POV Melina

L'exploration de la région de Liurnia progresse un peu plus chaque jour, ou presque devrais-je dire.

En effet, mon Sans-Éclat s'est découvert une passion pour la cuisine et s'est donné pour objectif de lister tous les ingrédients de chaque région. Au début, je ne voyais aucun problème à ce qu'il goûte les plantes, champignons et viandes d'animaux qu'il rencontrait, mais j'ai tracé une limite quand il a commencé à essayer la chair de certaines créatures répugnantes.

Ça a commencé par des petits crabes, des lapins et des oiseaux qu'il abattait avec sa lance. Puis il a commencé à vouloir cuisiner les langoustes géantes…

Cette "merveilleuse" idée lui est venue d'un autre Sans-Éclat qu'il a rencontré près d'une cabane délabrée dans le lac. Ce dernier cuisinait des crevettes, et après quelques échanges peu courtois, ils ont miraculeusement fini par devenir amis…

Et au cours de leur discussion, l'idée leur est venue de faire un concours où ils devaient attraper une langouste géante puis la cuisiner. Mais le pire, c'était qu'il leur fallait un juge pour les départager… Et Tiez s'est dit que je serais parfaite pour ça…

Je me suis donc retrouvée à juger un concours de nourriture…

Honnêtement, je ne savais même pas comment réagir dans cette situation, alors je me suis contentée de suivre le courant sans soulever d'objection.

Résultat final : Victoire de l'autre Sans-Éclat.

Tiez l'a pris comme une attaque à sa fierté et a exigé une revanche... puis une autre... puis une autre...

On y a passé toute la journée plus une partie de la nuit avant que finalement Tiez n'obtienne sa première victoire. Suite à cela, j'ai refusé de juger tout autre concours, premièrement parce qu'on était au milieu de la nuit, deuxièmement parce que la quête vers la seconde rune majeure ne progressait pas, et troisièmement… j'ai honte de le dire, mais je ne pense plus jamais être capable de manger une langouste ou des crevettes.

Après ces événements, j'ai passé un savon à Tiez sur son idiotie avant de lui rappeler la raison de notre présence ici.

Les jours suivants, Tiez s'est remis à progresser dans sa quête, tout en se permettant quelques écarts pour rechercher des ingrédients. Ces excursions restant limitées, je ne dis rien et le laissai faire. Il faut bien admettre que ses recherches d'ingrédients le faisaient réellement progresser en cuisine. Car oui, nous continuions à dîner ensemble deux à trois fois par semaine. Tiez tient particulièrement à ces repas, donc j'y participe avec plaisir.

De plus, je dois bien avouer... que je me régale à chaque fois.

POV Tiez

L'académie de Raya Luca-Truc, ou quelque chose dans le genre. Enfin bref, j'arrive ENFIN à l'entrée après avoir passé des gardes et des machines infernales, et là je découvre quoi ? C'EST BLOQUÉ ! Il faut que j'aille chercher une maudite clé au milieu du lac.

En soi, c'est chiant mais ça passe, EH BEN NON.

La clé est gardée par un énorme dragon…

Bon, comment vais-je faire ? Est-ce que j'y vais comme un lâche à cheval pour attraper la clé et m'enfuir, ou alors j'affronte honorablement le dragon en récupérant la clé comme trophée ? Je ne vois qu'une seule solution face à ce problème : demander à Melina.

...

"Comment puis-je t'aider exactement ?"

"Eh bien, quelle approche je prends : combat ou fuite ?"

"..."

"Quel est le problème ?"

"Te connaissant, ça m'étonne de te voir hésiter devant un adversaire. On dirait presque que tu as… peur ?"

À peine eut-elle prononcé ces mots que j'attrapai mon épée et me mis en chemin pour aller démolir ce petit lézard.

Pendant que je me levais, j'ai cru voir un sourire sur le visage de Melina, comme si elle avait prévu ma réaction, mais bon peu importe. Dans tous les cas, j'ai une réputation à défendre et je ne vais pas laisser un petit dragon me faire passer pour un lâche.

...

Bon, j'ai peut-être été un peu présomptueux, ça reste un dragon et je ne dois pas foncer dans le tas, sinon je serai brûlé vif ou écrasé en un rien de temps.

Quelle stratégie serait la meilleure ? Y aller à pied ou avec Torrent ? En soi, Torrent me permettrait une grande mobilité pour approcher rapidement du dragon lorsqu'il se déplacera ou même pour échapper à ses souffles. Mais être à pied me permettrait de mieux manœuvrer mon arme et donc de lui infliger plus de dégâts…

C'est donc un choix entre un combat risqué mais rapide ou plus sûr mais plus long.

...

Bon, j'irai à pied ! Une créature comme ça a sûrement une grande endurance et il vaut mieux s'en débarrasser rapidement.

Je m'approche du dragon endormi discrètement, sa tête est à portée… Et bam, je lui ai infligé le coup le plus puissant que je pouvais en plein dans le museau, il a dû le sentir passer !

Problème : Maintenant, il est réveillé et énervé.

Il ne faut pas lui laisser l'initiative, je me jette sur lui et inflige un gros coup dans sa patte droite. Je continue rapidement avec une estoc dans le ventre puis j'esquive de peu un coup de queue du dragon.

Je lui inflige quelques coups supplémentaires dans les pattes, puis ce maudit lézard a l'idée de s'envoler. On aurait pu croire qu'il allait fuir, mais non, ce n'est pas aussi simple. Il revient à la charge en lâchant un énorme souffle de flamme bleue.

Jamais je n'ai couru aussi vite pour m'abriter derrière des rochers, la chaleur était étouffante et je sentais que ces flammes me feraient certainement des dégâts considérables, si ce n'est plus.

À présent que le dragon est revenu sur la terre ferme, j'en profite pour lui foncer dessus. Un coup dans le bras, deux dans la patte, puis une attaque chargée dans le museau et la créature tombe KO, me laissant l'opportunité de lui infliger une attaque lourde dans le crâne.

Le dragon a l'air affaibli alors que de mon côté les dégâts restent minimes. Je fais un petit salto pour esquiver un autre coup de queue puis vient son énorme souffle de flamme. C'est comme un énorme jet sortant de sa bouche, calcinant tout sur son passage et actuellement son objectif c'est moi.

J'ai eu chaud, très chaud. Aussi bien au sens figuré que propre. J'ai tout le buste brûlé au troisième degré et le reste du corps n'est pas beaucoup mieux. Les parties en tissu de mon armure ont souffert des flammes mais n'ont pas l'air détruites.

Mon bras tient toujours fermement mon épée et je ne suis pas encore évanoui. Je ressens une douleur féroce dans mon corps qui pourrait me faire hurler si je ne me concentrais pas. Ce maudit lézard est toujours là, mais son attaque a l'air de l'avoir laissé fatigué. Je prends mon arme à deux mains, ignorant la douleur, et lui fonce dessus.

Je saute avec toute la puissance de mes jambes avant de planter mon épée géante dans son crâne. Les os se brisent sous le poids, alors que la créature lâche un dernier râle d'agonie avant de s'effondrer, morte.

Victoire. En tout cas, j'aimerais le crier si mon corps ne me faisait pas aussi mal. Je m'écroule à cause de la fatigue sur le corps du dragon, j'entends des bruits de pas dans l'eau. En regardant l'origine du bruit, je vois Melina s'approcher de moi avec un doux sourire.

Je dois avouer que cette vision ne m'est pas désagréable.

"Félicitations pour cette victoire, Tiez, ce fut un beau combat."

"Merci."

"Tu m'as l'air bien amoché."

"Ah bon, je n'avais pas remarqué."

Nos regards se croisèrent quelques secondes avant que nous nous mettions à rire.

Suite à cela, Melina prit soin de soulager mes blessures alors que je me remettais doucement du combat.

POV Melina

Les coups fusent, le dragon semble si grand, si fort, si… invulnérable. Et pourtant, Tiez ne lâche rien. Au contraire, sa détermination ne fait que s'amplifier au fil du combat.

Alors que j'observe les échanges, je ne peux m'empêcher d'avoir un pincement au cœur. Après tout, c'est moi qui l'ai provoqué pour qu'il se lance dans ce combat…

Peut-être aurais-je dû suivre la voie de la raison et lui dire de s'emparer de la clé en se faufilant derrière le dragon ? Ou alors lui conseiller de mieux se préparer ?

Tiens ? Le dragon prend son envol et… lâche un déferlement de flammes sur le champ de bataille. Seigneur… j'espère que Tiez a pu y échapper…

Je scrute les environs à la recherche de Tiez. Aurait-il été réduit en cendre ? Non, c'est impossible !

Le voilà ! Me voilà rassurée, il n'a pas l'air blessé.

Le combat reprend de plus belle, et le dragon se montre de plus en plus agressif ! Mais on dirait qu'il s'affaiblit. Il faut croire que la succession de coups à la tête fait effet.

D'ailleurs, je me demande comment Tiez arrive à manier une arme aussi massive. On ne dirait pas une épée, mais un énorme bout de métal…

...

La fin du combat semble s'approcher, le dragon sera bientôt défait ! Tiez s'approche pour lui donner le coup de grâce, il ne s'en sort qu'avec des blessures légères. Je me suis inquiétée pour rien, après tout.

Le dragon semble... Oh non ! Il a tendu un piège, Tiez ne peut pas s'enfuir ! Il se prend le souffle de plein fouet, il ne peut que compter sur son épée pour lui offrir un tant soit peu de couverture…

Alors que la colonne bleue infernale englobe Tiez, je sens mon cœur se serrer… Les flammes, quelle horrible manière de mourir… À cet instant, j'ai l'impression de sentir mes cicatrices me brûler, mais mon attention reste concentrée sur le combat. Est-ce que Tiez a tenu bon, ou est-ce que les ruses du dragon ont eu raison de lui ?

Tiez… incroyable... Il tient debout, son épée plantée devant lui. Je n'arrive pas à croire qu'il ait réussi à survivre à ça… Non, je dis n'importe quoi. Bien sûr qu'il a survécu, c'est mon Sans-Éclat, mon Tiez, bien sûr qu'il n'abandonnera pas aussi vite !

Il s'élance avec son arme et achève le dragon qui lâche son dernier soupir.

...

Mon Sans-Éclat vient de vaincre son premier dragon. C'est un accomplissement qui mérite de l'admiration. De plus, ce fut un très beau combat où il s'est donné à fond pour arracher la victoire. Voilà ce que je dirai si on me demandait de décrire ces événements.

Mais si je devais en parler sur un plan plus personnel, je dirais que ce fut un combat exceptionnel. Difficile, oui, mais une démonstration de force brute et de ténacité qui m'a bouleversée. Je soupçonnais le potentiel de Tiez jusque-là, mais à présent, j'en suis sûre !

J'ai face à moi le futur Seigneur d'Elden !

...

Le voilà allongé comme un pacha sur le corps du dragon. Il n'y a vraiment que lui pour faire ça. L'image en serait presque comique.

Je prends une mine assurée, comme si je n'avais jamais douté de sa victoire, et le félicite pour son combat. Puis je me décide à faire une plaisanterie sur son état pour évacuer la tension qui me ronge.

Après cela, je me suis mise en charge de prendre soin de ses blessures. Cela me permet d'évacuer ma culpabilité sans lui parler de ce qui me ronge. Après tout, le rôle d'une Servante n'est pas d'extérioriser ses tracas sur son Sans-Éclat, mais de le rassurer et l'encourager dans son périple.

Techniquement, Tiez pourrait juste aller se reposer au site de grâce pendant quelques heures pour être complètement guéri, ou alors se laisser mourir pour revenir en pleine forme. Mais le site de grâce le plus proche est quand même à quelques centaines de mètres, et Tiez n'est pas en état. La seconde option est hors de question. Donc, il m'incombe de prendre soin de lui et de l'aider à se remettre sur pied. Après tout, c'est mon rôle de prendre soin de lui.

Je commence donc par lui passer un peu d'eau sur le visage pour retirer la suie laissée par les flammes. En regardant plus en détail, je vois qu'il en est recouvert. Le décrassage prendra plus de temps que prévu.

Son armure a l'air d'avoir bien résisté, mais c'est en la retirant que je me rends compte que ses vêtements n'ont pas été aussi chanceux. Bon, au moins, ses sous-vêtements ont tenu bon, ils sont même en parfait état. Étonnant. Il faut dire qu'à leur arrivée dans l'Entre-Terre, les Sans-Éclats ne possèdent que leur sous-vêtement, et il faut croire qu'on leur a donné de la top qualité.

Alors que j'enlève les morceaux de son armure, je vois que Tiez souffre. Il essaie de le cacher sûrement par fierté masculine, mais son visage et ses yeux trahissent la douleur. Il faut dire que ses brûlures sont sérieuses…

Une fois l'armure retirée, je m'applique à y verser de l'eau petit à petit pour soulager sa douleur. Alors que je progresse dans ma tâche, je remarque que Tiez est particulièrement rouge. Serait-ce dû à la douleur ? Je continue à traiter les parties brûlées et à enlever la cendre quand je commence à faire attention à plus de détails. Son corps est particulièrement bien sculpté, sa peau est étonnamment lisse pour un guerrier, et les quelques poils qu'il pouvait avoir sur le torse ont complètement brûlé.

Alors que je passe inconsciemment mes doigts sur les muscles de Tiez, il se racle la gorge, ce qui me ramène à la réalité.

"Euh, je te remercie… Melina…"

"Ah, oui, un peu de repos et tu iras vite mieux."

"Oui, certainement…"

"..."

Et nous voilà dans une situation de malaise. Qu'est-ce qu'il m'a pris d'avoir les mains baladeuses ? Bon, je dois avouer que Tiez est un très beau jeune homme… Et si je devais y réfléchir, on pourrait certainement dire qu'il est mon type d'homme…

MAIS À QUOI JE PENSE.

Je me claque le visage pour reprendre mes esprits. Mes pensées divaguent beaucoup trop ces derniers temps, je ne peux pas me permettre de penser à ce genre de choses, mon objectif doit rester prioritaire !

C'est à ce moment que je sens une main fraîche sur ma joue. Je reviens à la réalité quand je me rends compte que Tiez me regarde d'un air inquiet.

Sa main toujours sur ma joue, il me dit : "Tu ne devrais pas te frapper comme ça, regarde, tu t'es laissée une marque sur la joue."

Encore brouillée par mes pensées précédentes, je ne sais pas vraiment quoi répondre. Puis je finis par bredouiller : "Oui, tu as raison, j'avais juste besoin de… me remettre les idées en place."

Tiez souffla du nez, puis reprit avec un sourire. "Dans ce cas, parle-moi ou prends un instant au calme, mais ne frappe pas… un aussi joli visage…"

Joli, est-ce qu'il a dit joli ? La chaleur me monte aux joues et je détourne le regard, espérant que la marque de mes mains cachera mon embarras.

"Je… j'en prends note, merci."

Peut-être est-ce l'adrénaline du combat qui redescend, ou alors a-t-il pris conscience de ce qu'il vient de dire, car il retire sa main de mon visage (il l'avait gardée là tout ce temps) et devient rouge comme une pivoine. Il finit par marmonner des excuses à peine audibles avant de se tourner et faire semblant de s'endormir.

Ce qu'il essaie de faire est aussi clair que de l'eau de roche, mais la situation me convient parfaitement car je ne sais honnêtement pas comment on aurait réussi à continuer cette conversation…

J'ai passé les heures suivantes assise à côté de lui pendant que ses brûlures se résorbent. Être Sans-Éclat a le mérite de permettre des guérisons rapides, au moins.

Mon cerveau bouillonne sous le coup des événements de la journée, et je sens bien que Tiez est loin d'être endormi. Sa respiration n'a pas le rythme régulier qu'elle adopte habituellement dans son sommeil. Sûrement lui aussi repense à son combat et ce… qui a suivi.

Il faut dire que son audace est peu commune, aussi bien la main sur ma joue que son compliment. Tout était si direct que j'en ai été profondément troublée. Ainsi, il m'apprécie de cette manière-là ? Étonnamment, plus j'y pense, moins l'idée me déplaît… Mais la question qui me taraude est la suivante : Devrais-je laisser ces sentiments nous gagner, ou devrais-je y couper court ?

Une partie de moi que je ne connaissais pas semble peu à peu prendre le pas sur celle que je pensais être. Cette partie semble bien plus joviale, drôle, pleine de sentiments… vivante… C'est comme si j'ouvrais vraiment les yeux sur la vie pour la première fois. Ces sentiments sont si étranges et je ne sais pas comment réagir.

Suis-je la Servante fantomatique devant accomplir sa mission ? Suis-je une jeune femme emplie d'espoir pour un bonheur incertain ? Ou alors suis-je un peu des deux… ?

Pour la première fois depuis longtemps, je me laisse tomber au sommeil. Non pas que j'en éprouve le besoin physique, mais comme pour le fait de me nourrir, j'ai la possibilité de dormir si je le souhaite.

Un doux rêve berce ma nuit, je m'y vois parcourant l'Entre-Terre avec Tiez. Le voyage est paisible, rempli de joie et de bonheur. Nous sourions constamment et rions aux éclats alors que nous progressons, ensemble. Ces chimères nocturnes sont porteuses d'une chaleur réconfortante que je n'avais jamais ressentie auparavant.

Au petit matin, Tiez ouvre les yeux et me trouve à ses côtés. Ses brûlures semblent déjà moins graves, on pourrait même dire qu'il est presque entièrement remis. Il sourit faiblement, et je lui rends son sourire, le cœur plus léger.