« Thor ! » Ses cordes vocales se brisèrent sous l'effort. Il avait mal, partout, brindille insignifiante vidée de toute son énergie. Respirer lui était difficile, du sang coagulé obstruait l'entrée d'air dans ses narines. Plusieurs de ses côtes étaient cassées ; l'une d'entre elles frôlait ses organes à la moindre inspiration. Pourtant, le sorcier trouva la force de bouger, de se redresser, juste à temps pour observer, horrifié, les réminiscences de Surtur transpercer de ses flammes le corps de son frère.

Brûlait ; Thor brûlait. Des brides de ses cauchemars s'imposèrent aussitôt à son esprit. Non, non ! La douleur fut vite réprimée ; il devait bouger. Thor ne pouvait pas, non !

Loki convia tout ce qui lui restait – pouvoir, adrénaline ou désespoir – et se redressa sur ses jambes qui se mirent aussitôt en mouvement, autonomes face à son esprit incapable de réaliser, trop occupé à faire taire tous les signaux envoyés par le moindre centimètre carré de son existence. C'était impossible, la Flamme Éternelle s'était éteinte ; Surtur était mort ! Il se mit à courir, voler, galoper – peu importait ! – en direction du corps chutant dans les airs de son frère. Il devait le rattraper ; Thor ne pouvait pas mourir !

Le monde était devenu trop silencieux, trop sombre malgré l'aurore qui pointait à l'horizon, trop terne malgré les premiers rayons solaires renvoyés par les éclats du Bifröst. Mourant, comme dans sa vision. « Le Bifröst, votre frère, et vous. Tant que ces trois éléments ne sont pas réunis, la bataille ne sera pas finie. » La bataille était déjà finie, la victoire était déjà leur. Alors pourquoi ?!

« Père ! » L'inquiétude calme d'Alioth résonna autour de lui, à l'instant où il referma ses ailes autour du corps massif du blond. Chaud, brûlant ; la souffrance manqua de lui faire lâcher prise ; le métamorphe se cramponna avec plus de vigueur. Thor avait besoin de lui. Il pouvait, devait le sauver.

« Mobius » Loki appela avant même de convier le pouvoir du Tesseract pour les transporter tous les trois jusqu'à l'Alfe. Ils atterrirent avec fracas sur les restes du pont arc-en-ciel. « Mobius ! » Il repoussa la douleur, résorba comme il put sa chair de Jötunn pour atténuer la morsure des flammes ; il ne pouvait pas le lâcher, son frère avait besoin de lui. « Mobius !

- Je suis là. » Il était là, se laissa tomber de l'autre côté du corps peu à peu ravagé par le feu intarissable de Muspelheim. L'intendant referma ses mains autour des siennes, occupées à recouvrir l'énorme trou béant au milieu de la poitrine du prince héritier. La blessure n'avait rien de superficiel, il le savait, refusait pourtant de le croire. L'énergie vulnéraire de son compagnon se joignit à celle presque tarie de ses doigts. Il n'avait plus rien ; était pourtant prêt à tout donner pour Thor.

Il ne pouvait pas, non. « À tout à l'heure. »

« Allez, espèce d'idiot. » L'or de ses cheveux s'étiolait. Son visage était en sang ; sa peau partait en cendres. Non. Du sel gratta le bord de ses paupières. « Mobius, pourquoi ça ne marche pas ?! » Sa voix tremblait, il devait avoir l'air pathétique ; il s'en moquait. Thor devait ouvrir les yeux, Thor devait vivre, rire, lever haut son verre pour célébrer leur victoire, s'incliner bien bas pour quémander son pardon, l'enlacer jusqu'à l'étouffement, l'embrasser jusqu'à la fin des temps. Thor devait vivre. « Je le vois qui meurt. » « Mobius ! » appela-t-il de nouveau en relevant ses pupilles en direction de ceux orageux de l'Alfe, pour croiser une émotion qu'il se refusait de déchiffrer.

« Asgard s'effondre, le monde avec, et je m'en moque. »

« La blessure est trop profonde. » Il n'aimait pas le timbre employé par son ami. Non, ni l'hésitation fragile qui faisait trembler ses lèvres dans l'ombre de sa moustache. « Les fonctions vitales ont été touchées. Je-

- Taisez-vous. » Non ; Thor ne pouvait pas.

« Sir Loptr.

- J'ai dit la ferme ! » Son regard était retourné auprès des traits déformés par la douleur des flammes. Du bleu terne apparaissait par instants sous les paupières closes. « Il n'y a rien, plus rien ; parce que je le perds. » « Allez, j't'en prie idiot, accroche-toi. » Ses doigts s'enfoncèrent dans la chair carbonisée, le flux de seidr s'intensifia ; il frissonna sous l'effort.

Un rire, faible, tinta à ses oreilles. Le bleu scintilla un fragment de seconde plus fort. Des mots hachurés s'élevèrent, entrecoupés de respirations sifflantes : « Qui. Est l'idiot ?

- Toi aussi ferme-la. » Thor l'observait en souriant, même dans une telle situation. « Accroche-toi juste. J'te jure, accroche-toi. »

Le bleu disparut derrière une grimace ; du sel s'ajouta sur sa langue. Le sorcier prêta à peine attention au seidr de l'Alfe qui se soustraya au sien. La douleur était insoutenable dans sa poitrine, à peine apaisée par le retour de cet azur dans son champ de vision une minute – une éternité – plus tard. « Loki. Tu aurais été. Magnifique.

- Bien sûr que je l'aurais été. » Son ego parla à la place de son ignorance ; son frère en rit, dans une quinte de toux qui lui fit presque regretter le choix de ses mots.

« Bien sûr. » Les sifflements de seidr s'atténuèrent, suffoquèrent sous l'effort. Il pouvait sentir le fil vital de son aîné entre ses doigts, sa vie dépendre de ce flux constant qu'il lui administrait. Il devait tenir, comme Thor avait tenu face à l'avalanche des Hivers d'Antan. Une promesse qu'il avait tenue, enfin. Mais le soleil n'était pas encore levé, pas complètement ; le jour naissant n'attendait que leur joie mutuelle pour célébrer la victoire. Thor devait tenir, une nouvelle fois, reproduire l'exploit.

« Mobius » il appela, le réflexe d'un enfant apeuré, en quête de réconfort, d'aide, de solutions. Où était-il ? Il avait besoin de son soutien ; il n'y arriverait pas, pas seul.

« Loki. » Pourquoi ? Il avait pourtant cessé de fuir, comme Idunn lui avait autrefois conseillé, comme Mobius l'avait également fait plus récemment. Il avait cessé de fuir, avait laissé la pelote se dérouler. Alors pourquoi ?

« Tu dois tenir, tu m'entends ? » Les larmes échappées de ses joues échouaient sur celles de son cadet pour s'évaporer aussitôt au contact du feu brûlant sous son épiderme. « Tu vas vivre. Tu-

- Épouse-moi. »

Les lèvres entrouvertes, le sorcier accueillit la demande sans mots. Comme ce jour-là, dans l'ombre d'une cellule qu'ils avaient côtoyée après la mort de Balder et le sauvetage du prince héritier. Comme ce jour-là, des mots imprévus, inadaptés à la situation, et pourtant éclatants de sincérité.

Comme ce jour-là, des mots que son aîné répéta à voix basse, pour lui seul : « Épouse-moi. Loki. »

« Et je suis incapable de le sauver. » Il avait cessé de fuir. « Pas cette fois. » Mobius l'avait dit ; Idunn bien avant. Il avait cessé de fuir ; il méritait sa récompense, il méritait qu'on lui accorde la vie de son idiot de frère. Personne n'avait le droit de le lui prendre. Peu importaient les sifflements de plus en plus faibles, la douleur des cloques qui se formaient le long de ses phalanges, l'avis des Nornes, le monde entier. Thor devait vivre – non, - Thor vivrait !

Il ne permettrait jamais l'inverse, qu'il dut lui-même provoquer un nouveau Ragnarök pour obliger ces dames à se plier à sa volonté. Après tout, comme n'avait eu de cesse de lui répéter Mobius durant ses années de cavale, « vous êtes le Dieu de la Malice, vous trouverez une solution. » Il refusait de le perdre. Il avait cessé de fuir, il méritait sa récompense. « Comme vous l'avez toujours fait. Fenrir, Jörmungand, Sigyll, Alioth, moi-même. Combien de destin avez-vous déjà modifié ? »

« Faites venir Brunehilde et ma sœur. » Son plan était parfait, d'une complexité digne des esprits les plus fous. Si c'était si facile, n'importe qui y arriverait. Or, il n'était pas n'importe qui. Dieu de la Malice. Dieu des Histoires.

« Loki.

- La ferme. » Il assassinat du regard le bleu de moins en moins perceptible. « Tu souhaites m'épouser ? Alors va falloir t'accrocher. Heimdall ! » appela-t-il en relevant la tête, « les filles, maintenant. » Il s'assura de voir le gardien bouger pour obéir à sa demande avant de revenir vers son aîné dont le visage se déchirait entre douleur et incompréhension. Sa lueur se tarissait de plus en plus ; Loki s'assura de maintenir d'une poigne plus ferme son fil vital. « Tu croyais vraiment que j'accepterais une demande faite ainsi, par une personne crasseuse sur le point de me rendre veuf avant d'atteindre l'autel ? » Il le tenait, ne le lâcherait pas. Oh que les Nornes seraient agacées ; elles ne seraient néanmoins pas les premières. « Si tu veux de moi, il va falloir te relever. Jör ! » L'immense tête du serpent marin apparut dans son champ de vision ; Loki se remémora une plage, la passion dévorante et incompréhensible de son aîné pour ces reptiles. Sous ses larmes, un sourire trouva la force d'éclore avec difficulté. « Hors de question que mes noces soient éclipsées par les funérailles du prince héritier. »

Les doigts de Mobius retrouvèrent les siens. « Vous avez un plan. » Un hennissement retentit au-dessus de leurs têtes. Warsong, et les deux guerrières qu'il portait sur son dos. « Dites-moi. »

Des exclamations d'effroi ; Hela éclata en sanglots. « Je cesse de fuir. » Cette vision dont il n'avait jamais vu la suite, effrayé par ce qu'elle aurait pu lui révéler. « Je sauve mon frère. »


Chapitre 27

Gebo


[La brise légère était saturée d'ozone et de pétrichor. Le jour nouveau se paraît d'arabesques diaprées : des aurores boréales naissaient sous l'influence de cette magie ancienne, aussi puissante qu'effrayante.

Je frissonnais. Mon cœur battait au rythme des tambours des Valkyries ; l'autre rivage appelait ses héros tombés à le rejoindre. Des milliers de fils s'entrelaçaient dans l'horizon ; les guerrières ailées tiraient sur ceux rompus pour lutter contre la traction des larmes de ceux demeurés sur place, vivants. Les pleures retiennent les âmes, oui. Le grand Freyr disait toujours que mieux valait célébrer plutôt que regretter. Voir la mort comme un nouveau départ, plutôt que comme une fin précipitée et injuste. Pourtant, à cet instant, les doigts couverts d'impuissance, je ne pouvais voir ce choix autrement que comme une authentique injustice.]

La plume se stoppa un instant dans sa course ; l'arrêt brusque forma une faible goutte d'encre à la fin du dernier mot rédigé. Levant les yeux du vélin, Mobius inspecta les environs avec une grande minutie. Il se trouvait dans une chambre, assis sur un tabouret face à un lit aux proportions royales. Un environnement devenu familier ces derniers jours, semaines, ou peut-être mois. Un voile blanc drapait son épaule ; la tradition était asgardienne mais il la respectait, en mémoire des âmes parties pour le Valhalla.

[Le Valhalla appelait ; Sir Loptr décida de l'ignorer.]

Il y avait eu un corps sur ce matelas, comme tous les soirs où l'intendant parvenait à le convaincre de le rejoindre. Fiévreux, parfois sur le point de se rompre. Le cœur du vieil homme qu'il était manquait de se stopper à chaque fois. La souffrance de ces émotions qui devenait la sienne lacérait encore sa poitrine.

Jamais il ne pourrait oublier.

[Les mains couvertes du sang aimé et des cendres maudites, il s'accrochait malgré la douleur des flammes, de son seidr s'écoulant vers le néant. Je pouvais le sentir ; il s'affaiblissait. Mais comment étais-je censé l'aider ? Mon pouvoir de lumière ne pouvait rien ; j'étais inutile.

Injuste, oui. Le nœud était défait ; la vision s'accomplissait.]

Mobius tourna la page, plus facilement que ne pourrait jamais le faire la nation.

[Warsong chanta, plus fort que ses congénères. Dame Hela pleura, plus fort que la moindre paupière. La magie ancienne se répandit ; les fils de vie se teintèrent d'émeraude, la couleur de l'équilibre, de l'harmonie. De l'espoir. Tels les mille et une branches du grand Yggdrasil, dont le contrôle échappait aux doigts habiles des nobles Nornes, impartiales dans leur travail, toujours injustes face aux regards subjectifs.]

Les chuchotements aquatiques cessèrent dans la pièce voisine.

[J'étais moi-même de cet avis ; pour la première fois de mon existence, je scandais leur choix de stupide. D'injuste. J'encourageais le vert à s'étendre, les fils à se rebeller, à écouter ce nouveau maître qui s'agrippait avec ferveur à ce fil. Car un seul fil comptait, enfin libéré de ce nœud qui l'incombait depuis des siècles. Sir Loptr avait cessé de fuir ; son pouvoir était splendide, aveuglant, remarquable.]

La porte de la salle de bain grinça à peine ; des pas feutrés se rapprochèrent.

[Épuisant, et pourtant inarrêtable ; nourri par une source externe, généreuse et sans limite. Une offrande, pour recoudre ce que les flammes du Seigneur de Muspelheim avaient consumé : la promesse d'un avenir.]

Un fredonnement retentit par-dessus son épaule. Une ombre s'étendait à présent sur les lignes noircies qu'il venait de tracer ; Mobius n'eut aucune peine à deviner l'identité de celui debout dans son dos. Lorsque ce dernier prit la parole, d'une nonchalance beaucoup trop parfaite pour être authentique, ce fut pour prononcer les mots exacts auxquels l'Alfe aurait pu s'attendre : « Peut-être un peu trop dramatique cette fois-ci.

- Vraiment ? » Un sourire étira ses lèvres malgré lui. « Je trouvais pourtant cette nouvelle version plus adaptée. » L'intendant releva la tête et plongea directement dans le rouge profond des iris de son maître. Les quelques heures de repos imposées n'avaient évidemment pas suffi pour résorber les poches de fatigue sous ses paupières. Son corps svelte, à la nudité uniquement préservée par une fine robe de chambre en soie noire, semblait sur le point de se rompre au moindre courant d'air. Les runes claniques ressortaient sur le bleu pâle de son épiderme ; la couleur n'était pas encore parfaite, toujours parasitée par les Hivers d'Antan qu'il avait hébergé à peine une minute – déjà la minute de trop. Il faudrait du temps. Oui, « du temps » songea Mobius en observant le métamorphe prendre place sur le rebord du matelas face à lui et tamponner d'un geste las ses boucles sombres avec une serviette. « Comment vous sentez-vous ? » osa-t-il demander après un long silence ; une fois encore, il devinait la réponse, mais il lui était de plus en plus difficile de tirer son maître – non – son ami du mutisme ; chacun de ses mots devenait une petite victoire.

Le métamorphe haussa à peine des épaules. « Propre ? » proposa-t-il en réponse ; l'Alfe la jugea acceptable. Bien différente de celle à laquelle il souhaiterait s'attendre. Mais cela faisait déjà six mois. Le printemps avait eu le temps d'éclore et de céder sa place à la chaleur estivale ; bientôt viendraient les teintes crépusculaires de l'automne.

Six mois. Une durée bien risible pour un immortel ; une éternité pour un quotidien sans rire franc et chaleureux.

« Pouvez-vous m'aider à m'habiller ? » La demande fut faite sur un ton neutre, détaché ; Mobius savait pertinemment que son seigneur ne quémandait assistance que pour taquiner ou par réelle nécessité.

« Bien évidemment. » Il ne cherchait jamais à trancher entre les deux.

La sobre tunique ébène qu'il l'aida à enfiler était ajustée à sa morphologie ; les centimètres gagnés par sa véritable forme corrigeaient la maigreur accumulée ces derniers mois d'anxiété. Ses os saillaient sous son épiderme, donnant l'impression de pousser, de vouloir percer la surface. Comme pour un enfant récalcitrant, il fallait chaque jour encourager le jeune prince à se nourrir et prendre du repos, parfois en négociant, le plus souvent en obligeant. Si la reine Frigga était habile avec la première tactique, Mobius préférait la seconde, certes moins efficace mais plus expéditive, surtout lorsque ledit jeune prince n'avait aucun moyen de se défendre. Une aubaine, peut-être la seule à relever dans ce contexte délicat.

Avec adresse, l'intendant tressa les boucles sombres vers l'arrière ; il fit quelque chose de simple et fonctionnel. De toute manière, il savait pertinemment que le résultat final finirait masqué sous le capuchon d'une cape ample. Il prit néanmoins grand soin du lien rouge dont il se servit pour attacher l'extrémité de son ouvrage ; par un miracle improbable, la lanière de cuir avait survécu à la fin des temps. Ce petit fragment du passé – d'un passé bien loin à présent, au chagrin pourtant encore bien marqué – transmis de main en main, de peine en peine.

« Où sont les enfants ? » l'interrogea le sorcier par-dessus son épaule.

« Sur Midgard, avec Dame Brunnhilde. »

Son maître étira à peine ses lèvres face à sa réponse. « Je vous avais bien dit qu'elle serait le choix parfait pour le rôle de nourrice. » L'étincelle était fragile mais bien réelle ; Mobius sourit malgré lui.

Il aurait volontiers tué pour l'entretenir. « Assurément. Si l'on omet toutes les fois où ils ont manqué d'éradiquer Lamentis. Dame Brunnhilde la première. »

L'étincelle brûla plus fort cette fois-ci ; un rire tari résonna à hauteur de son ventre. Ventre contre lequel Sir Loptr laissa reposer l'arrière de son crâne, sans se soucier de ruiner la natte à peine tracée. Ses paupières étaient closes. L'affection qu'il portait pour son entourage – atypique – était parvenue à détendre ses traits. Une petite victoire, risible, mais toutes méritaient d'être célébrées. Il demeura ainsi, immobile et silencieux, plusieurs minutes. Mobius le laissa faire, parfait dans son rôle de soutien. Il s'en voulait à chaque fois qu'il se devait de le brusquer, préférait de loin cette tâche à celle du moralisateur. « Merci » l'avait remerciée la reine Frigga trois semaines après le grand fléau alors qu'ils étaient enfin parvenus, pour la première fois, à faire regagner sa chambre au jeune prince trop têtu pour écouter. « Merci d'être là pour lui. » Ce n'était hélas jamais assez.

« Et Jör ?

- Toujours au même endroit. » Mobius glissa ses doigts dans les boucles non retenues afin de retirer les derniers nœuds imaginaires. « Aussi opiniâtre que ses parents, je le crains. » De nouveau, un rire bourgeonna. Incapable de retenir son geste, l'Alfe laissa alors ses bras couler autour des épaules du garçon – ce qu'il était, ce qu'il demeurait, bien jeune pour tout ce qu'il avait et devait encore affronter. Puis il serra, peut-être trop fort, désireux d'envelopper cet éclat pour le protéger du reste du monde. « Vous êtes beaucoup trop têtu pour votre propre bien » murmura-t-il à l'oreille du Jötunn.

Sir Loptr bougea à peine la tête ; il rencontra le rouge de ses iris – si différent du vert habituel, et pourtant si semblable. « Serait-ce un reproche ? » demanda-t-il, faussement outré.

L'intendant rit. « Peut-être bien. Je suis trop vieux pour tout ceci. »

o

La traversée du couloir au côté de sa mère fut calme, voire trop silencieuse. La vie reprenait peu à peu ses droits à Asgard, encore fébrile et timide, sa joie étouffée par les cœurs peinés. Entre les colonnes encore marquées par la colère de Surtur, les rares troncs survivants commençaient déjà à perdre leurs feuilles jaunies. Les jardins ne ressemblaient pas à grand-chose ; ils n'étaient pas la priorité, et de loin. Les domestiques tâchaient en effet de rendre à Valaskjálf progressivement sa splendeur d'antan. Huit mois avaient permis de reconstruire au moins la salle du trône et les appartements royaux ; lieu où ils se rendaient sans trop se presser. Sa mère avait adapté son pas au sien par automatisme, les bras enroulés autour de son biceps gauche, dans un geste de soutien mutuel. Ou peut-être pour s'assurer qu'il ne prendrait pas la fuite. Et peut-être qu'il l'aurait fait. Mais Loki ne désirait à présent plus qu'une chose : en finir au plus vite avec ces idioties pour retourner là où il était nécessaire, attendu – là où il désirait être.

« Sois sage » lui demanda sa mère une fois arrivés devant la porte de la chambre royale, « s'il te plaît, écoute-le jusqu'au bout. » Il leva un sourcil sous son capuchon ; elle soupira en réponse.

Elle captura son visage entre ses paumes pâles et froides. Elle paraissait si petite, si frêle ; bien plus que dans ses souvenirs – dans le dernier, elle venait lui rendre visite dans sa cellule pour lui apporter de nouveaux ouvrages, le cœur déchiré entre la mort de son premier fils et la peur de perdre son plus jeune. Bien que terni, l'éclat de ses iris demeurait néanmoins magnifique à contempler, et pourtant si douloureux. Une couleur familière, peut-être une teinte trop claire de sa préférée. « Je sais que ton père ne s'est pas toujours montré patient avec toi.

- Je ne saurais dire, je ne connais aucun homme qui pourrait prétendre à ce titre. » Il fut aussitôt désolé de la peine qui traversa les traits de sa mère à l'écoute de ces mots, mais elle les savait elle-même vrais. Que ce fut biologique ou adoptif, aucun des deux n'avait jamais occupé cette place.

« Je suis ta mère » justifia-t-elle ; par automatisme, le sorcier approuva.

« Oui » ajouta-t-il à l'oral, juste pour voir éclore un sourire sur ses lèvres. C'était doux et chaud ; il apposa sa main droite sur celle de sa mère et se cajola contre.

Doux et chaud. La sensation du foyer, la maison – « Nous sommes une famille. »

« Très bien » ; il soupira malgré lui, « finissons-en. »

Frigga approuva d'un hochement de tête, puis se dégagea de l'étreinte pour ouvrir l'une des grandes portes menant à la chambre. Avant de s'effacer sur le côté pour lui dégager la voie.

La pièce était plongée dans une presque pénombre, entretenue par les lourds rideaux de velours qui filtraient les rayons solaires et ne laissaient passer qu'un rais au pied du lit. Un lit occupé et enveloppé de tant de couches magiques que l'air saturait en seidr. Loki sentit le sien tenter un vain sifflement en réponse ; sans espoir – il n'y avait plus la moindre goutte. Une chose était certaine : beaucoup d'enchanteresses s'étaient données du mal pour aider le Sommeil d'Odin, un sort – ou maléfice – qui s'était enclenché pour préserver les derrières forces du roi lors de sa fuite. Maintenir la barrière d'Asgard avait à priori drainé jusqu'à la moelle l'essence de son corps vieillissant. Loin était en effet le prestigieux guerrier à la tête couronnée qui, par de nombreuses fois, avait pris les armes pour instaurer – ou imposer – une paix durable au travers des Neuf Royaumes.

« Je sais ce que tu penses. » La voix était rugueuse, asséchée, presque éteinte ; hachurée par une respiration sifflante et désordonnée.

« Vraiment ? » Loki offrit un ton neutre en réponse – sa mère lui avait demandé d'être sage, pas de s'épandre en émotions inutiles.

Un pas en avant lui permit d'avoir une meilleure vision du Père de toutes choses – si ainsi il était possible de dépeindre un vieil homme au fil presque achevé. L'épuisement de sa magie avait creusé les rides de son visage ; l'éclat de ses yeux paraissait presque éteint derrière les paupières qu'il peinait à conserver ouvertes. Une image bien pathétique, bien loin de celle de l'homme plein d'orgueil et de colère qu'il avait confronté lors de leur dernière rencontre, deux siècles plus tôt. L'armure et les beaux habits avaient laissé place à un pyjama aux manches retroussées et aux premiers boutons défaits pour faciliter l'accès au réseau de tuyaux qui assainissait son corps en permanence. Un détail sur lequel le Jötunn ne s'attarda pas davantage, préférant affronter l'homme dans les yeux. Pour le défier, l'inviter à compléter la pensée qu'il déclarait connaître.

Invitation à laquelle Odin répondit après une déglutition difficile : « Je sais ce que tu te dis » ; il se répétait, comme pour amorcer la suite de ses paroles. « Pourquoi lui ? » Ils échangèrent un regard plus appuyé ; le vieil Ase ancra son attention dans le sien. « Pourquoi moi plutôt que ton frère ?

- Il ne l'est pas. » La discussion lui déplaisait.

« Cela a-t-il déjà eu une quelconque importance ? » Un rire silencieux secoua les lèvres royales, avant qu'une soudaine toux le mette en garde. Sur la main qu'il mit par réflexe devant sa bouche, des gouttes sanguines éclatèrent pour former de minuscules constellations funestes. « Regarde-moi. » La douleur filtrait au travers de ses mots. « Je suis vieux, désormais incapable de protéger notre royaume.

- Est-ce pour solliciter ma compassion que vous m'avez fait venir ? »

Un sourire, fragile et franc, creusa les rides de son interlocuteur. « Je compte au contraire sur ta sincérité. Car je ne mérite rien de plus de ta part. »

« Vous ne méritez rien de ma part » voulut le corriger Loki, mais il ne le fit pas. À quoi bon jeter son acide sur un homme mourant ? Aussi, il conserva le silence.

Odin poursuivit quant à lui son monologue fatigué. « Je suis vieux. Trop vieux. Il est temps pour moi. De céder. Thor sera roi » ajouta-t-il en laissant sa tête reposer vers l'arrière contre ses coussins. Ses paupières se fermèrent. « Oui. Cela a toujours été une évidence. Il a tellement- » Il déglutit avec peine, « grandi. Plus que mes attentes » rit le souverain alité. De nouveau, sa voix se brisa dans une toux incontrôlée.

Par instinct, Loki s'avança pour récupérer un verre d'eau sur la table de nuit et le lui tendre. « Vous feriez mieux de vous reposer.

- Crois-tu que je t'aie fait venir ici pour prendre soin de ma vieille personne ? » Leurs doigts se frôlèrent lorsque le roi déclinant récupéra le godet. Glacials, comme les siens.

« J'avoue ignorer les attentes derrière votre demande. » Pourquoi n'avait-il pas demandé Hela, sa fille adorée ? Pourquoi le demander lui, le fils domestique mal aimé ? Pourquoi était-il ici ? Sa place était ailleurs. Partout ailleurs qu'ici. Tant de choses méritaient encore son attention. Thor ; Thor avait besoin de lui. Et il avait besoin de Thor. Les images agressaient encore son esprit à chaque inspiration ; son seidr, épuisé, lui donnait la désagréable sensation d'impuissance – ce qu'il était. Sa mère avait insisté ; Mobius l'avait poussé. Il était ici à présent.

« Lorsqu'Hela t'a ramené cette nuit-là » - le Jötunn releva son attention en direction de son interlocuteur. Le verre était pressé contre ses lèvres ; des gouttes perlaient le long de sa barbe – « j'ai d'abord été surpris. Tu ne ressemblais à aucun de ces monstres. Tu n'étais qu'une petite chose insignifiante. » Sa main tremblait, tenait le récipient d'une poigne peu assurée. Contrairement à ses iris, à nouveau plongés dans ceux du sorcier lorsqu'il prononça : « Pourtant, j'ai vu le potentiel en toi. Celui d'un éventuel otage politique, que nous aurions pu échanger contre les armes de ton peuple.

- Vous parlez beaucoup pour un vieil homme mourant. »

Odin sourit à ses paroles, sans les prendre en compte. « Tu n'étais qu'un avorton. Et si ta s- » ; il se corrigea avant que le Dieu malicieux ne le fasse à sa place, « si Hela a cru sauver la vie d'un enfant abandonné cette nuit-là, je savais pertinemment l'importance que tu renfermais.

- Parce qu'aucun roi avisé n'aurait jamais abandonné un bambin inutile avec le trésor le plus précieux de son peuple ? » proposa Loki, déjà las de cette conversation. Il ne l'aimait pas, autant le sujet que l'homme qui l'évoquait. Surtout lorsqu'Odin prononça ses prochains mots :

« Tu es le fils de Laufey.

- Je n'suis le fils de personne. » Combien de fois devrait-il le rectifier ?

Une fois de plus au moins, car le vieil Ase poursuivit, comme sourd face à son irritation naissante : « Laufey aurait tout fait pour te récupérer, j'en étais convaincu. Tu es son héritier direct. L'unique enfant né de ses entrailles. Il aurait tout fait. Comme j'aurais tout fait pour Thor. Pour Hela. Et pour Balder. »

L'amertume galopa sur les papilles du Jötunn. « Jamais pour moi » songea-t-il, aucun père. Il n'en avait jamais eu, n'en avait pas besoin. De même que cette conversation.

« Reposez-vous » ; la requête devenait un ordre ; Loki en avait assez. Il s'éloigna du lit sans remords. Il faudrait du temps, mais Odin se remettrait. Bien qu'effiloché, son fil pourrait encore tenir quelques siècles. Plus de temps qu'il ne faudrait à Asgard pour se reconstruire. Plus de temps qu'il ne faudrait aux larmes pour se tarir, aux rires pour éclore à nouveau.

Plus de temps qu'il ne faudrait au stupide Dieu de la Foudre pour revenir – car il devait revenir. « Kom hjem. » Lui était revenu.

« Pourquoi toi. » Le plus jeune prince se stoppa devant la porte, la main posée sur la poignée. « C'est ce que je me suis demandé cette nuit-là » ajouta le Père de toutes choses lorsqu'il laissa à nouveau son attention glisser dans sa direction. « Pourquoi toi, tu n'avais rien. Hela, Balder, Thor. » Le verre glissa des doigts fragiles ; vide, il se contenta de s'échouer au milieu des draps. « Pourquoi eux et pas toi ? Pourquoi leur amour ? Tu n'étais qu'un monstre, un porte-malheur. Une erreur. » Sa tête roula sur le côté ; ses traits disparurent dans la pénombre. « Thor sera roi. Mon fils. » Une inspiration difficile, pour lui ou pour le monarque. « Merci d'avoir été sa plus belle erreur. »

o

« Êtes-vous certain ? »

Loki opina sans mots. Le coffret était lourd entre ses bras ; il sentait le pouvoir ancestral tenter de communiquer avec sa propre magie, sans qu'aucune réponse ne lui soit offerte. Il était vidé. Son entourage ne cessait de le lui reprocher ; comme il se reprochait lui-même de se tenir debout chaque jour sans l'ombre d'une lumière qui le guidait depuis si longtemps. « Pourquoi lui, plutôt que moi ? » Odin avait raison. Si le monde se reconstruisait, petit à petit, toutes ses facettes ne possédaient pas la même chance.

Deux orbes écarlates l'observèrent en silence, sans doute envieux de déchiffrer sa réponse muette. Thor faisait parfois la même tête. Comme se plaignait trop souvent son aîné, le dieu malicieux n'était bavard que pour les sujets inutiles, ou lorsqu'il tentait de noyer un sujet indésiré. Ce qu'il tentait de faire ici. Aussi, rusa-t-il de la même stratégie habituellement employée pour endormir les craintes du prince héritier : « Nous trouverons une autre solution. »

Il mentait. Avec une telle aisance qu'il parvenait parfois à s'autoconvaincre.

Bÿlestr pencha à peine la tête sur le côté. Il était si grand, même avachi contre la rambarde du balcon ; Loki n'appréciait guère de maintenir la nuque fléchie vers l'arrière pour poursuivre le contact visuel. D'autant que le physique qu'il rencontrait alors lui rappelait avec amertume l'image que lui renvoyait le miroir chaque matin ; celle d'une créature à la teinte bleuâtre coiffée de l'héritage d'Ymir. Le monstre sous le lit. Un Jötunn. Beau, malgré son espèce ignoble – le sorcier ne pouvait que l'avouer. Loin des cendres et des flammes démoniaques, la teinte du roi glacial ressortait d'un bleu profond, similaire aux iris du guerrier blond. Une longue tresse ébène habillait son épaule gauche ; chaque brin était soigneusement décoré de perle de givre et d'or. Sur l'autre, une épaisse fourrure blanche pendait vers l'arrière, telle un trophée luxueux encore tâchée par endroits du sang de cet ancien adversaire. Comme Thor, les traits de Bÿlestr étaient anguleux, taillés dans son cas non pas par les nombreux entrainements, mais par la famine et la guerre. Son bassin saillait sous sa chair et retenait un pagne vaporeux autour de ses jambes élancées. De l'or enserrait ses poignets et ses chevilles, parsemait ses pommettes et les runes claniques le long de son sternum.

Beau, oui. Autant qu'une bête dangereuse et indomptable. Et si l'on oubliait le carmin alarmant de ses yeux.

« Cela fait un an, Loptr. » Le sorcier frissonna à l'écoute de son nom de naissance. La prononciation était différente dans cette bouche issue de son passé ; il sonnait étranger à son oreille. Ils n'en avaient jamais discuté, de cette enfance arrachée trop vite, de ce petit frère cru durant longtemps mort – il n'y avait pas le temps pour ça. Et Loki ne voulait pas. « Le voudrais-tu ? » lui avait autrefois demandé celui qui avait toujours revendiqué ce titre, cette place auprès de lui. Le voulait-il ? D'un frère ? D'une famille ? Il n'avait pas le temps pour ça. Pas maintenant.

Bÿlestr se redressa ; un soupir flottait sur ses lèvres bleutées. La situation n'était pas facile. Pour personne. Peut-être. Quand il y aurait du temps. Quand Thor aurait…

« Peut-être devriez-vous le garder encore un-

- Non » Loki l'interrompit ; des boucles sombres dansèrent dans son champ de vision lorsqu'il hocha la tête de droite à gauche. « Jotunheim a besoin des Hivers d'Antan depuis trop longtemps ; cela serait égoïste de notre part de les conserver auprès de nous. » Il tendit les bras davantage ; le coffret pesa plus lourd sur ses avant-bras. « Ils ne peuvent rien pour nous. Contrairement à vous. »

Il y eut une pointe d'hésitation dans les yeux de son interlocuteur, une tentative de persuasion amorcée sur sa langue, avant qu'il ne cède aux mots du métamorphe et ne tende à son tour ses bras pour récupérer le coffret de leurs ancêtres. « Très bien. Jotunheim aura envers vous une reconnaissance éternelle. »

Loki sentit l'ironie tirer sur le coin de ses lèvres. « Une reconnaissance envers ceux qui vous ont autrefois pillés ? Voilà un bien étrange concept.

- Odin est celui qui doit porter la faute. » Les sourcils sombres se froncèrent au-dessus des deux rubis oculaires. « La neige tombée doit fondre pour céder sa place aux nouveaux flocons » ajouta Bÿlestr avec un accent – avant que le sorcier ne comprenne qu'il parlait leur langue natale – puis il reprit en langage universel : « Doit-on condamner la prochaine génération pour les querelles du passé ?

- Laufey l'aurait fait » se sentit répondre le plus jeune ; l'image de cet homme dangereux s'imposa à son esprit, son sourire dédaigneux griffa la surface de sa mémoire. « Il faut croire que la pitié des Ases nourrit bien, mon petit courant d'air. » Il retint un frisson, ainsi que la remarque sarcastique habituellement utilisée pour se défendre des regards alentours. Bÿlestr était le fils en deuil de cet homme, il ne pouvait l'oublier.

« Notre parent é- » L'autre Jötunn se mordit la lèvre inférieure ; une canine déchira à peine la surface labiale. « Il avait trop d'esprit. Trop de colère, et d'ambition. Nous sortons d'une guerre. D'une trop longue guerre. » Des doigts frais rencontrèrent les siens ; un regard chaud de mélancolie plongea dans le sien. « Je ne demande pour ma part que la paix. » Les phalanges s'enroulèrent autour des siennes, pour les serrer. « Nos peuples ont assez souffert. »

Loki acquiesça avec lenteur, sans savoir dans quel peuple se placer. « Cela n'a pas d'importance » avait toujours dit la femme qui l'avait élevé – celle qu'il appellerait jusqu'à la fin des temps sa mère.

« Cela sonne plutôt bien » annonça-t-il donc à voix haute.

Bÿlestr sourit, et peut-être s'éloignait-il des horribles représentations gravées dans les nombreux ouvrages Asgardiens. « Plutôt bien, en effet. » Le poids du coffret quitta ses muscles ; le nouveau roi de Jotunheim recula d'un pas et déclara. « Je repars avec, mais je poursuivrai mes recherches. Malgré son état en ruine, la forteresse d'Utgardhall possède de vieux grimoires qui-

- Vous n'avez pas à-

- Bien sûr que nous le devons. » Ils se coupèrent mutuellement la parole, deux ombres face à face sur un balcon à peine rénové. « Je ne le fais pas seulement pour nous. »

« Pour nous » ; Loki fronça malgré lui le nez à ces mots. Le roi de Jotunheim dut le percevoir, car une soudaine tristesse creusa ses traits, et il étouffa un soupir entre ses dents. Rien n'était évident, ils le savaient tous les deux. Durant des siècles, le prince Loptr fut considéré comme décédé par les siens, avant d'être perçu comme un traître par les rares mis au courant de sa vie encore battante. Bÿlestr n'avait toujours fait partie que du premier groupe. Ils n'avaient que peu discuté du privé, de cette famille qui aurait pu – aurait dû – être la sienne. À la place de deux frères de sang, Loki avait reçu l'amour d'une fratrie dépareillée ; l'amour de Thor – ce qu'il ne mériterait jamais. Pourtant, Loki pouvait peu à peu envisager ce mot sous un nouveau jour, ce mot qu'il avait toujours refusé à son aîné blond : frère.

Bÿlestr n'avait pas été celui qui avait blessé Thor, ni celui qui avait dirigé les troupes contre Asgard. Il apparaissait comme un roi en quête de quiétude, venu les aider contre la fin du monde sans qu'aucun traité ne le pousse à le faire. Qui lui avait prêté le coffre des Hivers d'Antan, alors que son propre peuple se mourrait sans cette magie ancienne.

« Cette paix est encore fragile » poursuivit le géant des glaces couronné, « elle ne pourra jamais être consolidée sans la parole du prince Thor. » Un sourire secret dansa sur les lèvres de Bÿlestr, chassa à peine cette mélancolie qui lui allait étrangement si bien. « Nous avons besoin de lui. »

« J'ai besoin de lui » corrigea l'esprit du métamorphe ; son seidr siffla à peine pour approuver ces mots. Trop de nuits de solitude ; trop d'heures passées à guetter le moindre orage révélateur. Le monde se reconstruisait peu à peu, à mesure que le sien poursuivait de s'effondrer. Il avait besoin de Thor.

Des doigts frôlèrent à peine son front pour repousser une boucle sombre vers l'arrière ; il sursauta à peine. Bÿlestr s'était rapproché, le coffret oublié à ses pieds. Comme s'il ne comptait pas, comme si… « Nous trouverons une autre solution. » Ses propres mots ressortirent d'une autre bouche, avec une plus grande assurance que celle émise par la sienne la première fois. Aussi solides que les paroles énoncées chaque jour par Mobius, qui permettaient à son monde de tenir. Chaque jour une nuit de plus. Chaque saison l'avènement de la suivante.

Peut-être l'autre Jötunn fut le premier à avancer. Peut-être fusse lui. Pour une minute, une seule minute, appuyer son front contre le sternum gelé de ce frère dont il ignorait tout mais qui savait, comprenait les faux espoirs.

Une autre solution. Se battre chaque jour pour le lendemain. Thor l'avait bien cherché durant cent quatre-vingt-sept jours. Tenir encore, car le Ragnarök n'était pas tout à fait achevé.

o

Hela tourna la tête dans sa direction à la seconde où il pénétra dans son ancienne chambre, Fenrir sur ses talons. Plus les mois s'écoulaient, plus l'animal se rapprochait de son ombre – par instinct ou à la demande de Mobius, Loki ignorait la raison. Cela importait peu, au contraire ; ses mots de soutien s'infiltraient par instants dans son esprit pour courcircuiter les nuages sombres, lui rappeler qu'il n'avançait pas seul.

La musicienne était d'une beauté saisissante, malgré la mort répandue sur le côté gauche de son visage. Des traits funestes qu'elle avait mis en valeur par une composition de tresses, de perles et de fleurs. Un voile noir attendait d'être rabattu sur sa partie vivante, et ainsi compléter à la perfection sa tenue d'apparat. Car aujourd'hui était un grand jour pour son aînée ; un nouveau titre lui serait attribué au cours de la soirée. Einherjahr ; les défunts recevraient quant à eux l'honneur dû à leur sacrifice, pour la seconde fois depuis la fin du monde. Le temps s'écoulait trop vite, sans pour autant lui rendre la pareille.

« Il va être l'heure » déclara-t-il en refermant la porte derrière lui.

« Je suppose, oui. » Assise sur le bord du matelas, Hela passa ses mains sur ses jupons pour chasser quelques plis imaginaires. Il observa son geste, prêta oreille à son soupir contenu, avant de croiser le regard qu'elle lui offrit par en dessous. « Tu es sûr de ne pas vouloir venir ? »

Il sentit ses lèvres s'étirer à peine. « Il ne s'agit pas de ma soirée, Hela. Et les mondanités n'ont jamais été mon fort.

- Pas sans- » Elle s'interrompit ; ses iris fuirent les siens avant qu'ils ne la mettent au défi de poursuivre. À la place, elle laissa finalement sortir le soupir. « Je suis désolée.

- Pour ? » il demanda ; sa main trouva refuge dans la fourrure de Fenrir.

De nouveau, elle l'observa. Avec attention cette fois-ci, comme recherchant ce qu'elle ignorait elle-même vouloir trouver. Il n'y avait pas de jugement, pas envers son apparence originelle du moins. Un an et demi était suffisant pour habituer la majorité de ses proches à cette teinte bleue parsemée de runes, en partie dissimulée par l'épaisse cape qu'il quittait rarement. Car sans doute était-il celui qui s'y habituait le moins, et le vêtement lui offrait une silhouette plus impressionnante que celle de ce corps sur le point de se rompre à chaque pas. « Tu as l'air épuisé » marmonna-t-elle ; ce commentaire qu'il recevait trop souvent. « Tu devrais te reposer. Tu cours toute la journée à droite à gauche, à t'occuper de la moindre petite chose.

- Mère et Mobius m'obligent à me divertir. » Il contint un soupir en ajoutant : « Autant passer ce temps à faire quelque chose d'utile.

- Pourquoi pas comme te reposer ? » elle insistait, avant d'expirer pour lui cette tension trop présente depuis la fin de la guerre. « Loki, écoute, je sais comme c'est dur. » Fenrir glapit à peine sous ses doigts qu'il serra peut-être trop fort. Non, elle ne savait pas. Des picotements chatouillèrent la rune au bas de ses reins. Il n'avait pas besoin que qui que ce soit sache, ou comprenne. Ou prenne soin de lui. « Loki » elle appela de nouveau en se dressant sur ses jambes pour venir lui faire face. Les jupons d'un noir vaporeux dansèrent autour de ses jambes ; elle ressemblait à la mort personnifiée, celle-là même contre laquelle il s'était battu pour réclamer son dû une fois la vision accomplie. Elle serait parfaite dans ce rôle, ce nouveau titre, cette nouvelle position. Sous sa forme Jötunn, il la dépassait de quelques centimètres. Elle ne lui avait jamais paru aussi petite que depuis le Ragnarök, comme écrasée par les peines de son royaume. « Je sais » reprit-elle en posant sa main, celle faite de chair, contre sa joue, « nous l'avons tous perdu et-

- Non » il la coupa. Un pas en arrière l'éloigna du geste tendre, dont il refusait la compassion. Il répéta, d'une voix plus grave qu'il n'aurait voulue, les yeux ancrés dans ce vert oculaire autrefois phénocopié : « Non, vous l'avez perdu. Pour ma part, je l'ai seulement égaré. » Son regard glissa vers le matelas, qu'il s'autorisa pour la première fois depuis son entrée à observer.

Un corps dormait paisiblement parmi les draps, allongé sur le dos, la tête à peine inclinée vers la gauche, vers la fenêtre. Vers ce coin du lit où Loki se tenait chaque soir depuis plus d'un an. Des boucles blondes commençaient à repousser autour des traits amincis ; la silhouette avait fondu par manque d'activité. Les brûlures et les plaies s'étaient résorbées avec le temps, de même que le blanc des bandages. Leur mère veillait chaque semaine à lui tailler la barbe, si bien qu'il apparaissait impeccable. Seulement endormi. Égaré dans un songe. Mais pas perdu, jamais. Pas tant que le métamorphe vivrait ; et peut-être ne vivait-il plus que pour cela.

Plusieurs conseillers avaient émis des suggestions, craignant déjà le pire ; ils étaient tous repartis, tremblant de terreur pour les mots osés. Odin, de retour sur le trône malgré sa santé fragile, l'avait soutenu, pour la première fois depuis sa naissance, lui aussi prêt à tout pour retrouver son fils. Son héritier. Leur futur roi. Égaré, jamais perdu. Jamais.

Hela retint un nouveau soupir. « Je suis désolée, ce n'est pas ce que je voulais dire.

- Et pourtant tu l'as fait. » Il parvint à décrocher son attention du malade pour revenir sur son aînée dont la culpabilité avait assombri les traits. « Toi, mieux que quiconque, tu devrais savoir. »

Elle opina, presque à regret. « Oui. Il est encore avec nous. Mais chaque jour qui passe, son fil- » ; elle se mordit la lèvre pour s'interrompre.

« Tiendra » compléta-t-il, plus proche d'un ordre que d'une suggestion. Thor n'avait d'autres choix ; le Jötunn était habitué à lui faire tenir ses promesses. Qu'importait si cela devait prendre dix ans ou dix siècles. Contrairement au Dieu de la Foudre, Loki disposait d'un avantage : il avait toujours été le plus patient des deux. « Tu devrais y aller » proposa-t-il. Elle opina ; quelques mèches cascadèrent devant son visage vivant. Sans retenue, il tendit le bras pour les replacer derrière son oreille ; un geste qui releva le regard voisin vers le sien. Son vert miroitait entre des larmes naissantes.

Il ne fallut pas plus d'une seconde à la musicienne pour se jeter contre son torse et l'enlacer avec force entre ses bras. « Il tiendra » elle répéta contre son sternum, là où pendait comme à son habitude le cœur du Tesseract. Son corps était tiède, de même que le sel qu'elle laissa rouler sur sa peau. « Nous le retrouverons. »

Il sourit, encerclant à son tour sa sœur en prenant garde à ne pas ruiner sa tenue. « Bien sûr. » L'inverse n'était pas envisageable. Loki était prêt à vivre des siècles privés de son seidr si cela signifiait rendre à ce corps allongé l'énergie idiote nécessaire pour le voir à nouveau se redresser. « Mon frère. » Il bâtit des cils ; ses joues demeurèrent sèches. « Tu devrais y aller » déclara-t-il lorsque la peine féminine s'atténua contre son torse. Hela acquiesça, sans pour autant se retirer tout de suite, prenant le temps de s'imprégner de sa force – cette force qu'il brandissait chaque jour pour éloigner l'inquiétude de ses proches. « Fenrir va t'accompagner. »

Le Vargr releva le museau à ces mots. « Père. Rester. Besoin. »

Il lui adressa un sourire par-dessus l'épaule de la jeune femme. « Reviens ensuite. Je ne bougerais pas d'ici. » Il n'irait nulle part. Pas cette nuit. Pas alors que les âmes des défunts reviendraient sur terre pour danser, le temps d'une fête, avant de repartir pour l'autre rivage. « Allez » il insista un peu. Hela fut la première à obéir. Ses lèvres effleurèrent sa joue, avant qu'elle ne s'éloigne pour rejoindre la porte. Fenrir suivit sa silhouette, le museau tourné en direction du Jötunn dans une dernière tentative de persuasion, avant de se cogner contre les hanches de la future Déesse des morts arrêtée devant le panneau de bois.

Elle se tourna à son tour vers lui, puis vers le lit, avant de revenir à son interlocuteur. « Essaie quand même de te reposer. » Enfin, elle s'échappa de la chambre, en emportant avec elle le Vargr peu convaincu par sa mission.

Loki demeura immobile plusieurs minutes après leur départ, observant cette porte comme si sa sœur allait de nouveau surgir derrière. Ou comme l'unique échappatoire de ce qu'il craignait d'affronter à chacune de ses visites. Il expira longuement, enferma ce sentiment craintif dans une boîte déjà pleine, prête à exploser, avant de dégainer son courage. Il en restait toujours un peu, ce qui le surprenait lui-même à chaque fois. Puis, toute pensée s'envolait lorsqu'il retrouvait la contemplation de ces traits familiers, trop paisibles.

Il s'avança à pas lent, contourna le grand lit pour tourner le dos à la fenêtre, et faire face aux paupières closes. Encore, une nuit supplémentaire. Un an et demi. Thor avait toujours été le plus dormeur des deux, avec un sommeil plus profond et moins agité. Rêvait-il ? Pouvait-il l'entendre ? Eir n'avait su répondre à ses nombreuses questions. Odin avait décrit son propre repos comme un intermédiaire entre les songes et la réalité ; il était difficile de faire la part entre les deux. « Mais j'ai entendu les mots de Frigga » lui avait-il confié sans qu'il ne le lui demande, « je suis persuadé que c'était elle. Elle était là. Avec moi. » Le métamorphe avait alors lu la peine dans l'unique œil du Père de toutes choses. « Thor est avec nous. Il dort juste un peu plus. »

Avec douceur, Loki prit place sur le rebord du matelas qui s'affaissa sous son poids. Quelques boucles blondes roulèrent sur le front parfaitement lisse ; ses doigts lui démangèrent de venir les repousser vers l'arrière. La repousse les rendait plus farouches. Le Jötunn rêvait de pouvoir à nouveau les tresser, de rendre au lien carmin qui enserrait ses propres mèches la chevelure qui lui sciait le mieux. Une chose parmi tant d'autres ; un souhait bien futile, ridicule. Pour lequel il aurait tué de ses mains Surtur une centaine de fois supplémentaires.

« Puis-je traverser les flammes du Ragnarök une seconde fois si c'est pour te prouver la sincérité de mes mots ; je le ferais. » Les paroles de son aîné caressèrent sa mémoire. L'une des rares promesses qu'avait tenu Thor, même s'il n'y avait jamais eu rien à prouver. Pas lui, jamais. Dans le cas contraire, Loki aurait déjà renoncé à ce sentiment ; l'amour de Thor ne valait pas sa vie.

« Espèce d'idiot » murmura-t-il pour lui-même, dans sa tête où à voix haute.

« Elle était là. Avec moi » répéta Odin dans son esprit. Il l'avait écouté, malgré son sommeil réparateur. Thor aussi ? Thor pouvait-il aussi l'entendre ? Prendre conscience chaque soir des supplications qu'il lui offrait dans l'ombre de son ancienne chambre ? Depuis plus d'un an.

Ses doigts trouvèrent la paume du prince héritier, ouverte et tournée vers le plafond, comme attendant depuis la veille son retour. De son index, il traça Laguz le long de sa ligne de vie. Le geste était inutile, mais les mots niais ne lui avaient jamais ressemblé. Laguz, cette rune qu'il avait tracée trop de fois sur cette peau, elle, avait sa signification.

Ses bottes tombèrent dans un bruit sourd sur l'épais tapis ; les draps bruissèrent lorsqu'il les repoussa pour se glisser dessous. La température y était tempérée, bien loin de la fournaise habituelle. Une silhouette bougea à peine lorsqu'il remit correctement la literie autour d'eux ; elle siffla près de son oreille à l'instant où il posa sa tête près du visage assoupi. Deux iris mordorés se dessinèrent dans son champ de vision. Loki sourit en sentant les écailles s'enrouler avec lenteur au creux de sa gorge où, comme à son habitude, Jörmungand prit ses appartements. C'est parce que le petit serpent ne quittait jamais son aîné qu'il acceptait de se laisser guider en dehors de la chambre. Ainsi, il conservait toujours un œil sur Thor. Car Thor se réveillerait, bientôt, et il voulait être certain de ne pas le manquer. De ne pas louper l'azur oculaire à nouveau offert à leur monde. De s'assurer lui-même que tout allait bien. Car Thor se réveillerait, il l'avait sauvé.

« Et ensuite ? » Loki laissa ses paupières se fermer sur les traits sereins de l'endormi. Son front reposait contre le sien ; leurs souffles se mêlaient ; sa main droite captait les battements de cœur sous la rune qu'il avait autrefois lui-même tracée. « J'ai beaucoup d'idées pour la suite » confia le souvenir du Dieu foudroyant. « À commencer par contempler ce lever de soleil promis. »

« Toujours des promesses » souffla-t-il ; Thor ne savait pas les tenir. Le Jötunn avait pris l'habitude de le faire pour lui. « Comment pourrais-je le contempler sans toi ? » Ses cordes vocales se contractèrent face à l'aveu. Aucune larme ne roula ; de même qu'il n'y avait plus la moindre goutte de Seidr dans ses veines depuis les premiers jours, ses canaux lacrymaux demeuraient secs. Les larmes ne sauvaient pas. « Comment pourrais-je contempler le soleil » murmura-t-il en sentant ses boyaux se tordre dans son ventre, « si ce dernier refuse d'ouvrir les yeux ? »

Il n'y eut pas de réponse ; il n'y en avait jamais. Mais Thor l'écoutait, il voulait le croire. Thor reviendrait ; il lui suffisait d'attendre. De patienter, sans jamais lâcher ce fil de vue.


Notes de l'auteur

Et bonjour à tous ! Nous revoici pour le vingt-septième chapitre de cette petite histoire. La dernière fois, nous nous étions quittés sur un Thor mourant ; j'espère que ce chapitre vous aura plu et aura apaisé quelques craintes à ce sujet (comme si je pouvais tuer Thor… quoi que…).

Note 1 : Comme à chaque fois, un petit tour dans la mythologie nordique avec Valaskjálf qui est le nom du manoir d'Odin et Einherjahr désigne une fête qui célèbre le 11 novembre les guerriers entrés aux Vahalla, les fameux Einherjahrs. Utgardhall désigne quant à lui le château d'Utgard, l'énorme forteresse des géants à Jötunheim dans la mythologie nordique. Ymir est l'ancêtre de tous les Jötnar. Hel est quant à elle la déesse de la mort, fille de Loki dans la mythologie, qui a inspiré Hela dans le MCU.

Note 2 : En parlant du MCU, le Sommeil d'Odin est une capacité qui permet au roi éponyme de plonger dans un profond sommeil afin de guérir ses blessures. C'est par exemple ce que l'on peut voir dans le premier film de Thor. Le prince d'Asgard est aussi capable d'une telle prouesse dans certains comics.

Note 3 : Laguz, la rune de l'eau, est dans cette histoire utilisée comme une rune de soin. Gebo, représentée par un X, symbolise la générosité, les cadeaux et les échanges ; elle incarne ainsi le fait de donner et recevoir de l'amour. Dans cette histoire, elle est combinée avec Wunjo, la rune de la joie et de l'harmonie, pour former la rune de liaison entre Thor et Loki.

Note 4 : « Kom hjem », comme dans le titre de cette histoire, signifie pour rappel « rentre à la maison » en Norvégien.

Note 5 : Enfin pour les références, « vous êtes le Dieu de la Malice, vous trouverez une solution » est une réplique de Mobius dans la saison 2 de Loki et « si c'était si facile, n'importe qui y arriverait » est une remarque de Loki dans Thor 2.

C'est tout pour ce chapitre ; un énorme merci pour l'avoir lu et pour suivre cette histoire. En espérant que la suite vous plaira tout autant. À la revoyure !

Chu