant une main à l'arrière du crâne. À ce moment là il lui rappela subitement le jeune Thomas qu'elle avait rencontré sur la tranquille et petite île printanière. Alors la dragonnière tiqua d'un coup.

- Si ce n'est pas indiscret, quel âge as-tu ?

- Euh je viens d'avoir 18 ans.

Isaya ne put retenir une expression choquée suite à l'information. Avec un corps musculeux pareil et ses presque trois mètres de haut, elle lui donnait dans les 25 ans au minimum, même son visage ne correspondait pas à son âge. Ce n'était donc pas un homme mûr qui se trouvait face à elle mais un très jeune adulte, tout juste sorti de l'adolescence et à présent elle comprenait mieux sa réaction. Adoucie, elle se sentait bête de s'être arrêtée à son apparence physique et lui offrit donc son sourire le plus chaleureux qui soit afin de complètement dissiper le malaise. Ce qui sembla fonctionner car il le lui rendit joyeusement.

Tout en évitant les sites de nidification des rapaces, elle s'attela à récupérer le fragment qui était coincé dans une fissure avant de le faire léviter jusque dans le petit sac de toile qu'elle avait sorti de sa poche. Une fois en sa possession elle contacta Ojutaï qui la rejoignit rapidement. Le jeune Tokela fut ébahi à la vue du dragon mais n'osa tout de même pas trop s'approcher, ni même lui poser la moindre question.

- Ojutaï tu veux nous rejoindre au banquet ?

- « Je vais rentrer et ramener directement le fragment. Tu sais que je n'aime pas trop les espaces confinés dans la roche. Je passerai peut-être demain, en attendant amuse toi bien. »

S'abaissant alors à sa hauteur, la jeune femme posa son front sur celui du dragon dans un contact réconfortant, avant que celui-ci ne prenne le sac pour s'envoler de nouveau vers le Moby Dick. De bien meilleure humeur, elle reporta donc son attention vers le fils du chef de Foodvalten et lui lança un clin d'œil amical. Elle avait trouvé encore un moyen de s'exercer à l'utilisation de ses pouvoirs.

- Ça te dit de redescendre sans effort ?

Il la regarda interdit, avant de timidement hocher la tête, se demandant sûrement ce que cette étrange femme pouvait encore bien réserver comme surprise.

- N'aie pas peur et fais moi confiance. Surtout arrivé en bas, assure-toi qu'il n'y ait personne devant l'entrée afin que je puisse vous rejoindre.

Alors elle l'engloba d'une bulle et il sursauta de surprise. Mais quand il se rendit compte que celle-ci était solide et supportait aisément son poids, le jeune homme se détendit et se mit même à sourire d'excitation. Isaya comprit qu'il était fin près et le fit descendre rapidement jusqu'à la plate-forme d'où ils étaient sortis plus tôt. Elle le regarda atterrir souplement sur ses deux pieds avant de rentrer tel une tornade. Sûrement grisé par l'expérience et sa hâte de raconter tout cela à son père. Il ressortit quelques instants plus tard, un pouce en l'air pour lui assurer que la voie était libre et malgré la distance, la jeune femme put deviner l'immense sourire qui barrait son visage.

C'est seulement quand il entra de nouveau qu'elle se recula pour prendre de l'élan. Puis elle activa ses pouvoirs et les runes apparurent sur son corps. Isaya ferma les yeux quelques instants pour se concentrer puis invoqua d'un sort, un vent puissant pour enfin sauter dans le vide. Décidément elle adorait cette sensation grisante de chute libre et le fait de plonger depuis le dos d'Ojutaï lui manquait souvent. La jeune femme arriva rapidement à mi-parcourt et concentra alors l'air l'accompagnant, autour de son corps, de manière à se placer dans une bonne position et ralentir sa chute. Tout était question d'équilibre, de gestion d'énergie et elle réussit la manœuvre haut la main. Ce fut donc dans une bourrasque qu'elle déboula à travers la large ouverture avant d'amortir son atterrissage grâce à une dernière roulade maîtrisée. Isaya se retrouva alors debout sur ses deux pieds à deux pas d'une table, essoufflée mais les yeux émeraudes et pétillants de joie.

Alors brisant le silence des témoins sidérés, Curiel annonça haut et fort :

- Messieurs-Dames, laissez moi vous présenter Isaya, le boulet de canon ! Félicitations, cette fois-ci tu n'as pas fait de strike.

Rentrant dans son jeu, la dragonnière s'inclina bien bas sous l'hilarité soudaine et les applaudissements des pirates qui commençaient à s'habituer à ses entrées fracassantes. Seuls les locaux restèrent encore quelques instants stupéfaits à l'exception du jeune Tokela et de son père, franchement amusés. Tandis que sa magie refluait, on lui servit une chope d'alcool qu'elle s'empressa de porter à ses lèvres, quelque peu fatiguée par l'effort mais soudainement d'humeur festive.

{-}

En cette nuit déjà bien avancée, Marco revenait du Moby Dick où il avait récupéré un sac d'affaires préparé par Izou et appartenant à Isaya. Il lui avait proposé de lui rendre ce service car le groupe ayant débarqué sur Foodvalten y resterai pour une semaine, dormant sur place. Les pirates logeraient dans la grande salle de réception où l'on avait mis en place sur le sol rocheux, d'épais tapis en laines et de fins matelas pour les plus chanceux. Seul leur capitaine vivrait dans les quartiers du chef de l'île. Ce dernier avait tout de même proposé à Isaya une pièce à part puisqu'elle était une femme mais celle-ci refusa tout privilège, préférant être traitée de la même manière que tous ses camarades. La jeune femme avait alors décidée de s'installer dans l'un des angles de ce grand dortoir improvisé. On lui avait tout de même octroyé une sorte de paravent pliant en tissu pour plus d'intimité ainsi que quelques oreillers et couvertures en plus. Une fois installée, le commandant n'avait pu s'empêcher de sourire à la vue de cet espèce de cocon ou plutôt nid qu'elle avait créé.

Plus tôt dans la journée, le phénix avait été soulagé de la voir débarquer bruyamment et bien plus enjouée qu'avant pour enfin prendre pleinement part à l'ambiance festive, restant tout de même quasi-exclusivement en compagnie des pirates. Car même si la dragonnière s'était complètement ouverte auprès de l'équipage cela lui restait difficile avec les inconnus et il l'avait vu mal à l'aise en la présence des femmes de l'île, pour finalement se retrouver seule. Pendant quelques instants il avait hésité à la rejoindre mais en tant que second il se devait de rester auprès de son père tandis qu'ils faisaient le point des dernières informations importantes qu'Anoki avait à leur rapporter. Heureusement ses devoirs s'allégeraient sûrement dès le lendemain et il tâcherait de passer un peu de temps avec elle.

Bifurquant dans l'enceinte de la forteresse naturelle, il chercha la jeune femme du regard avant de la repérer grâce à son haki. Elle était là, assise sur un surplomb rocheux, les jambes se balançant doucement dans le vide et la tête relevée en direction du ciel étoilé. Un peu à l'écart d'une des entrées donnant sur la vaste salle de réception. Il se posa à ses côtés avant de se retransformer. Elle se releva à son arrivée, avant de lui offrir un sourire alors qu'il lui tendait ses affaires.

- Merci beaucoup Marco, c'est gentil.

Il plissa les yeux devant sa mine reconnaissante, la trouvant sincèrement et merveilleusement belle dans cette tenue qui lui allait à ravir. Plus tôt le pirate avait été très surprit de la voir ainsi habillée en arrivant dans la cabine d'Izou et n'avait pu s'empêcher de rester un court instant stupéfait. Se rappelant de ce moment, il fut pris d'une soudaine et irrépressible envie de la faire rougir.

Cédant à la pulsion il se pencha sur Isaya et fit passer délicatement dans une caresse légère, sa main dans le creux de son dos, sur la partie de peau dévoilée entre les deux vêtements. Satisfait de la sensation de douceur au bout de ses doigts et le fait qu'elle eut un frisson à son contact, il se redressa lentement en lui susurrant une boutade au creux de l'oreille.

- Peut-être aurais-je le droit à un autre baiser de remerciement.

La réaction tant désirée ne se fit pas attendre et dans la lumière tamisée, il vit ses joues prendre une teinte prononcée. La jeune femme abaissa les yeux quelques instants avant de les relever et plonger dans les siens. Bon sang, qu'il aimait la couleur hypnotisante et la profondeur de son regard. Le pirate n'eut pas le temps de s'y attarder plus car elle se dressa sur la pointe des pieds. Avant de consciencieusement apposer ses lèvres sur sa propre joue, presque à la commissure de sa bouche. Sous ce contact bien trop court à son goût, il ferma les yeux quelques secondes. Quand il les rouvrit, ceux de la dragonnière pétillaient d'espièglerie.

- Voilà chose faite, commandant.

La phrase avait été murmurée presque dans un souffle et tandis qu'elle se détournait de lui pour rejoindre la salle non loin, il fut tenté de la retenir par la taille mais se reprit de justesse. Marco décida qu'il se satisferait de cela, du moins pour l'instant. Il leva alors les yeux vers la voûte céleste et offrit aux étoiles un franc sourire de contentement.

Depuis leur voyage à Erevan, le phénix avait bien éprouvé l'envie d'initier d'autres gestes dans le même genre que celui de ce soir mais la jeune femme avait été grandement occupée. Il s'était donc contenté de passer des moments calmes et confortables à dessiner des cartes en sa compagnie car ces instants lui étaient également précieux. De plus il désirait prendre son temps, souhaitant profiter de ses réactions encore quelque peu timides, laissant ainsi une certaine tension croître entre eux. D'ailleurs lors de leurs entraînements il se délectait de cette dite tension latente. Il aurait très bien pu mettre des mots sur cette attirance et en parler directement à Isaya. Mais cette sorte de non-dit et de jeux de regards le satisfaisait tout autant. Même si à l'heure actuelle, il ressentait une furieuse envie de serrer la dragonnière dans ses bras. Non, il ne se précipiterait pas et la séduirait pour sûr, dans les règles de l'art car quand un pirate désirait quelque chose, il s'en emparait.

Le commandant s'ébroua avant de rentrer à l'intérieur et c'est donc avec son air habituel d'impassibilité qu'il vit qu'Isaya s'était déjà retirée dans son cocon, derrière son paravent qui la dissimulait aux yeux de tous. Dans la salle certains pirates dormaient déjà tandis que d'autres buvaient encore ou se chamaillaient dans une ambiance de colonie de vacances. Il repéra rapidement Ace et quelques hommes de sa division s'apprêtant à attaquer la jeune femme à coup d'oreiller. Il gronda alors, les figeant sur place avant que ces derniers ne battent rapidement en retraite et choisissent Namur comme nouvelle victime. Marco chassa ensuite les tous derniers inopportuns, rétablissant ainsi le calme et l'ordre dans cette partie de la pièce. Puis il poussa Satch qui s'apprêtait à s'installer près de la dragonnière et prit tout simplement sa place à côté du paravent le séparant d'elle. Se faisant alors le gardien de ses nuits à venir.

[...]

* CLICK *

Isaya fut brutalement sortie de son sommeil par ce qui semblait être un bruit. Encore vaseuse suite à son brusque réveil, elle tendit l'oreille sans ouvrir les yeux mais elle n'entendit rien. Alors elle se recroquevilla en boule s'enfonçant encore plus profondément dans ses couvertures, afin de profiter de la chaleur qui y avait été capturée.

* CLICK * CLICK * CLICK *

L'étrange son retentit de nouveau et cette fois-ci elle était sûre que ce n'était pas son imagination, surtout qu'il était accompagné de chuchotements et légers rires tout sauf discrets.

- C'est bon tu l'as eu ?

- Vous êtes sûrs de vous les gars ?

- Chuuut, tu vas la réveiller !

Agacée tout autant qu'intriguée, la jeune femme ouvrit subitement les yeux en se redressant sur son séant. Elle se leva alors le plus vite possible avant de pousser vivement le paravent, ce qui déclencha le début d'une bousculade. Elle vit alors quelques pirates s'enfuir rapidement, sauf un qui semblait figé au sol parce qu'il venait de se faire prendre. Il tenait dans la main un drôle d'objet rectangulaire et noir.

- Ace, je peux savoir à quoi vous jouez ?

Le jeune commandant aux taches de rousseur se releva sur ses deux pieds avant de cacher le mystérieux appareil dans son dos mais c'était bien trop tard pour cela.

- Euuh... bonjour ?

- Qu'est-ce que tu dissimules et c'était quoi ce bruit ?

- Rien du tout ! Je dois y aller, j'te laisse.

Prenant ses jambes à son cou, il déguerpit comme ses camarades plus tôt, avant de disparaître au loin dans un couloir. Elle parcourut alors la salle des yeux où certains pirates encore dans leurs couchages, pouffaient de rire. Ses yeux s'arrêtèrent alors sur Marco et Satch qui la regardaient, accoudés dos à une fenêtre, tous deux avaient un fin sourire amusé au coin des lèvres. Elle les interrogea du regard et ce fut le quatrième commandant qui lui apporta enfin une réponse.

- Ils viennent de te prendre en photo. Tu sais c'est ce que je t'ai montré sur le mur dans la salle de repos.

La dragonnière tiqua, elle se souvenait de ce qu'était la photographie et en avait été très impressionnée sur le moment. Mais les images prises qu'il lui avait montré n'étaient souvent pas bien flatteuses pour les victimes. Plus de la moitié était le résultat de blagues ou de moments gênants. Elle soupira alors longuement, comprenant qu'à présent elle serait également épinglée sur le « mur de la honte ».

- Et vous n'avez rien fait pour les en empêcher ?

- Ça créé des souvenirs et puis on n'a aucune photo de toi, c'est sympa qu'Ace y ait pensé. D'ailleurs attends-toi à bien d'autres coups comme ça dans les prochains jours.

- J'aurai tout de même préféré qu'ils prennent une photo de moi éveillée.

- Ne te plains pas trop, c'était assez gentil. Certains ici ont été pris dans des moments bien plus honteux et terribles.

Tandis qu'il lui lançait un clin d'œil, Isaya retourna en grommelant dans son cocon, à l'abri des regards pour s'habiller. Puis elle donna un coup de main pour rassembler les couchages le long d'un mur afin de remettre les tables et les bancs au centre de la salle. Rapidement des locaux arrivèrent pour leur offrir un petit déjeuner mais elle se contenta d'un café. Vu la quantité de nourriture qu'elle avait englouti la veille, elle n'avait pas vraiment faim et surtout elle était impatiente d'explorer la grande cité.

La jeune femme passa donc plusieurs heures à errer dans les couloirs et escaliers, se perdant souvent dans ce dédale immense et labyrinthique mais un local finissait toujours par l'aider en lui indiquant la bonne voie à prendre. Elle découvrit ainsi de grandes salles où certaines femmes s'affairaient déjà à tisser de larges tentures, vêtements brodés et tissus en tout genre. Elle tomba également sur des terrasses et balcons où étaient cultivés le fameux piment qui avait bien faillit lui faire perdre le sens du goût la veille.

Au fil de ses déambulations aléatoires, la dragonnière remarqua que malgré leur amabilité et politesse, les habitants ne s'attardaient jamais longtemps pour lui faire la conversation. Ils étaient plutôt réservés avec elle et encore plus les femmes qui la regardaient étrangement, ne comprenant sûrement pas pourquoi une jeune femme voyageait avec des pirates. Mais celle-ci ne leur en tint pas rigueur bien que certains regards soient un peu pesants. Après tout leurs vies étaient bien trop différentes, même opposées, sans oublier qu'elle venait carrément d'un autre monde.

Au bout d'un moment elle retrouva enfin le chemin de l'extérieur et se décida à monter au sommet de l'île. Alors comme la veille, elle escalada la paroi rocheuse avant de s'installer dans un coin où elle ne dérangeraient pas les oiseaux pêcheurs qui couvaient plus loin. S'allongeant sur le dos, elle finit par somnoler, épuisée par sa courte nuit. En effet elle avait eu du mal à s'endormir à cause des hommes qui semblaient faire une compétition de ronflements sonores mais également parce qu'elle n'avait pu s'empêcher de penser au commandant de la première division et à la délicate caresse qui avait effleurée son corps, la faisant frissonner.

Ce qui la réveilla bien plus tard, fut des appels qui scandaient son prénom en contrebas dans la cité. Grâce à la structure creuse de l'île et le vent qui s'y engouffrait, le son était décuplé et porté vers le haut. Isaya s'étira donc avant de se pencher au dessus du vide pour y voir des pirates et Tokela qui la cherchaient, proches de la salle de réception. Alors comme la veille elle utilisa la force du vent et sauta dans le vide tout en faisant appel à la magie mais cette fois-ci elle se posa délicatement et de manière bien moins ostentatoire.

Accompagné de Satch, le fils du chef lui offrit un sourire chaleureux à son arrivée. Les deux l'invitèrent à entrer car c'était l'heure du déjeuner, tout à sa sieste elle n'avait pas vu le temps passer. Les trois discutèrent tout au long du repas bien vite rejoints par les amis de Tokela qui n'avaient eu de cesse de lui poser des questions sur son « fruit du démon » et sa vie de « pirate ». D'ailleurs ils l'empêchèrent à de nombreuses reprises de consommer par erreur des plats bien trop épicés pour son pauvre organisme, pas du tout habitué à ce genre de nourriture.

À la fin du repas Barbe Blanche et Anoki annoncèrent qu'un entraînement au combat aurait lieu sous la tutelle du premier commandant. Ceux qui souhaitaient profiter des précieux enseignements des pirates étaient donc conviés à les suivre. Tokela et ses amis se levèrent immédiatement, déjà surexcités et le sang bouillonnant à la proposition inespérée. Ce n'était pas tous les jours qu'une chance pareille se présentait, les jeunes se portèrent alors tous volontaires, incitant rapidement d'autres personnes au passage. Isaya souriait à la vue de leur air impatient quand Marco l'interpella, faisant se tourner toutes les têtes vers elle et la rendant nerveuse.

- Isaya ! Je vais avoir besoin de ton aide. Est-ce que tu veux bien te joindre à nous ?

Il avait son air sérieux de commandant et elle sentit qu'il la sollicitait pour une bonne raison. Alors elle accepta d'un hochement de tête. Certains habitants la scrutaient se demandant en quoi une femme serait utile pour un entraînement au combat. La dragonnière les ignora et se tourna vers le fils du chef.

- Tokela, je vais avoir besoin de me changer. Est-ce que tu peux m'attendre et me guider ? Je reviens dans deux minutes.

- Bien sûr. Si tu veux plus loin dans le couloir, à gauche, il y a une sorte de pièce de stockage, derrière un rideau rouge. Tu ne peux pas la rater.

Tandis que la salle se vidait rapidement, elle se dépêcha de récupérer son sac et sortir un short souple et un large tee-shirt avant d'aller se changer. Quand elle revint, le jeune homme trépignait d'impatience, il la guida alors d'un pas pressé jusqu'à l'espace d'entraînement. Ils y retrouvèrent quelques pirates et commandants mais la majorité étaient des hommes de l'île qui s'échauffaient déjà. L'empereur et le chef de la cité étaient également présents.

Son imposant guide la laissa et rejoignit les jeunes combattants. Isaya en profita pour détailler la pièce dans laquelle elle se trouvait. La salle était encore plus vaste et haute de plafond que celle de réception. Une immense ouverture donnant sur le vide courrait d'un bout à l'autre d'un des murs, en dessous un parapet était présent afin d'empêcher tout accident. C'était suffisant pour éclairer entièrement les lieux. Par contre la dragonnière grimaça à la vue du sol composé de dalles en pierres, il n'y avait aucune protection afin d'amortir les chutes.

Elle s'installa alors dans un coin pour faire des étirements et échauffement musculaires, tout en essayant de ne pas prêter attention aux coups d'œil qu'on lançait régulièrement dans sa direction. De nombreux curieux avaient rejoint la séance dont les jumeaux de la quatrième division, qui s'installèrent le long du parapet de pierre. Au bout d'une dizaine de minutes Marco s'avança au milieu de la salle et reporta de ce fait l'attention sur lui.

- Aujourd'hui on va se concentrer sur le corps à corps. Plus exactement, sur les différents gabarits et types d'adversaires sur lesquels on peut tomber lors d'un affrontement. J'aimerai donc que les habitants de Foodvalten se mettent par paire dans des groupes de dix. Vous passerez les uns après les autres afin que les commandants et moi-même puissions évaluer vos niveaux.

Isaya alla s'asseoir sur le large parapet afin d'observer le phénix donner des instructions. Il avait une attitude autoritaire et sûr de lui, concentré dans son rôle d'instructeur. Elle le trouva charismatique et fascinant dans sa manière de gérer aussi facilement des hommes non habitués au commandement rigoureux du pirate. Mais tous s'exécutèrent immédiatement, sûrement impressionnés par son ton intransigeant.

Il appela alors les groupes les uns après les autres, recadrant parfois certains jeunes trop fougueux tout en donnant des conseils et corrigeant des postures. Une fois tous passés, certains pirates de l'équipage affrontèrent personnellement les locaux, leur apprenant au passage des mouvements, techniques ou coups précis.

Puis ce fut au tour des différents gabarits de combattants. Cette partie de l'entraînement se fit uniquement sous forme de démonstrations, en faisant s'affronter uniquement les membres d'équipage. Marco débuta avec les hommes imposants et grands tout en expliquant exactement les techniques à adopter. Alors la jeune femme comprit enfin pourquoi il l'avait sollicitée et ce fut rapidement son tour.

- Maintenant on va voir comment un combattant léger et n'étant pas en capacité de parer, peut se débrouiller face à plus puissant et lourd que lui. Isaya s'il-te-plaît.

La dragonnière s'avança au centre de la pièce se demandant qui elle allait devoir affronter. Elle regarda alors le phénix, en attente de son opposant. Le commandant lui lança alors un regard presque espiègle.

- Isaya contre Watson et Gabriel !

Elle fut surprise de devoir se battre contre les deux en même temps tandis que des protestations s'élevèrent immédiatement dans son dos.

- Oh non commandant, pas encore !

- On a assez donné pendant deux mois, ce n'est pas juste !

Marco n'eut même à les inciter de nouveau à s'avancer, un simple regard suffit car aucun refus n'était toléré. Alors ils abdiquèrent et s'installèrent face à Isaya qui s'était déjà positionnée, concentrée et le visage fermé. La salle était très silencieuse, les locaux se demandant sûrement pourquoi elle était là et face à deux assaillants à la fois. Baissant la main le phénix donna alors le top départ.

D'un coup d'œil échangé, les jumeaux décidèrent de la prendre en tenaille et s'élancèrent sur la jeune femme. Celle-ci pivota sur son axe afin d'esquiver un vicieux crochet du droit de la part de Gabriel, bien plus rapide que son frère. Elle profita donc de son élan pour lui asséner un coup du tranchant de la main dans la gorge, lui coupant instantanément le souffle. Il tomba alors à genoux, suffoquant et peinant à reprendre ses esprits. C'était un sale coup mais elle se devait d'être efficace et toucher les points vitaux afin de les immobiliser assez longtemps pour les affronter un par un. De plus, il avait lancé les hostilités en visant sa blessure qui finissait tout juste de se remettre.

Malheureusement de son côté, Watson était déjà sur elle et Isaya n'esquiva pas assez rapidement sa main tendue car il réussit à lui attraper l'épaule et la faire ployer sous sa force brute. Sachant qu'elle ne pouvait l'emporter dans une lutte de puissance, la dragonnière frappa l'intérieur du genoux de son assaillant qui se retrouva déséquilibré et déconcentré par la douleur. Alors elle put enfin se dégager de sa poigne et basculée sur le dos, elle lança sa jambe afin que son talon percute violemment sa cheville. Cette fois-ci il chuta pleinement, la main posée sur la zone sensible qui venait d'être touchée.

Pendant ce temps Gabriel se redressait avec peine mais revint vite à la charge. Isaya qui s'était déjà relevée, esquiva souplement le coup de point qui était destiné à son sternum. Puis elle passa sous sa garde avant de placer un uppercut dans ses côtes flottantes. Évidemment le pirate s'effondra dans un râle. Elle savait la douleur de ce coup terrible mais ils étaient deux et elle ne voulait en aucun cas perdre cet affrontement devant témoins. En tant que femme il y avait trop d'enjeux et à présent elle brûlait de montrer aux hommes de l'île de quoi elle était capable et ce sans pouvoirs.

Watson qui s'était déjà reprit fut très vif et tenta de la plaquer brusquement au sol. Ne faisant pas le poids face à son gabarit elle s'employa à arrondir le dos de manière à laisser de l'espace entre leurs deux corps. Quand ils chutèrent lourdement au sol elle avait réussi à placer ses deux pieds sur son bassin puis d'une poussée de jambes, le projeta par-dessus elle grâce à l'élan et la force qu'il avait mis dans l'attaque. Son dos la lança douloureusement sous le contact de la pierre mais la jeune femme se releva tout de même souplement.

Alors profitant qu'il reprenne son souffle à genoux, elle envoya le bras de sa victime perpendiculairement dans son dos en exécutant une clé d'épaule arrière. De façon à pouvoir, à la fois se protéger avec son corps et prendre le contrôle de son adversaire. Gabriel qui s'était très difficilement remit sur ses pieds se retrouva ainsi face à son frère et ne put attaquer.

Soudainement Marco stoppa le combat.

- Stop, ça suffit ! Bien joué, c'était un très bel exemple d'affrontement mais je pense qu'on va arrêter là avant qu'il y ait de la casse.

Gabriel s'accroupit rapidement au sol, se tenant les côtes meurtries dans une grimace de douleur avant d'invectiver la dragonnière.

- Putain Isaya ! C'était sensé être un match amical, je suis sûr que j'ai au moins une côte cassée !

- On en parle du puissant crochet que tu as failli me mettre en plein sur ma récente fracture ? Parce que si je l'avais pris je pense que ma pommette aurait de nouveau éclatée. Donc disons que c'est de bonne guerre.

- Elle n'a pas vraiment tort, tu n'as pas été très cool dans tes attaques.

- Oh ta gueule Watson, je ne t'ai pas demandé ton avis !

C'est seulement après leur échange quelque peu houleux, qu'Isaya chassa l'adrénaline de son corps et releva les yeux sur l'assemblée toujours silencieuse. Les pirates souriaient mais les hommes de la cité semblaient choqués. Quant à Marco il avait un sourire appréciateur en coin et la regardait intensément avec une lueur dans le regard qu'elle n'eut pas le temps d'analyser car Edward Newgate fit retentir haut et fort son fameux rire. Alors les hommes de son équipage le rejoignirent et la salle d'entraînement devint subitement bruyante. Le premier commandant alla aider Gabriel à se relever et profita du bruit ambiant pour glisser une phrase à la dragonnière.

- Bravo et sois fière de toi, tu les as mouché.

Leurs regards se croisèrent alors de nouveau quelques secondes et elle y lut une vérité sincère. Cela la grisa, il avait fait exprès de la faire affronter deux personnes à la fois pour démontrer ses capacités. Toute sa vie à Erevan on lui avait dit qu'elle devait être toujours à la hauteur puisqu'elle avait plus à prouver que les hommes. Les pirates de Barbe Blanche ne l'avaient pas jugée sur son genre mais ici elle avait l'impression d'être de retour dans son royaume. Dans le fond cela la dérangeait mais elle n'en avait même pas encore pleinement pris conscience, ne s'en rendant réellement compte que pendant son combat. Mais Marco l'avait remarqué bien avant qu'elle ne puisse ne serait-ce que mettre un nom sur cette gêne qui l'étreignait depuis qu'ils étaient arrivés. Un poids sembla s'envoler de ses épaules tandis qu'elle s'éloignait pour boire un peu d'eau.

Seulement à présent une question se posait : depuis quand et surtout à quel point pouvait-il lire si ouvertement en elle ? La dragonnière en fut à la fois reconnaissante et inquiète, ce qui pour sûr, était un étrange mélange d'émotions. Reconnaissante de se savoir comprise sans avoir à s'exprimer et soulagée de pouvoir être elle-même sans avoir à se cacher. Mais en même temps inquiète d'être vulnérable et mise à nue face au pirate aux yeux perçants et observateurs. Depuis quand s'était-elle autant ouverte au commandant ? De son côté elle avait encore du mal à interpréter toutes les émotions que son visage et regard quasiment toujours impassibles, pouvaient parfois laisser furtivement transparaître. Même s'il se dévoilait de temps en temps face à elle, il régnait tout de même une certaine iniquité entre eux. Isaya se promit de rapidement se rattraper en l'observant encore plus attentivement.

Inconscient de ses profondes réflexions, Tokela se précipita pour la féliciter et lui demanda de l'entraîner personnellement car il manquait cruellement de souplesse et de vivacité. La jeune femme passa donc le reste de l'après-midi à lui apprendre les points faibles et vitaux importants, qui d'un simple coup bien placé pouvaient coucher beaucoup d'hommes normalement constitués. Bien sûr elle ne comptait pas dans le lot les surhommes tels que Edward Newgate et certains membres de son équipage, eux étaient dans une tout autre catégorie quasiment inatteignable.


Voilà, encore un chapitre achevé. Comme d'habitude, j'espère qu'il aura été à la hauteur.

Sinon à propos du plat où Isaya manque de s'étouffer, il s'agit du Cau Cau. C'est un plat typique péruvien qui est fait à partir d'un mélange de tripes ou de poulet et de pommes de terre (il existe également une variante avec du poisson). Souvent il est servi avec du riz blanc. Le tout est cuit dans une base d'aji amarillo (piment jaune qui a une saveur forte, intense et épicée), palillo (curcuma), oignon, ail, menthe et persil.

J'ai eu l'occasion d'y goûter plusieurs fois lors d'un voyage et c'est vraiment bon. Enfin ça arrache quand même pas mal et j'avoue que je ne m'y attendais pas sur le coup. ^^' Mais on s'y habitue au bout d'un moment même s'il faut avoir l'estomac un minimum solide. Alors si vous avez un jour l'occasion et que vous n'êtes pas végétarien, je vous recommande de tenter l'expérience au moins une fois.

En attendant le prochain chapitre, je vous souhaite à tous/toutes une excellente journée ou soirée et à bientôt pour de nouvelles aventures !

AprilAwake