Sortilège 11: flash-back
Chargée de deux valises, vêtue comme une jeune Moldue de son âge –un chemisier resserré à la taille par une ceinture, un tablier s'étalant sur une jupe, des chaussettes à lacets et des souliers vernis–, Eugénie apparut seule dans l'arrière-cour de la Coutellerie du Roy, interdite au public –sous-entendu, les non-sorciers–. Louis aurait dû conduire la Française jusqu'au quai du Tunnel de Transportation mais la cloche fendue, transformée en Portoloin, avait refusé de transporter les deux sorciers, à cause d'un dysfonctionnement ou d'une limitation, le Belge n'avait pas su l'expliquer. L'artefact tourna sur lui-même et repartit à Damme, son point de départ.
La jeune fille releva le menton et découvrit son environnement. Les immeubles d'habitation cernant la cour n'étaient constitués que de murs aveugles. Elle soupesa ses bagages. Le plus gros pesait un poids conséquent mais le second, chargé de chaussettes, de culottes, de son nécessaire à toilette, de chocolats belges et de son nécessaire à courrier, pouvait accueillir un excédent. Elle passa l'unique porte donnant sur la cour. Elle se retrouva dans un modeste couloir. Il la conduisit jusqu'à un atelier de fabrication d'où s'échappaient des bruits de friction du métal sur le minéral. Un vieil homme à la chevelure argentée fournie, aux yeux du même gris que les lames qu'il fabriquait, donnait des indications à deux jeunes d'une vingtaine d'années sur la manière d'affûter des ciseaux déposés par un client important. Les trois travailleurs lui sourirent et poursuivirent leurs échanges sans se préoccuper de savoir ni d'où elle sortait, ni où elle allait. Elle devina leurs baguettes sous leurs tabliers de travail. Le plus âgé paraissait avoir transformé la sienne en lui adjoignant une sorte de manche d'une quinzaine de centimètres environ. Eugénie était prête à parier que l'adjonction masquait une lame effilée.
Une fois la zone de fabrication traversée, l'élève indisciplinée fit face à une alternative. Soit elle se dirigeait vers le magasin, soit elle empruntait le passage entravé par deux hallebardes. De là, elle irait vers la gare, le Ministère ou une mort certaine, lui avait assuré Louis Van Betavende. La tentation était forte. Elle demanda:
—Monsieur, puis-je laisser mes valises et faire un tour dans votre boutique, avant de quitter la Belgique?
—Bien sûr. Laisse-les à côté de l'établi. Accorde-moi deux secondes. Paul, tu as bien compris?
—Oui, monsieur Cielen.
—Je te confie le stock. Jean, tu l'aides à accomplir cette tâche. Je reviens. Viens, petite.
—Vous êtes le propriétaire?
—Tout à fait. Grégoire Cielen et tu es?
—Eugénie.
Le sorcier poussa une porte qui donnait sur un long et épais rideau, masquant aux clients les allées et venues du personnel.
—Cherches-tu un produit en particulier?
—Je ne sais pas.
Il repoussa l'immense portrait couvrant la porte. Elle dévisagea l'homme de la peinture.
—René Cielen, mon ancêtre. C'est le fondateur de la Coutellerie du Roy. Un remarquable fabricant de lames ayant réussi à coexister avec les Moldus, acquérant une renommée européenne dans les deux mondes.
—Il y a des objets magiques et d'autres non, dans votre boutique?
—Oui.
—Est-ce que c'est déjà arrivé de vendre un couteau magique à des Moldus?
Monsieur Cielen hocha la tête et esquissa un «oh» avec sa bouche.
—Pas souvent, mais je te prie de croire qu'une paire de ciseaux ensorcelée, capable de sectionner du tissu, toute seule, pendant des kilomètres, entre les mains d'une couturière moldue, ça n'a pas plu au Ministère. Il a fallu faire appel au service des Oubliators français. Il a eu fort affaire pour effacer la mémoire des travailleuses de l'atelier de confection. Il a même fallu un briseur de sorts pour désenchanter les ciseaux devenus fous dans la réserve de tissus.
Eugénie ne put s'empêcher de ricaner.
—Voilà la boutique! Il y a toutes sortes de couteaux. Pour la cuisine, la chasse, la sculpture du bois. Nous avons aussi des épées, des ciseaux, des nécessaires à barbe. Envisages-tu de faire un cadeau?
—Non. J'ai l'intention de créer un parfum et pour cela, bien sûr, j'utiliserai mon chaudron, je ferai bouillir les fleurs dans l'eau. J'aurai besoin de les couper, de récupérer les pétales, voire les pistils.
—Je vois. Une paire de ciseaux, c'est indispensable. Il te faut aussi une bonne pince à épiler, très fine, pour recueillir les pistils avec délicatesse. Es-tu droitière?
—Gauchère.
—La paire de ciseaux sera adaptée à ta main usuelle mais surtout, tu ne devras jamais t'en servir pour autre chose, comme couper du papier ou du tissu. Une paire en acier 14 CR, minimum.
—Qu'est-ce que cela signifie?
—C'est une proportion de chrome ajoutée à l'acier. Il est utile de le connaître. Plus il est élevé, plus la lame sera conçue pour ne pas rouiller. En contrepartie, elle sera un peu plus fragile. Comme tu récolteras un produit frais, les ciseaux toucheront souvent la rosée matinale. Tout est question de dosage, d'équilibre.
—Je comprends.
—Il est possible que des ciseaux ne suffisent pas pour certaines essences résistantes. Normalement, je ne devrais pas vendre un couteau à une jeune fille de ton âge, mais je vais faire une exception. J'ai même une petite idée qui devrait te plaire.
Il alla fouiller derrière un comptoir et ramena un objet long d'une trentaine de centimètres, dissimulé sous une étoffe. Il le posa dans un coin tranquille, à l'abri des regards indiscrets et écarta les pans du tissu. Eugénie découvrit une splendeur au manche rosé et à la lame étincelante.
—C'est magnifique!
—N'est-ce pas?
Monsieur Cielen lui décrivit les caractéristiques de l'objet. La lame était en acier poudre, l'une des meilleures combinaisons, à laquelle du diamant Hope bleu avait été ajouté. Cela rendait la lame phosphorescente, la nuit. Un petit sortilège renforçait sa capacité à éclairer, aussi bien qu'un Lumos basique mais pas autant qu'un Lumus Solem. L'artisan lui rappela que la magie était interdite hors du château de Beauxbâtons, mais l'usage de ce couteau magique, dans l'obscurité, n'était pas proscrit par les ministères de la Magie. Eugénie se sentit séduite, emballée. La perspective de naviguer sans entrave, de nuit, était tentante.
—Pratique!
—Ce couteau dispose aussi d'une autre capacité.
—Laquelle?
—Il peut t'aider à choisir un chemin. Attention, je ne parle pas d'une route à droite ou à gauche, encore qu'il le puisse si l'enjeu est important. Je parle du chemin de vie. Je l'appelle «boussole de vérité». Si tu hésites entre deux alternatives, il s'animera lorsque le choix le meilleur pour toi, sera évoqué. Il se taira pour la pire des voies. Il t'aidera à ne pas perdre le nord dans la vie.
—Il fera le choix le plus raisonnable, le moins fou?
—Non. Il s'accordera à ta personnalité.
—Oh…
Eugénie se sentit encore plus enthousiasmée par le fascinant couteau. Elle entrevoyait une longue liste de possibilités d'utilisation et pas toutes avouables.
—Tu as, bien sûr, une baguette magique?
—Oui.
—Quelle est son essence de bois?
—Le cornouiller.
Monsieur Cielen suspendit sa réponse, ébahi par la révélation de la fillette.
—Le manche de ce couteau est en cornouiller sanguin. Il ne pouvait pas mieux s'accorder.
Eugénie le considéra. La lame la charmait. C'était une magnifique création, pas à la portée de sa bourse. Pourtant, elle serait d'une utilité incontestable dans les cas, nombreux, où ses explorations avec ses amis de l'ordre Gerbera nécessiteraient un éclairage minimal. L'attirance était si… irrésistible.
—Il coûte combien, Monsieur?
—Cela n'est pas donné, c'est certain. Je veux bien te laisser le tout pour vingt Gallions.
—Vingt?
—C'est une grosse somme, j'en conviens.
Cela correspondait presque à la moitié de sa quote-part pour la résolution de la prophétie de l'anéantissement ultime. Le commerçant la vit hésiter entre acceptation et renoncement. C'est alors qu'il lui fit une proposition inattendue:
—Essaie-le. Pose-lui la question. Demande-lui s'il part avec toi ou s'il fera le bonheur d'un autre client.
—Je vais ressembler à un ami qui parle à sa baguette.
—Un garçon plein de bon sens.
—Il est belge.
Monsieur Cielen laissa échapper un rire sonore et enthousiaste.
—D'accord.
Eugénie prit le couteau par le manche. Ce dernier était lisse, doux, poli à la perfection. Elle murmura:
—Tu veux rester ici?
Rien ne survint.
—Tu veux venir avec moi et me servir?
Le métal se nimba d'un halo rouge. L'une des étrangetés des diamants bleus.
—Sa réponse est claire. Pour la confiance que tu m'as accordée, je t'offre une remise de deux Gallions. Pour dix-huit pièces d'or, il est à toi.
Eugénie accepta. Elle souleva son tablier, s'empara de sa bourse en Moke et délivra le compte exact au commerçant. Elle fut incapable de décrire les sentiments éprouvés. C'était un amalgame de joie, de fierté, de sagesse, de conscience d'effectuer un achat intelligent, de complicité avec un artefact unique, autre que sa baguette. C'était comme si elle dissimulait un secret parmi les secrets. Elle se sentait à la fois coupable de commettre une acquisition que son père jugerait superflue –son avarice parlait souvent à sa place–, et que ses amis estimeraient indispensable. Elle se sentait aussi légitime, en droit de s'offrir un bijou, grâce à l'argent gagné au sein de l'ordre Gerbera.
Monsieur Cielen rangea tous les achats dans un petit coffret beige, au dessin régulier typique du hêtre. Puis, Eugénie repartit avec lui en direction de l'atelier. Elle rangea son acquisition dans sa petite valise et prit congé en remerciant le vieil homme. Elle traversa la zone de production et se planta devant les hallebardes menaçantes. Elle ne passerait qu'en délivrant un mot de passe. Louis lui avait donné avant de la quitter dans le cimetière de Damme. Il était sorti de sa cervelle.
«Houte s'i plout.» Il n'y avait que le ministère de la Magie belge pour utiliser un tel mot de passe signifiant «écoute s'il pleut», inventé autrefois pour se moquer des meuniers dont le moulin à eau ne fonctionnait plus en période sèche. Le même ministère avait installé un tourniquet en amont des trois issues pour compliquer la tâche d'éventuels mages aux intentions aussi sombres que leurs âmes.
—Prends la sortie du milieu, fillette! avait dit Grégoire, après lui avoir révélé le mot de passe en vigueur. C'est celle du Tunnel de Transportation.
—Vous êtes sûr? avait objecté Jean.
—Ce n'est pas pour embrouiller l'esprit des sorciers flamands, plutôt? avait opposé Paul.
—Possible.
—Probable.
—Le ministère ne ferait pas ça. Allons, allons! Reprenez le travail et cessez de taquiner les sorcières françaises! Vous verrez qu'un jour, nos voisins francophones feront de l'humour à nos dépens!
Eugénie choisit d'écouter le vieux sage et d'emprunter la voie centrale. Elle se demanda si, entre atterrir dans les griffes d'une créature monstrueuse et tomber au milieu d'une nuée de fonctionnaires, il ne valait mieux pas des crocs baveux ou des tentacules gluants. Eugénie, au service du Ministère? Jamais de la vie! Obéir à une hiérarchie, quelle qu'elle soit, c'était inenvisageable. Il lui fallait de la liberté.
Au fur et à mesure qu'elle se rapprochait du quai, la révolte grandissait dans son esprit. C'était comme une vague de feu géante, impossible à stopper. Elle faisait de son mieux pour refouler sa colère mais chaque pas nourrissait le brasier. Son père avait exigé son retour immédiat! Exigé!
Elle posa ses bagages au sol et tourna la tête dans les deux sens. Il n'y avait que quatre sorciers patientant en sa compagnie. Elle leva les yeux sur le tableau animé par un sorcier en uniforme. La peinture indiquait le panneau AMS à 8h25 puis PAR à 8h30.
L'ovule pour Amsterdam fit son entrée dans la gare. Lorsque ses portes s'ouvrirent, il libéra une vingtaine de passagers. Aucune montée n'eut lieu. La cabine transparente reprit son périple vers les Pays-Bas. Eugénie songea à ses amis demeurés à Bruges. Ils pourraient traîner chaque matin, papoter jusqu'à plus soif, sans travailler comme des forcenés sur des prophéties. Elle pestait, mais Obscur payait les solutions, les explications et plutôt bien. Si elle avait pu acquérir des livres et du matériel pour créer ses parfums, c'était grâce aux Gallions lâchés par la devineresse argentée. Dès qu'elle serait au point, elle devrait se dégoter un alambic ou exceller en métamorphose pour transformer de l'eau en alcool, indispensable pour extraire les huiles essentielles des fleurs. Par rapport à d'autres élèves, enfants de familles désargentées, les membres de l'Ordre Gerbera étaient chanceux.
L'ovule de trente places à destination de Paris fit enfin son entrée. Les portes glissèrent en silence. Tous les passagers descendant à Bruxelles libérèrent leurs sièges. Eugénie, le souffle court, fut incapable de faire un pas en avant. Ses bagages restés à terre trahissaient sa paralysie. Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait plus le supporter.
L'ovule quitta la capitale belge à la vitesse de l'éclair, propulsé par la magie. Eugénie demeura seule sur le quai. Le prochain module ne se présenterait que dans quinze minutes. Elle avisa un banc à quelques mètres de là, ramassa ses effets et les entassa à côté de l'assise publique, avant de se poser, au sens propre comme au sens figuré.
Elle s'empara de la petite valise, l'ouvrit, déverrouilla le coffret en hêtre et prit le couteau. Elle se sentit rassurée par sa présence et son odeur. Elle se demanda si l'objet, détourné par le sorcier Cielen, aurait la capacité de se lier à son esprit, afin de formuler ses questions uniquement par la pensée.
«Je dois rester en Belgique?»
Le coutelas demeura inerte. Lorsqu'elle demanda si elle devait rentrer à Beauxbâtons, la lame se mit à briller.
«Bien sûr. Après tout, c'était une question facile. Je n'ai pas le choix. Dois-je me taire face à mon père? Tu ne réponds pas. Alors, je dois l'affronter, c'est ça?»
Le rougeoiement fut sans ambiguïté.
«Je lui dis gentiment que je n'en peux plus qu'il cherche à me protéger chaque jour?»
L'inactivité ne présagea rien de bon.
«Je l'affronte, je le bombarde?»
Son auxiliaire tranchant fut affirmatif. Soit le couteau avait une âme bagarreuse, soit il comprenait à qui il avait affaire. Alfred ne comprenait que le langage militaire et Eugénie incarnait le feu, comme le Phénix dont une parcelle était incluse dans sa baguette. L'arme savait ce qui lui conviendrait. Le ton martial de son père était une attaque. Soit! Quand on attaquait Eugénie, Eugénie contre-attaquait.
Elle prit l'ovule suivant, déterminée.
Non seulement Alfred avait agi avec la diplomatie d'un tank moldu américain, mais il n'attendait même pas sa fille à Paris, à Bourg-Enchanteur ou dans la Cabane Enchantée de l'Académie. Passer des Van Betavende, chaleureux et raffinés, à son père dégrossi à la hache, c'était rude. La jeune fille, la mort dans l'âme, traversa le jardin désert, sous une pluie tiède, collante, digne d'un automne. Elle se hâta avant d'arriver trempée.
Une fois le perron passé, elle fit une halte et posa ses charges. Elle tendit l'oreille: il n'y avait pas âme qui vive. Seuls quelques bruits lointains filtraient d'une classe, peut-être les travaux d'aménagement orchestrés ou réalisés par monsieur Grossel. Sûrement le laboratoire de potions, sous la loge du concierge.
Elle reprit son chargement et s'engagea dans le couloir du Sondeur. Lorsqu'elle parvint à hauteur de l'infirmerie, elle hésita. Elle avala quelques bolées d'air pour recouvrir son calme. Rien n'y fit. La rage la taraudait.
Elle entra dans le local, ouvrit la porte du bureau de son père et se planta devant un squelette humain. Raoul, le tas d'os, trônait devant le tableau d'anatomie comportant quatre gravures: les os, les muscles, les organes et le système nerveux. Le squelette s'anima et claqua des dents, articulant à grand-peine une question grinçante:
—Le mot de passe?
—Je m'en fiche! s'agaça-t-elle, fatiguée par la paranoïa paternelle.
Elle possédait une clé ensorcelée pour ouvrir la porte du domicile familial. Tous les sortilèges classiques étaient sans effet sur le lourd ouvrage de chêne épais. Autant certains élèves auraient pu être tentés par une incursion dans l'aile locative réservée aux professeurs, autant aucun d'entre eux n'aurait été assez fou pour venir tambouriner chez le plus mal embouché du château. Elle pesta, car son père, non content d'imposer cette sécurité stupide, la changeait au moins une fois tous les quinze jours.
—Scaphoïde.
—Incorrect.
—Ulna.
—Non plus.
—Iléon.
—Pas mieux.
—Trijumeau.
—Absolument pas.
—Trou de balle 1!
—Vraiment?
Elle dut ouvrir la plus petite des valises et relire le rouleau de parchemin s'apparentant à un décret de mobilisation. Le mot de passe n'était autre que «cœur». Un comble pour celui qui en manquait cruellement, selon elle.
Après avoir prononcé le mot correct, la planche anatomique se déverrouilla et libéra un passage court avec une quinzaine de marches, conduisant à une porte. Elle souleva son tablier, prit le sésame adéquat et l'introduisit dans la serrure. À peine fut-elle débloquée que la porte s'ouvrit d'un coup, en grand, à moitié arrachée par son père. Il s'écria:
—Où étais-tu passée? Que faisais-tu? Je me suis fait un sang d'encre, Eugénie!
Elle décida de jouer la froideur.
—Pour commencer, bonjour, Père!
—Père? C'est nouveau, ça! Depuis quand tu ne m'appelles plus Papa? Hein?
—Depuis mes vacances en Belgique. Mais comme tu les as abrégées sans la moindre pitié, je ne te vouvoierai pas.
—J'y ai mis fin, car la situation internationale est très grave.
—Je m'en fiche. Non, je m'en contrefiche!
Le ton s'était fait plus agressif.
—Ma pauvre fille! Tu n'as aucune idée des dangers encourus là-bas! Aucune idée! Si seulement tu t'intéressais au monde!
—Le monde va très bien sans moi.
—File dans ta chambre! Range tes affaires et prépare-toi à remplir des rouleaux, à réviser. Il est hors de question que j'ai honte de tes résultats, une fois de plus!
—Avoir gâché mes vacances ne te suffit pas? Il faut que tu pratiques la torture?
—La torture? Me soucier de ton avenir, c'est de la torture? Tu inverses les rôles.
—Je ne serai JAMAIS médicomage ou infirmière! Jamais!
—Tu feras ce que je te dirai! Tu seras médicomage et tu prendras ma suite au domaine.
—Jamais! Je préfère retourner en Belgique où les Van Betavende agissent sans m'enfermer dans une cage comme une espèce exotique à protéger contre sa volonté. Je préfère être avec mes amis!
—Tes amies n'ont pas de famille, elles! Elles ont été reniées ou effacées, voilà! Alors que toi, tu as une famille!
Le teint d'Alfred virait au cramoisi. Il en oubliait de respirer.
—Je t'interdis désormais d'aller chez eux! Ces gens ont une mauvaise influence sur toi!
—Tu me l'interdis? Tu contrôles mes fréquentations? Maman n'aurait jamais autorisé une telle abomination. Je me demande comment elle a pu éprouver quoi que ce soit pour toi!
Il gonfla le poitrail et hurla:
—Je t'interdis de parler d'elle! Tu ne sais RIEN de ta mère! Tu ne sais RIEN! RIEN DU TOUT!
—C'est bien le problème! Tu dissimules la vie de ma mère.
—Tais-toi! Tu vas dans ta chambre et tu y restes!
—Donc, je n'ai pas le droit de quitter Beauxbâtons?
—Non!
—Très bien! Puisque tu me refuses l'oxygène indispensable à ma vie, je quitte le château. Je vivrai dans le pavillon Aloysia durant toute l'année et ce, jusqu'à mes dix-sept ans. Je vais déménager mes affaires. Cela ne me prendra pas beaucoup de temps puisque, en plus de ne jamais rien fêter, d'être avare dans ta tête et dans ton cœur de pierre, tu es le personnage le plus radin que je connaisse. Tellement radin que tu es la risée de cette école. Tu vas aussi pouvoir remplir ma notation en Médico pour l'année et inscrire FONTE, car je ne te fournirai désormais plus un seul travail et ne répondrai à aucune de tes questions en cours. Ta volonté permanente de faire de moi un pantin sans vie va être récompensée. Tu veux la guerre que tu aimes tellement au point de m'avoir abandonnée aux enseignants, aux élèves les plus aimants pendant de longues années durant lesquelles tu ne désirais qu'une chose: aller mourir au combat, sur le front ou ailleurs, pour te soustraire à tes devoirs paternels. Je vais te donner satisfaction, cher Père, tu vas avoir la guerre. Il n'y aura pas d'armistice, pas de paix, tant que j'aurai un souffle de vie.
Alfred était sur le point de faire une crise d'apoplexie lorsque sa fille en rajouta une couche:
—Une dernière chose: utiliser le «cœur» comme mot de passe, alors que tu en es dépourvu, relève de la cruauté mentale digne d'un séjour à Bonpied. Je te laisse.
—Reste ici!
Elle leva les yeux avec un sourire dévastateur.
—Il te faudra utiliser un Impero pour me forcer. Ce qui te conduira en prison. Ne me tente pas!
Eugénie empoigna son barda, recula de deux mètres et s'arrangea pour claquer la porte aussi fort que possible. Elle traversa l'aile médicale sans prêter attention au squelette lui souhaitant une agréable journée.
Elle se sentit vaciller. L'affrontement terrible avait sapé ses forces, son énergie. Elle était prise d'une irrépressible envie de pleurer, de tout son saoul. Elle était incapable de réfléchir. Elle ne parvenait qu'à se souvenir d'une chose: la clé de sa chambre au pavillon Aloysia était rangée avec les autres, dans la loge de Sébastien. Le concierge, certes bourru, ne méritait pas de faire les frais de son humeur massacrante. Elle pourrait se réfugier dans le quartier général de l'Ordre Gerbera, dans la cabane invisible. Cependant, cette disparition soudaine inciterait le personnel à rechercher l'unique élève présente dans l'Académie. Le risque de dévoiler leur secret serait grand.
Elle décida de patienter, d'attendre le retour de Sébastien et de ne pas dérober un sésame dans la loge. Il était trop tôt pour déjeuner: il devait être 9h30, peut-être 10h00. La notion de temps lui échappait. Où pouvait-elle se dissimuler pour avoir la paix? Quoi faire pendant les heures la séparant du retour du concierge? Se planquer chez le Sondeur? Non, pour jouir d'une tranquillité absolue, il faudrait manœuvrer les bancs des isoloirs et se rendre, dans le degré dix. Le degré vingt, avec le temps défilant à toute vitesse jusqu'à la rentrée, était exclu pour des raisons similaires à celles du Quartier Général. De toutes les façons, elle n'était pas à l'aise avec les sortilèges requis pour déplacer les assises.
Quelque peu calmée, respirant plus lentement, une idée germa dans son esprit. Armand n'était pas là et Obscur n'avait aucune raison d'aller dans l'observatoire. Elle se décida et grimpa jusqu'au sommet du château.
Le bureau installé au sommet de l'aile droite servait surtout à Armand Fontebrune. Claire ne l'utilisait que rarement, préférant passer entre ses élèves pour les guider, les conseiller ou les corriger. De temps en temps, elle venait s'appuyer contre le plateau et les pieds du meuble. Puis, elle repartait à l'assaut des étudiants ignares après quelques secondes de pause. Elle n'utilisait pas les tiroirs, réservés au directeur qui y rangeait livres d'astronomie, parchemins et cartes du ciel.
L'élève d'Aloysia se dit que le bureau plein serait parfait pour dissimuler ses bagages, le temps d'effectuer une visite dans la caverne des prophéties. Elle prit son couteau dans la petite valise, la referma et la rangea au mieux. Elle s'approcha du coffre aux lunettes astronomiques. Elle l'ouvrit, prit sa baguette magique et lança:
—Cistem Aperio.
La malle se déverrouilla. Elle jugea inutile toute mise en scène. Elle fit juste basculer le plateau où les instruments d'observation étaient rangés et immobilisés. Puis, elle s'engagea dans l'étroit escalier plongeant jusqu'aux entrailles du château. Sa baguette dans une main, le couteau dans l'autre, elle avança dans la cavité percée dans les murs de l'école. Le plateau du coffre se remit en place. Sa dague magique effaça l'obscurité; la lame enchantée fonctionnait à merveille.
Lorsqu'elle eut foulé toutes les marches, elle se retrouva sur le sol recouvert de graviers. Elle délaissa la galerie qui menait hors des limites du château, droit vers la partie souterraine de la rivière. Elle s'enfonça dans l'autre partie, plongée dans les ténèbres. Afin d'assurer ses pas, elle exécuta:
—Lumos Maxima!
Elle se retourna pour vérifier qu'aucune personne n'arrivait de la rivière ou ne la suivait. C'est alors qu'un détail lui sauta aux yeux. Elle se félicita même de l'avoir remarqué avant le prince de l'enquête en personne, Hercule. La galerie, partant de l'escalier en direction de la rivière, avait, peu ou prou, la forme d'un long tube. Les roches étaient arrondies, polies, comme si, autrefois, l'élément liquide s'était introduit sous terre et avait érodé le calcaire avec lenteur. Elle tourna sa baguette au-dessus d'elle et la pointa droit sur la cachette aux prophéties. Le passage était taillé à la serpe, le minéral était brisé à coup de pioche, de burin ou de puissant sortilège de découpe. Si la cachette dont Obscur ignorait l'existence, était l'un des secrets les mieux gardés, c'était parce qu'elle avait fait l'objet d'une excavation récente. Hercule la féliciterait pour cette découverte expliquant, avec logique, la pérennité du secret. Il se fustigerait ensuite de ne pas y avoir songé et elle en profiterait pour souligner son imperfection.
La jeune fille atteignit la cavité où les nombreuses étagères accueillaient la masse de prédictions produites par Claire, depuis ses débuts en tant qu'enseignante. Elle se promena entre les rayonnages, se demandant si l'une des fioles les concernait, elle et ses amis. La tâche était ardue, voire irréaliste. Le seul indice disponible dans ce fatras, c'était la date de réalisation des événements prévus.
Soudain, elle eut une idée. Elle se positionna dans l'allée où l'année 1916 était concernée. Elle interrogea son couteau en le pointant sur les fioles. Elle procéda ainsi sur toute la travée, fiole après fiole, ce qui lui prit plus d'une heure. Au terme de cette recherche infructueuse, elle refusa de se décourager. Une autre heure passa. Eugénie, affamée, commença à se déconcentrer. Des pensées violentes la traversaient. Elle regrettait de ne pas avoir été plus virulente avec son père. Il risquait d'accepter qu'elle dorme au pavillon tout en minimisant sa décision, renvoyant l'affrontement au rang d'anecdote. Or, elle voulait lui faire éprouver la peur, la douleur.
Le couteau s'illumina au-delà de sa phosphorescence rouge naturelle. Elle lut l'étiquette: 19180311. Elle s'empara de sa trouvaille et se rendit près de la coupelle posée sur un trépied de bois.
—Aguamenti.
Le récipient vide se remplit d'eau, obéissant à la requête de l'élève. Elle ouvrit la fiole sous l'eau et la fumerolle rouge se dissipa dans le liquide. Elle le congela aussitôt et déchiffra le message:
«Venu en 1917 de la Venise du Nord,
De jouer avec les règles, il a tort,
Son acte ouvre la boîte de Pandore,
L'humanité court vers la mort.»
Eugénie frissonna. La mort de l'humanité!
—Nom d'un Pitiponk! C'est la prophétie qui concerne Hercule! La Venise du Nord, c'est Bruges. 1917, c'est l'année de son arrivée. Obscur a refusé de lui dire le contenu de la prophétie, elle n'a donné que la date. Comment Hercule peut-il être responsable de ça? Zut! Je n'ai ni parchemin ni plume ni encre pour noter le texte. Il faut que je l'apprenne par cœur!
Elle relut le message plus d'une vingtaine de fois puis lança un Finite. La fumée regagna le flacon et elle le reboucha. Elle l'abandonna au bord de la coupelle afin de le relire avant de remonter et de consigner ses découvertes. Elle mourrait de faim, mais elle décida de poursuivre son interrogatoire en règle.
Elle ne mit pas plus de dix minutes avant de s'arrêter sur un nouveau morceau de choix, selon son couteau «boussole de vérité». Elle s'empara de sa découverte et répéta la série de sortilèges pour en obtenir connaissance.
Dans la glace, elle lut une sorte de poème, plus énigmatique que le précédent:
«Par trois fois,
En terre affranchie,
L'éclair jaillira,
D'un éternel oubli.
Dans plus d'un siècle, l'ennemi,
Quatre éléments aura réunis,
Afin que vienne le règne de la démence,
Qu'il baptisera délivrance.»
Si Eugénie trouvait cette révélation effrayante, elle était incapable de l'interpréter ou de la relier à des événements. Elle fut à deux doigts de défaillir en lisant l'étiquette apposée sur le tube de verre: 19180802. L'exécution tombait aujourd'hui.
—Du calme, Eugénie. Celle-ci aussi, il faut que je la retienne. Si ça continue comme ça, je remonte chercher un parchemin vierge dans ma valise. Comment vais-je tout retenir avec ma mémoire d'oiseau?
Une fois de plus, elle réintégra la prédiction dans son contenant et la laissa au bord du récipient rempli d'eau. Elle reprit sa ronde des travées lorsqu'une vision inhabituelle attira son attention.
—Qu'est-ce que c'est?
Elle s'approcha à pas de loup, comme si elle s'attendait à être prise sur le fait.
—Mais comment c'est possible?
Elle s'empara d'un tube identique aux centaines d'objets en verre. Le contenant ne le distinguait pas mais le contenu, c'était tout le contraire. Elle avisa la date, toujours inscrite dans le même ordre: année, mois, jour. Il était inscrit: 28090808. Le 8 août 2809, c'était bien après le 21 juillet 2061, date de la fin du monde! Ce n'était pas la seule question: pourquoi cette fiole avait-elle été déplacée au milieu d'autres, datées de 1918? Qui l'avait déplacée? Et surtout: pourquoi la fumée était-elle bleue?
—Une prophétie bleue! Elle doit être spéciale. Elle remet en cause toute la théorie d'Hercule. La tête qu'il va faire! Zut! Obscur va nous réclamer le remboursement des deux cents Gallions! Bon, voyons voir ce que tu nous racontes.
Le manège de révélation reprit. Avant de voir le message s'inscrire dans la glace, Eugénie se promit de remonter dans l'observatoire pour prendre de quoi noter. Plus ça allait, plus c'était palpitant! Cela valait le coup de s'être pris le chou avec son père. Elle déchanta lorsqu'elle déchiffra, avec difficulté, la phrase inscrite dans le bloc de glace:
«Vièrmzg zo vw hils hzk ghv'm, égé'o vw mru zo à glln, fzvmtz'O»
—Mais qu'est-ce que c'est, ce charabia?! C'est une langue étrangère mais laquelle? Je me souviens que madame Bonnelangue nous a révélé qu'il y avait près de sept mille langues au monde, sans compter les dialectes! Alors là, c'est une nouvelle énigme pour Hercule.
Elle fit une pause, choisit de réintégrer la prédiction dans la fiole et réfléchit:
«Les deux autres, je peux tenter de les mémoriser. Alors…»
Elle fit l'effort de se souvenir de la première mais rien n'y fit. Sa tête était une vraie passoire.
—Rien à faire! Pas le choix! Par contre, toi, ma vieille, je te garde sur moi sinon, Hercule et les filles ne me croiront jamais! Comme ils n'arrivent pas avant la rentrée et que les enseignants ne nous lâcheront plus après, nous n'aurons pas l'occasion de revenir de sitôt.
Une brève seconde, elle pensa en parler avec la professeure Obscur mais cela éveillerait des soupçons. Il valait mieux envoyer un hibou assez vague à ses amis. Elle fourra la prophétie bleue dans la poche intérieure de son tablier et abandonna les deux autres prédictions près du plateau de consultation. Elle repartit vers l'escalier, grimpa les marches trois par trois et arriva au coffre. Elle rangea son couteau dans la poche de sa jupe, éteignit sa baguette et lança un Cistem Aperio maîtrisé. Elle bascula le plateau et poussa un cri de frayeur.
—Eugénie.
La jeune fille était faite comme un rat.
—Monsieur le Directeur.
—Que fais-tu ici?
—Je… je m'entraînais au sortilège Cistem Aperio.
—Qui n'est pas au programme des premières années, si mes souvenirs sont exacts. Et?
—J'ai réussi à l'ouvrir alors je suis allée voir.
—À aucun moment, tu n'as pensé: suis-je en train de faire une bêtise?
—C'est-à-dire que…
—… tu ne te la poses jamais. Donc, tu es descendue tout en bas et tu as découvert une galerie.
—Oui.
—Qui mène à…?
—La Rivière Enchantée.
—Et si on parvient à la franchir sans glisser, sans se retrouver face à un Spongue ou une Sirène affamée?
—On peut… C'est possible de…
—Je t'écoute.
Elle acheva de s'extirper de sa cachette et referma le coffre. Armand trahit son impatience.
—Il est possible de s'échapper de Beauxbâtons.
—Hum! Pourquoi voudrais-tu t'enfuir?
—Pour ne plus être prisonnière de la cage que mon père a construite dans cette Académie.
Armand soupira. Puis il reprit, un peu plus détendu et attentif.
—Tu t'es disputée avec lui. Il en a parlé au déjeuner.
Elle jeta un œil furtif à la montre argentée au poignet du directeur. Il était près de 16h30. Sous terre, sans repère, concentrée, elle n'avait pas eu conscience de l'écoulement du temps.
—Il m'a privée des plus belles vacances que je passais! Il a été infect avec moi! Il entend me modeler à son image et cela me fait vomir! Tout me révulse, en lui!
Eugénie ne put contenir ses larmes. Elles jaillirent sans avertissement. L'adulte soupira encore et se mordit les lèvres.
—Je ne veux plus rien de lui et surtout pas être à sa botte! Je veux ressembler à ma mère dont il refuse de me parler alors qu'on me laisse croire que c'était une sorcière extraordinaire.
—Je comprends. Ta mère était une enseignante très douée, charmante, très aimée. Populaire, je dirais. Comme toi. Elle adorait s'opposer à mes décisions, s'ériger en rempart quand elle estimait que la justice n'était pas respectée. Oui, nous étions nombreux à l'apprécier même si elle nous en faisait voir de toutes les couleurs. Tu lui ressembles, Eugénie, c'est incontestable.
L'homme s'empara de sa baguette au format enfantin, perdue entre ses doigts sans fin.
—Je sais que tu me promettras de ne plus tenter de t'échapper par la galerie du coffre que j'utilisais, autrefois, pour quelques escapades durant les vacances. Seulement, tu seras incapable de résister à la tentation. Je te connais un peu, au bout de onze ans d'existence. Pardonne-moi, mais il faut que tu oublies ce coffre.
Il pointa la baguette sur elle et exécuta, sans un mot, le sortilège Oubliette. Jadis, Armand avait fait partie des Oubliators et il n'avait pas perdu une once d'aisance avec son arme favorite.
—Tu ne te souviendras de rien à propos de ce coffre et de la galerie. Ni maintenant, ni les fois précédentes s'il y en a eues. Tu penseras que tu étais en colère, que tu as cherché refuge dans l'observatoire et qu'à présent, il est temps pour toi d'aller dans ton pavillon où tu trouveras la paix et le repos.
Il se leva et prit la direction de la sortie. Il huma l'air une dernière fois et reconnut le parfum:
«Cornouiller. Ta baguette t'a trahie, Eugénie.»
Il ignorait qu'il se trompait.
La jeune fille s'était redressée, les yeux brûlants de larmes. Elle avait empoigné ses bagages et quitté l'observatoire. Sa colère sourde guettait, dans l'ombre. L'apaisement était une illusion; seule la fatigue l'emportait.
Après une journée bien remplie, le concierge se reposait dans sa loge. Lorsqu'elle avait réclamé une clef de chambre, il avait accepté sans rechigner, sans poser une question. Son père avait-il accepté la scission et donné des instructions en ce sens?
Elle était trop sonnée pour réfléchir. Elle avait traversé la moitié du domaine sous une pluie battante et s'était réfugiée dans sa chambre de solitude apaisante. Elle s'était écroulée sur le lit et avait dormi deux bonnes heures. Au réveil, aux alentours de 18h30, elle était disposée à vider ses bagages et à les ranger proprement. Une fois la tâche accomplie, elle s'était dévêtue pour passer une tenue sèche et retourner au château. Elle irait rôder du côté des cuisines pour récolter, auprès des elfes, de quoi dîner. Elle était déterminée à ne plus mettre un orteil au restaurant avant la rentrée.
C'est en voulant jeter son tablier dans la corbeille de linge sale, traité par les elfes, qu'elle avait roulé sur le tapis. Une fiole contenant une prédiction. La fumée était bleue. Eugénie l'avait observée sous toutes les coutures, avait fouillé ses vêtements, ses valises, la commode et la penderie, à la recherche d'indices. Elle s'était avérée incapable d'expliquer sa provenance et surtout, son existence.
1Expression apparue dans le vocabulaire militaire en 1861, en usage chez Alfred Beauxbâtons.
