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Janvier, 1972.
Séraphine, essoufflée, ouvrit vivement la porte de la salle de Potions. Elle présenta ses excuses au professeur Slughorn pour son retard et courut s'asseoir près de Lily, à côté de qui, miraculeusement, la place était libre.
« Lily ? chuchota-t-elle.
— Oui ? répondit Lily, sans quitter l'enseignant des yeux.
— Je ne veux pas te vexer, et je n'ai absolument rien contre les animaux, mais...
— Continue, quel est le problème ?
— Pourquoi est-ce que j'ai retrouvé une chèvre dans mon lit, et une lettre qui disait De la part de Lily ? »
Lily toussota en se grattant la nuque, sans pour autant se tourner vers elle, ce qui lui donnait l'air de s'adresser à quelqu'un dans le vide.
« J'en ai croisé au Chemin de Traverse, pendant les vacances, et le vendeur m'a dit que c'était une coutume, de s'offrir des chèvres aux anniversaires. Et d'ailleurs, joyeux anniversaire. » expliqua-t-elle.
Séraphine eut envie de se frapper le crâne contre le bois de la table, mais se retint juste à temps.
« Merci, mais ce n'est pas une coutume. C'est aussi étrange de s'offrir des chèvres chez les moldus que chez les sorciers. Et, au fait, rappelle-moi, je ne t'ai pas demandé pourquoi est-ce qu'elle a des ailes, n'est-ce pas ?
— C'est parce qu'elle a été croisée avec une autre créature. Une licorne, je crois.
— Eh bien, qui que soit le salaud qui t'a arnaquée, il connaît bien les légendes moldues. Une chance qu'elle soit encore bébé. Je pourrais la revendre facilement, conclut Séraphine.
— La revendre ? Mais elle est adorable, tu ne vas pas faire ça ? » s'insurgea Lily.
Séraphine se remémora les yeux qui louchaient et la langue pendant de la chèvre et se dit que, décidément, leur définition du mot adorable était bien différente.
« Bon, soit. Mais la prochaine fois que tu m'offres un cadeau, je veux que tu me consultes avant, par précaution. »
Lily approuva joyeusement.
Il ne lui restait plus qu'à vérifier si les chèvres ailées (non volantes, car ses ailes étaient trop petites pour la porter) étaient autorisées à Poudlard. Une chèvre... Au moins, c'était original. Elle ne risquait pas de l'échanger avec quelqu'un d'autre par inadvertance.
Comme il s'agissait d'un cours théorique, Séraphine s'ennuya profondément. Elle préférait la pratique, inventer des astuces pour accélérer les préparations et améliorer les résultats. D'autant qu'elle savait déjà ce que racontait Slughorn, ce qui n'arrangeait en rien son rapport aux cours contemplatifs.
Le déjeuner arriva rapidement et Lily et Séraphine se dirigèrent vers la Grande Salle.
« Tu as déjà reçu d'autres cadeaux ? demanda Lily.
— Non. Madame Vale va probablement m'en offrir un, il y a une infime chance que Neyl aussi.
— Et ta mère ?
— Ça relèverait de l'impossible. »
Cela relevait en vérité de la probablité que sa mère veuille une nouvelle fois exhiber sa richesse, mais elle ne jugeait pas utile de le préciser. Elles se séparèrent pour rejoindre leur table respective et Séraphine s'assît à côté de Neyl, qui déchiquetait son steak, toujours la bouche ouverte.
« C'est dégoutant ! s'exclama-t-elle.
— Arrête, souffla Neyl. Tu as déjà vu pire.
— Mais comme manière à table, crois-moi, j'ai déjà vu mieux. »
Neyl haussa les épaules.
« Où vas-tu ces vacances ? demanda-t-elle.
— Je ne sais pas encore, répondit Séraphine. Ma mère m'a juste dit que ce serait une affaire familiale.
— Elle prévoit sûrement de t'initier au maintien de ton entreprise. Tes grands-parents t'ont fait hériter d'une certaine somme d'argent ? C'est courant de forcer les hériters à accepter de gérer une affaire, en échange, ils héritent de toute la fortune.
— Mais le gobelin qui s'occupait de mon dossier ne m'en a jamais parlé.
— Peut-être qu'il te l'a caché.
— C'est interdit dans la Chartre des Gobelins. Il n'aurait pas désobéi, ce serait idiot et certainement pas avantageux pour lui.
— Dans ce cas, je n'en sais rien ! s'énerva Neyl.
— D'accord, doucement. Et toi, où vas-tu ?
— Au Canada, rejoindre mon grand-père.
— Vous n'habitez pas avec lui ? »
Neyl secoua la tête en se resservant du jus de citrouille.
« Quand toute ma famille a quitté le Canada, mon grand-père a préféré rester. Même ma grand-mère est partie, mais il a tenu bon et a fait fructifier notre firme. Il est très connu aujourd'hui, mais il est à la fin de sa vie, et il cherche un héritier compétent. Mon père essaie de renouer contact, il espère que moi ou lui seront désignés. Il m'a dit de le flatter dès que je le pouvais. » expliqua Neyl.
Séraphine comprit d'où venait la morale douteuse de Neyl. Si même son paternel lui apprenait que lécher les bottes était la clef du pouvoir, alors il n'était pas étonnant qu'elle suive ce raisonnement constamment.
Le directeur se leva et leva la main pour obtenir le silence. Aussitôt, élèves et professeurs se turent.
« Chers élèves, nous approchons de la fin d'année et, bientôt, sera décernée la coupe des quatre maisons. Je souhaitais un rappel des points : Pouffsoufle se situe à la dernière place avec 481 points, nos travailleurs Serdaigle atteigne la troisième avec un total de 524 points... »
Il laissa sa phrase en suspens quelques secondes, balayant la salle d'un regard malicieux.
« Les Gryffondor sont en deuxième place avec 587 points, et les Serpentard, en première place, acquièrent 650 tout pile. Cependant, nous avons découvert que le coupable d'une mauvaise blague visant certaines élèves de Gryffondor en début d'année était mensonger, et que le véritable auteur ne s'est pas dénoncé. »
Séraphine blêmit. Dumbledore regarda les Serpentard, et elle eut l'impression qu'il s'attardait sur elle. Elle pria fort pour qu'il ne s'agisse que d'une illusion créée par son anxiété.
« Je suis certaine que c'est Black. », dit Neyl.
Malgré elle, le regard de Séraphine s'attarda sur le garçon, occupé à jeter des frites dans une coupelle avec son acolyte de toujours, Potter. Remus, à la grande déception de Séraphine, était à leurs côtés avec deux autres Première Année. Elle le détestait : non seulement parce que c'était un vrai crétin — traîner avec cet imbécile de Potter était une activité réservée à ceux qui partageaient son manque de neurones —, mais aussi parce qu'elle était déçue d'avoir placé des espoirs en lui. Lorsqu'elle l'avait rencontré, elle n'avait bien sûr pas imaginé devenir sa meilleure amie, mais elle avait pensé qu'ils pourraient au moins entretenir des liens cordiaux.
Mais aussi, elle craignait sa réaction s'il venait à découvrir qu'elle était responsable de la farce des furoncles. Parce que, bien malgré elle, elle trouvait Sirius drôle, sympathique et chaleureux par moment. Elle aurait sincèrement préféré le haïr en toute simplicité, mais les relations étaient plus complexes qu'une seule émotion.
Neyl la sortit de ses pensées.
« Elle est douée en Potion. C'est une bonne potionniste, elle aurait pu faire ça pour protéger les Premier Année. »
Ah, elle parlait donc de Narcissa Black, la princesse hautaine et prétentieuse qui avait enfermé Séraphine dans les toilettes, et l'avait forcé, par la même occasion, à dormir avec Sirius dans la lingerie.
« Répète au cas où, car je ne suis pas sûre d'avoir entendu la moindre logique dans ta phrase, dit Séraphine sur un ton cynique.
— Ou elle l'aurait fait sur l'ordre de Malefoy, proposa Neyl. Cette hypothèse me semble plus réaliste. Maintenant, pourquoi Malefoy lui aurait demandé cela ? Il a tout à perdre à sauver l'honneur des élèves, surtout quand on sait qu'il te déteste. »
Séraphine grimaça. Neyl pourrait sans doute être une excellente enquêtrice.
« Mais peut-être que nous allons trop loin, et que le fait que la blague des pustules suivent celle du poil à gratter est juste une coïncidence ! s'exclama la Troisième Année. Peut-être qu'elle est liée à Black et Potter, tout simplement ! Londubat n'a pas d'importance, il ne vient pas d'une famille très aisée ni pure. Mais Potter est l'héritier de l'une des familles les plus pures et les plus riches de Grande-Bretagne ! Et Black, depuis qu'il est devenu un traître à son sang-
— Un traître à son sang ? releva Séraphine en la coupant dans ses explications farfelues.
— Oui, depuis qu'il est allé à Gryffondor. J'ai entendu dire que sa mère lui avait envoyé une Beuglante. Tu sais, tous les Black sont allés à Serpentard. Un Gryffondor, qui se lie d'amitié avec des sangs-mêlés et des moldus de surcroit ? Forcément, avec tous les Black qui se sont fait renier à cause de mauvaises fréquentations, ça leur fait peur. »
Séraphine l'ignorait. Elle n'avait jamais vu Black se lamenter sur son sort à ce sujet.
Neyl poursuivait ses théories frauduleuses et la jeune Serpentard préféra l'ignorer. Si elle ne connaissait pas la véritable coupable, nul doute qu'elle aurait cru Neyl. Ce qu'elle supposait était tout à fait plausible. Il ne lui manquait que quelques éléments pour découvrir la vérité : le talent en Potion de Séraphine, ce qu'avaient fait les Gryffondor, et son aversion profonde pour Potter — même si Black était loin d'être une victime collatérale.
Elle soupira. La journée serait longue, à n'en pas douter.
