Plusieurs semaines s'écoulèrent ainsi. Astoria n'aurait jamais cru qu'une telle situation pourrait la rendre malheureuse. N'avait-elle pas réussi à l'avoir? Dans l'intimité, Drago se montrait toujours prévenant et attentionné, il était doux dans ses gestes, s'inquiétait de son bien-être et de son plaisir, elle n'aurait pas pu rêver mieux. Elle avait entendu ses camarades de chambre parler de sexe et même sans avoir aucune expérience, elle sentait bien que leur alchimie physique n'était pas commune. Mais dès qu'elle sortait de sa chambre, elle n'existait plus à ses yeux. Le pire était de le croiser dans la journée, son indifférence lui faisait à chaque fois comme un sortilège en plein cœur. Comment pouvait-il être à ce point indifférent?

Plus le temps passait, plus elle réalisait que Drago agissait comme une sorte de drogue. Elle se sentait toujours plus mal en repartant de sa chambre quand y arrivant mais ne parvenait jamais longtemps à résister à y retourner. Elle commençait à détester le pouvoir qu'il avait sur elle. La jeune femme aurait aimé en parler à ses amis mais elle savait qu'elle ne pouvait se permettre de divulguer son secret. De toute façon, elle savait déjà ce qu'Alphard et Danaë lui auraient dit et elle n'avait pas envie de l'entendre.

Un soir, elle trouva la chambre vide et décida de l'attendre. Il était sans doute à la bibliothèque, il passait un temps considérable à étudier. Astoria s'allongea sur le lit et laissa ses pensées divaguer jusqu'à s'assoupir. Quand elle s'éveilla, le lit était toujours vide. Sa montre indiquait trois heures du matin. Où était Drago?

Soit il était à l'infirmerie, soit il dormait dans un autre lit que le sien et aucune de ces perspectives ne l'enchantaient. Incapable de se rendormir, la jeune femme décida d'explorer la première option. Le tout était d'éviter de croiser quiconque. Le chemin jusqu'à l'infirmerie fut assez facile, elle eut juste à éviter un ou deux fantômes qui profitaient du calme de la nuit pour se balader.

Drago était bien là, endormi. Elle s'approcha doucement de son lit. Il était encore plus pâle et cerné que d'habitude. Est-ce qu'il était malade? Cette pensée lui fit mal.

- Bordel Astoria, qu'est-ce que tu fais là?

Drago avait les yeux ouverts. La jeune femme eut un hoquet de peur et plaça la main sur sa poitrine dans un réflexe.

- Tu m'as fait peur!

- Et toi donc! Qu'est-ce qui te prends de te balader dans le château en pleine nuit? Je vais finir par croire que tu veux réellement me tuer.

- Je… Je m'inquiétais pour toi.

Drago soupira puis eut une quinte de toux.

- Il manquait plus que ça… J'ai déjà Pomfresh sur le dos à longueur de journée.

- Qu'est-ce que tu as?

- Cela ne te regarde pas, répliqua le blond d'un ton sec.

Il sembla se raviser en voyant l'air meurtri d'Astoria.

- Je ne sais pas ce que j'ai. Probablement quelques effets secondaires de la magie noire. Rien qui mette ma vie en danger, si c'est ça qui t'inquiète.

Astoria eut un pas de recul et Drago sourit, amer.

- Tu t'attendais à quoi? À ce que j'ai joué aux cartes avec Voldemort?

- Ne dit pas son nom, souffla Astoria.

Elle eut soudain de la peine pour lui. Merlin seul savait ce qui s'était passé pendant la guerre, mais Astoria ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie.

- Tu veux que je reste avec toi? demanda-t-elle d'une voix douce.

- Quoi? Bien sûr que non! Tu veux que Pomfresh te tues?

Astoria eut une moue: il marquait un point. En rentrant à la salle commune, elle se consola en réalisant qu'il ne l'avait pas chassé directement mais avait évoqué la menace de l'infirmière de Poudlard. Elle essaya pendant les jours suivants d'en apprendre plus sur ses symptômes mais Drago la rabrouait ou changeait de sujet. Ils discutaient de plus en plus le soir, dans la chambre du jeune homme mais à chaque fois qu'elle lui posait une question trop directe sur sa santé, il se renfermait ou changeait de sujet.

Au fil des jours, Astoria sentait ses sentiments grandir. C'était une chose de fantasmer sur lui, cela en était une autre de partager autant de moments en sa compagnie. Ces dernières semaines lui avaient montré que Drago était bien meilleur que ce tout le monde pensait. Elle avait vu les élèves le harceler, l'insulter dans les couloirs, le prendre comme bouc émissaire des souffrances qu'ils avaient eu et Drago ne répondait pas, ne faisait pas un geste, alors qu'il aurait pu tous les faire taire d'un sortilège. Il ne semblait vouloir qu'une chose: se fondre dans la masse et qu'on le laisse tranquille.

Elle se haïssait d'être aussi dépendante de lui mais chérissait chaque moment passé en sa compagnie. Sa seule victoire était que Drago semblait de plus en plus détendu avec elle: il n'arborait pas le masque froid et hautain réservé aux autres élèves. Elle adorait quand il lui confiait des sujets personnels: ce qu'il espérait faire après Poudlard, les nouvelles de ses camarades qui se lançaient dans la vie active, la dernière lettre que lui avait envoyé sa mère… De son côté, Drago lui posait de plus en plus de questions, il donnait l'impression de s'intéresser à son avis.

L'opposition entre leurs moments intimes et le reste était de plus en plus brutale pour Astoria. Cela ne pouvait plus continuer ainsi. Le lendemain d'Halloween, elle prit son courage à deux mains et l'interrogea:

- Il y a une sortie à Pré-au-Lard ce week-end.

- Hmmm.

Ils venaient de faire l'amour. Drago regardait pensivement le plafond. Son doigt faisait des ronds sur la cuisse de la jeune fille.

- On pourrait y aller ensemble.

- Pour faire quoi?

- Euh… Et bien pour passer du temps ensemble.

Drago fronça les sourcils.

- Tu réalises que tu es la personne de ce château avec lequel je passe déjà le plus de temps.

Astoria se pinça les lèvres. Il était complètement idiot pour ne pas comprendre ce qu'elle essayait de lui dire. Ou il faisait exprès.

- Je pensais à du temps en dehors d'un lit, en fait.

Sa voix avait été plus cassante qu'elle ne l'aurait voulu. Drago se redressa et appuya sa tête sur sa main avec un air las.

- Astoria…

Son ton était plein de reproches. La jeune femme sentit soudain ses yeux la brûler. Est-ce que sa demande était si exagérée? C'était une sortie à deux pas une officialisation!

- Regarde-moi, insista Drago.

- Non… grommela Astoria en s'enfonçant sous les draps.

Elle savait que son comportement était puéril.

- Tu savais très bien à quoi t'attendre avec moi, je ne t'ai pas menti.

Sa voix était dure. Chaque mot la mettait au supplice. Elle le savait mais l'entendre dire était pire que tout.

- Tu n'essayes même pas… Si on passait plus de temps ensemble peut-être que tu réaliserais que je peux…

- Que tu peux quoi?

- T'apporter plus.

Elle osa enfin le regarder. Drago eut un rire sans joie. Son regard était voilé.

- Tu ne comprends pas. C'est moi qui ne peux pas t'apporter plus. Cela ne sert à rien d'essayer.

Astoria eut soudain l'impression que son regard la brûlait. Elle ne voulait pas rester une seconde de plus dans cette chambre. Elle avait l'impression qu'à présent elle le détestait autant qu'elle l'aimait. Elle s'habilla précipitamment et sortit sans un regard en arrière, les larmes qu'elle avait retenues coulant désormais sur son visage.

- Astoria?

Elle essuya ses joues. Elle se tenait au milieu du couloir devant le portrait d'archer qui gardait la chambre de Drago. Devant elle, se trouvait Céleste Hammer, une serpentarde de septième année, connue pour être l'une des pires pestes de Poudlard. Elle la regardait avec surprise.

- Tu étais… dans la chambre de Malefoy? Qu'est-ce que vous faisiez?

- Rien du tout, répondit Astoria très vite en lissant sa jupe. Mêle-toi de ce qui te regarde.

Elle tourna les talons mais elle savait que le mal était fait. Céleste n'allait certainement pas se mêler de ce qui la regardait et l'état dans lequel se trouvait Astoria, le chemisier mal boutonné, les yeux gonflés, laissait peu de place à l'imagination.

S'il y avait bien une chose qui importait aux familles de sang pur, au-delà de la pureté de leur lignée, c'était le comportement de leurs jeunes filles. Astoria avait grandi avec ces préceptes, elle les connaissait par cœur. Elle n'était pas supposée avoir avec un garçon, ce que sa mère appelait une «aventure» mais elle ne pensait pas que sa réputation serait ruinée aussi vite. Il fallut moins de vingt-quatre heures.

Dès le lendemain, elle eut la pénible expérience de se retrouver au cœur des rumeurs de Poudlard. Si les élèves des autres maisons la méprisaient pour avoir osé coucher avec Malefoy, le paria entre tous, les serpentards étaient bien pires encore. Elle était une Greengrass, elle n'était pas censée se comporter de la sorte, quel que soit le jeune homme en question.

Elle passa la journée en ayant l'impression d'être une pestiférée. Le soir venu seuls Danaë et Alphard s'assirent à côté d'elle pour le dîner. Danaë avait un air soucieux.

- Aria, tu vas nous dire ce qui se passe? J'ai l'impression que tu nous as évité toute la journée. C'est vrai ce que l'on raconte sur toi?

Astoria but un peu de jus de citrouille pour se donner contenance.

- Est-ce qu'on peut en parler à un autre moment? Là j'essaye juste de survivre à cette journée.

Alphard lui jeta un regard compréhensif qui se changea en un regard horrifié quand une énorme bombabouse s'écrasa sur le dos d'Astoria provoquant un recul de dégoût des serpentards, assis pourtant à quelques mètres. La jeune femme se retourna et découvrit Céleste Hammer et sa bande.

- Oups, ricana la serpentarde, ça m'a échappé.

- Mais va te faire… commença Astoria

- Oh non, coupa Céleste, tu ne vas pas commencer à être grossière en plus d'être une trainée.

Les jeunes femmes qui accompagnaient Céleste se mirent aussitôt à glousser et Astoria resta interdite, incapable de réagir. Elle avait l'impression que l'ensemble des élèves la regardait. Pour son malheur, elle s'était assise au bout de la table des serpentards, à l'opposé de celle des professeurs. Une trainée. Le mot l'avait clouée. Et si Céleste avait raison? Et si c'est vraiment ce qu'elle était devenue? Son estime d'elle-même ne lui permettait pas à ce moment précis de trouver assez de courage pour lui répondre.

Comme dans un film moldu, Drago choisit ce moment-là pour apparaître. Il n'accorda pas un regard à Céleste et s'assit à côté d'Astoria avant de passer négligemment un bras autour de son cou.

- Ça va ma chérie? Tu as passé une bonne journée.

Il l'embrassa, puis plissa le nez.

- Hum, je ne suis pas sûre d'aimer ton nouveau parfum. Vomi de troll si je ne m'abuse?

à suivre...