Sortilège 40: alpha et sigma

Assise à son bureau, face au mur de sa chambre, Eugénie consignait le détail de sa conversation avec le Sondeur. De temps en temps, elle levait sa plume et la triturait pour choisir les termes les plus adéquats, sans se laisser aller à la colère ou à la surinterprétation des propos entendus. Après les cours, elle s'était rendue dans un des isoloirs de la salle et avait jugé inutile le déplacement dans le degré 220. Elle avait entamé le dialogue par les salutations d'usage, puis avait demandé à l'âme du château si elle acceptait de répondre à des questions sur une enseignante et une élève ayant vécu quelques années auparavant. Il s'était montré enthousiaste à l'idée qu'une étudiante fasse appel à sa mémoire.

Durant de longues heures, il lui avait conté une foule d'anecdotes sur sa mère, faisant un parallèle entre l'impertinence de la fille et la mère, leur témérité, leur gourmandise –Lyna raffolait des pâtisseries –. L'être de pierre avait souligné la capacité de l'enseignante à attirer la lumière, à rayonner tout en éprouvant une certaine mélancolie et en ressentant le poids de la solitude. En revanche, si l'enseignante ne venait jamais se confier au Sondeur, quelques élèves le faisaient et parlaient d'elle, osant même demander ce qui pourrait plaire à leur enseignante vénérée. Eugénie avait cherché à savoir ce qui avait pu changer le caractère de sa mère au cours de l'été 1910. Son interlocuteur invisible avait répondu qu'elle était partie en voyage du 5 juillet au 15 septembre 1910.

—En voyage? Où?

—Elle n'en a jamais parlé, hormis une fois en juin où elle a mentionné qu'elle devait rendre visite à sa famille.

—Avec ou sans mon père?

—Votre père est resté au château durant cette période.

—S'étaient-ils disputés avant son départ?

—Pas dans l'enceinte du domaine.

—Mon père était-il en colère?

—Votre père n'était jamais furieux.

—Quoi? Il n'avait pas ce sale caractère, cette vilaine manie d'exploser, de brimer tous les résidents de ce château, moi en tête?

—Non. Alfred était toujours charmant.

La jeune fille avait imaginé que l'assassinat de sa mère l'avait changé du tout au tout. Ce n'était pas une raison pour qu'elle paye. Elle l'avait ensuite questionné sur les affinités entre Lyna et ses élèves. L'interviewé connaissait une pléthore d'histoires soulignant les liens forts entre la femme et ses étudiants. Eugénie avait mentionné Lucie Boulanger au fil de la conversation. La réaction du Sondeur l'avait surprise.

—Lucie Boulanger? Je me souviens. Une élève médiocre mais douée en métamorphose et à l'aise sur un balai.

—Que pouvez-vous me dire de plus sur elle?

—Ma foi… rien. Comme c'est étrange… Elle ne s'est jamais confiée dans les isoloirs. Je… je ne l'ai jamais entendue en classe.

—Même pas avec ma mère?

—Non. Pas un mot de sa bouche. C'est comme si…

—… elle n'était qu'une rumeur?

—Tout à fait.

—Sondeur, je vais tenter une expérience.

—Laquelle?

—Je vais essayer de vous faire oublier une chose que vous devrez avoir mémorisée.

—Un Oubliette? C'est impossible.

—Puis-je essayer tout de même?

—Pourquoi pas!

—Mémorisez le nombre 20.

Il s'était conformé à sa demande. Elle avait sorti sa baguette, avait visé un point du plafond constellé de lucioles et exécuté le sort. Quelques étincelles avaient souligné l'échec de sa manœuvre.

—C'est toujours le 20.

—Cela n'a pas fonctionné.

—Il faut me faire face, pour y parvenir. Tu connais bien la méthode.

—Oui. Si vous ne vous souvenez pas de Lucie Boulanger, cela signifie…

—… qu'on a exécuté le sortilège en ma présence.

La nouvelle l'avait désarçonnée. La personne, qui avait effacé Lucie de la réalité, était allée plus loin que son père vis-à-vis de sa mère. Le plus inquiétant, c'est qu'elle connaissait les degrés du Sondeur et tous les passages secrets du château. Avant de le quitter, la jeune fille l'avait interrogé une dernière fois:

—Y a-t-il eu des disputes après le voyage de ma mère?

—Une seule, quelques semaines après le début de l'année scolaire. Votre père a voulu comprendre son bouleversement et elle lui a répondu de ne plus jamais poser la question, sans quoi elle partirait. Il a acquiescé et respecté son vœu, se montrant prévenant à chaque occasion, jusqu'à Noël 1910.

Comme elle le faisait chaque fois, elle avait demandé au Sondeur sous quel nom il connaissait Lyna et il avait répondu: Beauxbâtons. Impossible de découvrir l'identité de la famille maternelle.

Face à son parchemin, butant sur des inconnues à chaque résolution d'un mystère, Eugénie était tentée d'abandonner. Elle venait de troquer sa plume contre sa dague. La chaleur du manche en cornouiller réchauffa son cœur. Le lien se nouait entre eux. Elle murmura:

—Est-ce que je dois m'acharner à découvrir la vérité sur mes origines?

La réponse était catégorique: sa «maîtresse» devait poursuivre son objectif. Elle reposa le couteau belge et soupira sans retenue, en se repoussant du bureau. Elle n'avait qu'une certitude: Lucie Boulanger, même si elle avait été une élève aimée de Lyna, avait quitté l'Académie en juin 1909, soit un an et demi avant le drame ayant frappé sa mère. Rien ne prouvait qu'elles se voyaient après. Les deux disparitions, à quelques mois d'intervalle, n'avaient probablement rien à voir. Sa mère, en tant qu'enseignante, apprenait parfois le décès d'anciens élèves, de confrères ou de consœurs. Cette Lucie était un personnage d'envergure et méritait une enquête approfondie, ce dont Hercule se chargeait. Mais il n'y avait pas de lien flagrant, démontré avec le décès de sa mère. Alors, elle osa demander:

—Puis-je dire à Hercule d'aller voir le Sondeur, afin qu'il l'interroge à propos de Lucie Boulanger?

La réponse était positive. C'était bien la preuve que les deux affaires n'avaient rien en commun sinon, le couteau aurait émis son veto. Désormais, elle devait orienter ses recherches dans une autre direction. Un autre élève ou un enseignant qui n'aurait pas tout dit. Voire un ex-enseignant…

Les vacances approchaient à grands pas. Elle devait solutionner le problème de son évasion pour dénicher sa tante. Et pour cela, la lame Hope allait de nouveau être mise à contribution.

—Je veux m'évader cet été, dans un sac à sortilège caché dans une malle. À qui puis-je m'adresser? Est-ce que j'en parle à Jacques Boulanger?

Le métal gris argenté n'avait pas varié.

—Est-ce que je le demande à Émilie Boulanger?

La lame avait validé le second choix. Comme la sœur cadette était muette mais s'exprimait de manière visible, il fallait l'interroger avec discrétion. Elle s'était levée et habillée pour se mettre en chasse.

Selon les estimations du jeune Belge, trois dimanches seraient nécessaires pour éponger le retard accumulé dans le traitement et le tri des affaires au bureau des Aurors. Cela mettait un terme à sa collaboration au soir du 15 juin. Les contrôles de connaissances acquises tout au long de l'année auraient lieu du 16 au 26 juin. La date de remise des diplômes n'était pas fixée, mais l'usage voulait que l'événement tombe le dernier vendredi de juin, soit le 27. D'ordinaire, l'événement ne faisait pas l'objet de mesures de sécurité exceptionnelles. Cependant, un tiers de la fratrie Van Kriedt était dans la nature; Agathe voulait assurer un niveau égal à celui mis en place lors de la finale de la coupe de France de Quidditch. La directrice se focalisait sur ce point de mire annuel et occultait certaines prises de décision. Son obstination à ne pas nommer son remplaçant au poste de référent Lonicera l'empêchait de déléguer des tâches et alourdissait son emploi du temps. Le point de non-retour avait été franchi le mercredi 21 mai. Elle n'avait pas pu assumer le club de Cecrabebleu et avait annulé en catastrophe. Après cet épisode, elle avait finalement confié l'organisation des séances à venir à Théophile. Cependant, outre les cours de français officiels, les soutiens tout au long du samedi, les responsabilités de la direction et de référent, elle ne s'en sortait plus.

Lorsqu'on frappa, à la porte de son bureau, au soir du 22 mai, elle s'attendit à la goutte d'eau faisant déborder le vase.

—Entrez!

Wilfried, précédé d'Elvira et accompagné de Théophile et Sébastien, pénétra dans le bureau toujours personnalisé avec les objets d'Armand Fontebrune.

—Oh là là! Quelle catastrophe m'attend?

—Aucune, répondit le bibliothécaire, si vous nous prêtez attention.

—Tant mieux!

—Agathe, nous sommes venus pour vous aider. Vous êtes en train de sombrer et d'ici peu, vous allez nous produire un sort impardonnable.

—Tout de même…

—Si, si, j'insiste. Je ne plaisante pas. Laissez-nous vous aider.

—Agathe, je me suis occupé de l'organisation de la compétition de Quidditch. Laissez-moi gérer la cérémonie des diplômes. Avec Sébastien pour le volet sécuritaire. Vous avez confiance?

—Bien sûr, Wilfried.

—Alors, ôtez-vous cette épine du pied. Théophile…

—Laissez-moi gérer le club jusqu'à la fin de l'année, ainsi que le soutien en français le samedi.

—Mais qui gardera la bibliothèque ouverte?

—Dune s'est proposée pour assumer cette tâche. La plupart du temps, le samedi, la bibliothèque est remplie d'élèves faisant leurs devoirs. Je me fais fort de tout lui expliquer en deux petites heures. La consultation des ouvrages enchantés les plus dangereux sera possible du dimanche au vendredi, ce qui ne causera qu'une gêne infime.

—D'accord… C'est entendu…

—Maintenant, coupa Elvira, abordons un aspect qui vous chagrine. La nomination de votre remplaçant au poste de référent. Ainsi qu'un directeur adjoint. Je sais que vous espérez un retour prochain d'Armand en compagnie d'Abraham. N'y comptez pas.

—Pourquoi?

—Agathe, vous connaissez mon aversion pour la divination…

La directrice sourit enfin.

—Les prédictions indiquent qu'il n'y aura pas de retour avant le 17 septembre.

—Claire a produit une autre prophétie?

—Pas Claire. Dune.

—Armand court forcément un danger si Abraham s'est mis dans la panade. Cela ne signifie pas qu'il échouera, opposa la directrice.

—Dune a rêvé d'Armand à trois reprises, cette semaine. Pas consécutives. Pas encore.

—Mais…

—Agathe, si le jeune Hercule Van Betavende avait eu, disons dix ans de plus, je lui aurais demandé d'accompagner Armand et d'enquêter parce que j'ai foi en ses capacités non sorcières autant que dans ses talents sorciers. Mais voilà, Armand est parti seul et ce n'est pas un enquêteur. Il va chercher toute sa vie, s'il le faut. Il ne reviendra pas. Croyez-moi, je le connais. Il est obstiné, borné. Alors, s'il vous plaît, ne vous voilez pas la face.

La professeure de français opina en signe d'acceptation. Son «personnel» était de bon conseil et ne souhaitait que son épanouissement dans ce fauteuil qu'elle avait accepté.

—Et de grâce, Agathe, changez-moi cette fichue décoration! ajouta Elvira, d'un air mi-offusqué mi-amusé.

Alors que le quatuor s'apprêtait à quitter le bureau, la directrice pria la référente Urtica de rester. Une fois seules, Agathe reprit:

—Merci. C'était votre idée?

—Non. C'est Théophile. C'est votre ami, il vous connaît bien. Il a eu raison d'agir à la première alerte.

—Elvira… J'ai réfléchi aux deux postes à pourvoir. L'adjoint de la direction, cela pourrait être vous. Qu'en pensez-vous?

L'hybride s'attendait à cette proposition. Agathe s'appuyait sur l'expérience. La référente sabra ses espoirs:

—Je dois décliner votre offre.

—Pourquoi?

—J'ai assez de responsabilités comme ça. Et puis… dans six ans, je quitterai Beauxbâtons.

—Quoi?

La femme n'en croyait pas ses oreilles. Elle invita sa consœur à s'asseoir et à s'expliquer. Elvira était acculée.

—Par quoi commencer? Ce que je vais vous dire, Agathe, nul autre qu'Armand n'est au courant.

Elle se dit que ce n'était pas la peine de citer le quatrième ordre.

—Je suis née en 1825.

—Pardon?

—Je ne vieillis pas parce que ma mère était une vampire. J'ai hérité d'elle. Je suis une créature hybride. J'ai reçu certaines capacités. Tout va bien, jusque-là?

La directrice ingurgita la nouvelle du mieux qu'elle put. Elle se contenta de secouer la tête de haut en bas.

—J'enseigne à l'Académie depuis 1872. Cela fait presque trente ans qu'un maître Oubliator efface la mémoire des élèves, des professeurs, des parents, le jour de la remise des diplômes. Il invente des fonctions aux uns, aux autres, il se rend chez les absents le jour de la cérémonie et il m'efface de leurs souvenirs. C'est un travail de titan pour préserver mon anonymat, ma nature vampirique. Agathe, ni vous, ni personne ici, n'a les capacités exceptionnelles d'Armand. Aussi, je devrai partir pour qu'aucun élève ou enseignant ne découvre ma véritable nature. C'est… compliqué à vivre, parfois. Il y a même des situations gênantes comme lorsqu'Edmond Perlenjoie me fait du charme alors que je l'ai connu enfant. Vous voyez?

—Je comprends. Effectivement, personne ne pourrait faire ce que Armand faisait pour vous. Moi qui croyais que vous étiez arrivée il y a six ans… Il m'oubliettait. Et… 1872, votre arrivée?

—Oui. Vous avez été mon élève. Comme tant d'autres. Seuls Abraham et Ambroisine font figures d'exception parmi les anciens de l'Académie.

—Ça fiche une drôle de claque!

Elle soupira et ajouta:

—Je suis consciente de votre situation. Mais, d'ici six ans, nous aurons peut-être une solution? Un nouvel enseignant, issu du corps des Oubliators? Ou un élève surdoué?

—Peut-être. Nous sommes toujours en déficit d'une personne dans les effectifs. Mysterio Flamingo n'a jamais été remplacé.

—C'est juste. Il faudrait en profiter pour redistribuer quelques rôles et alléger votre emploi du temps. Pour l'instant, il est vital de vous laisser chapeauter les Maléfices, Enchantements, Sortilèges et la CHASSE-Magus. Le club de duel est indissociable. Nous pourrions confier l'Occlumancie et la Legilimancie à un autre professeur. Edmond aurait fait l'affaire, mais il porte déjà plusieurs casquettes.

—Sean est plutôt doué, dans ces disciplines.

—Il endosse la métamorphose, un morceau de choix, en plus de l'anglais.

—La métamorphose pourrait être l'affaire d'une nouvelle recrue.

—Oui. Je vais compulser notre annuaire dès que j'en aurai l'occasion. En ce qui concerne le poste d'adjoint, il doit échoir à Wilfried.

—Pas nécessairement.

—Quoi? Vous voudriez que… Non! Vous croyez?

—Agathe, vous avez un certain talent pour bousculer les conventions. Je vous fais confiance. Puis-je vous laisser?

—Bien sûr, Elvira. J'ai ma révolution à préparer!

Une fois seule dans son bureau, Agathe fixa l'horloge comtoise dans l'angle de la pièce. Elle s'empara de sa baguette, l'agita et transforma l'imposante toquante en un gracile et discret coucou. Le petit oiseau sortit et sonna 18h00. Satisfaite, elle transplana.

Au même instant, dans le sous-sol du château, au cœur du laboratoire de potions, Hercule, éclairé par plusieurs Lumus Solem et des Feux Éternels, sa loupe magique fixée avec un bandeau sur son front, effectuait des coupes au micromètre près dans le bois d'amourette. Il parachevait la création de la baguette-stylo. D'un côté, il y avait l'embout en bois magique dans lequel les inserts issus de créatures viendraient se loger, à la demande du sorcier. De l'autre côté, il y avait la coiffe contenant quatre glissières. Ce capuchon à visser sur l'embout était en sapin garanti sans Botruc, une matière inerte. Les quatre inclusions, au nombre desquelles on comptait de la griffe de Baku, du poil de Niffleur, une plume de Coquecigrue et une plume de Dirico, étaient logées dans des gangues d'amourette. Tant que les glissières magiques restaient dans la coiffe en sapin, elles étaient neutralisées. Si on faisait coulisser la glissière vers la «pointe» du stylo, l'insertion gainée d'amourette était en contact avec le reste de la construction du même bois magique et s'activait. En théorie, si l'utilisateur du stylo n'enfonçait pas l'insertion à fond, il pouvait moduler la puissance, comme la seconde baguette de Dune Dunne. Les modules contenant le cœur étant rigides et fragiles, Hercule n'avait pas eu d'autre choix que de creuser quatre galeries correspondantes dans la partie basse du stylo. Il était donc possible d'inclure les quatre cœurs en même temps! Le garçon avait appliqué des laques dont une, chromée, donnant l'illusion d'un véritable stylo moldu. Cerise sur le gâteau: il avait utilisé un ensemble de tarauds et de filières, trouvés dans la Cabane Enchantée, pour créer le filetage et le pas de vis, indispensables pour solidariser les deux parties de son invention. Ayant eu assez de bois et d'inclusions magiques, il avait créé un second embout contenant du Nundu, un morceau de plume de Pétrel géant, une moustache de Bayours et une vésicule de Dragon Piment Cornu. Ainsi, il suffisait de dévisser l'embout et d'effectuer un échange pour obtenir une baguette totalement différente. Afin de parfaire la présentation, il avait confectionné un écrin en charme, laqué, avec des emplacements sur mesure, le tout matelassé par un velours lie-de-vin du plus bel effet. Sur sa lancée, il avait transformé une partie du morceau d'eucalyptus en un élégant pinceau, ajoutant des poils de sanglier pour parfaire l'illusion d'un produit de la marque Winsor et Newton, célèbre fabricant moldu de pinceaux. Le bois australien avait reçu un poil de Laiséon, donnant un tempérament fantasque et coloré à la création. La créature affectueuse, gaie, tempérait le tourmenté eucalyptus.

Le garçon n'avait pas encore eu d'inspiration pour transformer le bois de chakte kok. Le coloris rouge fraise ne facilitait pas la mission de création d'un objet discret. L'ébène avait exigé un effort d'imagination particulier. Avec sa ligne fluide et son manche en tête de Hortza, ses deux inclusions de quartz rouge 1 pour figurer les yeux, le tout garni d'une plume d'Occamy. Le garçon était certain d'obtenir un outil qui imposerait le respect. Quand il tenait la baguette, il avait la sensation d'être un roi en possession de son sceptre.

L'Urticant en terminait avec l'amourette. L'illusion du stylo était parfaite. Il s'assurera de l'innocuité de l'objet en tentant un simple Wingardium Leviosa sans enfoncer le moindre cœur. Comme prévu, rien ne se passa. Pas la moindre étincelle. Il poussa la plume de Dirico jusqu'à la butée. Il ressentit la magie investissant la «baguette». Il visa un bêcher sur la paillasse et lança:

—Reducto.

Le résultat ne fut pas celui escompté. Il n'y avait plus rien. Même pas du verre pilé ou du sable. Rien!

—Ça, alors! C'est si minuscule que je ne peux pas le voir à l'œil nu! Bon, essayons… Amplificatum!

Le bêcher réapparut, dans des proportions identiques avant la «disparition». Pris d'un doute, il répéta:

—Amplificatum.

Le sortilège n'eut aucun effet. Le garçon soupçonna aussitôt un dysfonctionnement majeur et se dit que ses expériences à tâtons le conduiraient un jour à l'échec. Ce jour était venu. Il s'obstina.

—Reducto.

La disparition fut totale. Il se retourna et pointa le centre de la pièce, en direction du carrelage.

—Amplificatum.

Le contenant de verre réapparut sur le sol, à l'endroit précis qu'il avait ciblé.

—On dirait que… je fais… transplaner un objet.

Il prit sa liste de sortilèges servant aux tests de baguette et la déroula. Le stylo les exécuta sans aucun souci. Il n'y avait que cette bizarrerie avec les deux premiers sortilèges. Comme il n'avait pas cessé de penser à Eugénie tout au long de ce projet, il se demanda s'il n'y avait pas un lien avec la personnalité fantasque de son amie. Or, c'était bien dans l'esprit de l'Aloysienne! Les autres cœurs connaîtraient-ils des «ratés» aussi surprenants?

—Voyons… La Coquecigrue. Elle a tendance à se rendre invisible. Un sort lié à l'invisibilité? Vérifions d'abord d'après ma liste. Reducto.

Le contenant de verre fut réduit à la taille d'un dé à coudre.

—Amplificatum.

L'objet recouvra des dimensions conformes à l'accueil d'un litre de liquide.

—Lumus Solem!

Au lieu de générer une clarté éblouissante, le stylo éjecta une matière d'une noirceur totale, bien plus sombre qu'une nuit sans lune. Le garçon fut incapable de discerner la moindre silhouette de mobilier. Pire: les Feux Éternels allumés sur sa paillasse étaient annihilés, avalés, tout comme les deux baguettes qu'il avait allumées pour travailler.

—Incroyable! C'est… Quelles ténèbres! Finite!

La lumière revint peu à peu, comme si la noirceur se dissipait avec un Ventus. Le garçon effectua d'autres tests avec l'inclusion de Coquecigrue. Ils furent concluants.

—Voyons… Que vais-je obtenir avec du Niffleur? Ce sont de petits voleurs d'objets brillants. Ils ne résistent pas alors… Quel sortilège pourrait dérailler? Hum… Pour l'instant, je m'avoue vaincu. La création d'or fait partie des cinq règles d'exception de la magie, je ne peux pas tenter d'en créer. Alors, passons au Baku. Il se nourrit des rêves et des cauchemars. Je soupçonne le sort Oubliette, qui touche à l'esprit. Ou peut-être Invictum Somnium que Mathilde m'a appris. Le premier exige la présence d'un partenaire pour être exécuté mais l'autre, non.

Il hésita. Il ferma les yeux et fit silence en lui. Juste sa respiration. Rien d'autre.

«Écoute.»

Les quatre cœurs battaient en rythme, même si un seul d'entre eux était engagé. Leurs magies interféraient et exacerbaient leurs forces. Un Oubliette réalisé par le biais du Baku, viderait l'esprit de la cible, en totalité. Tout sort, permettant de donner naissance à une vision rêvée, irait jusqu'à la rendre réelle. Le Niffleur, avide de richesse, pourrait subtiliser le contenu de n'importe quel coffre-fort doté de toutes les protections magiques. Cistem Aperio fonctionnerait à coup sûr. Tout ceci suivait une logique basée sur la promiscuité des cœurs. Hercule expira. Il privilégia l'insertion du poil de Niffleur et tenta sur le coffre d'Ambroisine:

—Cistem Aperio.

Un ensemble complexe d'engrenages se mit en branle. L'acier se scinda en deux, après avoir scintillé de mille feux. La porte s'entrebâilla. Il écarta la lourde fermeture et découvrit le contenu. Il y avait des dizaines de fioles étiquetées, triées. Il y avait de la chance liquide, de la potion Tue-loup, du Veritaserum, la Plombipède, la Sérénité concentrée de Noël, de l'Imperialis –capable de fléchir la volonté de tout sorcier –. Un arsenal digne des Aurors. Il s'arrêta sur une fiole dont l'intitulé lui était familier «Laatste Kans». Où avait-il déjà vu ce terme? Du néerlandais. Un hasard? Il referma le coffre en toute hâte avant de faire preuve d'indiscrétion. Puis, la tentation se fit forte. Il engagea la griffe de Baku trouvée dans l'écorce d'un arbre du domaine et s'interrogea:

«Un Finite ou un sort contraire annule les dysfonctionnements mais Oubliette est irréversible. Invictum Somnium serait-il irréversible si cette baguette le lançait?»

La perspective d'engendrer une souris qu'un Finite ne détruirait pas, n'avait rien d'effroyable. Imaginer Isdréki serait d'une ampleur terrifiante. Le garçon renonça et s'assit près de la paillasse. Il dévissa le stylo et rangea les éléments dans le coffret. Puis, il réfléchit aux sorts qui pourraient être dénaturés par des combinaisons de cœur mis en situation de promiscuité.

—Bonjour, bonjour! Vous allez bien? Moi, à merveille!

Monsieur Racine était d'excellente humeur, à l'orée de ce club de sciences du mois de mai. Avait-il l'intention de partir à la chasse au spectre pour animer la cérémonie de remise de diplômes? Il n'était pas à une facétie près. Il agita sa baguette et le menu des entrées, plats et desserts s'afficha dans les airs. Tandis que les adeptes du club faisaient leur choix, il poursuivit:

—Aujourd'hui, je vais vous parler d'un sujet très ancien. Il n'y a pas si longtemps, il était rattaché au domaine des arts. Cette nouvelle science remonte en fait à plus de 35 siècles. À ce moment-là, un homme a mis au point la recette d'une céramique complexe et a écrit tout le processus pour la concevoir. Cependant, il ne voulait pas qu'on s'empare de sa création et qu'on la copie sans lui payer des droits. Alors, il a eu l'idée de rendre la recette illisible au profane en la «cryptant». La guerre, qui a ravagé la France ainsi que de nombreux autres pays, a accéléré la mise au point de méthodes toujours plus compliquées pour sécuriser les échanges de messages. Connaissez-vous une méthode de cryptage, de codage ou chiffrage de textes?

Hercule s'illustra en mentionnant le chiffre de César, un décalage des lettres que l'empereur Jules César utilisait pour correspondre avec ses maîtresses en toute discrétion. Le garçon expliqua que cette technique où le A devenait un B, le B se changeait en C, etc, avait perduré jusqu'au 16e siècle, en dépit de ses énormes faiblesses.

—Bonne réponse, Hercule! Les guerres modernes ont fait comprendre aux Moldus que l'espionnage et la communication devenaient cruciaux pour l'emporter sur l'adversaire. Les Moldus, qui ont inventé le télégraphe pour s'envoyer toujours plus de messages importants, ont très vite été confrontés au vol de leurs précieuses informations. En quoi le chiffre de César était-il insuffisant pour empêcher le décryptage?

—Il n'y a que 25 possibilités de décalage des lettres, Monsieur.

—Tout à fait! Vous prenez un mot dans le message caché, vous effectuez des décalages jusqu'à ce que le mot ait un sens et c'est fini. Trop facile à découvrir.

—Mais n'y a-t-il pas eu un autre système au 16e siècle?

—Effectivement, il a bien été inventé au 16e siècle mais n'a été utilisé que plus tard. Il s'agit du chiffre de Vigenère. Qu'est-ce que ce brave Moldu a fait pour compliquer la tâche des espions? Eh bien, il a ajouté un mot-clé. Grâce à ce mot, les mêmes lettres du message en clair n'auraient pas la même valeur dans le message crypté. Supposons que la clé soit le mot «lundi et que le message à cacher soit «j'aime les sciences». Remarquez, ce n'est pas un secret!

Jean se mit à illustrer ses propos dans l'espace.

—On ajoutera la valeur du L de LUNDI au J de J'AIME, puis celle du U de lundi au A de j'aime, etc. Une fois arrivé à la fin de la clé de cinq lettres dans notre exemple, on recommence au début de la clé, jusqu'à avoir transcrit tout le message. Ainsi, une même lettre n'aura pas toujours la valeur une fois chiffrée. Plus la clé sera longue, plus les changements seront nombreux pour une même lettre, plus il sera compliqué de trouver le vrai message. Il est important de connaître les techniques de chiffrage, car certains sorciers, désireux de masquer leurs coupables activités, se servent de ces méthodes moldues. Si vous aspirez à devenir Auror, vous serez, un jour, confronté à des documents chiffrés par les criminels et je peux vous assurer que si vous ne connaissez pas les méthodes et que vous ne pouvez pas créer les sortilèges correspondants, vous ferez face à un mur infranchissable.

—Est-il vrai, Monsieur, que les Moldus sont capables de créer des machines qui font ce travail? demanda Fuchs.

—Tout à fait, Rosa. Par chance, comme ces machines ne sont pas exclusivement mécaniques, qu'elles comportent des sources électriques, des ampoules, elles ne fonctionnent pas pour les sorciers. Un souci de moins!

—Existe-t-il des sortilèges qui permettent de transformer le message pour qu'il soit illisible et inversement?

—Oui, Rosa. C'est étudié en CHASSE. En Magus et en Runesort.

—Et une potion?

—Une potion? Par Flamel! Pour quoi faire? Explique-toi.

La Luxembourgeoise prit le temps de formuler son idée:

—Une potion que l'on ferait boire à un sorcier espion et comme ça, même sous Endoloris ou Impero, ce qu'il dirait ou écrirait, serait incompréhensible.

—Toujours des idées incroyables! J'avoue ne pas connaître la réponse. Il faudrait demander à Ambroisine.

Hercule leva la main:

—J'ai réalisé un classique de Nicolas Flamel: Cistus Inversus. Cette potion change les organes de place. Je me souviens aussi que mon amie Eugénie mélangeait les lettres en ayant reçu une potion liquide dans les oreilles. Le Chlorocolmate. Cependant, au bout d'un moment, on finissait par trouver des constantes, identifier le oui, le non.

—C'est une bonne chose que tu cites l'expérience vécue avec ta camarade, car tu mets le doigt sur la méthode utilisée par ceux qui veulent lire les messages chiffrés: l'analyse de fréquence.

—La fréquence? Comme la lettre E ou la lettre R, très fréquentes dans la langue française?

—Exactement.

Umbelina donna un coup de coude à Hercule et se pencha vers lui, pour le murmurer au creux de l'oreille:

—La prophétie bleue!

Une lueur de compréhension se fit jour dans son esprit. Si le message avait été changé par un sortilège ou une potion jetée dans la bassine d'eau pour la mêler à la fumerolle, elle suivait peut-être une clé ou plus simplement un décalage!

Les enfants furent passablement déconcentrés lors des heures de club qui suivirent. La séance de Cecrabebleu s'acheva à l'infirmerie pour le garçon, sa concentration étant vite partie en fumée. Une fois les mains bandées, il confirma à Shin, navré pour son camarade:

—Avec Umbelina, nous avons pensé que la prophétie bleue doit obéir à une logique. Il faut que nous l'analysions.

—C'est ce qui vous a fait rater autant de mots, tout à l'heure?

—Oui, j'avoue.

—Étant donné l'état de vos mains, voulez-vous que je convoque l'ordre en tournant mon cadran?

—J'accepte volontiers votre aide.

Le Japonais effectua la manipulation.

—Est-ce le club de sciences qui vous a mis dans une telle transe?

—C'était passionnant et instructif.

Umbelina et Eugénie revenaient de l'entraînement de Quidditch. Eugénie était excitée comme un Pucestis. La Portugaise l'avait mise au courant.

—C'est vrai? Tu tiens une piste pour tu sais quoi?

—Il me semble.

—Je me demande si le Sondeur réagirait encore si j'entrais avec certaines intentions, clama Shin.

—Pourquoi? Tu as des envies de mourir?

—Absolument pas, Eugénie, répondit-il sans pouvoir réprimer un sourire à destination de Katarina. Je me dis que… comment… vous savez, notre intronisation… il pourrait aider?

—Je le pense, concéda Hercule. Nous allons…

Il murmura:

—Au quartier général. Nous verrons si la prophétie est toujours brûlante pour vous.

—Où se trouve Sigrid?

—Là-bas, répondit Eugénie. Je l'ai vue s'y rendre en sortant du terrain de Quidditch.

—Allons-y!

Katarina promit des haïkus supplémentaires pour le Belge qui s'était montré très téméraire, voire imprudent durant le club. La troupe se scinda en duos pour ne pas attirer l'attention. Certains firent une brève halte au pavillon. Hercule fut alpagué par Jacques, avide d'informations sur l'avancée de l'enquête. Il ne put se soustraire et laissa les autres membres de Gerbera continuer sans lui.

—Hercule.

—Jacques.

—Ça marche, tes baguettes?

—J'ai de bons résultats. Je n'ai pas encore essayé la vésicule de la dragonne.

—Ah… euh…

—J'imagine que ce n'est pas l'objet de cette entrevue. N'est-ce pas?

—Ben… ça fait un moment que tu n'as rien dit à propos de Lucie. Tu as rien trouvé? C'est ça?

Hercule l'invita à contourner le pavillon afin qu'aucune oreille indiscrète ne capte des bribes de la conversation. Il lui narra qu'il n'avait jamais vu autant de manœuvres pour effacer les traces de l'existence d'une personne. Un ou plusieurs Oubliators étaient dans le coup, y compris au bureau des Aurors où aucun dossier d'enquête sur une mort par Feudeymon sur Lucie Boulanger n'existait. Personne ne se souvenait avoir enquêté sur elle. Les seules traces écrites, se trouvaient dans un vieux grimoire oublié du professeur Laflèche. Le Belge regrettait de ne pas avoir appris l'existence de Lucie plus tôt, car il aurait pu examiner le journal du professeur Piedargile sur la période scolaire de l'élève en question. Il allait faire une demande en ce sens le dimanche suivant.

—Maintenant, ma crainte, c'est que Lucie ait été impliquée dans une affaire… d'État ou qu'elle ait eu maille à partir avec les Oubliators. Une personne, ici, a peut-être des informations aux tréfonds de ses cellules grises.

—Tu ne peux pas les sortir avec ta baguette? Un… Legilimens, c'est ça?

—C'est le sort adéquat, oui. Mais celle qui sait peut-être quelque chose, c'est le professeur d'Occlumancie. Elvira. Autant dire que trouver un élément dans son esprit, s'apparente à une mission impossible.

—Je vais lui poser la question, direct!

—Je ne ferais pas comme ça, Jacques.

—Ah… tu crois pouvoir arriver à lui faire dire? Comment tu sais qu'elle sait?

—Une impression. Lorsque je l'ai interrogée, elle semble avoir réfléchi avant de débiter le même laïus que les autres. C'est un indice infime. Je peux me tromper.

—Lucie dans un complot d'État… J'arrive pas à croire à ça.

—Si c'est le cas, Lucie n'était pas la sorcière médiocre que l'on veut présenter. Au contraire. Elle était exceptionnelle, j'en suis sûr. Je trouverai la vérité, avec les preuves irréfutables, Jacques.

—Merci.

Le Belge reprit sa route sans se douter qu'il avait été scruté et écouté. Le voyeur s'enfuit.

Réunis dans le quartier général, les six membres de Gerbera travaillaient sur la prophétie bleue, une fois de plus. Lorsque Hercule les avait rejoints, Katarina achevait de soigner les mains du Japonais. Umbelina griffonnait sous l'œil dubitatif de Sigrid.

—La fiole résiste toujours à mes tentatives de voyance, avait avoué le Japonais.

Le Belge n'avait pas été étonné outre mesure. Selon lui, en début d'année ou avant la rentrée, il y avait eu deux manipulations magiques distinctes. L'une avait touché le Sondeur, lui inoculant une maladie ou une malédiction; l'autre avait affecté la prophétie. Tout était rentré dans l'ordre pour le mentor de l'Académie puisque Hercule avait déniché une solution. La prophétie n'avait pas été traitée; son comportement agressif perdurait.

—Alors, je ne pourrai pas venir avec vous chez le Sondeur?

—Je pense que vous faites erreur. Dissociez le tout. Le Sondeur, guéri, ne vous rejettera pas. En revanche, vous devez vous abstenir de manipuler la fiole envoûtée.

—Je retiens le conseil.

—Hercule, pendant que tu discutais avec Jacques, j'ai tenté la méthode de César sur le premier mot du texte.

Umbelina lui montra un parchemin où elle avait inscrit, en lettres capitales: «WJÈSNAH» en décalant chaque lettre d'une unité dans l'ordre alphabétique.

—Comme tu peux le voir, j'ai conservé le È avec accent grave, car j'ai supposé que sa présence signifiait que le sortilège n'avait pas pu le transformer. Tant mieux! Cela fait quelques lettres en moins à traduire. De même, les apostrophes nous assurent que les mots les suivant, commencent par une voyelle ou par un H. Enfin, devant l'apostrophe, ce serait étonnant de trouver autre chose que les lettres L ou D.

—Il y a un problème. Regardez le mot «égé'o». Si les accentués n'ont pas été transformés par le sort et je le crois volontiers, aucun mot terminé par É n'accepte une apostrophe à la suite.

—C'est vrai… Regarde les 25 permutations que j'ai effectuées. Aucun mot n'a de sens. Si ce n'est pas un chiffrement de César, qu'il s'agit de celui de Vigenère, on ne trouvera jamais sans avoir la clé. Il nous faut l'aide du professeur Racine. On lui soumet le texte et il applique des formules de déchiffrage.

—Admettons qu'il y parvienne, coupa Sigrid. Quand il va lire le résultat, il va savoir d'où cela provient. Rappelle-toi, Hercule, ce que tu as vu au bal du 31 décembre. Gervais Delacour, Jean Racine et Claire Obscur étaient très proches. Tu peux être certain qu'il trouvera que le style de l'énigme, c'est signé Claire. Après, je nous souhaite du courage pour trouver une explication sans mentir.

—Alors? relança Shin. Alpha?

—Alpha!

Les Gerberas décidèrent que le meilleur créneau pour interroger la version basique du Sondeur, serait le samedi juste après le déjeuner. Décrypter sans méthode était impossible; monsieur Racine leur avait répété tout au long des deux heures de club. Ceux qui étaient parvenus à casser le chiffrage moldu de Vigenère, avaient réussi parce que la clé utilisée était courte et le message chiffré long, occasionnant des répétitions de tronçons traduits. Or, la prophétie de Claire était courte, ce qui la rendait mieux protégée. Monsieur Racine les avait mis en garde: c'était une science accessible à peu de Moldus très érudits.

L'entrée dans la grotte s'était déroulée de manière idéale. Aucun élève ne traînait dans le couloir menant à la bibliothèque, le Sondeur n'avait pas tenté de carboniser Shin, les modèles réduits avaient propulsé les enfants dans le degré 10 sans difficulté. À présent, il fallait questionner Alpha jusqu'à approcher la vérité. Le Belge avait élaboré une tactique, une fois de plus enseignée par monsieur Racine: l'approche dichotomique. C'était la manière de parvenir à un résultat en divisant le nombre de possibilités restantes par deux, à chaque approche. Un peu à la manière d'une négociation âpre entre deux parties, pas à pas.

Assis en tailleur autour de la source bleutée, les enfants s'apprêtaient à faire fuser les questions. Sigrid entama les hostilités:

—La prophétie bleue n'a aucune signification.

Balivernes! réagit Alpha.

—Le message initial a été changé grâce à un sortilège, proposa Eugénie.

Mais non!

La réponse surprit tout le monde. C'était illogique, jusqu'à ce que le Belge soupçonne que personne n'était entré dans la cache aux prophéties mais que l'on avait atteint la divinatrice à l'origine de la fumerolle.

—Le message a été changé grâce à une potion.

Silence approbateur.

—Claire Obscur a bu cette potion de manière volontaire, enchaîna Eugénie.

Et puis quoi, encore?

—Elle l'a bue à son insu, admit la petite frisée. Zut, alors! Je ne l'aime pas! J'aurais voulu qu'elle soit à l'origine du complot!

—Tu n'aimes pas les diseuses de bonne aventure, taquina Sigrid. Tu as trop peur qu'elles te disent à quoi ressemblera ton prince charmant.

—Trop drôle! répliqua l'Aloysienne.

—Vous remarquerez, nota Katarina, qu'Alpha n'a pas réagi à vos mots, Sigrid.

—Oups! s'exclama Eugénie. Bon, passons aux choses sérieuses et oubliez-moi! Il n'y a aucune solution pour déchiffrer le message.

Mais si!

—Ah bon? C'est moi qui vais trouver?

Eh bien non!

—Je m'en serais doutée, ronchonna-t-elle en croisant les bras. J'te cause plus!

—Est-ce moi? demanda Umbelina.

Aucune remarque acerbe de la part d'Alpha. L'absence de réaction stupéfia l'ordre sauf Hercule qui renchérit:

—C'est moi qui vais trouver?

Ils étaient maintenant deux à pouvoir apporter leur pierre à l'édifice. Se piquant au jeu, Sigrid, Shin et Katarina rajoutèrent leur grain de sel, dans cet ordre.

Non, pas vous. Ni vous.

—Alpha ne veut pas des littéraires, nota Shin, un brin amusé.

—Mais il n'a pas réagi pour moi, s'étonna la Russe. Pourquoi? Je n'ai pas la logique d'Hercule, ni l'appétence d'Umbelina pour les mathématiques.

—Vous avez le pouvoir des haïkus, opposa Hercule.

—Il faut partir du résultat pour trouver le calcul, détermina la Portugaise.

Le Sondeur ne contesta pas.

—Il faut inverser le sens du calcul.

Hercule la poussa dans cette direction puisque le sondeur primaire n'opposait toujours pas son veto.

—Inverser. Comme ma potion Cistus Inversus, Shin.

—Oui?

—Les organes ont inversé leurs positions.

Le Japonais n'avait pas oublié cet épisode fameux où son camarade s'était tordu de douleur dans la douche de leur chambre, les organes revenant à leurs places.

—J'ai déjà essayé de lire la phrase à l'envers, coupa Umbelina. Cela a donné du charabia.

Je ne suis pas d'accord, intervint Alpha.

Hercule chercha le point commun entre lui, la Portugaise et la Russe. Ne trouvant pas, il supposa qu'il ne devait pas chercher l'intersection entre leurs qualités respectives mais la réunion de leurs forces. Umbelina avait mis le doigt sur un principe d'inversion. Il avait la logique pour lui et elle lui commandait de faire appel à Katarina. Il sortit la fiole contenant la prophétie bleue et proposa:

—Ma chère, pourriez-vous déclamer dix-sept syllabes, à propos de cette fumerolle, visant à inverser le sens de lecture de la phrase?

—D'accord. Laissez-moi réfléchir un peu…

La jeune fille fit quelques essais mentaux, comptant sur ses doigts. Au final, elle s'empara d'un parchemin et d'une plume pour écrire. Après une minute de tentatives, elle prit sa baguette et déclama en visant la fiole:

—Prophétie faussée

Par la fin sera relue

La fumée changée.

À l'intérieur du tube de verre, la couleur muta. Du bleu, elle passa à l'orange vif.

—Ça a marché!

—Ben non, Eugénie, ce n'est pas rouge.

—N'empêche, Umbelina, on progresse. Non, Hercule?

—Nous progressons car Alpha ne s'oppose pas à nos affirmations.

—Mais pourquoi de l'orange? demanda Sigrid.

—C'est la couleur opposée au bleu dans la peinture, non? C'est le principe retenu par les peintres impressionnistes moldus?

—Vous avez raison, Shin. En inversant l'ordre des lettres, le haïku a changé la couleur par opposition.

—Et si on poussait le processus d'inversionplus loin?

—Que voulez-vous dire, Umbelina?

La princesse se leva et fit plein de gestes pour illustrer ses propos, s'enflammant, excitée.

—Hercule, imagine qu'une potion inverse tout! Le sens de lecture mais aussi les lettres et les chiffres eux-mêmes. Que la potion soit un breuvage de confusion par opposition systématique. Que les accentués n'aient pas changé parce qu'il n'y a rien à leur opposer. En revanche, le A s'oppose au Z, le B au Y, le C au X, etc. Comme nous avons un nombre pair de lettres dans l'alphabet latin, chaque lettre possède son opposé.

—Comme dans un miroir, souligna Eugénie.

—Exactement!

Umbelina prit sa baguette, un récipient, fit jaillir de l'eau pour la remplir et versa la fumerolle orange. Elle congela le tout. Le texte initial apparut et s'inscrivit en commençant par la droite.

—Ça, c'est la preuve que le haïku de Katarina a fonctionné. Maintenant, ma belle, à toi de jouer pour faire en sorte que les lettres se remplacent par leurs opposées. Tu as compris le principe?

—Oui. Alpha ne s'y oppose pas. C'est la solution. Il faut juste le haïku adéquat. Voyons…

Elle reprit la plume, l'encre et le parchemin. Elle se mit à griffonner des idées, mais il fallait que le rythme de 5/7/5 syllabes soit respecté. L'opération étant complexe, elle aurait besoin de deux haïkus traitant par étapes. Elle ratura des lignes entières, ne voulant pas compromettre la prophétie.

—Hercule, dans un arc-en-ciel, la couleur orange est bien encadrée par le jaune et le vert?

—Oui.

—D'accord. Alors… Je vais faire comme ça.

Elle reprit ses textes, arrangea et après quelques minutes de tergiversation, elle dit:

—Je crois que c'est bon.

—Allez-y.

Elle leva sa baguette et commença:

—Miroir inséré

au centre de l'alphabet

change la fumée.

Orange au centre

mutation opérée

verdit le message.

Le résultat ne se fit pas attendre. Chaque lettre trouva son reflet et le texte final, intelligible, verdit, s'offrant à leurs regards. Hercule le lut à voix haute:

—«L'agneau, mort à la fin de l'été, n'est pas hors de la tanière.»

—Alors ça, c'est du Claire Obscur ou je ne m'y connais pas.

—Tu as raison, Eugénie. Nous ne sommes pas très avancés. Un agneau mort à la fin de l'été. Mais lequel? La ménagerie magique de l'école n'abrite que des créatures du monde sorcier. Vous vous souvenez d'une mort survenue vers le 20 –22 septembre?

—Non, Sigrid. Mais, selon moi, nous n'en avons pas encore fini. La couleur verte n'est pas le rouge habituel des prédictions de madame Obscur.

—Mais oui, Hercule! C'est évident! Il faut une dernière inversion! coupa la princesse. Katarina, c'est un haïku pour du français, cette fois.

—Du français?

—Oui. Je vous donne un exemple: «est mort à la fin de l'été» va devenir «est né au début de l'hiver». Tous les mots doivent être opposés! La potion qui a changé la prophétie, aura agi sur tout: la position des lettres, puis les lettres, puis les mots!

—Donc, nous cherchons une naissance au début de l'hiver?

—Oui, Sigrid.

—Qu'oppose-t-on à l'agneau?

—Le loup, Sigrid. C'est le loup. L'agneau, l'innocent, le loup, le coupable. Et j'ai la suite. Une expression française pour indiquer un danger. Le loup, né au début de l'hiver, est dans la bergerie.

—Purée de bazar de patate! Elle fonctionne, ta phrase, p'tit gars! C'est un avertissement. Obscur avait vu le danger représenté par une personne née au début de l'hiver.

—Attendez! Vous oubliez un élément crucial, rappela Umbelina. Le code sur l'étiquette.

Elle s'empara du parchemin de Katarina et nota:

—Nous avions de 28 09 08 08 pour la date de la prophétie futuriste. Nous avons fait erreur. Appliquons à ce code le processus d'inversion. D'abord, je commence par réécrire par la fin. Cela donne: 80 80 90 82. Ensuite, l'effet miroir. Nous avons 10 chiffres, soit un nombre pair. Le 0 s'oppose au 9, 1 au 8, etc. Cela donne… 19 19 09 17. Il n'y a aucune opposition sur la signification puisqu'il s'agit de chiffres et non de mots ayant un sens. La prédiction concernait… Oh zut! La rentrée de cette année. Le danger est apparu à la rentrée.

Sans pouvoir le contrôler, les regards se tournèrent vers le Japonais. Shin rougit jusqu'aux oreilles et se défendit:

—Désolé de refroidir votre imaginaire, mais je suis né le 21 mars 1906. Au début du printemps.

—Nous ne doutons pas de votre sincérité, rattrapa le Belge.

—Non, absolument pas, insista Katarina, posant sa main sur l'épaule du garçon pour le rassurer.

—Le danger est apparu à la rentrée, mais cela ne signifie pas que c'est une arrivée, souligna Sigrid. Van Kriedt est devenu dangereux à cause d'un événement survenu dans l'été. Hercule, sais-tu quand il est né?

Il fouilla dans sa mémoire. Casper n'avait jamais mentionné son anniversaire. Il fit défiler les repas, les discussions, dans la chambre, entre les cours ou pendant les leçons ennuyeuses. Un détail attira son attention. Lors du bal du 31 décembre 1917, le Hollandais, en se préparant dans la chambre, avait enfilé un pendentif sous sa chemise.

—Une amulette? avait demandé Hercule.

—C'est un cadeau de mes parents.

—Pour Noël?

—Pas seulement.

Le grand blond avait été choyé pour Noël et son anniversaire était proche du 25 décembre. Le Belge confirma ses doutes auprès de ses camarades.

—Alors, Van Kriedt a trouvé le moyen de faire boire une potion à Obscur pour masquer sa traîtrise? Mais quand? En fin de l'année dernière? À la cérémonie de remise des diplômes?

—Je l'ignore, Eugénie. Katarina, voulez-vous bien créer le haïku qui va déterminer les mots opposés?

—Oui, je m'y mets.

La Russe obtint très vite un résultat. Lorsqu'elle eut prononcé:

—À chaque mot seul

son opposé est trouvé

mystère rougi.

L'écriture devint écarlate, l'étiquetage de la fiole changea et le message déterminé par Hercule s'imprima, à la virgule près. La prophétie était conforme aux productions de la divinatrice.

—Une affaire résolue! Enfin, j'espère, hein, Hercule? Hercule? Tu ne dis rien, p'tit gars? Eh! Van Kriedt, ce salaud qui a voulu t'occire, est né au début de l'hiver. Il a changé dès le premier jour de la rentrée. Que veux-tu de plus pour coller à la prophétie?

—C'est vrai. Eugénie a raison. Les indices concordent, les actes de Casper ne pouvaient pas être plus graves, la date de la rentrée correspond, son anniversaire colle. Il possédait le mobile, il avait les livres, la magie noire, des sortilèges d'envoûtement. Durant l'année, grâce à ses maudites figurines, il a manipulé des élèves et des professeurs. Tout s'emboîte à la perfection.

—Non. Il manque le comment.

Les enfants le dévisagèrent d'un air navré, comme s'ils étaient excédés par son désir de rechercher le micro grain de poussière dans un tableau propre comme un sou neuf.

—Eugénie a découvert la prophétie le 2 août dernier. Elle était bleue. La trouvaille a eu lieu le matin du 2 août. Vous souvenez-vous d'autre chose en lien avec cette date?

—Non, répondit l'Aloysienne.

—En effet, puisque vous avez été oubliettée. L'autre prophétie, restée au bord de la cuvette de consultation. Avec une date de réalisation au 2 août 1918, selon madame Obscur. Un petit rappel: «par trois fois, en terre affranchie, l'éclair jaillira, d'un éternel oubli. Dans plus d'un siècle, l'ennemi quatre éléments aura réunis, afin que vienne le règne de la démence, qu'il baptisera délivrance.»

—Ah oui!

—Je sais à quoi correspond la première partie survenue le 2 août. Il s'agit de la mort des parents Van Kriedt et celle de monsieur Faulkner, fournisseur de bois, antiquaire et archéologue australien. La terre affranchie, c'est l'Australie, indépendante depuis peu. L'éclair jaillira, c'est le sort impardonnable pour les assassiner.

Eugénie tapa du plat de la main sur ses cuisses, puis leva les bras au ciel et s'écria:

—Mais il m'épate! Il m'épate! Tu as compris ça tout seul!

—J'ai fait le lien. Si les Van Kriedt ont appris la mort de leurs parents le jour même, ce dont je doute fort, car l'Australie est isolée, à tous points de vue sorciers, ils n'ont pas eu le temps de fomenter un complot, de développer un plan et de s'en prendre à Claire qui, je vous le rappelle, sortait peu du château.

—Alors?

—Alors, Sigrid, le loup pourrait bien encore se trouver dans la bergerie.

La conclusion d'Hercule relança les suspicions. Les enfants cherchèrent qui, parmi les élèves, pourrait être entré à l'Académie ou avoir totalement changé de caractère, afin d'orchestrer des crimes innommables dans l'école. Eugénie n'en démordit pas: selon elle, c'était soit Dune Dunne, trop louche pour être honnête, soit son père parce qu'il n'était pas à un crime près. Après tout, des blessés toute l'année, cela lui donnait du travail! Un excellent mobile. Comme le sondeur Alpha ne leur semblait plus utile, ils décidèrent d'abandonner le degré 10 et se dirigèrent vers les isoloirs. Mais rien ne se déroula comme ils en avaient l'habitude.

La grotte du degré 10 n'avait pas changé. En revanche, les trois isoloirs s'étaient déformés, pas à la manière d'une image modifiée par un kaléidoscope mais plutôt comme si la vision des enfants avait subi des distorsions dues à une chaleur écrasante, ondulant comme un serpent.

—Qu'est-ce qui se… entama Eugénie.

Une forme humaine apparut dans l'isoloir central.

—Professeur Racine? s'exclama Hercule.

—Vous? Que faites-vous tous ici?

—Nous avions besoin de consulter le sondeur Alpha, répliqua le Belge. Et vous? Que transportez-vous?

L'homme sortit de la grotte aux lucioles pour les rejoindre avec une caisse en bois sans poignée de transport mais dotée d'une multitude de tiroirs fins et cadenassés.

—Je… Je suis venu faire une expérience.

—Au fond du tunnel, après la porte runique?

—Pour ne rien vous cacher, oui. Mais vous, bon sang, bande de garnements, vous ignorez que les degrés sont dangereux, y compris celui-ci?

—Nous savons, Monsieur.

—Comment cela, vous savez, Van Betavende? Vous n'avez tout de même pas exploré tous les…

—Si, Monsieur. Toutefois, je n'ai pas pu passer plus de deux secondes dans le degré 290.

Il posa sa caisse au sol. Elle tressauta.

—Ne me questionnez pasà ce propos! Et répondez à ma question: pourquoi avez-vous besoin d'Alpha?

Les enfants se dévisagèrent. Personne ne voulait se lancer. Au final, ce fut Eugénie qui avoua:

—Je suis entrée en possession d'une prophétie de la professeure Obscur. Elle était incompréhensible.

—Elles le sont souvent, répliqua l'enseignant.

—Elle était bleue, ajouta Sigrid.

—Pardon?

—Nous aussi, nous avons été choqués. Madame Obscur a toujours manifesté sa voyance par le même mode opératoire.

—Qu'est-il arrivé à cette prophétie bleue, Van Betavende?

—Elle a été pervertie, envoûtée pour dissimuler son contenu assez explicite.

—Comment êtes-vous parvenu à résoudre ce mystère?

—C'est grâce à vous, Monsieur.

Devant l'étonnement de Jean, le Belge relata le club de sciences du mercredi précédent, à quel point l'exposé sur la cryptographie avait concouru à démystifier la prophétie en leur possession depuis l'été dernier. Le professeur de sciences leur demanda ce qu'ils comptaient faire de cette prophétie dévoilée. Selon lui, quoi qu'il leur en coûte, les enfants devaient la rendre à sa propriétaire légitime. Hercule et ses camarades se gardèrent de lui avouer qu'ils étaient en possession d'autres fumerolles emprisonnées et qu'ils pouvaient s'approvisionner à volonté. Jean leur demanda de déguerpir sans tarder afin de s'adonner à ses travaux. Hercule lui demanda:

—Comment ferez-vous pour revenir dans la salle du Sondeur?

—En entrant dans l'isoloir, comme pour venir.

—Comment?

—Lorsque la salle du Sondeur est verrouillée, on peut déplacer les bancs. Les isoloirs sont identiques dans les 36 degrés. Ce n'est qu'une espèce de tourniquet. Si une personne parvient à entrer, elle n'y voit que du feu. Elle peut utiliser le carrousel à sa guise.

—Ah… Bien. Nous vous laissons avec la porte runique.

—Euh… Oui… Justement, à ce propos. À l'époque où nous l'avons ouverte, avec Sigma, tout allait parfaitement. Mais euh… le code runique ne fonctionne plus. Cela fait presque deux ans que je m'acharne à l'ouvrir. Vous n'auriez pas trouvé la solution, par hasard, lors de vos enquêtes?

—Si, bien sûr, Monsieur. Qu'est-ce que Sigma?

—Oh! Euh… Après tout, ce n'est pas vraiment un secret. Gervais Delacour, Claire et moi-même formions Sigma. La somme, en grec. Claire était une vraie trouillarde et ne nous suivait pas dans nos explorations. Elle se contentait de nous concocter toutes sortes de potions dont du Polynectar. Gervais était le cerveau de la bande et moi le cancre, hormis en sciences et au Quidditch. Je me targue d'avoir été un batteur de renom. Alors, ce code runique?

Hercule et les enfants retournèrent le col de leur uniforme. Jean découvrit une fleur cousue.

—Gerbera. Le quatrième ordre. Il vous suffit d'ajouter les trois runes de notre ordre, à la fin.

—Bon sang! Jamais je n'aurais deviné ça! J'avais bien remarqué votre sorte de club et vu cette fleur, parfois. Le château a admis un quatrième ordre et a changé le code. Insensé! Bon. Filez, maintenant! Et tâchez de ne pas vous faire pincer!

—Vous non plus, Professeur, répondit le Belge, avant de disparaître avec ses amis dans l'isoloir.

Jean ne prêta pas attention à cette ultime réflexion. Il se rua dans le tunnel avec la ferme intention de capturer du temps perdu, grâce à un spectre venu d'un autre monde.

1Hercule s'était rendu dans le degré 40, le monde minéral, pour effectuer quelques prélèvements.