Il était sept heures passées de trente minutes. A l'intérieur de la chambre, l'on n'entendait rien, si ce n'est des bruits de frottements irréguliers et de plus en plus nombreux. Ils étaient rapides, brusques, imprécis. Stiles serrait ses draps, se retournait, bougeait dans tous les sens. Parfois, il laissait échapper des petits bruits que l'on ne lui connaissait que peu, comme des espèces des couinements plaintifs et de bien faibles gémissements qui gagnèrent peu à peu en puissance. Ses traits crispés comme jamais ils ne l'avaient été, il semblait faire un cauchemar. Sans doute aurait-il préféré. Sauf qu'il ne faisait rien de plus que se souvenir. Sa mémoire avait ouvert ses vannes et l'inondait d'images depuis qu'il s'était endormi. Mais son corps n'avait commencé à réagir qu'il y a peu, détruisant son sommeil au fur et à mesure que l'hyperactif revivait cette soirée – car c'était bien de cela qu'il s'agissait. Et chaque détail s'imprimait en lui au fur et à mesure que les images passaient et repassaient, qu'elles s'imposaient aussi bien à son conscient qu'à son inconscient. Lui qui désirait tant se souvenir le regretterait bientôt mais pour l'instant, il ne pouvait rien faire, si ce n'est subir. Alors qu'il dormait encore, son état psychique se dégrada et ses mouvements devinrent plus erratiques. Il commença à se débattre, comme s'il voulait fuir les mains qu'il voyait dans ses souvenirs et qu'il avait l'impression de sentir sur son corps. Des mains qui l'avaient déjà caressé, touché. Puis des bouches aussi, et d'autres choses encore qu'il ne désirait pas nommer. Et le pire, c'est qu'il se revoyait tout autant faire que subir – le plaisir en moins. Cette fois, il ne ressentait rien des sensations étrangement agréables qui l'avaient submergé ce fameux soir, au loft. Des choses dont il découvrait l'existence tout en sachant d'instinct qu'il les avait ressenties… Sans les retrouver pour autant. Cela lui aurait-il permis de mieux vivre l'assaut de ces réminiscences? Peut-être pas, pour la simple et bonne raison qu'elles arrivaient et s'imposaient à lui toutes en même temps. Plaisir ou non, le résultat serait de toute façon le même.

Piégé par et dans sa propre tête, Stiles s'effondra sous l'horreur qui l'atteignait et qui justifiait ses douleurs, sa fatigue, son inconfort, son flou récent… Expliquait tout dans le moindre détail. Et c'est ainsi que son sommeil se fit de plus en plus léger, frôlant l'émergence, le réveil. Les larmes commencèrent à couler. Dans son esprit défilèrent les noms et les visages de ses amis, de la meute, de ces gens à qui il s'était donné ou dont il avait profité. Il ne savait plus vraiment tant il ne comprenait pas ce qu'il s'était passé mais jugeait les deux idées largement possibles. Etrangement vraies et aussi horribles l'une que l'autre. Et Stiles supplia une entité supérieure de se réveiller complètement, de le sortir de cette prison psychique dans l'espoir… Que tout soit faux, que son cerveau n'ait rien fait de plus qu'imaginer cette soirée, en comblant les trous avec ces horreurs. Sa bouche bougea, laissa échapper des sons un peu plus articulés que les précédents.

Et alors qu'il se débattait de plus belle dans ses draps, il se retrouva soudain plaqué contre son matelas, les poignets entravés de façon si ferme que son souffle se coupa. Il avala mal sa salive en ouvrant les yeux d'un coup d'un seul et se mit à tousser de façon incontrôlée, incapable de reprendre sa respiration. La panique en lui monta en puissance, prit un galon monstrueux, à tel point que, les yeux ouverts, il ne vit rien et dut se concentrer sur la voix qu'il commençait à percevoir. D'instinct, il la reconnut et la sut rassurante – raison de plus pour faire tout son possible pour l'écouter.

Alors peu à peu, Stiles cessa de tousser et, en sueur, retrouva partiellement le contrôle de sa respiration, laquelle resta néanmoins erratique. Elle se calquait sur le rythme effréné de son cœur, qu'il essayait désespérément de calmer.

- Chut, tout va bien…

Des mots prononcés doucement et distinctement qu'il tentait au mieux d'imprimer, de croire. Le seul problème dans tout ça, et pas des moindres, c'était ce qui était momentanément passé à l'arrière-plan. Ces visions, ces souvenirs… L'élément déclencheur de cette crise de panique incroyable qui le laissait là, tremblant, pantelant, à la merci de n'importe qui.

Par chance, Noah Stilinski était un homme bien à qui il ne viendrait jamais à l'idée de lui faire le moindre mal. D'autant plus qu'il était avant tout un père et qu'entraver les mouvements de son fils unique ne lui plaisait pas le moins du monde… D'autant plus que l'état dans lequel Stiles se trouvait faisait tout, sauf le laisser de marbre. Ainsi, il faisait tout ce qu'il pouvait pour le rassurer et ne libéra ses poignets que lorsqu'il fut certain que l'hyperactif était conscient, à peu près calmé.

Mais il le regardait d'un air éberlué avec des yeux qu'il ne lui avait jamais vus.

Noah fut d'une patience exemplaire avec lui malgré le trouble qu'il ressentait à sa vue, mais respecta à la lettre les quelques demandes que Stiles réussit à verbaliser. Il fallait au jeune homme de l'air et de l'espace, ce dont il semblait manquer cruellement. Si le shérif le lui accorda, il resta néanmoins près de lui, assis au bord du lit, guettant le moindre signe de récidive de sa crise de panique, prêt à agir. Mais Stiles ne fit rien de plus que respirer profondément, et lentement, le regard affolé rivé au plafond, la main posée sur son cœur.

- Fiston, souffla Noah, complètement bouleversé.

Car s'il avait pu garder son sang-froid pendant un moment, ses véritables émotions prenaient le dessus. Comment pourrait-il en être autrement? Il était presque sept heures, le shérif, en uniforme, avait eu une courte nuit du fait de son travail. Il devait déjà repartir sans même s'être vraiment reposé et le voilà qui se retrouvait au chevet de son fils dont l'état le préoccupait grandement. Ce qui l'avait poussé à venir le voir? La présence de la Jeep devant la maison, signe que Stiles n'était pas parti à une heure qui, pourtant, frôlait déjà le retard. Il y avait aussi eu ces petits bruits étranges qui venaient de sa chambre, lesquels s'étaient révélés être des plaintes faiblardes. Et puis c'était là, en ouvrant la porte, qu'il avait compris que quelque chose n'allait pas avec son enfant.

C'est avec une tendresse largement teintée d'inquiétude qu'il posa sa main sur son front luisant de sueur. Le regard larmoyant de Stiles accrocha le sien, parfaitement sec.

- J-je… J…

Le jeune homme ferma les yeux un instant, en fronçant les sourcils. Il n'arrivait pas à s'exprimer, à articuler quoi que ce soit d'intelligible alors qu'il entendait désormais parfaitement la voix de son paternel – et qu'il comprenait ce qu'elle disait. De toute façon, il peinait déjà grandement à séparer ses pensées les unes des autres. Tout s'emmêlait, s'entrechoquait, se détruisait… A tel point que s'il savait se souvenir de ce qui lui était arrivé, maintenant qu'il était réveillé, il ne réalisait pas encore vraiment ce que tout cela voulait dire. Le fait est qu'il arborait un air sidéré… Parce qu'il l'était. Et Noah se rendit compte qu'il était en état de choc, qu'il ne sortait pas d'un simple cauchemar.

Le pire, ce fut lorsque Stiles se redressa et se lova de lui-même dans ses bras – une chose qu'il ne faisait jamais – dans le but de… Se sentir rassuré? Noah n'en savait rien, mais lui ne l'était pas le moins du monde.