Bonjour ! Me revoici, pour la rentrée 2024-2025 ! Oui, il vous reste quelques jours, je prend de l'avance !

Merci aux anciens qui s'accrochent malgré les délais... Et bienvenue aux nouveaux que nous accueillons, je l'espère !

Que dire... Le prochain chapitre est en préparation, ou plutôt, les deux chapitres possibles. Parce que soit nous continuons sur Mai 1977 pour terminer cette première année de retour dans le temps... Soit nous découvrons enfin le Siège de Poudlard de 1997, où après avoir échoué à faire fuir les Mangemorts à la tête de l'école, Regulus, l'Ordre et les parents d'élèvent assiègent Poudlard dans le but de sauver les enfants tenus en otage à l'intérieur.

Enfin, pas de précipitation, savourez déjà ce chapitre de brisures et de dilemmes moraux !

J'espère que tu es là pour voir ce chapitre, Katymyny ^^


Ce chapitre est pour toi, L. Notre deuxième année de licence a été si douloureuse. Je t'aimais profondément. Est-ce que tu n'as pas supporté que je vois à travers tous ces masques qui dupaient si bien les autres ? Est-ce que tu as été éloigné de moi par une personne qui te voulait pour elle seule ? Ou suis-je en cause, trop exclusif'e en amitié ?

Il y a des questions qui nous tarauderons toujours, et des réponses qui arrivent dans les moments les plus surprenants. Est-ce que je t'ai laissé partir ? Pas encore. Mais après l'expérience d'autres amitiés, je suis soulagé'e que nos chemins se soient séparés. On se ressemblait tellement que c'en était grisant, et pourtant on parvenait à se faire beaucoup, beaucoup de mal. Ca ne m'empêche pas d'avoir aimé ces instants en ta compagnie. Je ne les regretterai jamais.


Dernier trimestre 1977e

Les vacances de Pâques approchaient, ce qui signifiait que les étudiants disposeraient d'une semaine de repos ou, pour les cinquième et septième année, de révision avant la dernière ligne droite. Lily tourna une page de son manuel de Défense Contre les Forces du Mal et poussa un grognement en voyant le titre d'un nouveau chapitre apparaître: Les Inferis. Trois pages. Trois pages sur les Détraqueurs, et rien de plus. Leur professeur avait décrété que la période des duels continuerait jusqu'en fin d'année, mais qu'ils consacreraient désormais la première heure à de la théorie, ce qui, selon Lily, s'avérait être une excellente idée car ils n'avaient encore jamais utilisé le livre demandé dans la liste de fourniture ni même semblé suivre le programme.

— Je lui demanderais au prochain cours, décréta-t-elle en refermant un peu trop brutalement Affronter l'ennemi sans visage.

— Lily... Je bosse! s'exclama Dorcas avec agacement.

L'étudiante métisse ne supportait pas le moindre bruit lorsqu'elle étudiait, et sa camarade jugea plus prudent de ranger ses affaires sans s'excuser puis de filer. Severus lui manquait dans ce genre de moments, mais son meilleur ami s'éloignait d'elle ces derniers mois, et lorsqu'ils parvenaient enfin à se retrouver, il n'avait à la bouche que les méfaits de Potter, ses suspicions sur Lupin, ou un silence sec sur le contenu de ses journées. Elle renvoya sa rancœur et sa tristesse au loin pour retourner dans la salle commune des Gryffondors poser ses affaires et enfiler une écharpe.

Severus l'attendait dans le Hall d'entrée, et ses yeux s'illuminèrent lorsqu'il l'aperçut. Lily détailla son visage cerné avec fatalisme puis le prit dans ses bras en guise de salutation. Sa raideur familière contrastait avec le son de sa voix lorsqu'il s'enquit de son bien être.

— Je suis épuisée! reconnut la rouquine. Je viens de finir les recherches complémentaires sur Golpalott, et de lire les chapitre imposés pour le cour de Défense... Où en êtes vous, d'ailleurs?

Poufsouffle et Serpentard les succédaient, dans ce cour, et Moulin abordait parfois des sujets différents avec ses deux groupes. Dorcas protestait contre sa méthode d'enseignement, et Lily se sentait heureuse de ne pas partager son dortoir avec James Potter, étant donné le nombre de fois où l'homme et l'adolescent s'étaient heurtés. Le professeur ne restait à Poudlard que pour huit mois et demis, et il paraissait évident qu'ils s'agissait de sa première année à un tel poste. Il proposait aux élèves une nouvelle vision du monde, différente, plus sombre peut-être mais qui pouvait les faire mûrir, et les sujets abordés, bien que terrifiants se révélaient généralement passionnants et bouleversants, poussant parfois jusqu'au malaise.

— Analyse des comportements mortuaires au prochain cours, ironisa son meilleur ami, et elle rit.

Ils devaient également lire le chapitre pour les Inferis, mais l'absence d'informations importantes sur les Détraqueurs l'ennuyait. Elle en avait plus appris en questionnant Severus dans leur enfance qu'en lisant les cinquante lignes entre coupés de croquis et de photos des différentes prisons les employant.

— Tu crois que Moulin a déjà eu affaire à des Détraqueurs? s'enquit-elle en se mordillant la lèvre.

Le sujet l'obsédait toujours, quoi qu'elle ait pu faire pour refréner sa curiosité malsaine.

— Je suis sûr que ceux qui l'affrontaient dans une guerre se sont passés d'armes aussi pratiques, répliqua Severus.

Lily s'immobilisa à quelques pas des dernières pierres avant de pénétrer dans le parc boueux. Le sarcasme devenait l'attribut principal de son ami, ces derniers temps, et si elle avait toujours aimé son ton pincé, et que ce style d'humour l'amusait, elle discernait l'ombre qui grandissait en lui et l'enfant innocent qu'elle avait rencontré lui manquait plus qu'elle ne l'acceptait.

— D'armes, Sev?

— Les Détraqueurs sont issus de la noirceur, et s'ils veulent bien garder une prison parce qu'elle leur offre des avantages, ce n'est certainement pas le cas dans d'autres pays.

Le cynisme avait disparu de sa voix devenue plus grave, et elle relégua son sentiment de révolte au second plan. Elle accueillit la brise fraîche qui se leva avec soulagement.

— L'atmosphère est sombre, murmura-t-elle, et cela atteint Poudlard.

Mary Mcdonald's se trouvait à l'infirmerie depuis deux semaines, Avery et Mulciber lui ayant lancé un maléfice qui avait réduit ses yeux à deux orbites sanguinolentes, mais Lily se refusait à évoquer de nouveau le sujet avec son meilleur ami.

— Poudlard est un endroit sûr, Lily, lui enjoignit Severus doucement.

Il la sentait troublée, et elle s'en voulut de gâcher les rares instants privés qu'il leur restait par sa mélancolie.

— Là n'est pas la question, Sev', rétorqua-t-elle néanmoins. L'homme qui attaque ces moldus, qui laisse sa marque... Il a ses admirateurs, et certains se trouvent à Poudlard. Les duels de couloirs et les rivalités s'en trouvent renforcées... empirées...

Si Mary n'avait pas été issue de parents moldus, s'en seraient-ils pris à elle, avec ces mêmes phrases cruelles sur son aveuglement?

— Poudlard est une école, protesta Severus, et les élèves expérimentent.

Les tensions déjà présentes dans le sang de la jeune fille affluèrent toutes en même temps, et elle se retourna, fusillant son ami de ses prunelles émeraudes.

— Expérimentent? Expérimentent, Sev'? Mary a peut-être perdu ses globes occulaires, tu appelles ça une expérience? Les plaies sur les bras de James Potter, tu appelles ça une expérience? C'est de la magie noire, comment peux-tu ainsi te voiler la face?

Elle eut la satisfaction de le voir reculer et lever les mains pour l'apaiser.

— Lily...

— Tu crois vraiment que tu vas pouvoir me justifier ça, Severus? s'écria-t-elle.

—Je ne suis pas celui qui ait attaqué Potter! Et il l'avait cherché. Lui, et Black... tu crois que leurs expériences sont bénignes et n'ont jamais blessé personne?

Elle le dévisagea avec effarement, sachant qu'il avait littéralement risqué sa peau en suivant une injonction de Sirius Black.

—Tu as poussé la curiosité trop loin, répliqua-t-elle trop calmement. Bien sûr que Black et Potter ne sont pas des anges, qu'ils ont leur part de cruauté. Mais ils n'ont jamais utilisé la magie noire, Severus, ni même tenté de la défendre.

— Et Moulin, alors? Il utilise cette magie.

La remarque donna la sensation d'une gifle, et Lily en resta miraculeusement muette durant quelques secondes. Elle ne pouvait nier cette impression sombre que donnait l'enseignant, ses yeux verts hantés par la guerre, mais jamais il n'avait insinué qu'il cautionnait les arts sombres.

— Il suinte les résidus de magie noire, et si tu crois que dans une guerre, elle n'est jamais utilisée, tu te voiles la face, lui reprocha son ami.

Elle se retourna vers lui si vite que ses longs cheveux flamboyants fouettèrent son visage pâle. La rage menaçait de sortir, et elle luttait pour maîtriser les tremblements de ses mains.

— Lily, tout n'est pas aussi simple... V-Le S- Le responsable des attaques... Certains de ses arguments s'appuient sur du réel et ses solutions ne sont pas si radicales.

La voix de Severus se faisait beaucoup plus calme et rationnelle. Lily explosa.

— J'en ai assez! cria-t-elle. Pourquoi est-ce que tu n'as plus que ces sujets de conversations dans ton esprit? La magie noire, tes si précieux amis qui se régalent sans doute de ces attaques sur des moldus ou des employés du ministère, bon sang, qui n'avaient rien demandé à personne, et tes arguments stupides! La violence n'est jamais la solution, et tout ce qui sortira de Voldemort est la haine! Je ne veux plus en parler, Severus, je veux simplement qu'on s'assoit dans le parc et qu'on discute de livres, de tes soucis et des miens, des anecdotes quotidiennes!

Sa voix rendue puissante et lyrique par la force de sa fureur devait porter jusqu'à la Tour d'Astronomie, mais elle s'en fichait royalement. Son meilleur ami déglutit et parut chercher ses mots.

— Je ne trouve rien d'aussi passionnant que mon escapade qui m'a jeté droit dans la gueule d'un danger, répliqua-t-il.

Elle sentait le cynisme qui aurait du être de la plaisanterie, et ce ton de voix l'outragea. Elle sentit ses yeux la brûler et se détourna.

— J'attendrais que tu trouves, dans ce cas.

N'y tenant plus, elle s'éloigna vers le Hall.

— Lily! hurla Severus.

La jeune fille se mordit la lèvre mais les larmes coulaient déjà sur ses joues et elle se refusait à perdre sa dignité de la sorte. Elle ne rechignait jamais à pleurer devant Severus, mais pas à son sujet. Et la douleur brûlante dans sa poitrine refusait de disparaître, au contraire elle croissait tant qu'il lui serait bientôt impossible de l'ignorer. Elle voulait retrouver son meilleur ami, mais craignait qu'il ne se soit perdu trop loin.


Le cours sur les Inferis était insupportable. Ennuyeux d'un certain point de vue, parce que la théorie n'était certainement pas le point fort de Lydell Moulin. Si ses discours embarquaient les élèves dans les messages qu'il leur passait, s'il pouvait à merveille leur enseigner la pratique, les cours magistraux paraissaient bel et bien être la faiblesse de cet homme si distant et hanté. Insupportable parce que malgré un ton hésitant trop docte et pas assez énergique, il résumait plutôt bien ce qu'était un Inferius: un cadavre maintenu sous cette forme pour empêcher le pourrissage de son corps et être utilisé comme marionnette. Lily se sentait vaguement nauséeuse; elle comprenait désormais l'utilisation des marionnettes et des zombies dans les œuvres d'horreur moldues. Le professeur avait commencé par leur demander ce qu'ils savaient sur le sujet, comme à son habitude, et ils avaient pu répondre selon Affronter l'ennemi sans visage, pour ceux qui avaient obéi et lu le chapitre. Ils se trouvaient assis à des bureaux en bois, fait devenu assez incongru pour leur promotion dans ce cours, et prenaient mollement des notes en regardant leur montre, attendant avec impatience la partie pratique et les duels.

— Professeur? le questionna une Serdaigle (Mulciber), la cousine de l'ami de Severus d'après ce qu'elle en savait. S'ils sont morts, comment peut-on les détruire autrement que par le feu?

— On ne peut pas. Les réduire en cendres est la seule manière de se débarrasser des Inferis.

Ils avaient déjà passé en revu les sortilèges incendiaires -du plus ou moins efficace Incendio au Feudeymon, contre lequel Moulin les avait mis en garde.

«Le sortilège Feudeymon existe, mais il est incontrôlable. Si vous parvenez à le dompter, il peut se retourner contre vous, décider de brûler tout être vivant près de votre cible, et de prendre votre puissance et votre énergie vitale. Le tenir est pratiquement impossible, et je vous déconseille, au péril de votre vie et de celle de vos proches, d'avoir l'orgueil de penser que vous, parce que vous êtes doués dans tel domaine, pourrez y arriver».

La formulation avait vexé les adolescents qu'ils demeuraient malgré tout, mais Lily en voyait le sens en même temps que la tentation. Elle ne tenterait jamais cette limite, et n'avait pas la prétention pour imaginer être une des rares à pouvoir dompter une telle horreur... contrairement à James Potter, dont la fascination se lisait sur le visage, où à Milicent Bagnold dont les prunelles brûlaient de curiosité et de défi.

— N'est-ce pas difficile de brûler des êtres humains, même s'ils sont morts? s'enquit Milicent.

Lily perçut un tressaillement à la mâchoire de l'homme, et vit distinctement son regard émeraude s'assombrir. Il se redressa et se recula vers son bureau, et désormais habitués, les élèves se redressèrent, ceux qui commençaient à somnoler relevèrent la tête. Le discours de Moulin serait sombre, violent, mais il prêterait à débat et à réflexion.

— C'est encore plus dur lorsque les cadavres utilisés pour servir de pions contre vous sont ceux de vos amis, amassés par le camp d'en face, voire de vos parents.

Des hoquets se firent entendre, et la jeune fille rousse réprima un haut le cœur.

— On ne peut pas! se récria Peter Pettigrow.

Le regard se durcit et se perdit dans le vague, hypnotisant au passage la classe entière.

— Vous n'avez pas le choix. Ils sont utilisés en tant que soldats. Ils marcheront vers vous, menés à la baguette, et poseront leurs mains glacées sur votre coup pour vous étrangler. Vous ferez face à leurs orbites vides et leur odeur putride, car on annihile pas l'odeur.

—Excusez-moi.

Un murmure les sortit de leur transe, et le préfet de Serdaigle s'éclipsa hors de la classe, livide. Lydell Moulin ne faiblit pas.

— Brûler les Inferis faits avec vos proches est comme les tuer de votre propre main. Vous en vomirez, vous en ferez des cauchemars.

La classe entière aurait souhaité qu'il cesse de s'exprimer comme si un jour ils feraient tous face à cette ignominie. Lily se trouvait là parce qu'elle désirait pouvoir se défendre mais elle n'aspirait pas à être Auror, suffisamment lucide pour se rendre compte qu'elle ne pourrait supporter leur quotidien et ce à quoi ils étaient confrontés.

— Mais ce que vous devez garder à l'esprit, c'est que vous ne les trahissez pas. Les détruire est un sacrifice, mais un service que vous leur rendez. Si vos proches se trouvaient dans votre camp... Voire dans l'autre, s'ils n'étaient pas des fanatiques prêts à n'importe quoi pour leur leader, alors jamais ils n'auraient voulu que leur corps serve ainsi. Les détruire est de la loyauté envers eux.

Il tentait de les rassurer. De les déculpabiliser si jamais ils devaient se trouver dans cette situation, et Lily savait que, le cas échéant, ces paroles leur serviraient. En attendant, ils se trouvaient assis à des bureaux de bois, le cœur au bord des lèvres, pour certain les larmes aux yeux.

Puis tout se passa très rapidement.

Sans prévenir, le visage impassible de Moulin se tordit de douleur, il porta une main à son front, et laissa échapper un gémissement.

— Lead!

La voix monocorde un peu criarde les fit tous sursauter alors que le neveu de l'homme bondissait à ses côtés.

Lyd. Diminutif de Lydell.

Les yeux bleus de Nere reflétaient une angoisse que jamais Lily n'avait encore connue. Deux flaques perdues et surprise, une respiration trop forte, trop marquée, et la peur.

D'un geste instinctif, tous les élèves sortirent leur baguette.

ooOoo

Un pur bonheur envahit brutalement Lydell. Sa cicatrice chauffée à blanc enflamma son esprit, une sensation qu'il n'avait pas ressentie depuis des mois. Un réflexe ferma aussitôt tout accès à son cerveau et une vague de sadisme jouissif le secoua avant qu'il annihile toute émotion. Sa vision revint quelques secondes plus tard tandis que les battements de son cœur résonnaient douloureusement à ses tempes. Il priait pour que Voldemort n'ait pas senti une différence, une intrusion dans son esprit, une connexion qui ressemblait à celle avec d'autres Horcruxes. Il était encore trop tôt pour que Voldemort connaisse son existence, trop tôt pour révéler qu'il pouvait le battre. Nul n'était prêt, pas même Lydell Moulin.

La présence d'Asellus à ses côtés ainsi que son appellation si familière le ramena où il se trouvait, et il posa son regard sur chacun des élèves. Anxieux, prêts à contrer le moindre danger, leurs baguettes brandies. Les lèvres de l'homme s'étirèrent en un sourire amer. Il croisa le regard bleu d'Asellus et la compréhension mutuelle entre eux passa en quelques secondes. Le garçon savait bien évidemment ce qui venait de se produire, il avait ressenti les émotions avec la même puissance. Lydell reprit contenance, son esprit tourbillonnant à toutes vitesse. Ils avaient entreprit ce voyage pour vaincre Voldemort avant qu'il ne puisse exterminer toute joie de vivre, mais ces adolescents avaient des examens en fin d'année. Sa cicatrice le brûlait toujours. Il se passait quelque chose d'important au dehors, mais il ne pouvait se rendre auprès de Dumbledore pour le lui indiquer, ni même sur place directement sans se faire remarquer. L'impuissance le submergea, engendrant une frustration qu'il ne pouvait refouler.

— Veuillez m'excuser, déclara-t-il à ses élèves. Une violente migraine s'est manifestée. Bien. Il n'existe contre les Inferis rien d'autre qu' Incendio ou le Feudeymon, et je réitère mes paroles: ne tentez jamais de l'utiliser, et préférez de multiples Incendio. Si les Inferis sont trop nombreux, le mieux est de fuir par la voix des airs ou d'atteindre le point le plus haut le plus proche avec un Ascensio. Ce sont des cadavres et ils ne peuvent utiliser la magie.

— Et détruire le sorcier qui les contrôle, monsieur? lança Dorcas. Ou même le déconcentrer?

Lydell revit l'armée d'Inferi, les cadavres de Fred et Georges se dirigeant vers Susan... Il inspira profondément.

— Les mages les plus puissants n'ont pas besoin de se trouver sur place. Les Inferis obéissent à des injonctions puissantes déjà données, à une variante de l'imperium. Quant à détruire le sorcier qui les contrôle... Imaginez que Gellert Grindelwald ait eu une armée d'Inferis. Ils sont spécialement créés pour bloquer les ennemis et les distraire, les retarder quand ils s'approchent de leur maître, de son quartier général, de ses points faibles.

Sa voix, aussi oratoire qu'à l'accoutumée, empirait la sensation atroce de sa cicatrice. Il termina la première partie du cours sans broncher.

— Mettez-vous par deux, ordonna-t-il, et continuez de vous entraîner aux informulés.

Sirius, assis aux côtés d'Asellus, se tourna vers lui mais le garçon était parti ailleurs, collectant les informations, analysant mentalement, et le Gryffondor hésita. Lydell nota le regard de son père posé sur son meilleur ami et son hésitation avant que Milicent Bagnold lui propose de se mettre en binôme avec lui. Asellus demeura immobile, et Sirius amorça un mouvement pour le sortir de son monde avant de se rétracter. Le professeur appréciait qu'il ait été mis dans la confidence, au même titre que Kamal, preuve indéniable qu'Asellus Nere commençait à se construire.

— Sirius, mettez vous avec Elisa, déclara-t-il avant que la classe ne remarque quoi que ce soit.

Le jeune homme lui lança un regard enragé; il détestait aussi bien sa camarade que son nom, et une équipe entre eux pouvait se révéler explosive. Néanmoins il obéit.

Le cours se termina, et Asellus s'approcha aussitôt de Lydell. Kamal et Sirius lui lancèrent un regard inquiet qu'il ne remarqua pas. L'homme verrouilla la porte et lança un Assurdiato.

— Il s'est produit quelque chose. Une attaque ou une capture de prisonniers. J'espère que la Gazette laissera filtrer une information demain mais je crains que nous devions attendre.

Asellus fixait le tableau derrière Lydell, ses yeux bleus voilés, ses mains se triturant mutuellement.

— Je ne sais pas ce qu'il s'est passé le 11 Avril 1977.

Son ami secoua la tête.

— Tu n'y es pour rien, Asellus.

— Je n'ai pas eu accès à assez de journaux. Je ne peux pas anticiper ce qui va se produire.

— Nous ne pouvons pas appréhender toutes les pertes.

— Non.

Le jeune homme devina qu'il se sentait frustré sans savoir comment l'exprimer. Asellus n'expérimentait que rarement cette émotion, pourtant si familière à temps de gens qu'il côtoyait.

— Pourquoi es-tu inquiet? s'enquit le garçon à sa manière brusque.

Lydell soupira et passa une main sur son visage, y sentant les cicatrices infligées par la torture et la magie.

— Je n'ai pas su prévoir que ma cicatrice réagirait aussi rapidement. Je crains que Voldemort ne mette pas longtemps avant de découvrir un intrus dans son esprit.

— Il ne pourra pas te localiser puisqu'il ne connaît pas ton existence, et tu maîtrise l'occlumencie, dit Asellus de sa voix monocorde.

Lydell le remercia d'un hochement de tête. Plus que jamais il sentait la nécessité d'avoir auprès de lui quelqu'un qui pouvait réfléchir froidement à la situation.


La Gazette ne titra rien au sujet d'une éventuelle attaque le lendemain, plongeant Lydell dans une perplexité et une angoisse qu'il n'avait pas connue depuis des mois. Il devint si irritable que ses collègues le fuirent, et même Melody décida de ne pas venir lui parler; il n'en avait cure. Son exprit était entièrement focalisé sur Voldemort et la raison de sa joie. Il savait que ces événements se seraient produit sans sa présence, car aucun de leurs actes n'avait pu interagir avec les Mangemorts pour le moment, mais la sensation d'inutilité refusa de le quitter. Il passa les deux nuits qui suivirent à vérifier que ses boucliers occlumentiques tenaient, redoutant d'ouvrir son esprit au Mage Noir dès qu'il céderait au sommeil. Enfin, Dumbledore convoqua une réunion de l'Ordre extraordinaire. Il avertit Asellus et transplanna près de la demeure des Lupins.

Hope paraissait échevelée lorsqu'elle ouvrit la porte, mais elle lui adressa un sourire amical.

— Entrez Lydell! Je suis navré, nous avons été pris de court. Lyall est encore au travail, mais vous pouvez monter dans votre chambre. Désirez vous boire quelque chose?

L'estomac noué du jeune homme protesta à l'idée que quoi que ce soit l'atteigne, et il secoua la tête en signe de dénégation. Jugeant préférable de s'isoler, il monta dans sa chambre et se laissa tomber sur le sol. Son corps, habitué à recevoir trois repas par jours et une dose de sommeil raisonnable protestait contre les maltraitances qu'il subissait depuis que sa cicatrice s'était réveillée, et il sourit amèrement devant l'ironie de la situation. L'être humain ne prenait que peu de temps à retrouver son confort. Il avait perdu son endurance et sa capacité à résister aux besoin primaires et en fut effrayé. L'avantage physique que possédaient Lydell et Asellus participait à leurs plans pour sauver la population du Royaume Uni et vaincre Voldemort. Les Mangemorts, sous entraînés, perdraient plus de combats face à leurs techniques aiguisée, et la lumière profiterait de l'enseignement qu'il proposait aux élèves. Ils devaient retrouver leur forme, et Lydell prit la décision de courir chaque fois qu'il ne parviendrait plus à dormir pour maintenir son corps en état de tension. Quelques coups frappés à sa porte le firent sursauter et il fut debout en quelques secondes, baguette brandie, remarquant avec soulagement qu'il n'avait perdu ni réflexes ni souplesse.

— Lydell, la réunion va commencer.

Il ouvrit la porte et suivit Hope, dont il percevait l'inquiétude à la façon dont elle posait son regard sur lui.

— Savez-vous ce qui s'est passé? S'enquit-elle.

— Si seulement, répondit-il, son ton ressemblant plus à un grognement qu'il l'aurait voulu.

— Tout le monde est surpris de cette réunion, vous semblez simplement agité.

Lydell sentit son sang se glacer dans ses veines mais maintint un rythme allant et un visage impassible.

— Je connais cette situation, rappela-t-il.

Il prit place à son siège, sentant l'impatience bouillonner dans ses veines et l'anxiété tordre ses boyaux. Tout le monde s'était débrouillé pour se libérer, et Lydell constata qu'ils étaient trop peu quoi qu'il se soit produit.

— Bonjour à tous, déclara Dumbledore, le ton préoccupé. Je crains d'avoir de mauvaises nouvelles. Lord Voldemort, comme vous le savez, sème la terreur ces derniers mois par la Marque des Ténèbres pour se faire connaître de l'Angleterre, mais dans l'ombre il gagne le soutien de créatures noires. Je puis vous affirmer avec certitude qu'il possède désormais à ses côtés les loups-garou fidèles à Greyback.

— Vermine, cracha Maugrey.

Un murmure d'inquiétude parcourut les rangs des membres de l'Ordre.

— Que peut-on faire? demanda Marlene McKinnon sans avoir frémi.

Dumbledore avait les traits tirés et un regard concerné.

— Continuer à avertir autour de nous sans attirer l'attention.

— Avertir ne servira à rien si la peur envahit le peuple, siffla Lydell. Voldemort ne s'arrêtera pas là. Il en appellera aux vampires et aux Détraqueurs.

— J'ai demandé maintes fois à Harold Minchum de retirer les gardiens d'Azkaban, soupira le directeur, mais je me suis gentiment entendu répondre de songer à prendre ma retraite.

— C'est ridicule! s'exclama Sturgis. Les Détraqueurs veillent sur Azkaban et ce sont eux qui empêchent l'évasion des prisonniers.

— Enlevez les détraqueurs et personne ne regrettera plus de se faire prendre, renchérit Maugrey.

Lydell connaissait l'avis de l'Auror sur les cellules et les Détraqueurs, et le regret qu'il avait eu à les voir rallier Voldemort. Il ne pouvait néanmoins le tolérer. Si l'Ordre ne comprenait pas, le Royaume Uni entier s'y opposerait jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

— Les Détraqueurs sont des créatures plus sombres que vous ne pourrez jamais imaginer, répliqua-t-il. Les sorciers les plus noirs peuvent faire alliance avec eux, et ne plus ressentir leurs effets, ainsi, la plupart ne pourront jamais produire un patronus. Comme les moldus rejettant l'abolition de la peine de mort, vous ne voyez pas que l'absence de liberté peut être réellement dissuasive, et selon les chiffres, elle ne diminue pas le nombre de crimes. Le pire reste pour les innocents attrapés par erreur.

— Moulin, votre avis n'entre pas en ligne de compte, répliqua Podmore.

— A vrai dire, le corrigea Marlene à la surprise de tous, Lydell est professeur de Défense Contre les Forces du Mal. S'il est une personne, autre qu'Albus, à écouter sur le sujet, il s'agit de lui.

L'ancien meneur la remercia d'un regard.

— Les Détraqueurs iront à celui qui offre le plus de malheur. Un temps viendra où ils se rallieront à Voldemort au même titre que les vampires et les loups-garou. Ceux-ci, non par nature mais parce que Voldemort leur promet la liberté, tandis que la société actuelle les oppressent. Sous la colère, l'envie de vengeance, esprit d'essaim ou de meute, vous perdrez les vampires et les loup-garous, dont les sorciers ont fait eux-mêmes leurs ennemis. Les pertes seront considérables. Si Voldemort menace de lâcher Greyback ou sa meute sur vos enfants et votre famille, il ne restera rien d'eux.

Il vit Hope et Lyall tressaillit brièvement mais n'en tint pas compte. Leur passivité le mettait hors de lui alors que la guerre se mettait en marche sous leurs yeux.

— Malheureusement, admit Dumbledore, le temps est venu d'affronter Voldemort et les siens en plein jour. Nous devons lui faire barrage.

Enfin. Lydell se sentit respirer à nouveau, et les nœuds douloureux dans ses épaules se détendirent de façon infime.

— Nous allons avoir besoin de renseignements. Je demande aux Aurors de rester à l'affût de la moindre information. Minerva...

La directrice des Gryffondor hocha la tête, et Lydell devina qu'elle allait reprendre son rôle d'espionne au sein du château, écoutant les conversations des élèves aux parents les plus influents sous sa forme animagus.

— Mondingus Fletcher, lança Maugrey. C'est une vermine, mais un escroc efficace. Trouillard mais fondamentalement opposé à la magie noire et à être contrôlé. Je peux le rallier.

— Je viendrais sur le terrain, déclara Lydell, et je peux vous entraîner. Seuls les Aurors possèdent des mise à niveau en duel. Les sbires de Voldemort ne vous passeront rien, soyez en certains.

Tous parurent outrés de la situation et il inspira profondément.

— Je sors d'une guerre. Je connais des sortilèges et des techniques de combat que nul ici ne saurait imaginer, pas même Albus.

Son agacement demeurait perceptible, et son irritation n'était pas retombée, mais nul ne broncha. Lydell se sentit sur le point d'exploser. L'antipathie qui l'atteignait était plus que ce qu'Asellus aurait pu supporter. En tant que réfugié, il aurait pu faire le choix de les laisser tomber et sombrer, et partir en France, mais il se trouvait là pour sauver le futur.

La patience n'avait jamais compté parmi ses points forts. Il avait dompté ses classes avec des mots et son expérience, ses quelques années de plus qu'eux. L'Ordre comprenait des adultes qui voyaient en lui un garçon arrogant et qui ignorait sa place. La fugace pensée de former sa propre équipe de lutte contre Voldemort le traversa mais il se ressaisit. Les sorciers suivraient Dumbledore, et mieux valait ne pas diviser les forces.

— Vous n'avez aucune idée de ce que vous allez affronter, cracha-t-il en se levant, posant ses mains sur la table. Lorsque vos enfants seront réduits en lambeaux de chair et que vous aurez subi tant de Doloris que vous en aurez perdu la raison, que vos organes auront été traversés par de l'acide et des Diffindo, voire des maléfices que je ne citerai pas, peut-être serez-vous plus amènes à mon égard. Il sera trop tard.

Il se dénuda partiellement, exposant son torse détruit par la magie noire et les lames à la vue de tous.

— Je suis l'un de ceux en meilleur état. Avez-vous déjà fait un tour dans la salle spéciale de votre hôpital? Le notre ne comportait que des cas similaires.

La rage bouillonnait, menaçant de sortir, mais il se força à la canaliser, sachant qu'il ne ferait que perdre en culpabilité s'il explosait. Les membres de l'Ordre demeuraient silencieux. Maugrey le fixa et, à sa grande surprise, Lydell y discerna un respect nouveau.

— VIGILANCE CONSTANTE! aboya-t-il, et tous sursautèrent.

Tous sauf lui, trop habitué à l'Auror après avoir passé le siège de Poudlard à l'aider à planifier les attaques.

— Seuls des idiots refuseraient l'offre d'un entraînement par orgueil. Vous voulez survivre? Dodge, Lupin, ça ne sera pas du luxe. McKinnon, tu es trop jeune pour avoir tout appris, si vous avez du temps libre en commun, utilisez le à bon escient.

Lydell s'aperçut que les yeux perçants de Dumbledore pétillaient derrière ses lunettes en demi-lune. Il avait sans doute laissé les choses se dérouler en comptant sur la personnalité de l'Auror.

— Bien, commenta-t-il. Nous nous retrouvons Samedi prochain, mais restez sur vos gardes. Nous allons organiser les défenses.

La suite de la réunion fut stratégique, une véritable torture pour Lydell qui s'efforça de rester silencieux tandis qu'étaient analysés points forts et faiblesses de chacun.

Il sortit dans le parc dès qu'il fut de retour à Poudlard, et piqua un sprint le long des rives du lac pour évacuer son trop plein de tension et de frustration.

La Guerre commençait, et tout se mettait en place. Beaucoup trop lentement.

Il accéléra, menant ses poumons à la torture mais constatant avec soulagement qu'il demeurait endurant.

ooOoo

L'avancement aurait du rassurer Asellus, mais la culpabilité l'étreignait tant qu'il éprouvait des difficultés à ressentir quoi que ce soit d'autre. S'il avait su anticiper ce retour dans le passé, il aurait ingurgité tous les journaux de l'époque et pu appréhender le moindre mouvement de Voldemort. Les loups-garous feraient des victimes et il n'en connaissait pas l'identité. Il ne pourrait empêcher ces morts inutiles.

Les souvenirs qu'il avait absorbés de son père contenaient quelques éléments majeurs, mais Regulus n'avait plus les dates en mémoire lorsqu'il avait recueilli son enfant, et il subsistait la plupart du temps de simples impressions du dernier trimestre scolaire de 1977.

Ressentir les émotions de Voldemort à travers Lydell constituait toujours une épreuve insupportable. Il ne comprenait pas cette violence et cette réjouissance si teintée de sadisme qu'il en vomissait parfois.

Incapable de dormir, le garçon se redressa, mettant le plus de distance possible entre le tissu et son torse. Les visages tournoyaient dans son esprit, et Neil peuplerait ses rêves (si ceux de ses camarades ne venaient pas l'envahir). Sa montre indiquait 02h12. Les semaines précédentes il avait rencontré Sirius à 02h24 sous le portrait d'Andros, instaurant une routine qu'il appréciait. Le jeune Black faisait l'effort de venir à cette même heure lorsqu'il ne parvenait pas non plus à échapper à ses sombres pensées, respectant le cadre dont il avait besoin. Asellus se saisit d'un parchemin et d'une plume à encre intégrée. Si le Gryffondor ne venait pas, il continuerait l'exercice entreprit depuis le ralliement de Greyback à Voldemort: lister un à un les dates précises et inscrire dans sa mémoire tout ce dont il se souvenait.

Le clair de lune lui permettait de discerner ses lettres. Dans le cas contraire, son Lumos illuminerait le couloir, éveillant les protestations de tous les tableaux à l'exception d'Andros. Le portrait lui avait demandé de produire un patronus, mais Asellus n'avait pas réagi.

16 juin 1976

17 juin 1976

18 juin 1976 Regulus Black reçoit une lettre l'invitant au mariage de Narcissa Black et Lucius Malefoy.

Le déjeuner est constitué de crudités et d'un cake à la citrouille.

Narcissa ne paraît pas particulièrement heureuse, mais Regulus est conscient qu'il ne s'agit que d'une façade.

Severus Rogue attaque James Potter et lui lance un Stupefix et un Levicorpus. James Potter hausse les épaules et ne réponds pas à l'attaque. Sirius passe à côté de lui. Il est profondément triste, et Regulus est inquiet et peiné pour son aîné, bien que toujours furieux de sa défection. Il

— Tu es encore là dessus?

Asellus poussa un cri et se releva aussitôt, baguette brandie. Le visage livide et cerné de Sirius s'étira en un léger sourire et il leva les mains au niveau de son cou en guise de protection.

— Je suis désolé, Asellus, j'aurais du te prévenir.

Plongé dans son ouvrage, le garçon ne l'avait pas entendu venir. Il consulta sa montre. 04h16.

— J'ai réussi à dormir, expliqua l'adolescent.

Asellus se rassit, et Sirius l'imita. Ils restèrent un long moment en silence à contempler les nuages.

Dans ces jeunes heures d'un nouveau jour, le garçon s'autorisa à songer à Neil, et sentit que son cœur commençait à se faire à l'idée de ne jamais plus pouvoir accueillir son esprit et sa chaleur, ses émotions puissantes et passionnées quand il entrait dans une pièce, sa luminosité et leur amour si précieux.

Son corps se gorgea de peine alors que sa poitrine se comprimait sous la douleur et la lente réalisation. Des larmes surgirent violemment et strièrent ses joues tandis que son corps s'arquait dans cette souffrance qu'il était incapable d'appréhender. Il ne pouvait pas gérer ses émotions, et lorsqu'elles atteignaient cette puissance, il se sentait perdre pied. Un hurlement enfla dans sa gorge et à ses côtés, Sirius lui permit de s'exprimer silencieusement d'un coup de baguette. Sans le toucher, mal à l'aise, perdu et inquiet, son oncle lui envoya des images apaisantes de Poudlard, de terrains de Quidditch désert, de couchers de soleils depuis diverses demeures.

Les cris muets d'Asellus éraflaient sa trachée et ses yeux se révulsaient. Il sentait sa magie échauffer l'air, conscient du moindre détail de la pièce, de la rotation de la Terre qui déplaçait l'angle de la lune par rapport à la fenêtre, tandis que l'explosion interne le terrassait, insoutenable.

Neil.

Son corps hurlait son prénom et une injustice que son esprit ne comprenait pas. Il avait toujours su le sacrifice qu'il faisait, mais son importance ne comptait pas. Neil naîtrait et grandirait, il serait heureux et en bonne santé. Dans ses organigrammes et leurs plans, l'évidence de leur mission et des liens qui se construiraient prévalaient sur tout le reste. Il aimait pourtant Neil avec la violence d'un premier amour.

Il avait su que ce serait difficile, tout en ne doutant jamais de ce qu'il devait faire. Il s'attendait à ce que des émotions le submergent mais pas… Pas avec cette douleur d'une force écrasante et inévitable.

Asellus aimait de tout son être. La perte le détruisait d'autant plus. Or, Neil avait été un amour pur et puissant, incomparable. Inébranlanble.

Lorsque Sirius ne put plus trouver d'images apaisantes, il commença à parler. Il débita des anecdotes, puis le mode d'emploi d'une moto, et Asellus y trouva quelques repères. Sa peine et son chagrin trop envahissant l'enveloppèrent jusqu'à ce qu'il soit forcé de les accepter et de les comprendre, puis furent remplacés par une tristesse infinie.

Ils observèrent sans réellement le voir le jour se lever, à quelques centimètres du corps de l'autre, tous deux les joues striées de larmes. La douleur d'Asellus bouleversait Sirius.


Les émotions, une fois le passage forcé, entrèrent dans son être et s'y installèrent puis refluèrent pour certaines. Le calme revint, accompagné de peine et de tristesse.

Sirius raccompagna le Serdaigle à la Tour.

— Merci.

Il reconnut sa voix rauque d'après crise.

— Ne t'inquiètes pas pour ça. Je le referais sans y réfléchir à deux fois. Tu devrais essayer de dormir.

— Je vais en cours.

Le Gryffondor hocha la tête, et Asellus avança sa main pour effleurer chacun des doigts de l'autre, un à un. A peine quelques flashs dans son esprit. Une marque d'affection qu'il ignorait comment montrer autrement. Sirius la comprit et sa gorge se serra. Une émotion profonde l'entoura.

Amis.

ooOoo

Enfant, Lily adorait la tradition moldue de chercher des œufs dans le jardin à Pacques. Sa sœur en devenait malade de jalousie lorsqu'elle trouvait deux fois plus de chocolat qu'elle, bien que leurs parents aient toujours redistribué équitablement par la suite. Le visage collé contre la vitre de son dortoir, la jeune fille regardait la pluie battante avec mélancolie. Ses rapports avec Pétunia s'étaient dégradés d'étés en étés, et son aînée avait quitté la maison après qu'elle ait obtenu un travail, son meilleur ami prenait un chemin dangereux et le temps au dehors représentait parfaitement l'atmosphère du Royaume Uni ces dernières semaines.

Sans les relever, elle notait chacune des paroles de Sirius, chaque prévention de Moulin, et son étude de l'Histoire moldu couplé avec son esprit vif l'avaient rapidement amenée à l'ultime conclusion que la situation empirerait jusqu'à ce que les objectifs de Voldemort soient révélés.

— J'espère que les Aurors savent ce qu'ils font, soupira-t-elle en se frottant les bras, frissonnant dans le dortoir glacial.

Elle s'ennuyait et se morfondait. Ayant profité des premiers jours de vacances pour rédiger tous les devoirs donnés par les professeurs, elle se retrouvait désœuvrée et sans aucune envie de lire. Le temps déplorable empêchait toute promenade, et Severus se trouvait nul-ne-sait-où, en désagréable compagnie. Incapable de rester statique plus longtemps, la jeune fille descendit dans la Salle Commune et lorgna sur les échiquiers. Potter et Black s'y amusaient et elle nota que la distance entre eux paraissait s'être résorbée.

— Salut Lily, lança James dès qu'il l'aperçut.

Il se passa une main dans les cheveux, les ébouriffants et elle sentit l'agacement pointer. Nul ne pourrait être assez stupide pour penser qu'il revenait de Quidditch, alors que ses vêtements et ses cheveux ne portaient aucune trace d'humidité. Elle hocha la tête en guise de salut.

— Tu veux jouer? lui proposa l'adolescent.

Lily le considéra froidement. Peu importait à quel point Severus s'était montré stupide en suivant les conseils de Black, ils avaient mis ses jours en danger, et bien qu'elle ne soit pas censée le savoir, elle leur en tenait une profonde rancœur.

— Allez, Evans, la taquina-t-il. Tu préfères rester debout?

Potter avait sauvé son meilleur ami. Elle s'approcha de lui et ses lèvres s'étirèrent en un sourire victorieux.

— Merci, déclara-t-elle.

Le jeune homme fronça les sourcils, décontenancé.

— Est-ce que Severus t'a remercié correctement, James? Tu lui as sans doute sauvé la vie.

Black se tortilla à sa droite, mais elle n'en eut que faire. Son ami passa une nouvelle fois sa main dans ses cheveux.

— Je ne l'ai pas fait pour obtenir des remerciements. J'étais le seul qui puisse empêcher un élève de mourir. Que ç'ait été Rogue ou pas n'a aucune importance.

Les yeux émeraude de l'adolescente se plissèrent très légèrement. La maturité nouvelle de son camarade de classe l'étonnait, ainsi que sa voix raisonnable et aucunement vantarde. Un silence gênant s'installa avant que James Potter ne renouvelle son offre, sourire malicieux à l'appui, et Lily tira une chaise.

— Je peux partir, si tu le désires, proposa Black sans aucune ironie.

Elle se tourna vers lui, s'incitant au calme.

— D'après Severus, tu as tenté de le tuer. Il a tendance a exagérer, mais vous faites de sa vie un enfer depuis six ans.

James protesta d'une exclamation qu'elle ignora, mais le garçon à sa droite soutint son regard.

— Je n'ai pas voulu le tuer. Je n'avais pas réalisé que… Je pensais l'effrayer. Je ne supporte pas les Serpentards. Je ne supporte pas ceux qui se délectent de la magie noire. Mais je… je n'aurais pas dû faire ça. Je n'aurais pas dû escalader les choses. Il y a assez d'horreur comme ça dehors. Je dois valoir mieux qu'eux.

Lily considéra la situation avec une curiosité nouvelle, puis décida d'avancer son premier pion. Le premier d'une partie qui promettait d'être mouvementée, en compagnie des deux énergumènes qui lui servaient de partenaires.

Retrouver son meilleur ami en cours de Potions lui procura un plaisir intense. Les yeux de Severus s'illuminèrent dès qu'il l'aperçut, et elle lui sourit en venant s'installer à ses côtés.

— Tu as passé de bonnes vacances? murmura-t-il doucement.

— On était dans le même château, Sev... Pourquoi n'as-tu pas trouvé un instant à m'accorder?

Elle le sentit se tendre à ses côtés mais ne put endiguer l'intonation peinée de sa voix. Elle éprouvait la terrible impression qu'elle ne faisait pas l'affaire, qu'elle n'était plus l'amie qu'il fallait à ce garçon qui devenait chaque jour un étranger.

— J'étais occupé... Les examens approche, et j'ai travaillé la plupart du temps.

Lily secoua la tête, sa gorge se nouant douloureusement. Il mentait, par omission, mais il mentait. Il s'était occupé à d'autres choses, dont elle craignait d'entendre la description. La Marque des Ténèbres commençait à opérer une certaine emprise sur la population sorcière, les idées de Voldemort enflaient comme des rumeurs dans Poudlard et au dehors, et les familles les plus puissantes commençaient à se déclarer favorables à ses idées. Elle sentit un mal de tête poindre, et commença à noter le cours de Slughorn, regrettant qu'il soit en ce jour uniquement théorique.

— Lily... souffla son meilleur ami.

Elle ferma les yeux un instant et constata avec horreur que des larmes se formaient sous ses paupières closes.

— Travaillé sur quoi, Sev? Occupé à quoi?

Elle le connaissait par cœur et sut sans avoir à le regarder qu'il se redressait un peu plus, que sa plume écorchait son parchemin tant il se crispait dessus, et que la moitié de son cours serait plus tard illisible.

— Tu détesterai la réponse.

— Alors pourquoi est-ce que tu le fais quand même? s'exclama-t-elle, un peu trop fort.

Slughorn se tourna vers elle, et elle baissa aussitôt les yeux en s'excusant. Il lui sourit puis repris son cours.

— Parce que j'ai ma propre, volonté, persifla son ami, acide. Mes recherches me passionnent, mes amis ont une conversation intéressante, et je n'arrêterai pas parce que quelqu'un me l'interdit.

La jeune fille se prit les mots en pleine figure avec une violence inouïe. Ils lui renvoyèrent une piètre image; celle d'une manipulatrice qui tentait de façonner son meilleur ami comme elle désirait qu'il soit. Sa poitrine se comprima et les larmes perlèrent au coin de ses yeux. Elle demeura concentrée sur son parchemin, presque aussi crispée que son voisin. Si elle ne pouvait l'aimer pleinement pour qui il était, qui il devenait, quelle sorte d'amie était-elle?

— Tu me manques, s'étrangla-t-elle.

Severus posa une main sur la sienne, incroyablement douce et tendre.

— Allons nous promener après dîner, d'accord?

Une vague de joie s'infiltra aussitôt dans son corps, et elle sentit malgré elle un sourire se peindre sur son visage.

Oui, ils se promenèrent en riant, puis discutant plus sérieusement. Et puis…

Sang-de-bourbe.

Le mot échappait toujours à Severus. Depuis la terrible fois où il l'avait insulté l'année précédente, certes excédé par Potter, il prêtait bien plus attention à son langage. Mais ces dernières semaine il revenait et même son regard émeraude furieux ne parvenait pas à le faire stopper cette injure. Sang de bourbe. Elle se sentait personnellement blessée chaque fois que ces mots lui parvenaient aux oreilles. Elle avait vu son sang, rouge, aussi rouge que n'importe quel autre sang, aussi magique que celui des autres sorciers, pas plus puissant que celui des moldus. Lily remonta la bretelle de son sac de cours qui lui sciait l'épaule et emboîta le pas à Dorcas et Mary en direction de la salle de Défense. La jeune fille était sortie de l'hôpital pendant les vacances, et elle appréciait de l'avoir de nouveau dans leur dortoir, trop silencieux en son absence. Ses orbes oculaires avaient repris leur place, mais elle portait désormais des lunettes et sa vue avait légèrement été altérée. Un frisson glacé parcourut le corps de Lily alors qu'elle se souvenait de l'atroce spectacle... Comment Severus pouvait-il nommer une telle infamie «expérience»? Et cette haine pour les moldus...


— Entrez.

Sans y réfléchir, l'adolescente suivit ses camarades de classe. Elle se souvenait de l'enfant timide qui, peu à peu, avait commencé à utiliser cette insulte, à être persuadé par l'idéologie trop présente des Serpentards... de beaucoup d'élèves de Serpentard. Son meilleur ami lui manquait, ce garçon sarcastique mais doux et fragile, d'un humour discret et plein d'avidité pour ce qu'il ignorait, d'ambition, de désir de prouver à lui-même et au monde de quoi il était capable. Ceci devait subsister en lui, lorsqu'il se raccrochait à ces élèves influents, mais cette pente était si malsaine... La porte se referma derrière elle, et la jeune fille nota avec soulagement que les tables avaient une nouvelle fois été poussées contre le mur.

— Posez-vos sac ici, leur indiqua le professeur.

Il ne bougea pas de sa place, sur l'estrade, tandis qu'ils obéissaient, ni lorsqu'ils se tournèrent vers lui, avides d'explications.

— Vous avez tous progressé en duel. Nous reprendrons plus tard jusqu'à votre évaluation finale mais entre temps, je veux que vous maîtrisiez les Patronus.

Un murmure excité parcourut aussitôt la salle. Les Patronus repoussaient les Détraqueurs, se souvint Lily, qui se demanda pourquoi Moulin ne commençait pas par un cours théorique.

— Il s'agit d'un acte qui demande une intense concentration, et vous ne pourrez pas jeter d'autres sorts tant que vous maintiendrez celui-ci.

Seul le silence lui répondit; nul ne pouvait lancer plusieurs sorts simultanément. La jeune fille se souvint de la démonstration de duel double, et sa curiosité s'éveilla, mais l'homme reprit.

— Un Patronus repoussera efficacement les Détraqueurs. Un seul, puissant, peut en repousser une centaine. Je vais vous demander de choisir un souvenir heureux dans votre mémoire, puissant, et de le laisser vous envahir. Lorsque vous n'aurez plus que ce souvenir à l'esprit, vous pourrez jeter la formule: « Spero Patronum». Ne soyez pas trop avides, ni trop rapides. Le souvenir est essentiel, et le sort dur à jeter. Il se peut qu'en quelques séances, vous ne puissiez que produire de la brume blanche. Ne désespérez pas. Si vous désirez changer de souvenir, vous en êtes libre. Bien. Répartissez vous dans l'espace, et concentrez vous uniquement sur celui là. Ne parlez pas entre vous, ne regardez pas les autres, ne vous jugez pas.

Sa voix enseignante avait quelque chose d'hypnotique. Lily se plaça près de la fenêtre, ferma les yeux et inspira profondément. Quel souvenir choisir? N'importe lequel où Severus apparaissait la faisait souffrir désormais, et même les tous premiers étaient teintés de douleur car sa sœur commençait à la haïr. Elle plongea dans sa mémoire pour trouver un souvenir ancien, un jeu, une soirée, près de sa famille. Un Noël en compagnie de ses parents lui revint. Pétunia écrivait gentiment un mot pour elles deux, et la laissait dessiner sur le papier. Le feu craquait dans la cheminée et elle se sentait pleinement heureuse.

— Spero Patronum!

Des incantations avaient commencé à jaillir autour d'elle, mais Lily se força à se concentrer uniquement sur son souvenir. Leurs parents les regardaient avec fierté et amour. Ce souvenir datait d'avant la première manifestation de ses pouvoirs, avant que Pétunia s'éloigne, avant que Severus ne change.

— Spero Patronum.

A sa plus grande frustration, rien ne sortit de sa baguette, et ses cils étaient humides lorsqu'elle décolla les paupières. Un regard autour d'elle lui apprit que ses camarades n'étaient pas plus fortunés.

Près de quarante minutes plus tard, elle ne parvenait pas à plus de résultat. Un filet argenté sortait de la baguette de Lupin, et Moulin le félicitait avec un sourire sincère. La jeune fille se sentait au bord des nerfs, et elle décida de s'accorder une légère pause. Sa gorge était nouée, et elle ne pouvait s'empêcher de rapporter la moindre de ses pensées à son meilleur ami. Elle s'éloigna des autres pour s'asseoir sur l'estrade, où se trouvait Asellus Nere qui observait le groupe, immobile.

— Tu sais, lança Potter en s'approchant, même si tu n'as pas de souvenirs heureux avec la guerre, tu as du en créer ici. Tu devrais essayer.

Le jugement et l'irritation dans sa voix ne pouvaient être masqués. Nere leva les yeux vers l'adolescent.

— Je possède des souvenirs heureux et puissants, répondit-il de son étrange voix.

Lily ignorait tout du garçon, ne l'ayant jamais côtoyé ni parlé. Elle avait entendu les rumeurs courir sur son compte, et ses origines moldues lui permettaient d'envisager qu'il souffre d'autisme La notion de guerre en revanche ne lui apparaissait que lorsqu'elle se souvenait de son lien avec Moulin.

— Tu sais déjà produire un Patronus?

— Non.

Il n'élabora pas, et le préfet de Serdaigle s'interposa à ce moment là.

— Retourne t'entraîner, ordonna-t-il sèchement. Ne spécules pas sur ce que tu ignores, et si Asellus n'essaie pas et que son oncle le laisse, il existe une raison.

— Le fait qu'il ait vécu une guerre et que tout le monde le laisse s'en tirer en victime, répliqua James avec un sourire amer.

Les épaules d'Idriss se carrèrent, et sa voix se fit soudain calme et sans appel.

— Le fait qu'Asellus ne s'entraîne pas ne regarde que lui. Et tu devrais retirer tes œillères.

Il agaçait nombre de ses congénères, mais il possédait un charisme et un sens de la justice indéniable, et il ne faisait aucun doute qu'il savait parfaitement pourquoi Asellus était assis sur l'estrade. James lança un regard méprisant aux deux Serdaigles et se détourna.

— Lily?

Le professeur Moulin s'approcha d'elle, et elle se leva, prête à recevoir son aide. Il passait entre les rangs et corrigeait les postures, rassurait les élèves avec une efficacité remarquable. La jeune fille se plongea de nouveau dans ses souvenirs, son souvenir.

— Spero Patronum.

Serait-elle un jour de nouveau aussi heureuse? Ou les rives lointaines de l'enfance formaient-elles le seul endroit de sa vie qui abritait le bonheur? Tout paraissait si sombre.

— Spero Patronum.

Aucune volute, en revanche de nouvelles larmes qui la rendirent furieuse. Elles ne couleraient pas, mais leur proportion à apparaître ces dernières semaines la perturbaient. Jamais auparavant ses yeux n'avaient été aussi inondés.

— Lily?

La voix de l'homme à ses côtés laissa entendre une fêlure.

— Je suis navrée, professeur. J'ai trop de choses en tête, je n'arrive pas à garder un souvenir heureux.

Le silence lui répondit avant que Moulin ne pose une main sur ses épaules, puis sur ses reins, pour la forcer à adopter une posture plus adéquate, plus détendue. Lily en fut aussitôt alarmée mais il ne paraissait pas traiter son corps comme autrement qu'une structure à modeler pour parvenir à un résultat.

— Détendez-vous, et laissez venir l'émotion heureuse. Ne pensez ni au passé ni au futur. Concentrez vous sur ce souvenir, sur l'émotion que vous y avez ressenti.

Elle ferma les yeux et tenta d'obtempérer mais sentit ses muscles se crisper.

— Lily... détendez-vous.

Deux mains sur ses épaules qui tremblaient.

— Retracez le dans votre esprit, sans penser à ce qui viendra après. Gardez uniquement la sensation qui vous es procurée.

Une sérénité et une insouciance qui donnait l'impression que tout irait bien.

Spero Patronum.

Elle rouvrit les paupières pour constater avec satisfaction une fine brume. Moulin lui sourit, mais quelque chose dans son regard paraissait plus sombre, plus triste.

— Vous réfléchissez trop, Lily. Il faut que vous fonctionnez à l'émotionnel et à l'instant présent. Vous devez pouvoir vous concentrer sur un aspect positif. Ainsi, vous êtes dans une salle de classe, dans une scolarité que vous appréciez, dans un monde qui peut vous émerveiller. Ceci suffit, une fois que l'on maîtrise le sort, à produire un Patronus corporel.

Il avait haussé le ton en prononcé les dernières phrases, et Lily admira le temps qu'il prenait avec chacun d'entre eux, se souciant réellement de leur individualité et de leur fonctionnement. Severus apprécierait sans doute, le lendemain, un tel exercice, une magie compliquée à dompter.

Pourtant, entendre Severus s'émerveiller sur des découvertes faites en Défense Contre les Forces du Mal était douloureux. L'écouter protester parce que Slughorn refusait de les faire préparer de puissants et indétectables poisons relevait de l'agonie parce que sa frustration se muait peu à peu en haine pour son directeur de maison. Surprendre des rumeurs qui circulaient sur Avery et Mulciber, qui rencontreraient quelqu'un de puissant en fin d'année rendait son esprit fou. Ces temps-ci, Lily songeait que sa relation avec le Serpentard devenait plus douloureuse qu'autre chose, et les moments de joies et de plénitude qui avaient rendu la difficulté de se lier avec quelqu'un d'aussi renfermé et sombre n'existaient plus.

Le mot «Mangemorts» était sur toutes les lèvres. Ceux qui suivaient Voldemort avaient désormais un nom aussi terrible et mortifère que les actes qu'ils perpétraient. Des Mangemorts, qui se manifestaient par une Marque des Ténèbres, qui adulaient une idéologie du sang et exécraient les moldus, inférieurs à leurs yeux.


Lily se sentait au bord de la nausée lorsqu'elle reposa la Gazette ce matin là. Massacre, morts. Encore.

— Eh bien. Je ne pensais pas que cela prendrait aussi vite, constata Dorcas de sa voix calme et puissante.

— Tu ne l'as pas senti venir? lui demanda Remus en fronçant les sourcils.

Elle haussa les épaules puis retourna à l'article avec une inquiétude évidente. La jeune Evans repoussa son toast à moitié terminée, consciente qu'elle ne pourrait le terminée, et avala une gorgée fraîche de jus de citrouille, s'interrogeant sur les origines d'une telle haine.

— Les Aurors devraient agir plus rapidement, ragea Potter assis un peu plus loin. Je ne sais pas ce qu'ils fabriquent.

— Les Aurors ne résoudrons rien à présent, James. Voldemort est trop puissant pour eux, et ils ne parviennent pas à anticiper les attaques des... Mangemorts. La guerre approche.

L'adolescent fusilla son meilleur ami du regard et Lily se sentit glacée. Black paraissait sûr de lui et défaitiste, ses yeux gris plongés dans le lointain et la mine fatiguée. Allait-ce réellement se produire? Une guerre se déclencherait-elle dans son temps, verrait-elle des proches mourir, serait-elle en danger elle-même? Pétrifiée, la jeune fille envisagea les implications futures. Deux camps, des morts, plus aucun endroit sûr, des trahisons et des souffrances. Et son meilleur ami, embarqué sur un chemin tortueux qui menait du côté le plus sombre.

— Lily, tu es livide, remarqua doucement Dorcas.

— Une guerre... articula-t-elle. Tout ceci est réel. Nous allons entrer dans une guerre. Et rien de ce que nous savons ne sera plus sûr.

Elle s'efforçait de réaliser, de comprendre comment, en si peu de temps, ils avaient pu parvenir à cette réalité qui lui paraissait si certaine et pourtant si soudaine, si improbable.

— Arrêtes, Lily, lui conseilla James. Tu n'auras à t'occuper de rien. Les Aurors garderont le pays en sécurité. Ne t'inquiètes pas.

La jeune fille se tourna vers lui, violemment, au point que sa chevelure flamboyante fouette le visage du quatrième année assis à côté d'elle.

— N'as-tu jamais écouté Moulin? Les Aurors ne tiendront pas longtemps, la guerre va affecter chacun d'entre nous. Ce n'est pas un jeu ou tu peux jouer les héros et crâner, Potter! Tout ce que nous avons appris en cours est susceptible de se réaliser. Nous connaîtrons des morts! Ma famille est en danger parce qu'elle n'est pas magique!

— Vous vous laissez embarquer par les discours de ce type, eut-il l'audace de lui répondre, avec un calme qui la mit hors d'elle. Son pays a connu une guerre atroce et tout le monde s'est fait décimer. Ce n'est pas prêt d'arriver ici.

— Ferme-la! rugit-elle. Pourquoi ça n'arriverait pas ici? Tout peut toujours dégénérer. Pourquoi quelqu'un d'autre que celui que tu connais mourrait? Les statistiques sont les mêmes!

Moulin avait anticipé ce qui se passait au Royaume Uni. Depuis des mois il les préparait à un futur en tentant de les faire mûrir et de leur donner les meilleures chances de survie, d'apprendre à se battre. Si son respect pour l'homme augmenta, son horreur n'en crût que plus. Comment pourraient-ils tous accepter qu'une guerre éclate? Comment avaient fait les générations précédentes lorsque l'atroce nouvelle leur était tombée dessus de la même manière et qu'ils avaient compris l'inévitable? Ses questions ne trouvaient aucune réponse dans son esprit paniqué, ni fourni par son analyse, ni par les cours ou conversations antérieurs. Ils devraient avancer à l'aveugle.


La journée se déroula comme celle de la veille. Seule l'ambiance morose de Poudlard indiquait que quelque chose se préparait. A part ça… les élèves riaient, chahutaient, se disputaient, les professeurs donnaient devoirs et retenues, distribuaient des points et enseignaient leurs disciplines. Les repas demeuraient d'excellente qualité. Rien ne laissait présager qu'une guerre allait éclater au dehors, mais le fait était indéniable. Elle arriverait.

Voir Severus à l'entrée du patio fut un soulagement pour Lily. Elle avait besoin de sa franchise et de son sarcasme, de sa présence familière qu'elle aimait tant et de la chaleur de son torse maigre lorsqu'elle le serrait dans ses bras. Elle se laissa aller à son étreinte un peu plus longtemps qu'à l'ordinaire, un peu plus fort, et il s'en aperçut.

— Que se passe-t-il Lily?

Il y avait cette note alarmée dans sa voix, cette brisure qui ne supportait pas qu'elle aille mal. Une tendresse dans ses yeux noirs, qui venait adoucir un visage qu'elle n'avait plus récemment vu que crispé. L'adolescente raffermit sa prise sur le torse de son ami, incapable d'exprimer ses émotions. Il patienta jusqu'à ce qu'elle le laisse s'écarter en massant doucement ses épaules.

— Tout change, murmura-t-elle. Allons près du lac.

Le soleil éclairait sa surface à cet instant de la journée. Ils s'y dirigèrent en discutant des cours et des devoirs, de lectures communes et de conseils sur les Patronus. Severus, à sa plus grande frustration, n'obtenait que quelques volutes argentées, mais sa meilleure amie se trouvait au même point.

— Je suppose que mon souvenir n'est pas assez puissant, soupira-t-elle en s'étendant sur l'herbe humide, savourant le frais sur son crâne qui apaisait la migraine qu'elle trimbalait depuis la parution du journal. Je devrais en choisir un autre mais...

Elle hésita puis se fustigea. Elle ne cachait rien à son ami, pas même ses reproches. Il lui suffisait simplement de trouver un angle diplomate.

— Je voulais un souvenir d'une époque insouciante, où Pétunia et moi nous entendions, et où tout me semblait simple.

— Mes difficultés ne sont pas liés au souvenir choisi... Poudlard, à tes côtés, est ce qui m'est arrivé de meilleur.

Lily sentit ses joues s'embraser et attrapa la main de Severus, comme lorsqu'ils étaient enfants. Elle le sentait proche à nouveau.

— Moulin dit que certains ne peuvent pas faire apparaître de Patronus, ajouta-t-il. Dans ce cas, pourquoi ne pas laisser ceux qui y arrivent s'entraîner, et apprendre autres chose au reste de la classe? Je perds mon temps.

— Ils sont primordiaux contre les Détraqueurs, rappela-t-elle, la bouche asséchée par son ton méprisant.

Sentant la distance entre eux revenir, son estomac se tordit. Severus s'accrocha à sa main, le regard intense.

— Je te protégerai, promit-il.

— Je dois pouvoir me protéger seule, Sev. La guerre arrive, je veux être prête.

— Je ne laisserai personne te faire du mal, insista-t-il. Tu n'as pas à t'inquiéter.

La jeune fille sentit une pierre tomber dans son estomac. Ses phrases catégoriques, si sûres, comme s'il pouvait empêcher les Mangemorts de la toucher…

Comme s'il en avait véritablement la possibilité.

Elle préféra ne pas poser de questions, alors le silence revint quelques minutes durant, et Lily changea de position. En se redressant, elle aperçut au loin Moulin et Nere qui se promenaient le long des rives, et constata avec un frisson que le Serdaigle ne portait rien pour couvrir son torse. Malgré elle, son regard fut happé par les marques de brûlures, les cicatrices blanches aux poignets qui laissaient penser qu'il avait été enchaîné, les traces de fouet dans son dos.

Severus la fusillait du regard. Cette inversion dans leur dynamique la troubla. S'étant fait surprendre, il changea de cible. Il lui sembla qu'il contenait envers Nere une haine soudaine et irrationnelle. La jeune fille déglutit, s'éloigna d'instinct.

— Qu'est-ce qu'il y a? demanda-t-elle, peut-être parce qu'elle ne pouvait pas passer outre, pas cette fois, pas avec cette peur primale au ventre.

— C'est un pervers, Lily. Un– un simulacre d'homme. Il se pavane, et la plupart des filles sont sans doute en train de glousser devant ses cicatrices viriles, mais il ne fait illusion que de loin.

— Qu'est-ce que tu racontes, Severus? Tu penses que j'étais en train de, d'amirer Nere? Et si c'était le cas? Tu n'aurais aucun droit, aucun droit tu m'entends, de me le reprocher, ni de le lui reprocher à lui!

— Tu crois que tu l'intéresserai? Il fait ça pour être vu, et pas par toi. Regarde Moulin, regarde-les parler. Rien que de penser à ce qu'ils fabriquent me donne envie de vomir. Un jour, Nere sera pris en tenaille dans les couloirs et aura ce qu'il mérite.

Rien n'allait. Ni la possessivité haineuse, la jalousie meurtrière dont il faisait preuve à son égard. Que Lily n'ait pas véritablement été en train d'admirer le physique du jeune homme n'avait aucune importance. La réaction de son ami la tétanisait. Ils n'étaient pas ensemble, et s'ils l'avaient été… Si… Qu'aurait-il fait? Qu'aurait-il été capable de lui faire?

— Et qu'est-ce qu'il mérite? demanda-t-elle calmement, tentant de dissimuler sa peur.

Elle avait compris les sous-entendus, évidemment. Personne ne parlait vraiment des gens comme Nere dans son entourage. Elle se souvenait vaguement avoir appris leur existence à sept ans, quand ses parents s'étaient réjouis qu'un cousin éloigné ne risque plus la prison à chaque pas. La conversation lui était revenue en tête en début d'année, après avoir entendu Peter et Sirius évoquer l'homosexualité d'Asellus. Point.

Severus claqua la langue, agacé. Il la tint pourtant.

Pas une conversation pour une jeune fille, n'est-ce pas?

— Un nouveau sort? Comme avec Mary? Et elle, qu'avait-elle fait pour mériter la perte de ses yeux?

Severus tressaillit, il regarda Lily et la colère le quitta aussitôt. Comme s'il s'apercevait qu'il était allé trop loin. Lily retint une grimace d'horreur. Le masque de son ami avait glissé. Une minute, à peine, mais elle avait vu ce qu'il était devenu. Ce qu'il s'efforçait de lui cacher.

Elle imagina ce qui l'attendait si elle restait auprès de lui.

— Tu me protégeras?

— Toujours, Lily, murmura Severus avec adoration. Toujours.

Il l'aimait. Bien sûr qu'il l'aimait, ils s'aimaient depuis l'enfance, comme deux enfants s'aiment. Ensuite, l'adolescence était arrivée et Lily ne s'était posé aucune question. De toute évidence, Severus, lui, si.

— Mais à quel prix? articula-t-elle.

Au point de la violenter si elle s'avisait de poser les yeux sur quelqu'un d'autre que lui?

— Je ne te ferai jamais de mal, supplia-t-il.

— Mais à Mary, qui est née-moldue comme moi, oui? A Nere, parce qu'il est différent? Ou parce qu'il est homosexuel? A Lupin, parce qu'il est malade?

— Notre société est malade, rétorqua Severus. Les sorciers ont perdu leur identité. Ils s'écrasent devant les moldus, ils s'en cachent, alors que nous pourrions aisément nous défendre d'eux. Lupin est un monstre qui devrait être dans une cage, mais qu'on a libéré parce que les sorciers doivent faire preuve d'humanité. Envers un monstre! Et Nere est un fléau! Les sorciers comme lui empêchent de nouvelles naissances. Pire, ils sont une menace, s'ils pouvaient, ils nous rendraient tous comme eux!

Par instinct de survie, la jeune fille avait cessé de parler, de respirer. Elle tentait de ne rien montrer de son horreur, et comme elle ne bronchait pas pour la première fois depuis des mois face à un tel échange, Severus crut qu'elle l'écoutait enfin.

— Nous allons simplement retrouver la grandeur d'autre fois, celle où nous n'avions pas à nous dissimuler, celle où nous étions libres, où nous exploitions notre plein potentiel, sans restrictions. Je sais que tu as peur mais je te protégerai durant la guerre et ensuite, nous pourrons être en paix, heureux. Nous ne serons plus menacés par les Moldus, notre nature de sorcier sera à son apogée, puisque ceux qui tentent de saboter notre véritable potentiel ne seront plus une menace.

Comment le faire revenir à la réalité? Cette «grandeur d'autrefois» était un mythe!

Il voulait être auprès d'elle. Il voulait vivre ce futur avec elle. Lily s'y raccrocha.

— Je vais mourir, Severus. Je suis Née-Moldue, j'empêche l'évolution des sorciers par ma naissance.

— Bien sûr que non! Ils n'ont pas pour but de détruire tous ceux qui ne sont pas de sang-pur! Ceux qui voient l'évidence travailleront avec les autres pour ce nouveau futur, et seront récompensés.

— Ca n'arrivera pas.

Quelque chose bouillonnait dans le ventre de Lily. La peur était partie, remplacée par une émotion rigide, tendue, indélogeable. Elle reconnut à peine sa propre voix. Severus, perdu dans ses illusions de grandeur, lui jeta un regard torve et interrogateur.

— Ce que tu décris n'arrivera pas. Non seulement ce n'est pas une société fonctionnelle sur la durée, mais en plus je ferai tout, tout, pour que ça n'arrive JAMAIS!

S'il eut l'air déçu, le jeune homme ne parut pas surpris outre-mesure.

— Tu es une Sang-de-Bourbe, soupira-t-il. Tu ne peux pas comprendre.

Le mot, prononcé avec tant de banalité, la frappa en plein cœur. Elle se recula et son estomac se retourna alors que sa poitrine se comprimait dans un étau de fer.

— Lily?

Son nom, prononcé avec cette douceur coutumière, accrut son tourment. Elle le fixa, froidement et durement.

— C'est tout ce que je serai jamais à tes yeux, dit-elle. Mes qualités sont «en dépit de«. Notre amitié est «Même si». Le poids de mes paroles est diminué parce que je suis une Sang-de-Bourbe.

Les orbres noires s'écarquillèrent d'horreur.

— Ne... Lily, je suis désolé! Je ne voulais pas...

— Au contraire.

Elle fut prise de nausée, son propre corps se révoltant contre l'action qu'elle comptait entreprendre. Il lui fallait toute sa volonté, parce qu'en dépit de la terreur qu'il lui avait inspiré tantôt, elle l'aimait. Pourtant, ce fut poings serrés et ongles s'enfonçant dans les paumes qu'elle se leva. Severus l'imita aussitôt, rongé par l'anxiété. Il ouvrait et refermait la bouche, cherchant en vain comment racheter ses discours inavouables.

— Ce que tu veux est raciste, et se base sur un génocide. J'ai essayé de me voiler la face. Je me suis persuadée que tu ne savais pas exactement qui étaient tes amis. Tu as toujours été la personne la plus importante de ma vie. Mon futur s'est toujours écrit avec toi. Mais tu salives à l'idée de la mort d'autrui. Tu t'excites en évoquant un génocide.

Et si je ne m'éloigne pas maintenant, je serai une femme battue, comme ta mère.

L'instinct de préservation la retint.

— Tu crois que les autres valent mieux? s'étrangla son meilleur ami. Tu crois que Black ne salivait pas à l'idée de me tuer? Tu crois que Potter ne se réjouis pas des morts qui ne partagent pas son avis?

— Le monde ne tourne pas autour de toi et James Potter, siffla la jeune fille. Arrête, Sev. Ca n'a rien à voir avec les Gryffondors, ni nos maisons… Tu me perds parce que tu vas rejoindre les Mangemorts.

Insoutenable. La douleur partait de son cœur pour se répandre dans tous ses organes, sa gorge paraissait en feu, et ses yeux restaient miraculeusement secs.

Elle avait échoué. Elle n'avait pas réussi à l'en extirper, à apaiser la rancoeur qu'il vouait au monde, son sentiment d'injustice de ne pas être traité comme il le méritait.

— Severus, je coupe les ponts avec toi.

— NON!

Désespoir, ou rage? Lily recula, trébucha et se retrouva sur le sol, à la merci du jeune homme. Cette fois, elle ne réussit pas à dissimuler la crainte qu'il lui inspirait. Severus devint livide, elle profita de son choc pour s'enfuir, quitter le parc et mettre le plus de distance possible entre eux. Elle ignorait, aujourd'hui, de quoi il était capable.

Severus se présenta à la salle commune ce soir là. Il menaça de dormir sous le portrait jusqu'à ce qu'elle vienne à sa rencontre. Une dernière fois.

Leur amitié était finie.

Lily ne savait pas vivre sans lui. Elle avait l'impression d'être au bord d'une falaise et plongée dans l'obscurité la plus totale. Pourtant, c'était une falaise qui ne menait pas à un tatouage grouillant sous son bras constellé de tâches de rousseur.

Le chemin que Severus empruntait ne serait jamais le sien.

ooOoo

Lydell observait avec concentration le long parchemin où Asellus avait répertorié ce qu'il savait des mois de Mai et Juin. Il s'agissait d'un travail typique du garçon, avec les détails à outrance, la précision exacte et l'acharnement sur une tâche.

— Je ne peux prévenir Dumbledore, marmonna-t-il à regrets. Ces familles vont tomber sans que nous puissions rien y faire.

Elles étaient déjà tombées lorsqu'il était né. Il désirait ardemment tous les sauver, mais il ne le pouvait pas, et tous deux en étaient conscients.

— La destruction de Baggin's Hill peut-être anticipée, contra son neveu en se tordant les mains.

Lydell le sentait frustré et anxieux, autant qu'il réalisait que sa propre angoisse prenait des proportions intenses. Il reposa le parchemin et planta son regard dans les prunelles claires un peu vagues.

— Je te promets de faire ce que je peux, mais prétendre que tu as obtenu des informations par les pensées des autres peut pousser Dumbledore à t'embarquer dans l'Ordre d'une façon qui risque d'engendrer que Voldemort ait accès à toi.

La migraine qui cognait à ses tempes fut un soudain un peu plus forte et il passa une main sur son visage cireux. Il ne dormait plus, écoutait toutes les conversations possibles et analysait les journaux.

— Nous sommes à Poudlard, tu entraînes ceux qui se battront pour qu'ils puissent survivre, j'emmagasine des informations et j'avertis les élèves.

La voix d'Asellus retentit dans la chambre, et l'homme rouvrit les yeux. Ses doigts effleurèrent les organigrammes et les plans posés sur le sol.

— Tu es toujours le même, Harry. Mon frère aîné ou mon oncle, Harry ou Lydell, je sais qui tu es, et je te reconnais.

— Qui sommes nous pour décider de qui doit vivre et qui doit mourir? répliqua Lydell, écœuré.

Tant de pouvoir entre leurs mains. Ils n'avançaient pas réellement à l'aveugle, sauf en ce qui concernait leurs nouvelles vies. Ils savaient qu'ils détruiraient les Horcruxes après 1981, qu'ils tenteraient entre temps de sauver le plus de vies possibles, mais qu'ils devaient aussi mener Voldemort à Godric's Hollow ce funeste 31 Octobre.

Une puissance incommensurable due au savoir et à la décision qu'ils avaient prise. Revenir dans le passé pour remodeler le futur, tel un Dieu, et décider des chemins où mener les autres selon ses affinités et leur utilité. Les yeux bleus d'Asellus braqués sur lui indiquaient son désarroi face à cette terrible question trop rhétorique.

— Non, ce que nous faisons n'est pas éthique, déclara l'adolescent. Nous évoluons dans la zone grise.

— Nous sommes censés représenter la Lumière.

— Mais la Lumière a perdu. En suivant le raisonnement logique du monde et le libre arbitre, nous aurions dû accepter la défaite. Retourner dans le temps pour modifier l'issue de l'Histoire est tabou. Immoral, irrespectueux envers le libre arbitre parce que nous supprimons les choix des humains. C'est injuste, et c'est de la triche.

Ses yeux clairs étaient aussi limpides que sérieux, avec une factualité presque naïve. Fidèle à ses marques, Asellus pencha la tête sur le côté pour réfléchir plus encore.

— Je peux vivre avec ce que j'ai fait. Je t'y ai entraîné sans te demander ton avis. Nous ne sommes pas obligés de changer le futur. Tu peux vivre ici, tout simplement. Je t'ai ramené en premier lieu parce que je voulais que tu vives.

— Et laisser volontairement les miens aller à la mort? murmura Lydell.

— Tu es fâché?

Passé maître dans le décryptage de son cadet, Lydell sentit son malaise, et baissa ses boucliers avec un signe du menton.

Les images qui défilèrent était édifiantes. Asellus se basait tout simplement sur son intérêt Spécifique pour la Seconde Guerre Mondiale et la théorie de la zone grise. Non, on ne peut pas toujours être éthique pour gagner. La bombe atomique le prouvait. Lui, il avait orchestré un voyage dans le temps.

Lydell resta pantelant quelques secondes, remit aussitôt ses barrières mentales puis s'assit à côté de son ami.

— Ce n'est peut-être pas moral, mais ça reste un choix juste, soupira-t-il. Le seul choix qui n'anéantisse pas le Royaume-Uni et tous ses sorciers. Mais, Asellus, maintenant nous devons rendre le droit au libre arbitre. Guider, oui. Décider qui doit vivre ou mourir…

— Avec Enigma, qui a permis de décoder les codes Nazis et de connaître les opérations à venir, il a fallu choisir qui vivrait ou mourrait afin de ne pas éveiller les soupçons ennemis. Lors du Débarquement, les Généraux qui ont nommé les régiments des premières vagues savaient qu'ils sacrifiaient ces soldats-là.

L'index d'Asellus effleura le sien, et Lydell lui sourit, décontenancé et épuisé.Avec sa maladresse pourtant capable de toucher juste, son cadet parvenait à l'apaiser. D'autres avaient dû prendre ce genre de décision avant lui. Ils n'en étaient pas pour autant mauvais.

Mais ce qui le caractérisait, qu'importe l'époque ou le nom, était sa bienveillance. Cette détermination à être du côté de la Lumière quoi qu'il en coûte, à se différencier de l'Ombre par ses actes et par la façon d'atteindre ses objectifs.

Asellus s'agita. Lydell enroula leurs index ensemble. Ils se guideraient l'un l'autre.

— Je vais combattre aux côtés de l'Ordre, bientôt, Asellus. Je me retrouverais face à ceux que nous avons déjà combattus, à Lucius, peut-être un jour face à Regulus.

Ses tripes se nouèrent et il lutta contre une intense nausée. Il avait appris à supporter les plus atroces ignominies, odeurs et conséquences, mais l'idée d'affronter son mentor et cet allié si précieux, de croiser leurs regards haineux le bouleversait. Il inspira profondément, déterminé à ne pas laisser ses émotions les submerger tous deux.

— Nous devrons nous battre avec modération, répondit Asellus.

Il comprenait parfaitement l'importance du libre arbitre. Il était lui aussi déterminé à rester dans la Lumière. Il l'avait choisie, après tout.

— Je crains que ce ne soit le plus dur, admit l'ancien meneur. Nous ne devons sous aucun prétexte attirer l'attention de Voldemort mais j'éprouve des difficultés à contrôler mes réflexes.

S'adapter à cette nouvelle vie prenait tant de temps, et malgré sa détermination à tenter de s'intégrer et de se construire de nouveau, il ne pouvait oublier leur priorité. Les derniers événements les faisaient se renfermer sur eux.


Dumbledore l'avait fait appeler hors de Poudlard pour la première fois, et Lydell s'interrogeait sur ce que sa présence sur un champ de bataille changerait. Les Mangemorts se trouvaient à Pré-Au-Lard et si, fort heureusement, l'on était un jeudi soir et aucun élève ne se trouverait entre deux feux, l'angoisse enserrait son cœur tandis qu'il se ruait hors de la zone protégée du château qui empêchait de transplanner.

Il entendit les cris des sorts et des habitants et sut instinctivement où se diriger. Forcé de passer devant les Trois Balais, il se força à garder son regard droit devant lui, courant baguette devant lui pour prêter main forte à l'Ordre du Phénix.

Il ne s'était jamais retrouvé dans cette position. Sous la protection de Regulus, il avait eu un statut à part, puis en tant que Leader, il donnait les ordres et arrivait pour protéger. Obéir ne lui convenait pas, le lieux de l'attaque le perturbait mais la pensée que sa présence puisse sauver ou faire une différence poussait ses pieds à appuyer de grandes foulées sur le sol et ses muscles à reprendre un rythme trop familier.

La course lui fit un bien étrange et lorsqu'il déboula sur le champ de bataille, son corps était vidé des tensions accumulées au fil des jours à attendre dans Poudlard. En balayant les alentours de ses prunelles émeraudes, l'ancien meneur comprit pourquoi le directeur de Poudlard avait fait appel à lui. Il était professeur de Défense Contre les Forces du Mal, et rompu aux techniques de combat. Devant lui se trouvaient Marlene McKinnon, Elphias Dodge, Alastor Maugrey et Sturgis Podmore. Ils affrontaient cinq Mangemorts, mais deux loups-garous et un vampire les mettaient également en difficulté. Prise au piège, une famille s'appuyait contre un mur. Il était heureux que trois des combattants de l'Ordre présents soient Aurors et entraînés. Ils paraissaient cependant épuisés. Lydell vint relayer Elphias Dodge, qui affrontait une silhouette beaucoup trop reconnaissable. Le vieil homme avait la respiration sifflante et tenait à peine debout. Un sortilège de mort fusa, et Lydell roula à terre, emmenant son allié avec lui.

-Faites s'enfuir la famille, lui ordonna-t-il. Je me charge de... lui.

Il reconnaissait sans peine la posture droite et les épaules carrées de Lestrange, la courbure de ses hanches dissimulées par ses robes de jais, ses longs doigts fins et imberbes.

— Incarcerem! Expulso!

Lestrange éclata de rire, évitant les sortilèges avec grâce. Les souvenirs de Lydell embrasèrent son esprit et il lutta pour ne pas répondre à l'aide d'Avada Kedavra. Tuer Lestrange altérerait bien trop le cours de la guerre.

— Endoloris! Eh bien, c'est que tu es doué gamin! Endoloris!

Lydell roulait sur le sol, se relevait, évitait les sorts sans soucis, sans réellement chercher à combattre, trop conscient du danger que représentait sa supériorité au combat. Un coup d'œil à droite lui indiqua que Marlene affrontait Bellatrix. Elles étaient douées, au même niveau. Il fut stupéfait par la maladresse de cette femme cinglée qu'il haïssait tant, par ses sorts puissants mais raisonnables, par son rire pourtant toujours si crissant et insupportable.

Ces Mangemorts, ces adversaires, étaient bons. Pas encore excellents, agiles mais ouvrant leurs flancs, vifs mais lents. Loins d'avoir acquis toute la technique qui les rendrait redoutables et plus tard, mortels.

Un des lycaons s'approcha de la jeune Auror, la bave dégoulinant de ses babines, plus animal qu'humain.

— Tarentallegra, chantonna Rodolphus, et dans un autre mouvement souple, Lydell sauta par dessus le jet violet.

— Diffindo! Stupefix! Gemino!

Le sortilège de stupéfixion visait le loup-garou dans un adroit mouvement où Lydell tourna sur lui même en affrontant Lestrange, et cette tactique considérée pour le moment comme déloyale atteignit l'homme en pleine poitrine. Marlene se tourna vers lui reconnaissante, et se prit de plein fouet le sortilège cuisant de Bellatrix. L'ancien meneur grinça puis rampa un instant avant de tenter d'enflammer la robe de son adversaire, qui lui offrit un sourire sans cesser d'éviter ses sorts.

— Admirable! Tu ferais une excellente recrue! Nous pouvons t'offrir bien plus que le Ministère ne le pourra jamais.

Déstabilisé, le jeune homme manqua de se prendre un sort qui avait dévié du combat entre Maugrey, le vampire et un Mangemort. Y voyant une faille, Lestrange tenta de l'immobiliser, mais il répliqua aussitôt par un informulé entre deux Diffindo, entaillant la joue de son ennemi et malmenant son épaule. Surpris et d'être touché, et par la douleur, Lestrange baissa sa garde et Lydell saisit l'occasion. Il l'envoya contre le mur, le laissant sonné.

Enfin ils pouvaient tenter d'évacuer les civils. Elphias ne parvenait pas à aider la famille à s'enfuir, un Mangemort que le jeune homme ne connaissait pas lui bloquant la route et torturant ses victimes. Son allié tenait miraculeusement debout, trempé de sueur. Lent, agile, Lydell se déplaça jusqu'à eux en gardant un œil sur ses partenaires de combat, chacun toujours occupé avec un ou plusieurs adversaires, lança un sortilège d'entrave qui ralentit considérablement le Mangemort, puis se rua vers la famille. Un homme, pris de convulsion,s avait du sang qui coulait de la bouche à force de s'être mordu la langue pour s'empêcher de hurler, le visage de la femme était couvert de bleu, et l'un des enfants avait au moins perdu un œil. Il restait un tout petit et une fillette terrorisée.

— Tu sais courir? s'enquit-il le plus doucement possible.

Moduler sa voix ne se fit pas sans mal, il était habitué à être ferme et efficace, et les enfants n'en prenaient jamais ombrage. Tous savaient qu'ils risquaient de mourir à chaque instant. La différence de cette époque constituait un net désavantage à ses yeux, et il ne parvenait pas en cet instant à s'en sentir heureux, car les risques de les perdre augmentaient. La petite fille hocha la tête.

— Prends ton frère dans tes bras, et cours jusqu'à la sortie du village, là où il y a une enseigne de bête.

Ils seraient en sécurité à la T ête de Sanglier, et Lydell pourrait prétendre l'avoir remarquée en accourant si Dumbledore s'interrogeait.

— Non... murmura la mère.

Lydell se fit violence pour garder son calme.

— Je vais les couvrir. Vous n'êtes pas en état de les aider, et ils ont plus de chance de survie qu'en restant ici.

La fillette dévorait sa mère du regard, terrorisée, attendant son assentiment.

— Cours! ordonna sèchement Lydell, et elle détala, le bébé dans les bras.

Il la vit manquer de perdre l'équilibre, et lorsque Bellatrix fit fuser sur elle un croc-en-jambe en la remarquant, il envoya une micro-tornade la soulever dans les airs. Déterminée à faire des dégâts, Bellatrix jeta un sort bien moins sympathique, qui fit bondir Lydell dans sa direction, un peu trop enragé. Les autres Mangemorts, mis en difficultés par Podmore et Maugrey, laissèrent filer l'enfant.

Bellatrix lançait les maléfices dangereux à tour de bras, mais ce n'étaient pas encore la magie noire à laquelle il était accoutumée, et elle fatiguait déjà de son combat avec Marlene. Pourtant, haïssant visiblement l'idée de perdre ses proies, la femme jeta un Doloris sur le mari à peine conscient.

Autour d'eux, ce combat minuscule avait épuisé tout le monde. Pour quoi, une famille? Si Asellus n'avait pas prévu l'attaque, il s'agissait sans doute de simple civils, d'un raid destiné à faire régner la terreur dans lequel l'Ordre était intervenu. Histoire de signaler sa présence. D'informer que le temps de l'impunité était révolu. Lydell se plaça en retrait, peinant à obtenir une bonne vision d'ensemble.

— Impero!

L'ancien meneur se retourna presque mais un éclat bleu l'attira à sa droite. Un inconnu masqué profitait de la distraction pour s'en prendre à l'enfant restant, recroquevillé de douleur dans un coin. Lydell érigea sans mal un bouclier, toutefois cela le rendit impuissant à aider l'homme ensorcelé. Marlène revenant à la charge pour la bloquer, l'un des Mangemort méconnu délaissa un Elphias Dodge épuisé pour lui faire barrage.

-Tue-le, chantonnait la femme, une lueur de jouissance dans ses yeux.

Le regard vide, le père avançait ses mains vers son enfant, que protégeait toujours Lydell. S'il continuait ainsi… La mère poussa un hurlement de désespoir. C'était atroce. Les mêmes jeux sadiques qu'à leur époque, à une plus petite échelle. Des jeux qu'il aurait pu contrer se fut-il autorisé à déployer toute sa puissance.

Il allait peut-être perdre des civils parce que s'il élevait le niveau technique de la guerre dès soixante-seize, la terre risquait de s'effriter.

Maugrey, ayant fini d'en découdre avec ses ennemis, les rejoignit, laissant Podmore continuer un combat sans fin.

Le facteur humain qu'affectionnent tant les sociologues renversa la situation. Dévastée, sachant que cet homme ne se remettrait jamais d'avoir tué son fils de ses propres mains, son épouse le sacrifia autant qu'elle le soulagea.

— Cutshorteo!

Reconnaissant le sort, Lydell plaça instinctivement ses mains sur le visage de l'enfant alors que la tête de son père, brutalement coupée du reste de son corps, roulait sur le sol, éclaboussant Marlene qui hurla sans parvenir à se contenir. Maugrey s'attaqua à Bellatrix, Lydell attrapa l'enfant dans ses bras et s'éloigna à toutes jambes, invoquant un bouclier contre ceux qui tentaient de le poursuivre, et Elphias trouva assez de force pour faire exploser un mur sur leurs adversaires.

Il déposa l'enfant à la Tête de Sanglier, l'inspecta, puis chercha du regard les deux autres. Roulés en boule près de la cheminée, ils tremblaient. Le bébé hurlait. Le jeune homme s'agenouilla pour les bercer tous deux.

— Qui êtes vous?

Se tournant, il aperçut Abelforth, et garda sa baguette en main, prêt à se protéger.

— Lydell Moulin, professeur de Poudlard. Les Mangemorts ont attaqué, peut-être au hasard, peut-être sur un ordre précis de Voldermort.

— Et vous avez jugé bon d'envoyer des réfugiés dans mon pub? Vous croyez que je n'ai que ça à faire de nettoyer le sang et de me protéger de ces Mangemorts?

Le ton grincheux trop familier lui souleva le cœur. Les seules images qui remontaient à son cerveau représentaient un homme nu et décharné, suppliant et brisé, à peine capable de se lever seul.

— Je les ais envoyés là où le moins de monde était susceptible de se trouver, et loin des combats. Je vais devoir y retourner.

A peine se leva-t-il cependant qu'il fut pris de vertiges et que tout ce qu'il avait tenté de refouler durant la bataille lui revint brutalement en pleine figures.

Les souvenirs de Pré-Au-Lard embrasèrent son esprit, des images de cadavres marchant, attrapant les mains, les bras, collant les visages, vinrent le torturer.

Puis le corps massacré d'Emily. L'enfant qu'il avait porté possédait les mêmes cheveux blond platine.

Son œil encore existant se posait sur le monde aussi craintif et hagard que les prunelles d'Artemis les premiers mois. Lydell chancela.

— M'est avis que vous n'ferez pas long feu, grommela le vieil homme.

Ils avaient dû attendre des années pour vaincre enfin Lestrange et Bellatrix et alors qu'ils s'étaient trouvés à portée de main, plus faibles et maladroits qu'ils ne le seraient jamais, il avait retenu ses coups, au mépris de toutes les victimes qu'ils feraient plus tard.

Son estomac se tordit violemment et contrairement aux années précédentes, où il s'était trouvé trop vide pour pouvoir régurgiter quoi que ce soit, la bile lui monta dans la gorge et il sortit vomir.

S'accrocher aux avertissements d'Asellus. La boucle ne pouvait être déjouée au hasard. Conscient que sans son cadet, il détruit les deux époux diaboliques, conscient qu'il ne pouvait rien faire de plus qu'attendre, Lydell vomit de nouveau, des larmes de rages coulant sur ses joues.


Les membres de l'Ordre ayant combattu le rejoignirent bientôt à la Tête de Sanglier, suivis de Dumbledore, ce qui signifiait qu'Alberforth avait prévenu son frère. Le visage de Marlene était boursouflé. Ses robes, couvertes d'éclaboussures du sang de ses ennemis, du sien et du père. La respiration sifflante d'Elphias commençait à redevenir régulière mais il ne reprenait pas conscience. Sturgis et Maugrey paraissaient épuisés, bien qu'indemne.

— Pourquoi Voldemort les voulait-il? s'enquit Sturgis aussi sèchement qu'à son habitude.

— Cassius était rédacteur à la Gazette, et l'auteur de l'article visant à prévenir contre les actions de Voldemort et la peur qu'il engendrait.

— Il avait une plume efficace, déclara platement Lydell. Son intelligence et sa capacité d'analyse auraient pu faire changer d'avis certains et encourager d'autres à se dresser contre lui.

Ils s'étaient assis dans une chambre, épuisés et ébranlés.

— Comment cela s'est-il fini? demanda Dumbledore.

— J'ai transporté son épouse à Sainte Mangouste, répondit Podmore, et les Mangemorts sont retournés près de leur maître... mal en point.

— Il ne va pas apprécier, prédit Maugrey. L'Ordre est à jour désormais. Quiconque en fait partie est en danger, de même que sa famille. McKinnon, tu as intérêt à les avoir tous mis sous Fidelitas.

Lydell réalisa soudain que les Mangemorts avaient pu voir leurs visages. Aucun d'eux ne portait de masques. Il serra les poings.

—Êtes vous capables de les identifier?

— Ce n'est pas la priorité, répliqua Marlene.

Inspirant profondément, il s'obligea à se rappeler qu'il aurait pu les faire prisonniers et les avait laissés partir.

-Tu te bats de façon excellente, Moulin, grogna l'Auror le plus expérimenté.

Il n'avait pas même élevé le niveau à la moitié de ses capacités, mais il s'obligea à demeurer muet et impassible.

— Je n'ai rien contre ce que tu m'enseignes tes techniques aux prochaines vacances, approuva Marlene.

— Bien.

Il se sentit incapable de continuer. Son cerveau tourbillonnait, le goût amer de la bile embrasait sa bouche et la bataille réveillait les atrocités qu'il s'était efforcé d'oublier durant les derniers mois. Il accueillit avec soulagement la proposition de leur directeur de se retirer dans des chambres séparées.

Quelques heures durant il avait eu l'impression de se retrouver en 2003. Allongé dans son lit, il se tortilla jusqu'à ce que des coups frappés à sa porte retentissent. Mais ce n'était plus Artémis qui venait se glisser contre lui, un livre en guise de doudou, ni Regulus qui venait lui dire bonne nuit.

Désormais, il s'agissait d'Asellus, torse nu et ostensiblement inquiet. Son neveux l'observa puis accueillit le déluge d'émotions avec un simple gémissement.

— Veux-tu aller près du lac? Demanda-t-il avec un stoïcisme qu'apportent des dizaines de combats inimaginables, et d'heures qui suivent durant lesquels il faut continuer à vivre pour ne pas devenir fou.

— Tu devrais dormir, Asellus.

— Tu n'y arriveras pas, répliqua le garçon.

Il s'agissait d'une évidence, de l'expression de son amour pour Lydell. Tu ne dors pas, je reste avec toi. Incapable de lui tendre son index, geste qui aurait fait revivre à son cadet les événements de la nuit, l'ancien meneur se saisit d'une robe et força Asellus à mettre une veste.

Ils descendirent avec la sensation de braver le couvre-feu. Sous ses iris émeraudes, les souvenirs de Poudlard défilaient. En compagnie de Ron et Hermione, lorsqu'ils tentaient de faire évacuer Norbert, lorsqu'ils se rendaient à des réunions de l'AD...

— Je n'avais jamais eu l'occasion de voir la Salle Commune des Poufsouffles avant que la Lumière ne s'installe à Poudlard, déclara-t-il de but en blanc.

— Les Salles Communes reflètent les esprits des maisons. Chacune d'entre elle a pour vocation d'accueillir des élèves et de les faire se sentir bien. Néanmoins, celle de Poufsouffle est particulièrement mystérieuse car les premières descriptions ne corroborent pas la réalité. D'aucuns arguent que son accès au rez-de-chaussée prouve qu'il s'agit d'une maison «en plus», créée pour accueillir ceux qui n'avaient pas de place ailleurs, car tous les autres emplacements ont quelque chose de spécial

Asellus lui livra des informations sur la façon dont les Fondateurs les avait construites, et Lydell sentit qu'il se calmait et retrouvait ses repères.

Pourtant l'amertume ne le quittait pas.

Le libre arbitre et la vie n'étaient pas des choses à manipuler.

ooOoo

Seule.

Lily n'avait jamais vraiment connu la solitude. Avoir une sœur aîné constituait un avantage indéniable, et Pétunia l'avait aimée et s'enorgueillissait de l'admiration que lui portait sa cadette. Lorsque la magie les avait éloignées, Severus l'avait accompagnée, indéniable soutien et ami.

Sans lui, le sentiment de solitude paraissait insoutenable. Marcher seule dans Poudlard, s'asseoir à la bibliothèque sans personne à côté, toutes ces choses si aisées qu'elle faisait auparavant sans Severus parce qu'il se tenait occupé ailleurs ne se ressentaient pas du tout de la même manière, à présent.

Elle éprouvait la terrible sensation que tous la regardaient et la prenaient en pitié parce qu'elle était seule, qu'elle s'asseyait seule, qu'elle n'avait pas de réels amis.

Pire, encore, elle attendait avec impatience de pouvoir raconter telle anecdote, telle remarque… et s'apercevait qu'elle n'avait plus personne avec qui parler.

Seule.

Et ce qui lui rappelait Severus Rogue enserrait sa poitrine et rendait sa gorge trop douloureuse et gonflée.

Dorcas et Mary étaient présentes pour elle aux repas, dans leurs dortoir, mais elles n'attendaient pas avec impatience que Lily arrive pour leur raconter sa journée. Elles ne s'illuminaient pas en la voyant.

Plus personne ne la touchait. Severus avait été extrêmement tactile, Lily se sentait vulnérable sans sa main dans la sienne. Elle avait froid, et besoin d'un geste affectueux, d'une paume sur son bras, d'une étreinte rassurante.

Pire, la jeune fille découvrait qu'elle ne supportait pas ni solitude, ni le regard des autres. L'idée de ce qu'ils pensaient d'elle en la voyant seule l'obsédait. Elle se tenait à l'affut d'ue éventuelle pitié ou moquerie qui pouvait en découler. Ce n'est pas agréable d'apprendre que l'on a un ego un peu trop présent, que l'on ressemble finalement aux autres.

Et une partie de Lily tenait rancoeur aux Gryffondors de ne pas lui proposer de se joindre à eux, une partie stupide et humaine que n'importe quel congénère possédait mais qu'elle haïssait et redoutait. Elle ne voulait pas devenir amère.

Les cours pratiques sur les Patronus continuaient, mais ils avaient entamé la théorie au sujet des Détraqueurs. La souffrance de Lily n'en était que renforcée. Ce sujet qui la passionnait tant se liait inconditionnellement à Severus.

Il lui manquait et elle devait s'accrocher pour ne pas céder à l'impulsion de retourner auprès de lui, de reprendre la politique de l'Autruche, et ce d'autant plus qu'il lui jetait des regards suppliants, languissants.

Il est dangereux. Il n'est plus le garçon que tu as tellement aimé. Tu ne pourras pas le changer. Au contraire, lui finira par t'emmener trop loin, vers les Mangemorts.


Elle s'assit ce jour-là à côté de Lupin, derrière Black et Nere. Les Maraudeurs étaient si proches qu'elle s'étonnait que Sirius ait pu se lier avec quelqu'un d'autre. A priori, ils s'étaient rapprochés après le désastre de la Cabane Hurlante. Lily peinait à comprendre qu'ils se soient trouvés.. Nere paraissait si maladroit et ailleurs, tandis que Sirius était social, chaleureux et enfantin...

D'ordinaire. Dernièrement, il paraissait trop sombre et peut-être était-ce la raison pour laquelle les deux garçons s'entendaient.

Moulin leur sourit puis reprit la leçon où il l'avait laissée les fois précédentes, parlant d'Azkaban et des dangereux criminels s'y trouvant et Lily se souvint de sa crainte enfantine d'y finir un jour. Le sourire amusé et la gentillesse de Severus alors que sa petite main froide serrait la sienne lui porta un coup au cœur qui faillit la plier en deux. Devant, Nere poussa un gémissement glaçant. La plupart des regards se tournèrent vers lui, mais Moulin poursuivit son cours comme si rien ne s'était produit. Sirius se contenta d'adresser un sourire à son ami puis reprit sérieusement ses notes.

— Personne ne s'inquiète? murmura Lily à Remus.

La souffrance émise par un seul son lui remuait l'estomac.

— Si. Vous êtes sept à vous inquiéter.

La réponse monocorde lui parvint alors que Nere se retournait vers elle. L'étrangeté de la situation en laissa la jeune fille bouche bée.

— Qu'est-ce qui se passe?

— Tu souffres.

Incrédule, incapable de savoir comment réagir, l'adolescente tenta de trouver une réponse appropriée. Il se mettait dans cet état… à cause du chagrin d'une inconnue?

— Si elle ne veut pas t'en parler Asellus, tu ne dois pas t'en mêler, répondit fermement Remus.

Un peu trop fermement, un peu trop brutalement. Le garçon cilla et même si son expression ne s'altéra pas, Lily vit nettement la lueur blessée dans ses yeux bleus.

— Allez Remus, répliqua Sirius, ce n'est pas comme si toi-même tu ne t'inquiétais jamais pour ceux les autres.

Le jeune Black fronça les sourcils, puis observa la jeune fille, qui se sentit s'embraser. Si elle se sentait surprise qu'un étudiant à qui elle ne parlait jamais ait énoncé avec une telle évidence sa douleur, elle regrettait profondément qu'il l'ait fait devant d'autres.

— Qu'est-ce qui se passe, Evans?

— Rien, répliqua-t-elle.

Son orgueil l'empêchait de s'épandre devant deux garçons dont elle n'était pas proche. Son sentiment de solitude lui revint de plein fouet. Nere fit un brusque mouvement vers l'arrière. Black posa un regard inquiet et songeur sur lui.

— Je n'en suis pas sû...

Avant qu'il n'ait pu finir sa phrase, Asellus bondissait agilement sur son bureau, baguette brandie, et évita un sortilège lancé par son oncle.

— Vous aurez tout le temps de discuter durant la pratique, les tança-t-il. Concentrez vous.

Ses élèves, désormais rompus à des réprimandes musclées, ne bronchèrent pas, et Lily sentit ses joues devenir un peu plus écarlate.

Il lui fut impossible de produire la moindre volute de fumée tant invoquer des souvenirs la faisait souffrir. Le regard perçant de Nere braqué sur elle la déconcentrait. Elle partit s'asseoir à ses côtés, consciente qu'elle n'était pas heureuse et ne pourrait rien produire.

— Pourquoi ne participes-tu pas aux exercices?

Souffrait-il de la même problématique, sans que son oncle ait pu l'aider? Etait-elle condamnée à ne jamais pouvoir produire de Patronus? L'envie de se blottir dans les bras de son père la submergea et elle regretta, pour la première fois, d'appartenir au monde magique. Ses parents risquaient la mort, elle s'éloignait d'eux, et ils lui manquaient en cet instant terriblement.

— Il est inutile que je tente de produire un Patronus, répondit Nere, aussi atone qu'à l'accoutumée.

— Pourquoi? insista-t-elle.

Jamais encore elle n'avait prêté attention à lui mais il l'intriguait désormais, avec son hypersensibilité et sa maladresse.

— Ma magie ne fonctionne pas correctement. Je ne sais pas ce que ça donnerait.

La confession naturelle qui aurait pu s'avérer dangereuse face à quelqu'un d'autre ébranla l'adolescente.

— D'accord, répondit-elle.

Ils demeurèrent silencieux. Il ne lui posait aucune question, ne faisait aucune remarque, et Lily s'en sentit déconcertée.

— J'aimerais connaître la forme que prendra le mien. Tu sais...

Elle s'interrompit, et il ne broncha pas, la forçant à finir de formuler sa question, aussi maladroite soit-elle.

— Tu sais quelle forme ton Patronus pourrait prendre?

— Non.

Les réponses étaient si sèches, si courtes.

— Je t'ennuie?

Elle préférait se montrer franche et directe, connaître la vérité, peu importe qu'elle blesse, et sa fougue et son honnêteté surprenaient parfois. Nere ne parut pas s'en émouvoir, comme il ne paraissait pas s'émouvoir de grand chose.

— Non.

Un nouveau silence? et Lily commença à se sentir profondément mal à l'aise.

— Ca ne me dérange pas de discuter avec toi.

Entièrement déconcertée, elle chercha un nouveau sujet, et le plus évident apparut.

— Est-ce si évident que je souffre?

— Je ne sais pas. Dans mon cas, je le sens. Ta solitude te coupe le souffle et elle coupe aussi le mien. Je crois que je n'aime pas sentir que quelqu'un que j'aime bien souffre.

Lily avala sa salive, ouvrant et refermant la bouche, ne sachant que répondre à une telle déclaration. Elle commença à cerner pourquoi Sirius s'entendait bien avec Nere, et une pointe de respect envers le jeune Black naquit en elle.

-Lily?

Moulin apparut devant eux. Ses yeux croisèrent ceux de son neveu et une sensation étrange enveloppa la Gryffondor, qui sentit une communication muette et un lien profond entre eux.

— J'aimerais vous voir lorsque j'aurais mis fin au cours, déclara le professeur.

Il évitait de la regarder, et rejoignit rapidement Mulciber pour l'aider à corriger sa posture.


Quelques minutes plus tard, un éclat plus lumineux que les autres fit se tourner tout le monde vers les Maraudeurs et plus particulièrement, Remus Lupin.

Une forme flottait autour de lui, sublime, agile, fluide. Un loup argenté.

— Un loup.

La voix du Gryffondor contenait de l'horreur et du dégoût, venant appuyer les théories de Severus, et Lily se sentit peinée pour lui.

— Un animal qui protégera sa meute et sa famille, quoi qu'il arrive, avec une férocité admirable, et qui placera toujours les siens en premier.

Lupin marmonna quelque chose qu'elle n'entendit pas, le regard sombre.

— Un prédateur, dit Asellus de but en blanc.

— Les loups ne sont pas...

— C'est ce qu'il a dit, répliqua-t-il. Le loup lui correspond, mais il devra apprendre à l'aimer, sans quoi son Patronus sera moins puissant. Ce sera un malus.

Moulin détournait l'attention des curieux, de ceux qui ne comprenaient pas pourquoi Lupin ne se réjouissait pas d'un succès indéniables.

— La première forme que prendra votre Patronus est celle qu'aurait votre Animagus. Le Patronus peut néanmoins se modifier si vous traversez des épreuves émotionnelles. Il deviendra alors l'animal associé à un amour. Un parent, un être aimé…

Lily fut-elle la seule à remarquer que sa voix flancha?

Lorsque le professeur ferma la porte derrière elle, et lui proposa de s'asseoir, la jeune fille était pleine d'appréhension. Un long silence s'installa, intense, où les yeux verts de l'homme scrutaient l'élève sans savoir par où commencer.

— Lily...

La voix de l'homme mourut dans sa gorge et Lily entrevit une émotion profonde mêlée de fragilité avant qu'un masque d'impassibilité recouvre son visage et vienne voiler ses yeux.

— Je peux vous promettre que vous serez de nouveau heureuse. Même dans les pire moments de souffrance, l'humain parvient à trouver de la joie. Elle lui permet de vivre et d'espérer, de désirer survivre. C'est ce qui fait notre force, et ce qui peut faire toute la différence pour ne pas se laisser dévorer par l'ombre.

Elle posa deux prunelles émeraudes sur lui. Ce fut comme regarder un miroir, à la différence que ceux du professeur paraissaient bien plus vieux et hantés.

— Je sais que Severus Rogue vous manque. Je connais la sensation de croiser quelqu'un qui est devenu un étranger alors qu'on l'a côtoyé des années durant.

Et elle savait qu'il avait expérimenté la perte des pires façons imaginables.

— Votre neveu aussi a remarqué...

— Asellus saisit de nombreuses choses. Il n'est pas le seul, votre chagrin vous enveloppe. Nombre de professeurs s'inquiètent, votre Directrice de Maison en tête. Elle vous convoquera aussi. Nous ne laissons pas nos élèves rester seuls avec leur souffrance.

Il s'interrompit, inspira. De nouveau, ce long silence, presque douloureux. Ces yeux sur son front pâle plutôt qu'en face des siens.

— Que vous ne puissiez pas produire un Patronus signifie que vous ne parvenez plus à trouver suffisamment de bonheur et d'espoir en vous. Il faut vivre, Lily. Vous devez continuer à vivre. Trouver le bonheur dans les petits instants de la vie, le saisir quand il passe… Allumer une lumière.

La gorge de la jeune fille se noua, et des larmes traîtresses vinrent brouiller sa vue.

— Parce que la guerre arrive, et que je ne suis pas sûre d'y survivre?

Le visage se fit de marbre. Statue figée, sans émotions. Lily comprit qu'elle venait d'effleurer l'interdit.

— Nul ne sait s'il survivra, Lily, mais je veux que vous ayez tous, toutes les chances d'y parvenir. En attendant, il vous faut vivre. La semaine prochaine, je passerai autant de temps qu'il le faut à trouver des souvenirs qui peuvent être évoqués par votre esprit.

Il plaçait un mur entre eux, elle le sentait, une distance entre professeur et élève. Pourtant, son inquiétude sincère traversa chaque pore de sa peau, de la même façon qu'Asellus Nere s'inquiétait. Le sentiment de solitude qui coulait dans ses veines s'évapora soudain.

— Merci.

Il lui offrit un sourire sincère et ses yeux pétillèrent, autant de joie que d'une douleur étrange.

Quelque chose se modifia en elle. Elle retrouva l'émotion rigide qui l'avait soutenue face à Severus, accompagnée d'une source de chaleur interne.

Elle venait de perdre son meilleur ami, mais d'autres avaient connu des deuils.

Elle pouvait être comprise par d'autres.

Elle devait vivre.

Parce que c'était la meilleure façon de survivre à une annonce de guerre. Vivre. Être heureux.