Un cœur à l'écoute
Buck était appuyé contre Eddie au bar où ils avaient leurs habitudes.
Depuis qu'ils étaient ensemble, il ne se quittaient plus. Sauf quand ils travaillaient parce qu'ils avaient promis de rester professionnels, si on faisait abstraction de tous les recoins où ils avaient pris l'habitude de se retrouver en cachette pour un câlin, un baiser ou… un peu plus.
Ce qui était parfait dans sa relation avec Eddie, c'était qu'il était partant pour à peu près tout ce qu'il lui proposait. Buck s'était toujours considéré comme quelqu'un de très actif sexuellement parlant mais ce n'était rien à côté d'Eddie. Buck ignorait qu'Eddie était capable de le mettre à l'envers si facilement, mais il adorait ça.
Il aimait aussi son côté possessif.
Eddie ne perdait jamais une occasion de l'attirer contre lui, de le coller contre son corps ou de passer un bras sur son épaule pour l'attirer à lui et marquer son territoire. Buck se sentait désiré, et se savait vu et c'était plaisant.
Il était conscient que la plupart de gens détesterait ça, mais il se sentait entièrement pris en charge et pour la première fois de sa vie, il n'était plus seul au monde.
Il avait Eddie.
Il se redressa en voyant Ravi arriver et il lui fit un signe de la main. Ravi lui sourit et se dirigea vers eux. Eddie le fit revenir contre lui et déposa un baiser sur sa tempe faisant glousser Hen.
– Ravi ! lâcha-t-il pour reprendre contenance. Content que tu aies pu venir, mec ! Prends un verre !
– Merci Buck, salut tout le monde !
Ravi s'installa et commença à discuter avec les autres. La soirée se poursuivit. Les rires fusèrent, les boissons circulèrent et les discussions allaient bon train. Buck et Eddie étaient en grande conversation.
– Regarde Ravi, chuchota-t-il. Il est toujours seul. Je m'inquiète pour lui, tu ne crois pas qu'on devrait l'aider à trouver quelqu'un ?
– Il a l'air bien comme il est, répondit Eddie. Laisse-le tranquille.
– Non, sérieux, insista-t-il. C'est un mec génial. Il faut juste qu'il sorte un peu de sa coquille.
– Buck…, le prévint-il.
– T'inquiètes, je gère ! Hé, Ravi !
– Ouais ? lâcha l'intéressé en levant les yeux vers lui.
– Je me disais que je connais quelqu'un qui serait parfait pour toi. Adorable, disponible et très drôle. Pourquoi tu ne tenterais pas ta chance ? Juste une rencontre, rien de sérieux.
– Oh c'est… je ne suis vraiment pas intéressé par ça.
– Comment ça, pas intéressé ? s'enquit-il perplexe. Allez, tout le monde a besoin de compagnie.
– Je suis d'accord mais tu sais… disons que ce n'est pas mon truc, c'est tout.
– Tu ne veux pas faire de rencontres parce que tu ne veux pas avoir quelqu'un dans ta vie ou tu ne veux pas parce que ça te fait peur ? Parce que tu sais avec Eddie j'ai hésité genre une éternité avant de…
– Je ne ressens pas ce besoin, le coupa-t-il. Tu sais, d'être amoureux.
– Oh ! Je comprends, ok mais enfin t'es pas obligé d'être amoureux. Après, les connexions aléatoires sont faites pour ça et…
– Buck, le prévint de nouveau Eddie.
– En fait, ça ne m'intéresse pas non plus, soupira Ravi. Ce n'est pas juste une question de trouver la bonne personne pour la vie ou juste un soir. Je ne suis pas intéressé par l'amour, ni par le sexe. Comme… pas du tout, en fait.
– Je ne comprends pas, admit-il en fronçant les sourcils.
Eddie soupira et passa son pouce sur son front pour l'obliger à lisser la ride qui s'y était implantée.
– Tu veux dire quoi par-là ?
– Je suis aroace. Ça veut dire que je ressens peu ou pas d'attirance romantique ou sexuelle. Je suis fait comme ça.
– Mais… tu veux dire que tu ne veux même pas d'un coup d'un soir ou quelque chose comme ça ?
– Non, admit-il. Ça ne m'intéresse pas non plus.
– Wow, je ne savais même pas que ça existait, admit Chimney qui s'intéressait à la conversation. Ce n'est pas trop dur à vivre ?
– Je ne me pose pas la question, admit Ravi. Je suis comme ça, c'est tout.
– Si tu es heureux comme ça, c'est ce qui compte, affirma Hen.
– Exactement. Ravi, on t'aime comme tu es, mec. Ne te sens pas obligé de te justifier devant la curiosité mal placée de mon petit-ami.
Buck ouvrit la bouche pour protester mais le regard que lui lança Eddie le fit rougir et il baissa les yeux en posant sa tête sur son épaule.
– Merci les gars, souffla Ravi.
La conversation évolua vers la dernière intervention et Buck se perdit dans ses pensées.
Buck attrapa son téléphone et commença des recherches internet sur l'aromantisme et l'asexualité.
Eddie dormait à poings fermés et Buck s'était isolé dans le salon, recroquevillé sur lui-même, le vieux plaid d'Eddie sur les genoux.
– Aroace..., souffla-t-il. Qu'est-ce que ça veut dire, exactement ?
Il commença à lire des articles, des témoignages, et à regarder des vidéos explicatives. Plus, il en apprenait, plus il comprenait la réalité de Ravi.
– Ok, c'est vraiment un truc. Et ça explique beaucoup de choses...
– Qu'est-ce que tu fais ? demanda Eddie debout devant lui les bras croisés sur sa poitrine.
– Oh, sursauta-t-il. Je… Des recherches ? tenta-t-il.
– Sur quoi ?
– Sur ce qu'a dit Ravi.
– Laisse le tranquille avec cette idée de le mettre en couple. Tu l'as entendu, ça ne l'intéresse pas.
– Je sais et j'ai compris, admit-il. Maintenant j'ai compris, mais j'avais besoin de savoir ce que ça voulait dire exactement et … je ne savais même pas que ça pouvait exister et encore moins que ça pouvait porter un nom.
– Tu en parles comme d'une maladie, le gronda-t-il.
– Non, c'est… Ok, je me suis mal exprimé mais tu sais ça peut être une vraie souffrance pour certaines personnes.
– D'accord, je t'écoute, affirma Eddie comme le merveilleux petit-ami qu'il était. Qu'est-ce que tu as trouvé ?
– Ils ne ressentent pas vraiment d'attirance romantique ou sexuelle, tout le contraire de moi, rit-il nerveusement tandis qu'Eddie écoutait attentivement. Mais… et bien, tu sais, la solitude. Je n'ose même pas imaginer à quel point ça doit être difficile
– Je comprends, souffla-t-il en le serrant contre lui. Et je sais combien c'est difficile pour toi la solitude mais tout le monde ne réagit pas de la même façon. Et Ravi à l'air de bien le supporter.
– Nous ne sommes pas fait pour vivre seuls, Eds. Nous avons besoin d'interaction sociales. Regarde cette expérience de l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen avec les bébés qui n'ont pas entendu un son venant de leurs nourrices. Ils sont tous morts, Eds et je m'inquiète pour Ravi parce que…
– Ravi ne va pas mourir par qu'un roi du moyen âge a laissé des bébés mourir, Buck. En plus, ce n'est pas prouvé cette histoire.
– Mais des chercheurs ont prouvés que la production d'hormones étaient cruciales dans la régulation des comportement sociaux.
– Tu t'égares, Buck, le gronda-t-il gentiment. Et ne m'oblige pas à te couper l'accès à Google.
– Désolé, souffla-t-il. C'est juste que Ravi est un bon ami et je veux juste qu'il soit heureux.
– Rien ne te dis qu'il ne l'est pas.
– Rien ne me dit qu'il l'est, argumenta-t-il.
– Non mais il sait que tu es là et que s'il en a besoin tu l'écouteras, je pense qu'il n'a pas besoin d'autre chose de toi que ton amitié.
– Tu as raison, souffla-t-il en posant sa tête sur son épaule. Mais je préfère m'assurer qu'il le sache.
Il suivit Eddie au lit et s'endormit bercé par les battements réguliers de son cœur.
Le lendemain matin, il partit courir et rejoignit Ravi à mi-parcours, comme à leur habitude. Quand ils s'arrêtèrent, essoufflés pour boire un peu d'eau, Buck sentit un regain de courage et se lança.
– Au fait, je voulais m'excuser pour hier soir.
– Pour quelle raison ?
– D'avoir insisté sans savoir… Je veux dire que j'ai fait des recherches…
– Venant de toi le contraire m'aurait étonné, rit-il. Qu'as-tu trouvé ?
– Un tas de choses mais Eddie m'a aidé à trier et je voulais que tu saches que je comprends et que je respecte qui tu es. Je n'insisterai plus de cette façon.
– C'est bon, Buck. Je sais que tu voulais seulement aider. Tu sais, souffla-t-il après une minute de silence. Parfois c'est pesant, la solitude, ne rien partager avec une personne particulière et j'ai longtemps cru que je n'étais pas normal. J'ai même essayé plusieurs fois de faire semblant d'avoir des sentiments amoureux mais c'était bien trop épuisant. Je préfère être seul mais je ne désespère pas de trouver un jour une personne qui me comprendra et qui m'acceptera tel que je suis.
– Je te le souhaite Ravi, de tout cœur. Saches que quoi qu'il arrive, tu restes mon ami et que je t'accepte comme tu es.
– Je le sais ça, Buck, et je t'en remercie. Mais n'en profite pas pour t'emparer d'un presse papier ou je me verrai contraint de te dénoncer à Eddie.
– De toute façon, Hen les a cachés, bouda-t-il en haussant les épaules.
Ils rirent de bon cœur et reprirent leur course jusqu'à la maison où Eddie les attendaient avec un bon petit déjeuner de leur boulangerie préférée.
Buck avait trouvé une véritable famille avec la 118 et il se disait que peut-être sa famille de cœur parviendrait à donner du bonheur également à Ravi. De toute façon, il avait bien l'intention de ne plus le lâcher et de rester à son écoute.
Parce que lui, c'était comme ça qu'il aimait, avec tout son cœur.
