Sortilège 39: les confidences inattendues
Lorsque les équipes de Lonicera et d'Urtica avaient pris le chemin des vestiaires du terrain de Quidditch, Umbelina avait noté la présence de Shin parmi les joueurs. À moins d'une énorme surprise, le Japonais garderait les trois cercles. Il serait compliqué de tromper un voyant talentueux avec un balai mais, en s'approchant trop près de la zone d'en-but, les poursuiveurs et les batteurs bleus s'exposeraient à ses blagues de confusion. La Portugaise avait donné l'ordre de pilonner, mais surtout de ratisser pour ne pas laisser de points à l'adversaire. Elle se chargerait du Vif d'Or. Pour lui faire face, l'équipe des jaunes avait fait appel à Fernando Da Costa, élève de 5e année. C'était un petit gabarit, nerveux, à l'aise sur un Friselune. Son compatriote était un bon choix, aux dires de la capitaine portugaise. Cependant, c'était un pur débutant dans la fonction.
Résultat: la rencontre avait à peine durée vingt minutes, le temps que Lonicera trompe le portier japonais une fois, qu'Urtica en fasse autant et qu'Umbelina capture le vif après dix minutes de poursuite acrobatique, la faute à une balle dorée survoltée, sous un ciel azur limpide. Da Costa avait joué les figurants. Lonicera avait remporté le match 160 à 10 et gagné le championnat avec deux victoires. La princesse irait à Espelette, nantie de résultats probants. À l'issue du match, elle avait été ovationnée par son équipe et ses supporters. La nouvelle capitaine avait frappé fort.
Dépités, les tenants d'Urtica avaient remisé leurs fanions jaunes en se demandant quel miracle pourrait les sauver de la Bérézina la prochaine saison. Jacques, en dépit de la défaite, avait fait preuve d'optimisme:
—L'an prochain, il suffit qu'on dégote un attrapeur comme Fellini et ce sera pas la même chanson!
Hercule l'avait chatouillé sur le point sensible:
—Oui mais qui, parmi les élèves de notre ordre? Un nouveau, en première année? Voulez-vous que Shin aille recruter quelques confrères de Mahoutokoro?
—C'est ça, moque-toi!
—Et pourquoi pas vous?
—Tu es sérieux? Je suis Cracmol. Les balais et les baguettes ne fonctionnent pas pour moi.
—Ah oui, j'oubliais les balais.
—De toute façon, dans la famille, personne n'a jamais été à l'aise avec un balai. À part Lucie.
—Lucie? J'ai déjà entendu ce prénom.
—C'était ma sœur aînée. Je crois qu'elle était attrapeuse.
—J'ignorais que vous aviez une autre sœur! Que fait-elle? Ou se trouve-t-elle?
—Elle est morte.
Hercule se décomposa.
—Je suis navré. Quel sot je fais! Je…
—Ne t'en fais pas pour ça! Tu sais, je l'ai à peine connue puisque elle est décédée lorsque j'avais dans les quatre ans. J'ai juste de vagues souvenirs.
—Que lui est-il arrivé?
—Je ne suis pas sûr de la cause de sa mort. Papa et Maman ont toujours refusé d'en parler à moi ou à Émilie. Mais une fois, j'ai entendu ma grand-mère qui parlait de Lucie. Je n'ai pas compris grand-chose, car elle murmurait avec mon grand-père, Joseph. J'ai juste entendu Feudeymon.
—Quelle horreur!
—C'est un sort noir, hein?
—Oui.
—Du coup, j'ai pensé qu'elle avait péri comme ça. Elle avait vingt ans parce que j'ai toujours entendu cette ritournelle: Lucie est morte à vingt ans. Tu sais, quand je suis arrivé à Beauxbâtons, j'ai posé des questions à tout le monde pour savoir comment elle était. Eh ben crois-moi si tu veux, mais on m'a toujours répondu: Lucie boulanger? C'était une élève médiocre en tout sauf en métamorphose.
—En métamorphose? C'est bien la seule qui ait réussi à apprendre quelque chose avec Mysterio Flamingo.
—Tutututute, comme dirait madame Bonnelangue. Elle avait la professeure Beauxbâtons, la mère d'Eugénie.
—Vraiment?
—Ben oui, Flamingo est arrivé au début de 1911.
—C'est vrai. J'imagine que sa maman devait être une enseignante fantastique.
—Elle m'aurait sûrement dit autre chose que ça, sur ma sœur.
—Assurément.
Le Belge fit silence en lui et plongea dans sa mémoire, à la recherche de l'annuaire de l'école. Les visages et les noms défilèrent. Il fouilla. Si Lucie Boulanger avait vingt ans, peu ou prou, en 1911, elle avait entamé sa scolarité en 1901, voire l'année précédente ou l'année suivante. Il balaya le temps de la fin du siècle précédent jusqu'au début du siècle courant. Ce fut un échec. Il n'y avait aucune trace d'une Lucie Boulanger.
—Un souci, Hercule?
—Je ne la trouve pas dans l'annuaire de l'école. Je l'ai mémorisé.
—Moi non plus, je ne l'ai pas trouvée. J'en ai touché un mot à monsieur Amand, le bibliothécaire. Il a dit qu'il se souvenait d'elle, qu'elle était médiocre et que parfois, il manquait des élèves dans le recueil. Bizarre, non?
—En effet. Quel âge ont vos parents?
Jacques fit un bruit de pet avec sa bouche et ajouta:
—J'en sais rien du tout. J'ai jamais su. La quarantaine ou cinquantaine. Pourquoi?
Le Belge était perplexe. Lorsqu'une personne manquait, c'est qu'elle avait effectué sa scolarité ailleurs. Même les sorciers criminels demeuraient annotés et décrits dans l'annuaire. Le récit de Jacques était truffé d'incohérences. Théophile, se souvenant d'un élève médiocre? Il affirmait le contraire à qui voulait l'entendre. Ce discours identique dans la bouche des uns et des autres sentait la méthode des Oubliators à plein nez. Le Feudeymon trahissait un combat contre un mage noir. Lorsqu'il replongea dans l'annuaire, il repéra Firmin Boulanger, élève à partir de 1887 et Janine, la mère, arrivée en 1890. Si Lucie avait 20ans en 1911, elle était née en 1891. Firmin avait alors 14ans et Janine 11! Les pièces du puzzle ne s'emboîtaient pas du tout. Lucie ne pouvait pas être leur fille. C'était leur sœur, au mieux. Pourquoi tant de mystère? Pourquoi cette absence dans le recueil de l'établissement? Qu'à cela ne tienne! Il allait enquêter en prétextant chercher une élève douée sur un balai, comme Lucie boulanger. Jacques fit preuve de confiance en déclarant:
—Merci! Toi, tu trouveras la vérité.
Hercule avait acquiescé.
Depuis quelques jours, les lignes lancées avec des appâts par Eugénie dans différentes directions, commençaient à remonter des prises. Tout avait débuté avec le courrier reçu de monsieur Brocard, le journaliste responsable de l'article relatant le meurtre de sa mère. La missive était ambiguë, à l'image des réponses qu'on lui servait dès qu'elle posait des questions sur Lyna. En substance, le courrier laconique disait:
«Chère mademoiselle Beauxbâtons,
Je suis très ennuyé pour répondre à votre attente, car je ne me souviens plus de cette triste affaire. J'ai reçu un Oubliette. Je ne pourrai pas éclairer votre lanterne. Je n'ai écrit mon article qu'à partir d'éléments fournis par un employé de la RATP, je n'ai pas pu me rendre compte sur place. Le bureau des Aurors avait cadenassé la scène de crime et récupéré le corps de votre mère. Il y a eu une enquête, mais elle n'a pas pu aboutir, car nous aurions été mis au courant. Cependant, même en relisant mon article, j'ai la sensation que je ne l'ai pas écrit. C'est très vague. Désolé de ne pas pouvoir vous en dire davantage. Ma mémoire me fait défaut.
Je vous remercie de ne pas donner suite à mon courrier.
Cordialement.
G.B.»
Eugénie avait tenté de lire entre les lignes comme le faisait son camarade Hercule. Comment Ghislain Brocard pouvait-il qualifier l'affaire de «triste» et ne pas s'en souvenir? Comment pouvait-il affirmer avoir reçu un sortilège d'oubli et résumer l'action des Aurors? Pourquoi ne citait-il pas le nom de l'employé de la RATP qui l'avait rencardé sur le meurtre? Et si le bureau des Aurors s'en était mêlé, ce qui était logique, pourquoi n'avait-il pas mentionné le nom du fonctionnaire qui l'avait rembarré lorsqu'il avait voulu en savoir davantage? Pire: pourquoi lui demander de ne pas le relancer?
Alors, elle avait envoyé deux autres courriers. L'un au directeur de la Régie Autonome des Transports Pulsatiles et l'autre à Guillaume de Franjac. Les deux avaient eu la gentillesse de lui répondre. Le premier lui avait retourné la copie d'un rapport interne de la RATP décrivant la scène de crime avec le nom de l'employé qui l'avait découverte. Il retraçait l'assassinat par un sort impardonnable. L'argent et la baguette de la victime avaient été dérobés. L'employé ne travaillait plus à la RATP et le recueil de son témoignage n'apporterait rien de plus à Eugénie. En l'état, le rapport ne paraissait pas louche. Une fois de plus, le courrier apportait une version identique avec une issue fermant la porte. La lettre du commandant des Aurors était bien plus intéressante.
«Chère mademoiselle Beauxbâtons,
Je vous remercie pour votre lettre. Pourquoi des remerciements? Simplement parce que vos questions ont permis de soulever des points curieux dans nos dossiers. En effet, nous avons mis énormément de temps à retrouver le document traitant de la mort de votre mère. Il n'était pas trié dans la bonne section, ni dans la bonne année. C'est votre camarade Hercule qui, en revoyant et contrôlant le classement, a mis à jour des tentatives de dissimulation sur des affaires litigieuses. Fort de cette information, j'ai pu chercher ailleurs et trouver.
Nous avons, à présent, grâce à cette affaire, matière à contrôler. Le dossier du meurtre de votre mère a été traité par un Auror dont l'identité a été censurée par sortilège. Plusieurs points du rapport ont été brûlés afin d'être illisibles. Cette censure est une véritable anomalie. Lors d'une réunion, sans citer votre cas, j'ai soulevé l'anonymat d'un rapport d'enquête de l'année 1911. Votre ami a alors suggéré de vérifier quels Aurors étaient en activité dans la période de rédaction. Et là, surprise: une fiche du personnel était incendiée en totalité. Par recoupement, il ne nous a pas été possible de mettre un nom sur l'Auror effacé de nos services, ce qui signifie que moi-même ou l'Auror Meursault, que vous avez «rencontré» avec fracas à l'Académie, avons été soumis au sortilège Oubliette.
Quelqu'un s'est donné un mal fou pour supprimer les éléments concernant l'assassinat de votre maman. La seule chose en notre possession, c'est que l'enquêteur de l'époque, a été tué quelques mois plus tard par un mage noir. Je ne vous apprends rien en vous disant que ce genre de censure ressemble aux méthodes des Oubliators auxquels nous faisons parfois appel mais qui dépendent du ministre de la Magie en personne. Même si cela leur ressemble, j'avoue ne pas parvenir à comprendre le but de ces manœuvres.
J'espère avoir pu vous apporter quelques éléments et si, à l'avenir, nous trouvions d'autres informations, même censurées, soulignant l'opacité de cette affaire, nous vous en ferions part sans délai.
Bien amicalement.
G. de Franjac.
PS: conformément à vos vœux, votre ami Van Betavende n'a pas été informé de votre demande.»
La jeune fille était perplexe. La mort de sa mère prenait des allures d'une affaire d'espionnage moldu. Monsieur de Franjac avait joint une copie du rapport, conforme aux descriptions des uns et des autres, la fiche carbonisée de l'Auror et le rapport, tout aussi noirci, du Légicomage qui avait examiné le corps de sa mère. Installée dans la bibliothèque, la jeune fille rédigea une nouvelle lettre à l'intention du docteur Évariste Gallienne, le légicomage en poste à l'époque. Elle posait les mêmes questions, cherchait les mêmes incohérences. Tout en scellant le rouleau relu deux fois, elle imaginait quelle serait la réponse. Il ne se souviendrait de rien ou ce serait confus, contradictoire, gêné, comme le courrier du journaliste. Une chape de plomb avait été apposée et elle en ignorait la raison. Elle s'était levée et était allée poster sa missive, résignée. Cependant, elle ne perdait pas son objectif de vue: fouiller le bureau secret dissimulé entre la chambre et la salle de bain de l'appartement de son père.
«Il faudrait que je puisse interroger les témoins, en direct. Quitte à leur faire avaler du Veritaserum! Mais pour ça, il faut que je puisse m'échapper de Beauxbâtons. Que j'aille à Paris. Au bureau des Aurors et au Cri de la gargouille. Et aussi à la RATP. Si on me ment, si on me cache des informations, je les débusquerai et je les ferai parler! Mais comment fuir? Bon sang, tous les élèves ont le droit de respirer autre chose que l'air de l'école! Mais moi, non! Et si…»
Après avoir glissé son courrier et cinq Noises dans son casier, elle s'éloigna et entra dans la Cabane Enchantée.
«L'ovule, c'est le modèle 30 places. Il est grand. Je me souviens, l'année dernière. Hercule avait été allongé, recouvert de la couverture de dissimulation. Si je guette le départ d'un professeur, le soir, dissimulée, que j'entre après l'enseignant et que je me place le plus loin possible… Je pourrai atteindre la gare. J'achèterai un billet sur place, j'irai à Paris. Oui. Sauf que ce sera le soir. Le journal, la RATP seront fermés. Pas le ministère. Ou alors, je pars un vendredi à midi. Et pour revenir, comment je fais? Et où aller, à Paris? Je dois prévoir où dormir. Je ne connais personne, ni même la ville. Je n'y suis allée qu'une fois pour mes achats. Même pas cet été. Mon père a fait tout lui-même. Pour mieux m'enfermer. Qui pourrait m'aider?»
L'évasion la tenaillait de plus en plus: découvrir le monde extérieur. Il n'y avait eu qu'une sortie, cette année et hélas, la cérémonie funèbre, pour Pierre. Elle s'approcha du pupitre et réfléchit. Chaque enseignant disposait d'une clé pour appeler un module. En subtiliser une pour la dupliquer n'était pas une bonne idée: si une arrivée ou un départ imprévu était noté, il était trop facile d'imaginer qu'une copie existait. Si seulement elle pouvait disposer de sa propre couverture de dissimulation!
Elle retourna au château et choisit de se rendre, une fois encore, à la bibliothèque. Lorsqu'elle demanda à consulter l'annuaire, monsieur Amand grimaça. Puis, il se résigna à lui communiquer l'imposant ouvrage. La jeune fille décida de commencer sa liste par la promotion 1895, une année estimative où sa mère aurait pu débuter l'enseignement à l'Académie, dès sa majorité sorcière atteinte. Elle dupliqua les pages entières, gagnant du temps. Ensuite, une fois les copies réalisées jusqu'à l'année 1910-1911, elle cocha les noms où une adresse figurait ou des renseignements professionnels permettraient de déterminer un lieu où envoyer un courrier. Elle biffa les noms où une date de décès avait été apposée par le consciencieux Théophile. Enfin, elle chercha à déterminer ses priorités, car elle n'aurait jamais assez de fournitures et de temps pour écrire à environ 1300 personnes. Hercule tentait toujours de voir ce qui pouvait sortir de l'ordinaire quand il y avait trop d'éléments à analyser. Elle décida de ne pas contacter les anciens élèves étrangers, n'étant pas certaines que leur pratique du français, durant leur passage à l'Académie, avait perduré au-delà du temps. Elle ne parlait que l'anglais et encore, en le massacrant sous la contrainte. De ce fait, il ne restait «que» 600 candidats potentiels. Qui placer en tête de liste? Les CHASSE-Magus, voués à devenir Aurors, Oubliators? Ou des anciens, habitant dans les parages, susceptibles d'avoir rendu des visites aux enseignants de l'Académie?
«Je dois écrire à Mathilde Pourpoint. Sans qu'elle n'en touche un mot à qui que ce soit. Et ensuite? Tiens! Le professeur Perlenjoie est presque du même âge qu'elle! Il a aussi eu ma mère comme enseignante. Il faut que je l'interroge.»
Hercule s'approcha, lui sourit et désigna l'annuaire. Il questionna:
—En avez-vous encore l'usage?
—Non, c'est bon. J'ai abusé du Gemino. Je n'ai pas ta mémoire, moi! D'ailleurs, pourquoi en as-tu besoin?
—Pour être honnête, je me demande si mon cerveau ne me trahit pas.
D'un geste, elle l'invita à s'asseoir.
—Ah bon? Raconte!
—Il y a quelques jours, j'ai eu une discussion avec Jacques. Saviez-vous qu'il avait eu une sœur aînée?
—Non? Elle était ici? Tu crois que je l'ai vue? Quel âge a-t-elle?
—En fait, notre camarade ne se souvient pas vraiment d'elle. Selon lui, il avait quatre ans lorsqu'elle est décédée. Elle avait vingt ans.
—Mince! C'est moche! Mais si elle avait 18ans, disons en 1909, c'est impossible que je m'en souvienne. J'avais deux ans. Et comme tu le sais, papa a fait le grand ménage.
—Le souci, c'est qu'elle ne figure pas dans mes souvenirs. Alors, je voulais revérifier les promotions.
—D'accord.
Il prit le temps de comptabiliser les promotions entrées entre 1900 et 1903. Il n'y avait aucune Lucie boulanger.
—Rien. C'est insensé!
—Elle a peut-être étudié en famille? Jacques croit qu'elle est venue ici, mais il se trompe peut-être? On peut pas dire que les Boulanger ont eu de la chance avec l'Académie, même si ça s'est arrangé après.
—Vous faites erreur. J'ai la certitude qu'elle est passée dans l'Académie, car Jacques a questionné quelques professeurs susceptibles de lui avoir enseigné.
—Ah…
—La même réponse dans toutes les bouches: Lucie Boulanger, élève médiocre, à l'aise sur un balai, n'excellait que dans une matière: la métamorphose. Avec votre mère. À quoi cela vous fait penser, une réponse systématiquement identique?
—Un oubliette massif.
Hercule souligna une autre bizarrerie: dans la promotion 1901, la classe d'Urtica ne comptait que 29 élèves tandis que les deux autres en comptaient 30. Même si ce n'était pas une règle absolue, c'était un indice de taille. Le garçon précisa qu'il avait questionné Théophile, la mémoire de l'école. Celui-ci avait fourni le même avis que les professeurs, au mot près. Or, le bibliothécaire ne retenait que les noms des élèves les plus insolites et les plus remarquables.
—Ah ouais! Ça colle pas! Pourquoi avoir retiré leur sœur?
—Un mystère supplémentaire à résoudre. De plus, elle ne peut pas être leur sœur. Firmin et Janine boulanger, les parents, avaient 14 et 11ans lorsque Lucie est née. Un peu trop jeunes.
—Dis-moi… Un sortilège Oubliette avec le même bobard implanté dans tout un tas de têtes, c'est la marque de…
—Les Oubliators. Ou Armand Fontebrune.
—Je vois pas Armand faire ça. Pour Elvira, il y a un énorme secret à cacher. C'est un coup des Oubliators!
—Jacques espère des réponses, mais je n'ai rien à lui offrir. C'est désespérant. Et vous, vous avancez un peu?
—Je suis plusieurs pistes. Un véritable puzzle. Il y a aussi de l'Oubliette dans l'air, quand il n'y a pas une disparition. Je n'en dis pas plus.
—Je le respecte.
Le garçon s'assit un peu plus loin. Eugénie prit un parchemin vierge et se décida pour Mathilde Pourpoint. À supposer qu'elle n'ait pas d'autres souvenirs à propos de sa mère, elle pourrait toujours impliquer son don de voyance sur le sujet. Un atout de poids.
Depuis plusieurs jours, le quatrième ordre avait peu d'occasions de se réunir. Hercule passait son temps entre travail, dimanche au ministère, enquête sur Lucie Boulanger et élaboration de baguettes. Sigrid se dépensait tout autant dans le travail personnel pour décrocher, pour la seconde année consécutive, le titre de la meilleure moyenne de Beauxbâtons. Umbelina faisait de son mieux pour réussir son projet de potion, cette matière étant son véritable point faible, un handicap pour une éventuelle carrière d'Auror. Shin et Katarina passaient de nombreuses heures ensemble, à parler poésie, art et à s'exercer aux sortilèges harmonieux, visuels, poétiques. Quant à Eugénie, elle dépouillait les réponses à ses innombrables courriers, les analysant, les classant, quand elle ne se trouvait pas dans le laboratoire de potions pour y distiller ses huiles essentielles. Ses missives étaient invariables: elle commençait par demander si le destinataire pouvait décrire sa mère, sa relation avec les autres enseignants et ses élèves, puis fournir tout autre détail comme un potentiel ennemi à travers des inimitiés rencontrées dans l'Académie. Les réponses variaient peu. Lyna était dépeinte comme un électron libre, peu soucieuse des conventions, de la hiérarchie, assez distante avec les autres professeurs mais très investie auprès des élèves. Elle n'avait pas reçu toutes les réponses, notamment celle de Mathilde Pourpoint. En revanche, une lettre était sortie du lot et elle ne s'attendait pas à sa provenance: l'hôpital Bonpied. Le rédacteur du courrier se nommait le docteur Dadé.
L'année dernière, Umbelina l'avait mentionné lorsqu'elle avait été hospitalisée et qu'elle avait avalé des litres de Poussos et de potion calmante. C'était le médicomage potionniste de l'hôpital. Il avait recueilli le témoignage d'un homme âgé de 25ans, interné à l'étage des victimes de sortilèges et maléfices, après avoir subi l'explosion d'un chaudron, entraînant de lourdes séquelles. En substance, le docteur Dadé disait:
«Chère mademoiselle Beauxbâtons,
Je me permets de répondre à la place de monsieur Gabriel Delaroche à qui vous avez adressé un bref message. Il n'est pas en mesure d'écrire et ses paroles doivent être prises avec réserve, car il est très souvent victime de délire hallucinatoire. Je le cite:
Je me souviens très bien de Lyna. C'était une sorcière brillante, capable de prouesses phénoménales. Elle avait toujours des tas d'idées folles comme ramener un morceau de bois et nous demander de le métamorphoser en une maison de poupée avec une foule de détails. Ses idées la conduisaient souvent à s'opposer à la hiérarchie. Je me souviens d'une altercation entre elle et Armand Fontebrune, suite à sa «chasse à la métamorphose» organisée dans le bois du domaine. Durant deux heures, nous avions le droit de métamorphoser nos camarades dans l'animal ou le végétal de notre choix. Le dernier, non touché par un sort, gagnait un accessit en fin d'année. On apprenait bien et on s'amusait en même temps. Une autre fois, elle avait fait croire que nous avions disparu dans la serre alors que nous étions tous changés jusqu'au dernier en plante. Pour Halloween, nous avions tous des faces de fantômes, juste pour casser les pieds du directeur qui nous avait pourchassés. C'était une enseignante à l'écoute qui aurait mérité mille fois le poste de référente si elle était passée par l'Académie. Et puis, à la rentrée de 1910, alors que j'étais en dernière année de CHASSE-Potion, elle avait changé du tout au tout. Ses cours étaient devenus classiques, très théoriques. Elle ne faisait plus de démonstrations de sa magie. Elle avait cessé de prolonger les leçons, elle ne venait plus s'inviter aux tables d'élèves. D'ailleurs, elle ne prenait plus du tout ses repas au restaurant. Elle avait l'air tout le temps inquiète, elle se retournait souvent lorsqu'elle déambulait, comme pour vérifier que personne ne la suivait. Elle ne parlait à personne, à part son mari. Une calamité, un ours, celui-là! On se demandait tous ce qu'elle lui trouvait. Je ne sais pas pourquoi elle a changé comme ça, comme si elle avait peur. Personne n'a su. Enfin, peut-être qu'une élève a su ce qui s'est passé. C'était une fille plus âgée que moi. Une élève exceptionnelle en métamorphose. Mais j'ai oublié son nom et à quoi elle ressemblait. Je sais juste que si madame Beauxbâtons se confiait à quelqu'un, cela ne pouvait être qu'à elle, bien qu'elle ait quitté l'Académie vers 1909. C'est idiot, je n'arrive pas à me souvenir. Mais comme elle était pas mauvaise sur un balai, peut-être que Léonce Brindille ou Wilfried Laflèche se souviendront d'elle. C'est tout ce que je peux dire et je suis navré de ne pas pouvoir en faire plus pour la fille de notre enseignante bien-aimée.
Voilà ce que j'ai retenu, Mademoiselle. En espérant vous avoir aidée.
Cordialement.
A. Dadé.»
Eugénie avait lu et relu le courrier pas moins d'une douzaine de fois, analysant chaque terme, extrapolant, déduisant, planifiant des recherches complémentaires. Le référent Aloysia avait pris la place de Léonce Brindille en 1907. Le capitaine de l'équipe de France de Quidditch avait été contemporain de la mystérieuse élève qui avait dû entamer sa scolarité en 1901 ou 1902, Gabriel Delaroche ayant intégré l'établissement en 1903. Si cet élève avait poursuivi avec une CHASSE après son BANQUET, Wilfried avait pu la faire jouer au Quidditch lors de sa première année au poste d'enseignant. Dans le cas contraire, elle écrirait à Léonce.
C'était l'après-midi du mercredi 15 mai. L'entraînement de Quidditch venait de prendre fin et Eugénie s'était changée à la vitesse de l'éclair, attendant que les joueurs se soient éclipsés et que le professeur consigne ses remarques sur son grimoire, seul dans le cagibi qui tenait lieu de bureau. Elle s'introduisit dans le minuscule réduit éclairé par un soupirail et se racla la gorge. Il leva les yeux.
—Oui? Un souci?
—J'aurais une question à vous poser, Professeur.
—Je t'écoute.
—C'est à propos d'une élève qui aurait été plutôt brillante avec un balai et qui aurait joué au Quidditch. En 1907, lorsque vous êtes arrivé à l'Académie.
—Ouf! Tu n'as pas d'autres indications?
—Hélas, non.
—Je peux te citer toutes les équipes des trois matchs de l'année 1907.
—De mémoire?
—Oui. J'avoue, je ne retiens jamais autre chose que le Quidditch. C'est mon point faible!
Il énuméra alors les quatorze joueurs du match Aloysia-Lonicera. Puis, il passa à ceux d'Urtica contre les rouges mais buta sur le nom de l'attrapeur des tenants de l'ortie.
—Ah zut! Je ne l'ai pas pour Urtica contre Lonicera, non plus. Bon sang! Attends… Le plus simple…
Il se leva, ouvrit une petite armoire et chercha un autre recueil dans une pile poussiéreuse.
—Le voilà! 1907-1908.
Il déposa l'objet sur la table et le feuilleta jusqu'à ce qu'il trouve la page du match Urtica contre Aloysia, ayant eu lieu le 22 décembre 1907.
—C'était… Lucie boulanger.
La révélation désarçonna Eugénie. C'était logique! Une élève douée en métamorphose et plutôt bonne sur un balai, ça collait. Le commentaire de Wilfried la déstabilisa un peu plus:
—C'est fou! Je ne me souviens pas du tout d'elle. Boulanger… Forcément de la famille de votre copain Jacques, non?
—J'imagine.
—Elle était attrapeuse pour Urtica. Une attrapeuse! Comment j'ai pu l'oublier? Je sais même pas à quoi elle ressemblait!
—En tous les cas, vous avez bien fait de tout noter, Professeur.
—Ah oui! Tu as vu? Une excellente habitude! Prends-en de la graine!
—Prendre des graines? Pour planter où? Pourquoi faire?
—C'est une nouvelle expression moldue qui signifie qu'il faut suivre l'exemple. Je consigne tout, les progrès, les difficultés des élèves, le potentiel, ce qu'il faut travailler, etc. Je me relis toujours avant les cours.
—J'essaie de m'améliorer sur l'organisation.
—Et ça se voit! Crois-moi! fit-il en lui adressant un clin d'œil.
—Merci, Professeur! Bonne soirée!
Elle avait couru jusqu'à sa chambre. Décidée à ne pas perdre un élément à exploiter, elle avait d'abord rédigé un courrier à l'attention de Léonce Brindille qui n'avait pas pu rater l'attrapeuse. Puis, elle s'était posée et calmée pour réfléchir.
«Je ne trouverai aucun renseignement sur Lucie Boulanger car Hercule est déjà passé par cette étape. Jacques n'avait rien puisqu'il s'est adressé à notre Belge préféré. Une fois de plus, on a éliminé toutes les traces sur un personnage qui aurait pu m'aider à découvrir des informations sur ma mère. Un nettoyage en règle. Mais pourquoi? Qu'est-ce qui avait changé ma mère en septembre 1910? Qu'est-ce qui est survenu dans l'été précédent sa dernière année d'enseignement? De quoi est morte Lucie? Hercule ne l'a pas mentionné. Juste qu'elle serait morte en 1911, après Maman. Mauvaise élève sauf en métamorphose et en Quidditch. Quel est le rapport? Si elle avait 20ans en 1911, elle est entrée à Beauxbâtons en 1901. A-t-elle fait une CHASSE? Oui puisque Wilfried l'a eue comme élève. Mais laquelle? Si elle était médiocre ou nulle, elle n'aurait pas pu en faire une. C'est d'ailleurs ce qui me pend au nez. Ce n'est pas logique. On ne peut pas être nul et admis dans un cycle supérieur. Il y a eu falsification sur Lucie Boulanger. Effacement et même avis sortant de la bouche des enseignants, c'est un acte volontaire.»
La jeune fille s'empara de sa dague Hope et demanda:
—Est-ce que je révèle ce que je sais à Hercule?
La lame demeura inerte.
—Est-ce que je garde secret ma découverte sur Lucie?
Le métal s'irisa.
—Est-ce que je me tais à propos de la lettre de Gabriel Delaroche?
Les diamants rougeoyèrent plus que de raison. Les certitudes de sa compagne magique étaient inébranlables. Le Belge devait demeurer exclu de ses recherches. Désireuse de se confier à quelqu'un, elle poursuivit son interrogatoire jusqu'à ce qu'il donne un résultat.
—Je peux parler de cela à une autre personne?
Quelques poussières de diamant s'allumèrent, comme si l'artefact hésitait. C'était la seconde fois qu'une réponse n'était pas tranchée, ce qui était un comble pour une lame aiguisée.
—Euh… Je peux en parler à un animal?
Pas de réponse positive.
—Ce n'est pas vraiment une personne?
Lumière rouge.
—Mais oui! fit-elle en se frappant le front du plat de la main. Purée de quenelle de Taupitambour! Le Sondeur! C'est le seul à qui je peux parler en toute confiance!
Les diamants Hope balayèrent l'obscurité.
Comme à chaque occasion où le Belge rencontrait des difficultés, pour se concentrer, faire le vide, Shin proposait de se rendre dans la grotte Urtica pour l'aider à y voir plus clair. Immergés dans l'eau chaude, les deux garçons observaient un silence rituel. Les petites cellules grises du Belge étaient en ébullition. L'affaire Lucie Boulanger prenait une drôle de tournure. Tous les enseignants qui l'avaient connue, répétaient mot pour mot le même laïus, trahissant un sortilège appliqué à chacun. Personne n'était capable de citer un trait de caractère ou de la décrire. Tous sauf monsieur Laflèche que Jacques, incapable de commander à un balai, n'avait pas eu l'occasion d'interviewer dans sa quête. Le référent était le seul à ne pas se souvenir du tout d'elle. Cependant, il avait redécouvert son nom la veille lorsqu'Eugénie était venue à la recherche d'une élève ayant joué au Quidditch dans une équipe constituée en 1907. On avait effacé Lucie pour implanter un souvenir unique, formaté sauf pour les enseignants avec lesquels elle avait pu avoir des affinités: Wilfried Laflèche et Lyna Beauxbâtons. L'un avait tout oublié, l'autre était décédé. Personne n'était capable de déterminer pourquoi elle n'apparaissait plus dans l'annuaire. Elle avait commis un crime grave, selon l'explication la plus couramment donnée. Or, Hercule n'y croyait pas. Luc Millefeuille et Charles Thoro, pour ne citer que les deux plus illustres, y figuraient toujours, en dépit de la liste incalculable de leurs ignobles méfaits. Eugénie cherchait des réponses sur ses parents et il était inévitable qu'elle tombe sur Lucie puisqu'il s'agissait d'une favorite de sa mère!
Sans le savoir, Hercule avait abouti à une conclusion identique à celle de son amie: Lucie n'était pas une élève médiocre comme on l'avait martelé à coup de maléfices puisqu'elle était entrée dans une des CHASSE –seul un élève sur trois atteignait ce niveau -. Hercule avait collecté tout ce qu'il avait pu, interrogé les professeurs et le personnel, y compris les elfes de maison, en recoupant les questions –Mathilde lui avait enseigné cette méthode fiable pour confondre les menteurs –. Il y avait une ombre, quelque part. Les scènes défilaient en boucle. Il ressortit la tête de l'eau, expira, inspira et se replongea dans le silence liquide.
—C'était une élève médiocre sauf en métamorphose.
Le leitmotiv s'imprimait à l'envi.
—C'était… une élève… médiocre sauf en métamorphose.
Une hésitation, quelques variations dans le timbre de la voix d'Elvira. C'était à peine notable. La question avait déclenché une minuscule émotion, car elle ne s'y attendait pas. La teinte des yeux lavande!
Il ressortit et s'exclama:
—Je sais! Mais…
—Oui, Hercule?
—Shin, j'ai vu le tout petit détail. Elvira. Lorsque je l'ai interrogée à propos de Lucie Boulanger, elle n'a pas répondu par réflexe. Elle a réfléchi à la phrase à ressortir par cœur. Ses yeux ont rosi, puis jauni, avant de recouvrer la couleur si rare de ses iris.
—Comment l'interprétez-vous?
—Émotion, puis colère.
—Touchée au cœur de deux façons opposées en une seconde?
—Exactement. Lucie fut son élève. Supposons qu'elle fut brillante, à un niveau comme celui d'Umbelina. Son évocation l'émeut. C'est logique. Mais pourquoi la colère?
—Sa mort. Parfois, un décès occasionne de la tristesse, parfois de la révolte. De quoi est-elle décédée?
—Selon Jacques, un Feudeymon l'a consumée.
—Alors, la professeure s'en sera voulue de ne pas lui avoir enseigné la bonne parade, s'il en existe une.
—Votre explication est… logique. Mais il manque un je ne sais quoi.
Il replongea sous l'eau, ferma les yeux et tenta de suivre le précepte de Maïkan, l'Inuit. Écouter. Interroger l'univers sur l'acte ayant valu à Lucie un bannissement de Beauxbâtons. Quel acte était pire que le massacre de Moldus ou de sorciers inconnus? Le Belge entendit la réponse s'imposer à son esprit: tuer une personne connue et aimée de tous. Lucie avait assassiné Lyna.
Le garçon remonta à la surface, livide. En dépit de la chaleur de l'eau, il se mit à trembler. C'était inenvisageable! La sœur de Jacques ne pouvait pas être… l'engeance qui avait pris la vie de Lyna.
—Vous savez. Vous venez de relier tous les éléments du puzzle, déclama le Japonais. Cela vous sidère au point de le nier.
—Par Flamel…
Lucie avait tué et quelques mois plus tard, elle avait succombé à un sort noir. Le garçon plongea une fois de plus et investit toutes les zones de sa mémoire, à la recherche du terme Feudeymon. La réaction du château, malade, manipulé, s'imposa en premier. Les discours d'Elvira sur les pires sortilèges vinrent aussitôt après. Il remonta le temps. Un cours de médicomagie. L'année passée. Une question venue de d'Arcy, faussement innocente:
—Quelle est la pire chose que vous ayez dû soigner?
—La question est mal posée. On peut tout soigner sauf le résultat d'un Feudeymon. On peut guérir d'un Incendio ou des brûlures d'un lance-flamme moldu. On ne se remet pas du sortilège noir. C'est impossible. Il vous consume jusqu'à la mort et il vaut mieux ne pas y survivre. Les blessures horribles sont souvent le fait de sorciers qui ne le maîtrisent pas. Les vrais mages noirs brûlent leur cible jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un tas de cendres. Croyez-moi, cela vaut mieux pour la victime qu'une vie de souffrance perpétuelle.
Rosier avait ouvert son moulin à débiter des horreurs:
—Qui pourrait nous l'apprendre pour solutionner le problème moldu?
—Certainement pas moi! Ma baguette de saule s'y refuserait!
Puis, après une ou deux secondes de réflexion, il avait ajouté:
—Rosier, en retenue, dimanche prochain! Pour incitation à la haine! Vous me copierez cent fois la liste des os humains!
Il avait hurlé cet ultime ordre.
—Mais il y en a plus de deux cents!
—206, pour être précis.
—Mais ça fait…
—20600. Vous le sauriez si vous faisiez attention aux leçons du professeur Racine!
Hercule refit surface, serein, respirant avec calme alors qu'il était resté près d'une minute en apnée. Alfred, en tant que médicomage, avait prêté serment de préserver la vie coûte que coûte. Il était doté d'une baguette en saule, rétive à toute torture ou maléfice noir. Il n'aurait jamais pu se venger s'il avait découvert l'identité du meurtrier de son épouse. Cependant, il aurait pu confier cette tâche à un autre sorcier ou dévoiler sa découverte et déclencher la vengeance d'un autre mage moins scrupuleux. Or, la seule qui n'avait pas eu la même réaction, c'était Elvira. Celle qui avait donné la mort en tuant sa propre mère pour sauver la vie de son père. Celle dont la baguette avait révulsé le Belge. L'enseignante capable de lectures et de connaissances noires. La seule apte à maîtriser un Feudeymon pour anéantir une meurtrière. Émue parce que Lucie avait été son élève, en colère parce qu'elle avait emprunté la voie la plus obscure.
À présent, il faisait face à un cas de conscience: devait-il avouer la vérité à Jacques ou la taire à jamais? Shin lui offrit un sourire plein de compassion.
