One shot Itachi x Sakura

Je n'aime pas écrire de longues histoires et ai tendance à écrire des nouvelles relativement courtes. L'évolution des personnages et de leurs sentiments est donc assez rapide vu que je n'aime pas m'éterniser. J'espère que cela vous plaira !

Bonne lecture !

Les bons présages

Elle était consciente de la situation désespérée dans laquelle elle se trouvait. Une simple mission de routine s'était transformée en un face à face imprévisible et, bien qu'un bon shinobi devait être préparé à toutes les situations possibles, elle ne s'était pas attendue à ce cas de figure précis.

Il n'y avait aucune échappatoire possible. C'était une vérité cruelle et amère après l'acharnement dont elle avait fait preuve pour ne plus jamais se sentir faible.

L'entraînement suivi au cours des dernières années était à la hauteur des résultats d'aujourd'hui. Tsunade shishou n'y était pas allée de main morte mais cela avait porté ses fruits. Le changement de niveau était plutôt significatif.

Et malgré tout, malgré tout... elle ne pouvait rien faire. Malgré tout, certaines choses n'avaient pas changé. Elle ferma les yeux.

Cela faisait six ans que Sasuke avait quitté le village, laissant derrière lui un ami - un presque frère - profondément meurtri et une fillette en pleurs. Après son départ, elle avait eu l'impression de tomber dans un abîme sans fond, avec la certitude de ne jamais pouvoir remonter à la surface. Sans Naruto, rien n'aurait changé. Lorsqu'elle hurlait vouloir être seule, il restait à ses côtés. Lorsqu'elle ne parvint plus à s'occuper d'elle-même, il prit le relai. Lorsqu'elle voulut mourir, il la maintint en vie. Et lorsqu'elle souhaita guérir, il l'encouragea avec ardeur. Elle lui devait tout.

Tsunade lui avait transmis tout ce qu'elle savait. Ainsi, son excellent contrôle du chakra lui offrait une force colossale et son intelligence ainsi que son talent la placèrent comme la deuxième plus grande medic-nin au monde. Bientôt première, lui avait assuré sa shishou, l'empreinte d'une fierté immense au fond des yeux - mais qu'elle n'aurait bien sûr jamais admis avoir éprouvée.

Et voilà qu'après tous ses sacrifices, elle en était revenue au point de départ. Cela faisait des années qu'elle ne s'était pas sentie aussi frustrée, aussi... inutile.

Elle ouvrit soudain les yeux. Non. Il n'était pas question de jeter toutes ces années aux oubliettes. Il n'était pas question d'abandonner sans s'être battue de toutes ses forces. Ce n'était pas là l'héritage de sa shishou, et elle comptait bien lui faire honneur jusqu'au bout.


Il l'observa attentivement. Il se rappelait l'avoir aperçue plusieurs années auparavant en compagnie de Hatake Kakashi et de Uzumaki Naruto. Elle avait joué un rôle important dans la mort de Sasori et avait été la disciple de Godaime Hokage. C'était une experte en ninjutsu médical. On disait qu'il n'existait pas un poison auquel elle ne pouvait trouver un antidote.

Il plissa les yeux. Un gouffre séparait leurs pouvoirs, c'était un fait. S'il le décidait, elle mourrait dans la seconde. Mais elle était dotée de certaines qualités indiscutables. Des qualités qu'il ne possédait pas, il devait se l'avouer.


Elle réfléchit à toute allure. Fuir n'était pas une option. Les attaques longue et moyenne distances ne seraient d'aucune utilité face à Itachi Uchiha. Ne restait que le corps à corps. Mais quelles étaient ses chances face aux Sharingan ?

Aucune, songea-t-elle. Elle serra les dents. Kami, que pouvait-elle faire ?

« Sakura », lui avait dit Tsunade un jour, « Un expert en genjutsu ne te laissera pas dissiper son illusion facilement. Concentrer ton chakra et le relâcher d'un seul coup ne suffira pas à déstabiliser ton adversaire. » Elle avait marqué une courte pause. « Un shinobi face à un expert en genjutsu n'a aucune chance de s'en sortir s'il n'est pas accompagné par un ou plusieurs camarades. » Sakura avait froncé les sourcils. « Pourquoi, shishou ? » Tsunade l'avait regardée fixement. « Si un shinobi se retrouve pris dans une illusion de haut niveau, le seul moyen de l'en sortir est de lui transmettre du chakra. Cela dissipera le genjutsu. S'il est seul, il est coincé. » Tsunade avait laissé le silence s'installer quelques secondes. « Si tu te retrouves un jour dans cette situation, Sakura, tu dois t'enfuir. »

Finalement, on en revient toujours au même point, pensa-t-elle amèrement. Pouvait-elle véritablement être considérée comme une kunoichi accomplie si la seule option qui se présentait à elle était la fuite ?

Décidément pas.

Sakura était fière - elle avait hérité de la dignité mordante et souvent mal placée de sa shishou -, aussi l'idée de fuir lui était insupportable. Elle glissa une main dans sa sacoche et saisit un kunai. Oui, elle était fière, et elle était bien décidée à se battre fièrement.

« J'ai une proposition à te faire, kunoichi. » Elle sursauta légèrement et ses doigts agrippèrent le kunai plus fermement. Il avait une voix claire et veloutée qui la ramena aussitôt à une époque qu'elle préférait oublier.

« Quelle est-elle ? » Elle avait répondu de façon quasi inaudible. C'est à ce moment-là qu'elle se rendit compte qu'elle était tétanisée. Elle essaya de contrôler le tremblement de ses jambes sans y parvenir complètement et maudit sa faiblesse d'esprit. Ce face à face faisait remonter des sentiments qu'elle était pourtant certaine d'avoir enfouis bien des années auparavant : la frustration, l'impuissance, la peur... et la honte.

Ressaisis-toi. Des années d'entraînement passées à cacher ses émotions et voilà que son corps la trahissait. C'était pathétique.


Itachi posa son regard sur ses jambes tremblantes. Au fond, faisait-il le bon choix ? C'était un homme prudent et avisé. Il réfléchissait toujours à la meilleure stratégie possible et ne se trompait jamais. La proposition qu'il s'apprêtait à lui soumettre n'était quant à elle pas prudente. Elle n'était pas non plus avisée. Un quitte ou double dangereux. Mais s'il ne se trompait pas, il allait faire échec et mat.

« Je sais où se trouve mon petit frère. Et je peux t'y conduire. » Sakura écarquilla les yeux. Ses tremblements redoublèrent. Sasuke...

Elle avait tenté de clore le chapitre. Jeter le bouquin. En vain. L'amour qu'elle portait au cadet Uchiha la consumait entièrement. Il s'immisçait dans ses cauchemars la nuit et parasitait ses pensées le jour. Depuis six ans, elle était animée par le désir obsessionnel de le revoir, sans savoir elle-même ce qu'elle attendait de leur rencontre.

Finalement, durant toutes ces années, le fond du problème n'avait pas changé. Elle s'était accrochée à l'idée de leurs prochaines retrouvailles et s'était entraînée pour en être digne. Elle l'avait dans la peau. S'il avait été là, il lui aurait dit que l'amour rendait faible. Qu'elle était faible. En fin de compte, il aurait eu raison.

Et le livre revient. Et le chapitre reprend. Et l'histoire se répète.

« En quoi cette information peut-elle bien m'intéresser ? » demanda Sakura. Itachi la fixa, calculateur. Il n'était pas dupe. « Son départ ne t'a-t-il pas affectée ? ».

Affectée... Le mot était faible. Son départ l'avait détruite, brisée en mille morceaux. Elle avait pensé mourir. Elle avait voulu mourir. Elle se mordit la lèvre et resta silencieuse.

« En définitive, ce n'est pas ce qui importe », reprit l'aîné Uchiha. « Que ferais-tu si tu te retrouvais face à lui, Sakura Haruno ? »

Le vent se leva. Elle baissa les yeux. C'était une question qu'elle s'était posée des milliers de fois et à laquelle elle avait donné des milliers de réponses. Qu'attendait-elle de cette rencontre ? Quelle en serait l'issue ? Bon sang, de quoi avait-elle besoin pour avancer ? Ses sentiments pour lui étaient certes restés inchangés, elle n'était néanmoins plus aussi naïve qu'à treize ans.

Elle releva la tête. « Je n'en sais rien. »

C'était un mensonge. Et il le savait.


« Quelle est ta réponse, kunoichi ? », susurra Itachi. La medic-nin pinça les lèvres. Avait-elle envie de savoir ? Son cœur se serra. Il lui pourrissait la vie sans en avoir conscience. Son nom, son simple nom avait fait ressurgir des sentiments qu'il était impossible d'ignorer. Elle avait besoin de réponses. Elle avait besoin d'une conclusion. Elle avait besoin d'avancer.

« Quel est le prix de cette information ? », demanda-t-elle. Il la toisa, indéchiffrable. « Je te le dirai en temps voulu. Je ne te demande rien actuellement. » Sakura cilla. Il percevait son hésitation. « Rien ne sera intenté contre ton village ». Elle plissa les yeux. « Et s'agissant de Naruto ? » Voilà quelle était sa plus grande inquiétude. « Il n'aura rien. Tu as ma parole. »

Passer un marché avec l'un des plus dangereux shinobis de sa génération n'était pas une décision que l'on pouvait qualifier de sage, elle le savait. D'autant qu'elle ne connaissait pas les raisons qui motivaient sa démarche. Après réflexion, elle réalisa avec étonnement que cela ne lui importait pas.

Ils avaient cherché Sasuke pendant des années. Elle ne comptait plus le nombre de missions que l'équipe sept avait effectuées pour le retrouver. A chaque fois qu'ils tenaient une piste, ils arrivaient trop tard. L'Uchiha s'était déjà volatilisé.

Chaque échec les brisait un peu plus. Naruto n'était plus tout à fait le même. En apparence, rien n'avait changé, mais aux yeux de Sakura, qui le connaissait si bien, la différence était flagrante. La promesse qu'il lui avait faite le déchirait. Elle devait l'en libérer. Les motivations de l'aîné Uchiha et les conséquences qui en découleraient lui importaient peu. L'occasion était trop belle.

Le vent soufflait de plus en plus fort. Les arbres s'agitaient frénétiquement, leurs feuilles se disséminaient partout autour d'eux. Un orage se préparait.

A Konoha, les présages étaient très importants. Certains évènements annonçaient une fortune imminente, d'autres parlaient de renaissance... La tempête, elle, était annonciatrice de changements importants. Dans le bon ou le mauvais sens, on ne pouvait pas le savoir.

Sakura planta son regard dans les deux Sharingan. « Marché conclu. »


« Alors », commença Sakura. « Où se trouve-t-il ? »

Elle réalisa rapidement que voyager avec Itachi Uchiha ne différait pas de ses déplacements solitaires. Il était silencieux et ne communiquait que par absolue nécessité, le plus souvent par signes. Elle aurait presque pu imaginer qu'il n'était pas là.

« Tu le verras en temps voulu, kunoichi », répondit simplement Itachi. Elle fronça les sourcils. « Mais le marché... » Il la coupa : « Le marché implique que je te conduise à lui. Pas que je te révèle sa position. » Elle claqua la langue, quelque peu frustrée, et plissa les yeux. Cela signifiait-il qu'il allait l'accompagner durant tout le voyage ? Qu'il allait lui aussi se retrouver face à Sasuke ?

Elle s'immobilisa soudainement. Son désir de retrouver Sasuke et ses interrogations quant à leurs retrouvailles lui avaient fait perdre de vue une question primordiale : que se passerait-il lors de leur rencontre à eux ?

Itachi s'arrêta quelques mètres plus loin et se retourna. « Que se passe-t-il ? » Elle le dévisagea. « Que feras-tu, toi, lorsque tu te retrouveras face à lui ? »

Le nukenin sourit imperceptiblement. « Le marché est passé, Haruno-san. Te répondre n'est pas dans mes obligations. »


Elle avait la désagréable impression d'avoir conclu un pacte avec le diable.

Cela faisait presque deux mois et la kunoichi ne pouvait s'empêcher de se demander si elle avait fait le bon choix. Elle s'assurait que oui puis changeait d'avis la minute suivante. Elle ne dormait pratiquement pas, ses cauchemars impliquant le cadet Uchiha étaient de plus en plus fréquents et violents. Et elle ne mangeait presque rien.

Leur rencontre l'angoissait plus qu'elle ne l'aurait imaginé, mais c'était une nécessité. Il lui fallait tourner la page, d'une façon ou d'une autre. Elle sentait que le prix à payer serait élevé mais au fond, quelle importance ? Elle n'avait plus grand-chose à perdre.

« Arrêtons-nous pour la nuit. » Sakura sursauta légèrement et regarda autour d'elle. Depuis quand avaient-ils pénétré dans ce village ? Elle n'avait même pas remarqué les villageois qui s'affairaient autour d'eux ou les cris des marchands vendant leurs articles au plus offrant.

Itachi l'observait, impassible. Même quelqu'un de moins attentif que lui aurait remarqué la différence. Comment pouvait-il y avoir une dégradation aussi importante en aussi peu de temps ? Cela ne lui plaisait pas. Il avait pourtant perçu son sommeil agité, constaté qu'elle ne mangeait plus. Il aurait dû réagir plus tôt.

« Je croyais que tu préférais éviter la foule », remarqua Sakura.

Ils avaient passé plusieurs semaines à dormir dans des grottes, grappillant quelques heures de sommeil ici et là, dans le froid et l'humidité du mois de novembre, avec comme seule source de chaleur un petit feu de camp improvisé par Itachi. Celui-ci avait indiqué à Sakura qu'il était préférable de ne pas s'éterniser dans les villages, au risque de se faire remarquer. Il se chargeait lui-même occasionnellement d'acheter un peu de nourriture dans les coins les plus reculés. Et voilà qu'aujourd'hui, ils se trouvaient devant une une petite auberge de village, dans le Pays de Na.

« Ton état nous ralentit considérablement », répondit l'Uchiha. « Il est préférable pour nous deux que tu te reposes. » Sakura lui lança un regard noir. « Je vais très bien. »

Le nukenin la toisa. « Prends deux chambres. Je vais chercher à manger. » Il ne lui laissa pas le temps de répondre et s'éloigna dans la foule. Sakura soupira et se dirigea vers l'accueil de l'auberge.


La chambre était charmante. Le mobilier avait été fabriqué à partir de bois de cerisier et, après deux mois à dormir sur le sol, elle contempla le lit simple avec l'envie grandissante de s'y glisser et d'y rester jusqu'au lendemain. Elle se fit cependant violence car avant cela, une douche brûlante s'imposait.

Elle se rendit dans la salle de bain et tomba nez à nez avec son propre reflet, renvoyé par un immense miroir accroché au-dessus d'un lavabo en bois clair. Ce qu'elle vit la cloua sur place.

Kami... Etait-ce bien elle qui la regardait ainsi ? Sa peau avait pris une couleur cadavérique, tranchant nettement avec les cernes bleu nuit qui soulignaient ses yeux. Ses joues s'étaient légèrement creusées. Ses vêtements étaient devenus un peu trop grands. Depuis combien de temps n'avait-elle pas dormi ? Combien de kilos avait-elle perdus ?

Elle souleva son pull. Les côtes étaient légèrement apparentes sous sa peau blafarde. Elle hoqueta. Deux mois... Etait-ce là l'effet que Sasuke Uchiha avait sur elle ? Etait-ce cela, le pouvoir qu'elle lui donnait ? L'emprise qu'elle le laissait avoir sur elle ?

Elle se déshabilla, arrachant presque ses vêtements, et pénétra dans la douche. L'eau glacée la transperça avant de la brûler. Un peu comme toi, Sasuke-kun, songea Sakura.

Depuis six ans, elle avait tout faux. Elle pensait avoir changé. Tout le monde l'affirmait, d'ailleurs. Mais ce n'était pas le cas. Car tout au fond de son cœur, elle était restée la même gamine qu'à treize ans. Celle qui faisait passer Sasuke avant tout le reste. Celle qui ne vivait que par lui.

Et voilà le résultat, pensa-t-elle, nue devant son propre reflet.

Ce n'était pas acceptable. Tsunade shishou lui avait transmis plus qu'une force surhumaine, plus que des dons médicaux. Elle lui avait prodigué confiance et amour et l'avait traitée comme sa propre fille. Sakura avait hérité de son mordant, de sa fierté. Comment réagirait sa mère de cœur aujourd'hui en la voyant dans cet état ?

Elle me donnerait une sacrée rouste, se dit Sakura. Et, pour la première fois depuis plusieurs semaines, elle sourit.


Ça alors, songea Itachi. Il était revenu quelques minutes plus tôt et se retrouvait maintenant avec sa coéquipière devant un copieux repas.

Il ne voulait passer qu'une nuit dans cette auberge et avait pensé acheter des vivres pour plusieurs jours, histoire d'avoir quelques réserves pour la suite de leur voyage. Pour être honnête, il n'avait pas pensé qu'elle mangerait. Et certainement pas qu'elle mangerait autant. Il avait à peine attrapé ses baguettes qu'elle avait déjà englouti la moitié des plats disposés devant eux.

« Haruno-san », commença Itachi, légèrement désarçonné. « Tu dois reprendre des forces. Pas faire une indigestion. » Elle n'avait rien mangé de solide depuis un moment. Avaler autant de boulettes d'un coup n'était certainement pas une bonne idée.

Elle ne s'interrompit même pas pour lui répondre, la bouche pleine : « Tu aurais dû acheter plus de choses, Itachi. Je peux piocher dans ta part ? » Le nukenin cligna des yeux et présuma en son for intérieur qu'elle devait avoir passé beaucoup de temps avec Naruto Uzumaki.


A la tombée du jour, les habitants rentraient chez eux retrouver leurs familles ou s'arrêtaient au bistrot du quartier pour partager un saké avec des amis. Sakura, elle, était allongée dans son lit, les yeux grands ouverts.

Elle se sentait un peu plus en paix, c'était un fait. La prise de conscience qu'elle avait eue dans l'après-midi avait été bénéfique. Merci shishou, murmura-t-elle au plafond.

Pourtant, malgré toute la fatigue accumulée, elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. Ses pensées étaient tantôt tournées vers Sasuke, tantôt vers son village. Elle se demandait toujours si elle avait pris la bonne décision, bien qu'il était trop tard pour faire machine arrière.

La kunoichi soupira et se leva. Quitte à rester éveillée, autant aller prendre l'air. Elle enfila ses vêtements déchirés par endroits et sauta sur le toit de l'auberge.

Elle ne savait pas depuis combien de temps elle était assise là, à observer les rares habitants encore présents dans les rues, lorsqu'elle détecta une présence maintenant familière.

« Tu ne dors jamais ? » demanda-t-elle à Itachi, debout quelques mètres derrière elle. « C'est une question que je pourrais facilement te retourner », répondit le nukenin d'une voix feutrée. Elle esquissa un semblant de sourire et se tourna vers lui. « Je connais les rêves qui m'attendent. Je préfère rester éveillée. » Il hocha la tête imperceptiblement et s'assit à ses côtés, contemplant lui aussi les quelques ivrognes restants rentrer chez eux. « Je constate que mon petit frère a fait beaucoup de dégâts en s'en allant. » La medic-nin tiqua. « A qui la faute ? », rétorqua-t-elle, agressive. L'aîné Uchiha demeura impassible. « Il est vrai que je n'ai pas aidé. »

C'était plutôt drôle, finalement. Sakura se rendit compte à cet instant qu'elle aurait dû le détester. Il était le déclencheur de tout ce qui était arrivé. Il était responsable des malheurs de Sasuke et, a fortiori, des leurs. Sans lui, Sasuke aurait grandi bercé par l'amour de sa mère, encouragé par son père, entouré de tout son clan. Il serait resté au village. Il serait peut-être même tombé amoureux d'elle.

Mais elle ne le détestait pas et elle pensait savoir pourquoi. Elle était simplement fatiguée.

Pendant des années, elle avait jonglé entre l'amour et la haine qu'elle éprouvait pour le cadet Uchiha. Tous les sentiments intenses qui l'assaillaient étaient constamment dirigés vers lui. Elle n'avait tout simplement pas la force de les tourner vers quelqu'un d'autre aujourd'hui. Et elle n'en voyait pas l'utilité. Finalement, on était tous responsables de nos choix. Sasuke avait fait les siens.

« Oui, il a fait beaucoup de dégâts », souffla Sakura après quelques minutes. « Mais cela fait six ans. Les sentiments que j'ai éprouvés lors de sa désertion ne sont plus les mêmes aujourd'hui. » C'était en partie vrai. En partie seulement. En s'en allant, il avait provoqué chez elle un tsunami d'émotions qu'elle n'avait pas su gérer : de la déception, de la colère, de l'amour, et un vide immense que lui seul pouvait combler. Et aujourd'hui...

Aujourd'hui, ce n'est pas si différent, songea-t-elle. Ce qui changeait, c'était sa façon d'appréhender tout cela. Elle l'aimait, c'était indéniable. Mais il n'était plus question de se laisser dépérir par sa faute.

Itachi la regarda fixement. En dépit de son apparence fragile, il la trouvait plutôt courageuse. Contrairement à ses anciens camarades de l'Akatsuki, il ne mésestimait pas la puissance des sentiments et connaissait les enjeux de l'amour et la douleur qu'il occasionnait. Cela faisait six ans qu'elle souffrait de cette situation et il comprenait mieux que quiconque l'enfer qu'elle avait dû traverser.

« Je veux l'oublier. » Les mots avaient glissé hors de ses lèvres sans qu'elle ne puisse les retenir. Elle rejeta la tête en arrière et ferma les yeux. Kami, était-elle si désespérée pour confier ses pensées les plus intimes à Itachi Uchiha ? A son frère ?

Elle rouvrit les yeux et plongea son regard dans le sien. Reprends-toi. Ils étaient tout près l'un de l'autre. Ils ne s'étaient d'ailleurs jamais trouvés si proches. Et c'est là qu'elle le remarqua.

Il ne voit pas. Ou presque pas. C'était à peine perceptible. A vrai dire, personne n'aurait pu le remarquer tant il avait appris à le dissimuler. Mais Sakura n'était pas n'importe qui. Elle avait été formée par la plus grande medic-nin au monde. La question était : comment avait-elle pu ne pas le remarquer avant ?

Il plissa les yeux et comprit qu'elle avait deviné. Sa réputation n'était décidément pas usurpée.

La jeune femme leva une main délicate qu'il attrapa aussitôt. Elle sursauta légèrement et fronça les sourcils. « Me crois-tu assez idiote pour tenter de te faire du mal ? » interrogea-t-elle. Il resta immobile quelques secondes et laissa son bras retomber sur le sol. La kunoichi plaça une main devant son visage alors que son chakra médical enveloppait sa paume. De la même couleur que ses yeux, songea Itachi avant de fermer les siens.

Elle estima qu'il devait avoir perdu entre septante-cinq et huitante pour cent de sa vue. C'était énorme. « Quand la détérioration a-t-elle commencé ? » demanda-t-elle. Itachi rouvrit les yeux. « Il y a environ un an. » Sakura se mordit la lèvre. Soigner la cécité n'était pas possible. Mais l'Uchiha n'était pas aveugle. Pas encore, pensa-t-elle. Elle ne lui donnait pas plus de deux mois, à ce rythme. La dégradation était rapide. Elle avait donc huit semaines pour le soigner. Après cela, il serait trop tard.

« Itachi-kun », commença-t-elle, ne se rendant pas compte du suffixe qu'elle employait. « Nous allons rester ici un moment. » Le nukenin la toisa. « Il n'est pas question de... » Elle le coupa : « Ce n'était pas une question. »

Ils se dévisagèrent en silence quelques secondes. « Réalises-tu, Sakura, que cela n'entre pas dans les termes de notre accord ? Tu auras toujours une dette envers moi. » Elle se leva lentement et se dirigea vers le bord du toit. « Je ne le fais pas pour toi », lui dit-elle avant de disparaître dans sa chambre.

Ce n'était pas tout à fait faux. Elle ne savait pas exactement pourquoi elle faisait cela, mais elle était sûre d'une chose : le défi à relever la faisait se sentir plus vivante qu'elle ne l'avait été depuis bien longtemps. Et bon sang, quel pied c'était.

Elle se glissa dans son lit et s'endormit presque instantanément. Cette nuit-là, aucune pensée ne fut dédiée à Sasuke.


C'était un petit village. De prime abord, elle l'avait trouvé charmant. Maintenant qu'elle devait faire face à un problème aussi délicat, cela prenait une tout autre dimension.

La médecine n'y était pas répandue. Il y avait bien une petite clinique mais, dans un village qui ne risquait aucune attaque, on n'y soignait rien d'autre que des vilaines coupures et des toux un peu trop grasses.

Elle avait en sa possession quelques livres de médecine, mais après plusieurs semaines à les étudier, elle se rendit compte qu'ils ne suffiraient pas. Il lui manquait des informations précieuses, et même si par miracle elle trouvait ici la solution à son problème, il n'y aurait aucune plante médicinale pour le traiter.

Non, décidément, cela n'allait pas. La solution était pourtant simple. A quelques heures de route seulement se situait le village de Yuki, dans le Pays de la Neige, qui abritait une immense bibliothèque ainsi qu'une serre recelant des milliers de sortes de plantes et de fleurs. C'était parfait.

Oui, mais...

Il y a Itachi, songea Sakura.

Elle avait décrété un mois auparavant qu'il était hors de question de reprendre la route et lui avait défendu de sortir de l'enceinte du village. Le nukenin s'était montré courroucé, puis menaçant, mais elle avait tenu bon. Utiliser ses Sharingan ne faisait que précipiter sa chute. S'ils se retrouvaient face à un ennemi, il était certain que sa vue diminuerait encore et ils perdraient ainsi un temps précieux. C'était inenvisageable.

Le soleil était à peine levé lorsqu'elle quitta silencieusement le village et plongea dans la forêt. Elle en avait conclu que la seule solution était d'y aller seule. Si elle se dépêchait, elle serait de retour avant la nuit. Elle avait laissé un mot dans sa chambre à l'attention de son compagnon de fortune, au cas où il la chercherait. Après réflexion, elle se dit qu'elle se montrait incroyablement prévenante à son égard.


« Je serai de retour avant demain matin. Ne sors pas du village. »

Itachi fronça les sourcils. Sa main froissa légèrement le papier qu'elle tenait. Bon sang, mais quand allait-elle cesser de le provoquer ?

Il ne pensait pas qu'il était possible de soigner ses yeux. D'un autre côté, il ne pensait pas non plus qu'il était possible de percevoir sa quasi cécité. Alors il avait mis son sort entre ses mains, sans trop savoir pourquoi, et cela lui procurait un sentiment... exaspérant.

Il avait toujours pris lui-même ses propres décisions, elle avait de toute évidence toujours suivi d'autres directives. Et voilà que les rôles s'inversaient. C'en était risible.


Sakura en aurait presque pu oublier le petit problème qu'elle avait sur les bras tant elle était émerveillée. Konoha elle-même ne possédait pas de bibliothèque aussi grande. Elle aurait souhaité avoir deux paires d'yeux supplémentaires pour être sûre de n'omettre aucun détail.

Une bonne partie du plafond était faite de verre. On y apercevait la neige tomber doucement. Les étagères se succédaient les unes aux autres, remplies de livres consciencieusement triés et restaurés. Les lanternes diffusaient une lumière douce et chaude. Tout était féérique.

Stop, se morigéna-t-elle. Elle n'avait pas le temps. Elle se dirigea vers le section médecine et ne pensa plus à rien d'autre qu'à la façon de soigner les deux Sharingan.


« Mademoiselle ? Excusez-moi, mais nous allons fermer. » Sakura sursauta. Une jeune femme d'une trentaine d'années la dévisageait, visiblement gênée. Elle avait de longs cheveux auburn et des yeux couleur miel. La kunoichi leva les yeux vers le plafond de verre et constata que la nuit était déjà tombée. Elle n'avait aucune conscience du temps qui s'était écoulé depuis qu'elle était arrivée.

« Oh non », gémit-elle. « Quelle heure est-il ? ». L'employée de la bibliothèque eut un petit sourire compatissant. « Presque vingt heures, mademoiselle. »

Bon sang, elle n'avait même pas vu les heures défiler. « Puis-je emprunter ces livres ? » L'employée afficha une mine hésitante. « S'il vous plaît », implora Sakura. « Je vous les rapporterai, vous avez ma parole. »

L'employée de la bibliothèque s'appelait Reita Minuzake. Depuis toute petite, elle était passionnée par les livres et avait sans cesse soif d'apprendre. Lorsqu'elle croisa le regard de Sakura, elle eut l'impression de se revoir dix ans plus tôt. Cette jeune fille avait la même énergie, la même passion. Et bien plus de courage qu'elle n'en avait jamais eu.

« Pas plus d'une semaine », souffla Reita. « Il y a des inspections... C'est une bibliothèque reconnue, les contrôles y sont très fréquents. » Sakura attrapa sa main avec reconnaissance. « Je ne sais comment vous remercier. » La rousse la serra chaleureusement. « J'espère que le jeu en vaut la chandelle. »


Les herbes médicinales de Yuki étaient toutes regroupées dans une immense serre en bonne partie vitrée. Comme l'avait deviné Sakura, entrer par la porte principale n'était pas envisageable. Le village n'était pas enclin à faire don de ses biens à tout va et, bien que le Pays de la Neige et le Pays du Feu ne soient pas ennemis, ils n'étaient pas alliés pour autant. Heureusement, Sakura avait non seulement été la disciple de Tsunade, mais également celle de Kakashi, expert en mission d'infiltration. Elle n'eut donc aucun mal à se glisser dans la serre.

Les heures passées à la bibliothèque lui avaient permis de cerner la majorité des herbes dont elle pourrait avoir besoin. Elle se servit minutieusement et en petite quantité, un léger sentiment de culpabilité la tiraillant. Lorsqu'elle estima avoir pris tout ce qu'il lui fallait, elle quitta les lieux après avoir laissé une somme rondelette sur l'une des tables de travail.

Le trajet qu'elle avait effectué à l'aube et la concentration qu'elle avait dû fournir tout au long de la journée l'avaient profondément éreintée mais elle décida de retourner immédiatement au Pays de Na. Ce n'était pas sage et elle le savait, mais elle avait neuf heures de route devant elle et avait indiqué à Itachi qu'elle serait de retour avant le lendemain matin.

Tout aurait été différent si elle avait pris le temps de se reposer, s'il ne lui manquait pas autant d'heures de sommeil ou si elle avait été un brin plus attentive. Malheureusement, ces différents facteurs l'empêchèrent de ressentir une présence qu'elle aurait facilement pu éviter et sur laquelle elle fonça innocemment. Lui la sentit. Et l'attendit de pied ferme.


Itachi Uchiha était de nature patiente et doté d'un calme à toute épreuve. Lorsque l'aube se leva, il se trouvait sur le toit de l'auberge, à l'endroit exact de leur dernière conversation, observant le village se réveiller en douceur. Ses pensées étaient pourtant totalement ailleurs.

Il n'était pas inquiet à proprement parler. Il avait juste... un mauvais pressentiment. Mais Itachi Uchiha était un homme réfléchi qui agissait en suivant une logique bien définie et non selon ses pressentiments.

Seulement voilà, il n'était pas tranquille. Et le soleil qui se dessinait au loin n'arrangeait rien à la situation.

Avant demain matin, c'est bien ce qu'elle avait écrit dans ce mot ridicule. Avant demain matin. Le matin était là, et elle toujours pas.

C'est absurde, siffla-t-il pour lui-même. Quand bien même il était arrivé quelque chose, elle savait se défendre. Il n'était pas son protecteur et elle était capable de se débrouiller toute seule.

Oui, mais...

Mais qui sait dans quel état de fatigue elle se trouve ?

Le nukenin plissa les yeux et n'attendit pas une seconde de plus pour se précipiter dans la forêt, sur les traces de sa coéquipière. Renseignements pris un jour auparavant auprès des habitants de Na, il avait découvert que le Pays de la Neige abritait des savoirs utiles aux medic-nin et en avait déduit qu'elle s'était sans doute rendue là-bas. Dans l'espoir de soigner ses yeux.

Il accéléra le pas.


Sakura posa un genou à terre, essoufflée, et cracha un long filet de sang. Elle avait du mal à respirer. Il m'a perforé un poumon, songea-t-elle en grinçant des dents. La douleur était atroce.

Elle ne savait pas exactement depuis combien de temps ils se battaient. Assez longtemps en tout cas pour que la lune laisse sa place au soleil. Elle n'avait détecté sa présence que trop tard et n'avait pu éviter le coup qu'il lui portât au bras droit avec une précision chirurgicale, brisant plusieurs de ses os. A partir de là, ça commençait déjà mal.

Mais un bras n'était pas un poumon. Si elle voulait vivre, elle devait rapidement se soigner.

Elle eut à peine le temps de lever une main entourée de chakra qu'il était déjà derrière elle. La kunoichi l'esquiva de justesse et s'éloigna rapidement.

« Je ne pensais pas avoir une aubaine pareille aujourd'hui », lança Kabuto. « Sakura Haruno, la disciple de Godaime Hokage. Sais-tu que tout ton village est à ta recherche ? » Le cœur de la kunoichi se serra à l'évocation de Konoha mais reprit rapidement contenance. « En quoi notre rencontre est-elle une aubaine ? », demanda-t-elle, fronçant les sourcils. Le shinobi afficha un sourire en coin et replaça ses lunettes sur son nez. « Cela faisait des années que je travaillais pour Orochimaru-sama. Il était mon mentor, mon modèle. Je lui vouais une admiration sans faille. Et je lui étais utile. Il ne pouvait pas se passer de moi. »

Kabuto planta son regard dans celui de Sakura. « Lorsque Sasuke-kun l'a tué, il m'a tout pris. Et aujourd'hui, voilà que je me retrouve nez à nez avec son ancienne coéquipière. » La rose leva un sourcil incrédule. « Je n'ai plus de contact avec lui depuis sa désertion. Quel est le rapport avec moi ? », siffla-t-elle entre ses dents. Le sourire de Kabuto s'étira. « Voyons, Sakura-chan... Il a tué mon maître. Je tuerai l'un de ses proches. C'est un échange de bons procédés. »

La kunoichi le dévisagea. « Je crois que tu te fais de fausses idées, mon pauvre Kabuto », ricana-t-elle. « Ma mort ne l'affectera en aucun cas. » Il éclata d'un rire joyeux. « Alors tu n'es au courant de rien ? » Il était visiblement très amusé par la situation. Sakura resta silencieuse. Il essayait simplement de la déstabiliser. Elle ne devait pas s'y laisser prendre.

« Il te cherche, Sakura-chan », susurra Kabuto, ravi. « Il te cherche depuis plusieurs mois car il pense que tu es en compagnie de son frère. Ce qui n'est visiblement pas le cas, heureusement pour moi. » Son cœur rata un battement. Elle lui lança un regard noir. « Si ce que tu dis est vrai, alors c'est Itachi qu'il souhaite trouver. » Kabuto afficha un sourire faussement désolé. « Je suis navré de te perturber autant, Sakura-chan. Mais j'ai des espions disséminés un peu partout. Je souhaite être informé de tous ces faits et gestes. » Il marqua une courte pause, savourant son effet. « Et c'est toi qu'il cherche. Si mes déductions sont exactes, il s'est mis en tête de te récupérer après avoir tué son frère. Je crois bien que Sasuke-kun... t'a dans la peau. »

La kunoichi écarquilla les yeux. Non... Ce n'était pas possible.

C'était ce qu'elle avait souhaité de toute son âme, pendant des années. Elle avait imaginé cet instant des milliers de fois. La prise de conscience de Sasuke qui réalisait qu'il partageait ses sentiments, son retour au village, leur avenir ensemble. Bon sang. Elle se mordit la lèvre. Dans pas un seul de ces scénarios elle ne le repoussait. Parce qu'elle l'aimait.

Et aujourd'hui, elle avait dans son sac à dos les ouvrages et les plantes nécessaires pour soigner les yeux de son frère. C'était une trahison, elle en avait conscience. Envers Konoha, mais aussi envers Sasuke. Elle pourrait laisser son sac ici et, ainsi allégée, tenter de s'enfuir. Elle était pratiquement certaine de pouvoir semer Kabuto, merci Kakashi-sensei. Et tant pis pour les yeux d'Itachi, de toute façon, ce n'était pas dans leur marché.

Seulement voilà, la donne avait changé et les cartes avaient été redistribuées. Elle n'avait plus envie d'être avec lui. L'égoïsme dont il avait fait preuve durant ces six dernières années avait tout changé. Aucun retour en arrière ni aucune fin heureuse n'était possible pour eux.

Elle se leva lentement et chargea son poing de chakra. Elle ne s'enfuirait pas. Parce qu'elle avait promis à Reita de lui rapporter les livres qu'elle avait empruntés. Et elle essaya de toutes ses forces de se convaincre que c'était la seule raison qui la poussait à agir ainsi.


Il était bien plus fort qu'elle, c'était certain. Il lui avait donné une sacrée correction. L'écart était si grand... Elle avait à peine pu le toucher. Je suis faible, songea-t-elle. T'avais raison, Sasuke. Je suis une sacrée faiblarde. Elle fut secouée d'un fou-rire silencieux qui réveilla une douleur phénoménale au niveau de ses côtes. La souffrance me fait délirer. Où est l'asile le plus proche, s'il vous plaît ? Elle rit encore et gémit.

Elle pensa à Naruto et se dit qu'elle aurait bien voulu manger un dernier plat de nouilles en sa compagnie. Elle aurait pris les suprêmes au bœuf. Puis elle pensa à sa shishou et se revit trinquant avec elle pour fêter la fin de son apprentissage. « Je n'ai plus rien à t'apprendre, Sakura. » Tsunade avait ouvert pour l'occasion une bouteille de saké de grande qualité, histoire de marquer le coup. Ça s'était transformé en une cuite monumentale.

L'image se dissipa et laissa place au visage d'Ino. Sakura soupira. Elles auraient dû se réconcilier. Toute cette histoire était si stupide... Je te le laisse Ino prends-le j'en veux pas c'est qu'un con cet Uchiha de malheur, se dit la rose, et elle rit encore.

Les traits de son ancienne meilleure amie s'effacèrent et deux pupilles couleur rubis apparurent dans le noir. Ça y est, pensa Sakura. Le clou du spectacle, mesdames et messieurs. Sasuke Uchiha ! Un visage et un corps se dessinèrent lentement. Tiens, c'est Itachi, gloussa-t-elle. Il est beau, encore plus beau que son frère, bon sang les Uchiha sont de sacrés morceaux. Elle s'étrangla de rire et la douleur la déchira.

Tout à coup, elle entendit Kabuto hurler, au supplice, et revint à la réalité, à moitié consciente. Elle se demanda vaguement ce qui pouvait bien se passer et tenta d'ouvrir les yeux, en vain. Elle n'avait plus aucune force. Son chakra était pratiquement épuisé. Elle essaya de compter le nombre de fractures et d'os brisés qu'elle avait et perdit le fil.

Un bras agrippa sa taille, un autre se glissa sous ses cuisses et elle se sentit soulever avec douceur. Elle respira une odeur familière et gloussa sans pouvoir se retenir. « Attention à mon sac, Itachi-sama, il est important », marmonna-t-elle, se sentant perdre à nouveau connaissance. « Pour soigner tes beaux yeux », murmura-t-elle avant de s'évanouir.


Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle se trouvait dans une petite chambre qu'elle ne connaissait pas. Elle essaya maladroitement de soulever le haut de son corps et poussa un gémissement de douleur.

« Ne te lève surtout pas. Tu as encore besoin de repos. » Sakura sursauta et découvrit Itachi, sur le pas de la porte, un bol et une serviette à la main. Il s'approcha doucement et prit place sur une chaise à ses côtés. A la stupéfaction de la medic-nin, il trempa la petite serviette dans l'eau fraîche et l'appliqua consciencieusement sur son front, ses joues et son cou.

« Tu as eu de la fièvre », expliqua Itachi. « J'ai essayé de te soigner comme j'ai pu, mais tu avais subi beaucoup de dégâts. » Il eut un froncement de sourcil imperceptible que la rose ne remarqua pas. « J'ai fait venir plusieurs médecins qui t'ont soignée et ai pris mes dispositions pour qu'ils ne s'en souviennent pas. Par précaution. »

Sakura l'observa. Il semblait ne pas avoir dormi depuis des jours. Ou très peu. Ses traits déjà marqués étaient encore plus tirés qu'auparavant. « Où sommes-nous ? » demanda-t-elle. « Je t'ai ramenée au Pays de la Neige. J'ai jugé que c'était le choix le plus opportun. » Au vu du niveau médical du Pays de Na, il avait raison.

« Depuis combien de temps suis-je inconsciente ? » Elle pensa à ses yeux. La vraie question était « Combien de temps avons-nous perdu ? ». Itachi resta silencieux un instant. « Tu allais entamer le quatrième jour », répondit-il finalement. Elle s'assit brusquement, ignorant la douleur qui l'assaillit brutalement. Il ne lui restait que trois jours avant de restituer les ouvrages à la bibliothèque. Trois semaines pour le soigner. Peut-être même moins. Son combat contre Kabuto avait dû diminuer ses capacités visuelles. Il n'y avait pas de temps à perdre.

Itachi attrapa les poignets de la rose et la força à se recoucher. « Sakura, il n'est pas question que tu ailles où que ce soit dans cet état. » Elle lui jeta un regard noir. « Je n'ai pas le temps de rester couchée dans ce lit. Lâche-moi immédiatement ! » Elle se débattit quelques secondes avant d'abandonner. Elle était épuisée.

« Bien », conclut le nukenin, satisfait. Il se leva, prêt à quitter la pièce, lorsqu'elle lui attrapa la main. « Attends. »

Le cœur de l'Uchiha battit légèrement plus vite. Elle avait une main fine et délicate qu'il avait soudainement envie d'envelopper et de caresser. Mais qu'est-ce qu'il racontait ? Il retira ses doigts avec la sensation qu'une explosion retentissait à l'intérieur de lui.

Sakura fronça les sourcils et se dit en son for intérieur que les Uchiha n'avaient décidément pas le contact facile.

« Qu'en est-il de Kabuto ? » Le regard du shinobi se voila. « Il n'attaquera plus personne. »

La rose le regarda, légèrement troublée. Elle ne savait pas si elle devait aborder ce qu'elle avait sur le cœur. Après plusieurs secondes d'hésitation, elle prit son courage à deux mains. « Tu étais furieux », souffla-t-elle. « Je l'ai senti. Tu l'as torturé. »

Itachi resta silencieux quelques instants puis plongea ses pupilles d'obsidienne dans les deux émeraudes. « Tu t'es engagée à soigner mes yeux. Tu as pris des risques inconsidérés pour cela. » Il se dirigea vers la porte. « Pour chaque goutte de sang que tu verseras, j'en ferai couler le double. »


Le nukenin l'avait obligée à rester alitée vingt-quatre heures de plus. Elle avait eu beau lui expliquer la situation et insister lourdement sur le peu de temps dont elle disposait, rien n'y fit. « Je ne te demande pas ton avis », avait-il sifflé. « Tu ne viendras pas te plaindre auprès de moi quand tu deviendras aveugle, Itachi-kun », lui avait-elle craché avec toute la mauvaise humeur du monde. Il était sorti de la chambre, un sourire en coin. Il reconnaissait bien là l'héritage de Godaime Hokage.

Il ne restait que deux jours. Il n'y avait pas une minute à perdre. Sakura disposa sur la table tous les ouvrages qu'elle avait empruntés et passa de nombreuses heures à étudier, prendre des notes, esquisser des schémas et établir des corrélations. Elle ne remarqua même pas le soleil se coucher puis l'aube se lever. Ce n'est qu'au milieu de l'après-midi qu'elle s'accorda quelques heures de sommeil avant de se remettre au travail à la nuit tombée.


Elle est surprenante, songea Itachi en découvrant la rose endormie sur sa table d'étude. Le travail accompli était colossal. Au vu de la pile de papier disposée à côté d'elle, elle devait avoir pris des centaines de pages de notes.

Il s'empara silencieusement des livres qu'elle avait laissés traîner sur la table et entreprit de les ramener à la bibliothèque du village.

Il ne comprenait pas pourquoi elle mettait autant d'ardeur à vouloir le soigner. Elle aimait son petit frère et savait qu'un combat entre les deux Uchiha était inéluctable. Elle devait avoir réfléchi à la question. Alors pourquoi ?

Cela le taraudait depuis plusieurs semaines. Il avait envisagé toutes les raisons possibles.

Sauf la plus évidente.

Quoi qu'il en soit, il appréciait les efforts qu'elle déployait pour l'aider. C'était une femme capable de grandes choses, c'était certain. Mais dans le cas présent, il craignait qu'elle ne s'épuise pour rien.

Forcer sur les Sharingan plongeait son utilisateur dans l'obscurité. C'était ainsi. Il s'y était accoutumé et n'appréhendait pas la cécité. Il ne voyait de toute façon pratiquement plus rien.

Il n'était pas censé avoir de regrets quant à sa situation. Mais maintenant qu'il l'avait rencontrée...

Il aurait voulu pouvoir la voir.


La fabrication de remèdes était une branche extrêmement complexe de la médecine. Il fallait parfaitement discerner les effets des plantes utilisées, se montrer rigoureusement précis dans leur dosage et connaître le temps exact d'infusion de certaines d'entre elles. La moindre erreur pouvait être fatale.

Sakura avait confectionné beaucoup d'antidotes au cours de ses années de medic-nin et pouvait soigner toutes sortes de poisons. Elle s'était retrouvée dans une situation similaire un nombre incalculable de fois. Elle était rôdée, en quelque sorte.

Seulement voilà. Il s'agissait d'Itachi Uchiha. L'enjeu était bien plus grand.

Elle saisit une fiole entre ses doigts et observa le liquide nacré qu'elle contenait. Au fond, elle savait pourquoi elle se donnait tant de mal. Ce n'était pas comme si elle pouvait continuer à l'ignorer. Il fallait faire avec, voilà tout.

Elle soupira. Kami, la vie de shinobi était difficile sur bien des aspects.


La kunoichi toqua doucement avant de pénétrer dans la chambre et de refermer la porte derrière elle. Elle pouvait apercevoir le soleil se coucher au loin à travers la fenêtre, projetant une lumière orangée dans la petite pièce.

Itachi était allongé sur son lit, une jambe repliée et un bras posé devant les yeux. Il avait enlevé sa cape et observait Sakura s'approcher de lui d'un œil paresseux.

« Comment vont tes yeux ? » demanda-t-elle en s'asseyant à ses côtés. « Ils ont connu mieux », répondit l'aîné Uchiha d'une voix grave. La rose sourit. « Ils vont connaître mieux, Itachi-kun », claironna-t-elle en brandissant le petit bol qu'elle avait caché.

Le nukenin haussa un sourcil. « Qu'est-ce que ça signifie ? »

« Ça signifie », commença-t-elle en plongeant sa main dans le bol, « que tu pourras bientôt me remercier en face. Ouvre grand les yeux. »


L'opération était délicate. Elle devait faire passer le remède qu'elle avait soigneusement élaboré jusqu'à la rétine en prenant garde à ne pas égratigner la cornée.

Une goutte de sueur perla sur sa tempe. Cela faisait une demi-heure qu'elle manipulait son chakra avec une extrême concentration lorsqu'elle reposa enfin les mains sur ses genoux.

« J'ai terminé. Ferme les yeux une à deux minutes. Lorsque tu les rouvriras, tout sera certainement encore un peu flou, mais ça devrait vite passer. »

Itachi obéit. Avait-elle vraiment réussi ? Cela semblait irréaliste. Allait-il la voir ?

Son rythme cardiaque accéléra légèrement. Jusqu'à présent, il avait appris à la connaître de bien d'autres façons. Il décelait son humeur selon le ton qu'elle employait, était capable de reconnaître son parfum corporel parmi mille autres et pouvait sentir le trouble qu'elle éprouvait depuis quelques jours. Malgré tout, il ne savait pas à quoi s'attendre et appréhendait l'emprise qu'elle pourrait avoir sur lui. Il avait déjà du mal à ne pas perdre pied lorsqu'elle était près de lui. Kami, était-elle aussi belle qu'il se l'imaginait ?

« Tu peux ouvrir les yeux, Itachi-kun. »

Ses paupières se soulevèrent légèrement. Il ne distingua tout d'abord pas grand-chose à part une forte lumière orange qui le fit battre des cils. Tout était déjà plus lumineux.

Il s'assit au bord du lit et se concentra sur la jeune femme debout près de lui. Les formes se dessinèrent, les couleurs s'intensifièrent. Et enfin il put plonger ses yeux dans les siens.

C'est une divinité, songea Itachi, désorienté. Elle n'avait même pas conscience de sa propre beauté. Son visage aux traits fins semblait être fait de porcelaine. Ses iris étaient d'une couleur qu'il ne pourrait jamais décrire à qui que ce soit. Ses cheveux retombaient gracieusement jusqu'à la cambrure de ses reins, comme une cascade de fleurs. Il en eut le souffle coupé.

Le cœur de Sakura rata plusieurs battements. Ils se savaient aussi troublés l'un que l'autre. Sans qu'elle ne puisse se contrôler, elle s'approcha lentement de lui tandis qu'il la dévorait des yeux, s'assit à califourchon sur ses genoux, glissa ses doigts dans ses cheveux de jais et retira l'élastique qui les maintenait attachés. Elle caressa doucement les mèches noires qui retombaient sur ses épaules et plongea ses yeux dans les siens.

Itachi saisit ses hanches et enfouit son visage dans son cou, caressant et mordillant la peau fine de la belle. Celle-ci gémit contre lui et rejeta la tête en arrière pendant qu'il déposait de légers baisers le long de sa clavicule.

« Itachi », murmura-t-elle d'une voix plaintive. Son regard devint incandescent. Il posa une main sur sa joue, le pouce pressé contre sa lèvre inférieure, plongea ses yeux dans les siens et l'embrassa passionnément. Il attrapa sa langue entre ses dents et la mordilla amoureusement, la faisant gémir un peu plus. C'était phénoménal. Elle le rendait fou. Ils désiraient plus.

Il l'allongea sur le lit et retira délicatement tous ses vêtements, embrassant chaque parcelle de peau qu'il découvrait. Elle fit glisser ses doigts sous son pull et le débarrassa de tout ce qu'il portait.

Lorsque le soleil se leva le lendemain matin, les amants ne dormaient toujours pas.


C'était donc vrai.

Il jeta un regard dégoûté au cadavre de Kabuto. On ne lui avait pas menti. Cet imbécile s'était fait avoir, finalement. Mais sa mort lui aura tout de même permis d'obtenir une information capitale. En effet, le combat qui s'était déroulé ici était signé Uchiha, c'était certain. Et elle avait également été sur les lieux. Il le sentait.

Sasuke se remit en route. Cela n'avait pas d'importance. Après toutes ces années, il allait enfin assouvir sa vengeance. Et s'il fallait pour cela les éliminer tous les deux...

C'était un prix qu'il était prêt à payer.


Il la regardait du coin de l'œil tandis qu'elle avançait quelques mètres devant lui. Il s'attarda sur ses courbes voluptueuses avant de détourner les yeux.

La nuit qu'ils avaient passée avait été... sensationnelle. Et les suivantes aussi, songea Itachi.

Mais il s'était égaré. Jamais il n'aurait pu imaginer ce qui allait se passer. Il avait passé un marché avec une femme et en était tombé amoureux. Ça changeait toute la donne.

« Itachi ? » Elle s'était tournée vers lui. Il s'arrêta également et inclina légèrement la tête, l'incitant à continuer.

« Je... » Sakura se mordit la lèvre. « Qu'attends-tu de ta rencontre avec Sasuke ? »

On y était, finalement. C'était la question qui angoissait la kunoichi depuis le début de leur voyage. Auparavant parce qu'elle avait peur pour Sasuke, aujourd'hui parce qu'elle avait peur pour Itachi.

Itachi la regarda, incertain quant au fait de lui dire la vérité et en même temps incapable de lui mentir. « Je ne lui ferai aucun mal. »

La rose le dévisagea. C'était une indication qui pouvait dire une chose et son contraire. Mais elle le côtoyait depuis plusieurs mois maintenant et elle comprenait parfaitement ce que cela signifiait et les conséquences que cela engendrait. Elle se demanda même comment elle avait pu être aussi aveugle.

L'homme qu'elle avait appris à connaître au fil du temps ne ressemblait pas au monstre qu'on lui avait dépeint toute sa vie. Il faisait preuve envers elle d'une douceur et d'une bienveillance extraordinaires. Il l'avait défendue puis soignée. Elle savait qu'il était incapable de lui faire du mal.

« Alors c'est ça », souffla-t-elle dans un murmure quasi inaudible. « Tu veux le protéger. » Elle s'avança vers lui, le cœur au bord des lèvres. Il la contempla, silencieusement, déchiré. « Tu as parié sur ses sentiments. Depuis le début, tu n'avais aucune idée de l'endroit où il pouvait bien se trouver. » Ses yeux s'embuèrent. « Tu t'es servi de moi pour attiser sa haine », devina-t-elle, perspicace. « Tu m'as utilisée pour précipiter ta chute. Tu savais qu'il te trouverait plus facilement si j'étais en ta compagnie. » Il voulut lui prendre la main, elle recula. « Et aujourd'hui, tu attends qu'il vienne te chercher. »

La colère avait légèrement coloré ses joues. Il avait envie de lui dire qu'il était fou d'elle et qu'il n'avait rien prévu. Que s'il avait su dès le départ ce qui les attendait, il l'aurait laissée tranquille ce jour-là.

« Itachi, je me moque bien des raisons qui t'ont poussé à me proposer ce marché », déclara-t-elle. « Je me fiche du fait que tu m'aies manipulée. Tout ça, c'était avant... C'était avant les nuits qu'on a passées. » Bon sang, quelle femme extraordinaire. « Mais aujourd'hui, c'est différent. Notre relation a changé. Et toi, espèce de teme égoïste, tu comptes me laisser alors que j'ai besoin de toi. »

Il attrapa son poignet et l'attira contre lui. Il l'aimait. Il aurait voulu prendre sa main et l'emmener loin d'ici, n'importe où, tant qu'ils pouvaient rester ensemble. Son cœur lui hurlait de ne pas la lâcher.

Finalement, tout ce qu'il avait accompli n'avait été qu'une suite d'erreurs, et il était trop tard pour faire machine arrière. Parce qu'il les avait retrouvés.


Elle le sentait arriver, elle aussi. Ce n'était plus qu'une question de secondes.

« Sakura », murmura le nukenin. « Retourne à Konoha. »

Elle fronça les sourcils. « Il n'en est pas question. »

Itachi claqua la langue, légèrement agacé. « Tu me dois une faveur, tu te souviens ? C'était dans notre marché. »

La rose croisa les bras. « Tu m'avais affirmé savoir où était Sasuke. Ce n'était pas vrai. Le marché ne tient plus. »

Il la fusilla du regard. Comment pouvait-elle se montrer aussi têtue dans un moment pareil ?

« Sakura », répéta-t-il, légèrement menaçant. « S'il nous trouve ensemble, peux-tu imaginer quelle sera sa réaction ? » Elle se mordit la lèvre. « Je le sais. Mais je ne partirai pas. »

Il y eut un léger bruissement sur leur droite et Itachi réagit avec une extrême rapidité. Il plongea ses yeux dans les émeraudes de sa belle, lui murmura qu'il l'aimait et la précipita dans un profond genjutsu.

Parce que c'était le seul moyen de la sauver.


Sasuke atterrit avec légèreté à quelques mètres de son aîné et plissa les yeux en observant son ancienne coéquipière. Celle-ci avait le regard dans le vide et ne semblait même pas avoir remarqué sa présence.

Un genjutsu, devina-t-il en reportant son attention sur Itachi, debout à côté de Sakura. C'était étrange. Il plissa les yeux. Quelque chose dans ce tableau le dérangeait sans qu'il ne parvienne à mettre le doigt dessus.

« Tu as fini par me retrouver, petit frère », amorça l'aîné Uchiha d'une voix neutre. « On peut dire que tu as pris ton temps. »

« Douze ans », répondit Sasuke. « J'ai attendu douze longues années avant de pouvoir enfin assouvir ma vengeance. Douze ans avant de pouvoir te surpasser. Et aujourd'hui, Itachi, tu vas mourir. » Ce dernier esquissa un sourire. « Ne crie pas victoire trop vite, Sasuke. Il n'est jamais bon pour un shinobi de sous-estimer son adversaire. »

« Je ne te sous-estime pas », rétorqua le cadet Uchiha. « Mais perdre n'est pas une option aujourd'hui. »

Le soleil brillait de manière presque insolente dans un ciel sans aucun nuage. Au milieu de l'hiver, et qui plus est au Pays de la Neige, c'était un temps relativement rare. Etait-ce annonciateur de bons présages ? Il était difficile de l'affirmer. Après tout, les présages sont toujours subjectifs puisqu'ils sont capables de provoquer simultanément le bonheur des uns et le malheur des autres.

« Pourquoi l'avoir emmenée ? » interrogea Sasuke. « Elle a soigné mes yeux. C'est une medic-nin hors pair », répondit Itachi. « Il n'a pas été facile de la soumettre. Elle a plusieurs fois tenté de se soustraire à mon emprise. Mais comme tu peux toi-même le constater... » Il marqua une petite pause puis susurra : « Elle a fini par s'y résoudre. »

Le cadet fixa son aîné. Non, quelque chose ne collait pas. Il n'aurait su dire ce qui le dérangeait. Peut-être était-ce sa voix, son regard ou les mouvements imperceptibles de son corps. Il avait l'impression d'assister à une représentation qu'on aurait préparée rien que pour lui. Ce n'était pas naturel.

Itachi, dans son désir de sauver Sakura, avait oublié le plus important : Sasuke était son frère. Ils avaient grandi ensemble et se connaissaient parfaitement, même après des années de séparation, même après le gouffre de haine qui s'était creusé entre eux. Parce qu'ils se ressemblaient. Parce qu'ils étaient les deux faces d'une médaille. Deux faces identiques qui ne pourraient jamais regarder dans la même direction.


Sakura, plongée dans un genjutsu, se trouvait près des deux frères Uchiha, au même endroit qu'auparavant. Elle était capable de les voir et de les entendre, mais elle n'arrivait ni à bouger ni à parler.

Non ! eut-elle envie de hurler en entendant le mensonge d'Itachi. C'est faux ! Il n'est pas celui que tu crois, Sasuke-kun ! Elle voulait de tout son cœur lui balancer la vérité à la figure, lui dire combien son frère était un homme bien, combien elle l'aimait. C'était une frustration déchirante de ne pas pouvoir le faire. Itachi ne faisait qu'attiser plus encore la haine que Sasuke éprouvait déjà pour lui et elle était terrorisée à l'idée de ce qui allait bien pouvoir se passer.


Sasuke observa attentivement les deux ninjas qui lui faisaient face. Il y avait quelque chose... Etait-ce le regard de son frère ? Sa voix ? Le cadet Uchiha n'arrivait pas à saisir le détail qui lui manquait. Il observa leur posture... et mit le doigt dessus.

« Voilà qui est comique », lança Sasuke, un sourire imperceptible au coin des lèvres. « Itachi Uchiha, le nukenin le plus recherché de Konoha, le ninja qui a massacré son clan entier sans la moindre hésitation, est tombé amoureux. »

« Tu te fourvoies, petit frère », répondit l'aîné Uchiha. Mais il fut déstabilisé. Pendant une demi-seconde seulement. Presque rien. Mais une demi-seconde est une ouverture plus que suffisante pour un ninja expérimenté, et Sasuke se retrouva à quelques centimètres de Sakura, chidori en main. Itachi réagit immédiatement et le repoussa avec force d'un coup de pied qui envoya son frère à quelques mètres. Mais son geste l'avait trahi, et il le savait.

« Tu as décimé notre clan », commença le cadet Uchiha. « Tu as volé mon enfance, sacrifié mon bonheur et pris ma liberté. Chaque jour je me suis enfoncé davantage dans les ténèbres pour pouvoir te retrouver. Aujourd'hui, Itachi, c'est à moi de te prendre tout ce que tu as. »


Prisonnière du genjutsu d'Itachi, Sakura observa Sasuke fondre sur elle sans pouvoir bouger. Itachi para à nouveau le coup.

Pendant un moment qui lui sembla durer une éternité, la kunoichi dut regarder les deux hommes se battre dans un duel qui allait inévitablement se terminer par la mort de l'un des deux. Et si elle avait vu juste, elle savait parfaitement lequel.


Depuis un quart d'heure, Itachi devait non seulement se battre contre son petit frère, mais aussi protéger Sakura, que Sasuke essayait régulièrement de blesser.

« Je ne comprends pas », dit l'aîné Uchiha. « Sakura a été ta coéquipière. Elle t'a aimé. Je pense même que tu l'as aimée aussi. Peut-être même que tu l'aimes encore. Es-tu vraiment prêt à la sacrifier aujourd'hui dans le seul but de me faire du mal ? »

« Je suis prêt à tout pour te voir souffrir », répondit Sasuke. « Je vis dans ce seul et unique but. Te tuer serait finalement bien trop facile. Je veux que tu souffres comme j'ai souffert, que tu perdes autant que j'ai perdu. Tout cela est plus important que tout le reste. Mes sentiments pour Sakura n'entrent pas en jeu. Elle ne sera qu'un sacrifice de plus. »

« Tu t'es enfoncé trop loin dans les ténèbres, petit frère », rétorqua Itachi. « Si tu fais ça, tu ne retrouvera jamais la lumière. »

« Qu'importe la lumière, Itachi. L'obscurité me convient parfaitement tant que tu y es plongé aussi. »


Voilà ce qu'il en était, finalement. C'était la conclusion à laquelle il s'était préparé depuis des années. Il se l'était imaginée douce et paisible, la fin d'une vie remplie de sacrifices et de souffrance. Mais maintenant qu'il avait enfin trouvé le bonheur, cette fin avait un goût amer et triste.

Peu de choix s'offraient à Itachi. Le premier consistait à révéler la vérité à son petit frère, la mission qui se cachait derrière le meurtre de son clan et sa volonté de le protéger à tout prix. Mais cela entraînerait certainement des catastrophes plus grandes encore. Sasuke pourrait vouloir s'en prendre à Konoha. Le village ne le lui pardonnerait pas cette fois et il serait alors définitivement condamné. Ce n'était pas envisageable.

Le deuxième consistait à sacrifier Sakura. Sa Sakura. Il en était bien évidemment hors de question. Grâce à elle il avait réappris à aimer. Le nukenin s'était senti plus vivant avec elle en quelques mois que durant ces douze dernières années. Il avait à nouveau goûté au bonheur. Il avait souri, il avait même ri parfois. Il en était fou.

Il ne restait donc qu'une seule solution. Alors, quand Sasuke fondit pour la énième fois sur sa belle, Itachi s'interposa sans chercher à bloquer son katana.


Lorsque Sasuke transperça le ventre de son frère, Sakura pourra un hurlement que personne n'entendit jamais. Elle vit l'homme qu'elle aimait cracher du sang et tomber à genoux. A mesure qu'il s'affaiblissait, le genjutsu perdait lui aussi son emprise sur Sakura. En quelques secondes, elle put le repousser entièrement et fut à nouveau libre de ses mouvements. Elle se précipita alors sur Itachi et, tremblant de tout son corps, avec des gestes qu'elle arrivait à peine à maîtriser, posa ses mains sur la blessure mortelle dans le but de soigner ce qui, elle le savait, ne pouvait être soigné.

Itachi la contempla. Il la trouvait belle, tellement belle, même en larmes, même en état de choc. Il aurait dû se sentir coupable de la voir dans cet état, il le savait. Mais égoïstement, il était heureux de voir quelqu'un pleurer pour lui. Il avait fait le bon choix, c'était une certitude. Il l'avait sauvée. Sasuke n'avait plus aucune raison de s'en prendre à elle. Et il avait sauvé son petit frère. Celui-ci ne plongerait pas plus loin dans les ténèbres. Alors il posa doucement ses mains sur celles de sa belle et lui sourit. Parce qu'il avait accompli son dernier sacrifice. Parce qu'il avait eu la chance d'aimer une dernière fois. Et parce qu'il partait dans l'autre monde en étant aimé lui aussi. Et il mourut.


Le soleil commençait à baigner Konoha de sa douce lumière matinale. On sortait enfin de l'hiver et quelques rares villageois flânaient déjà dans les rues, profitant d'une tranquillité qui n'allait pas durer. Bientôt les marchands installeraient leurs étals et les habitants se regrouperaient devant ceux-ci, à la recherche de boulettes de poulpe, d'un bon saké artisanal ou de quelque vase en céramique qui servirait de décoration dans de petits salons.

Sakura sortit du village en toute discrétion et s'enfonça dans la forêt. Deux bonnes heures de course plus tard, elle arriva enfin devant une sépulture discrète faite à la main trois ans plus tôt. De ses mains à elle, plus précisément.

Le sacrifice d'Itachi était un pari risqué, mais il avait vu juste. Dès qu'il mourut, Sasuke s'était senti libéré d'un poids qu'il n'avait pas imaginé si lourd. Il avait laissé Sakura pleurer tout son soûl devant le corps du nukenin. Il avait même posé la main sur son épaule dans un geste d'excuse inattendu. Parce qu'au fond, il n'était pas mauvais. Simplement hanté. Puis il s'était volatilisé, sachant pertinemment qu'il ne pourrait pas retourner à Konoha.

La kunoichi avait alors enterré l'homme qu'elle aimait. Mais elle ne voulait pas que la clairière sur laquelle il avait combattu soit sa dernière demeure. Elle avait donc transporté son corps longtemps, jusqu'aux abords du village de Konoha. Là où il méritait de reposer. La jeune femme avait trouvé un petit endroit reculé, entouré de buissons et d'herbes sauvages, et elle avait créé cette petite sépulture en pierre sur laquelle elle avait gravé "I.U. Héros et amour d'une vie". C'était un bien piètre hommage à l'homme qu'il était, mais cela lui aurait sans doute convenu. Il n'était pas de ceux qui aiment les grandes manifestations.

Lorsqu'elle était rentrée à Konoha, elle avait dû répondre à toute une série de questions de la part de sa shishou et de Naruto, qui étaient morts d'inquiétude. Elle avait alors appris que Tsunade avait envoyé des équipes à sa recherche pendant des mois, sans aucun résultat. C'est à ce moment-là qu'elle s'était rendue compte qu'Itachi avait fait un travail remarquable pour semer les pistes qui menaient jusqu'à elle. L'œuvre du genjutsu, certainement.

Elle était restée vague quant à ses explications, prétendant s'être fait enlever par un gang qui baignait dans le trafic de femmes. Ce n'était absolument pas convainquant, elle le savait, sa shishou le savait et même Naruto le savait. Mais ils l'aimaient, comme une fille et comme une sœur, alors ils respectèrent son choix et gardèrent le silence.

Aujourd'hui, la rose allait un peu mieux. Elle riait un peu plus, mangeait un peu plus, vivait un peu plus. Elle ne voulait pas se laisser dépérir comme après le départ de Sasuke. Itachi ne l'aurait jamais souhaité. Alors la vie avait repris son cours normal, à la différence près qu'elle se glissait chaque matin en dehors du village pour passer un moment en toute intimité avec l'homme qu'elle aimait.

« Tu aurais dû voir ça », commença-t-elle en s'adressant à la pierre tombale. « Un patient irrécupérable. Il était à moitié fichu et hurlait pour que Tsunade vienne le soigner. Je lui ai dit que je m'occuperais de lui, que j'étais la disciple du Hokage, et cet imbécile me répond qu'il n'a pas envie de se faire soigner par une fillette tout juste sortie d'école ! Tu imagines ? Moi, une fillette ! Je lui ai administré une dose de calmants capables de sédater un cheval et, bien évidemment, je l'ai tiré d'affaire. Je suis partie sans demander mon reste et qu'est-ce que j'aperçois ce matin, devant ma porte ? Une plante en pot avec un petit mot sur lequel était écrit "Avec toutes mes excuses, merci de m'avoir sauvé la vie". On avait dû le déposer pour lui. Finalement, il n'était pas complètement idiot. »

Elle continua de lui parler de ses patients, de sa vie à l'hôpital, de Naruto et de Ino, avec laquelle elle s'était réconciliée. Puis elle se tut quelques minutes, savourant simplement ces instants quotidiens qu'elle aimait tant.

« Cela fait trois ans aujourd'hui », reprit-elle au bout d'un moment. Sa voix tremblait légèrement, comme à chaque fois qu'elle s'adressait à lui. « Tu ne peux pas imaginer à quel point tu me manques, Itachi. »

Une petite brise vint soulever ses cheveux roses. Elle savait ce que cela signifiait.

« Je te manque aussi, à ce que je vois », sourit-elle. Et le vent souffla un peu plus fort, comme pour acquiescer. Parce qu'il lui répondait. Il lui répondait toujours.


Voilà qui marque la fin de ce one-shot ! Oui, vous avez envie de me frapper et je vous comprends. Je suis triste aussi. Mais c'était la seule fin possible pour cette histoire. J'espère que vous avez tout de même apprécié !