Épilogue

Armand poussa la porte d'entrée de l'échoppe huppée et découvrit la décoration du café. Avec ses boiseries chaleureuses et ce sol vitré, surplombant un bassin où des carpes déambulaient avec nonchalance, la place se démarquait par son originalité. Ses narines furent transportées en Éthiopie, grâce aux arômes de torréfaction. Son arrivée, avec sa taille de deux cents centimètres, ne passa pas inaperçue. Le patron leva les yeux vers lui et tenta, dans un anglais très rudimentaire:

—Please. Coffee? Yes?

—J'aimerais une grande tasse de café, le plus robuste que vous puissiez préparer, répondit le Français dans un japonais précis et dénué de tout accent de la patrie de Molière.

Le Nippon se montra soulagé de ne pas avoir à s'exprimer dans la langue de Shakespeare.

—Bien! Bien! Je vous prépare cela. Installez-vous où vous le souhaitez.

—Là? proposa Armand en désignant une table près de la fenêtre. Le fils de monsieur Ishii m'a dit que c'est la place préférée de son père.

—Ishii-San? L'ambassadeur, le négociateur gouvernemental?

—Oui. Je suis le précepteur français de son enfant.

—Oh! Les amis de Ishii sont mes amis.

—Merci beaucoup. Vous m'honorez. Euh… personne n'a réclamé à voir un homme étranger? Je suis attendu.

—Pas encore, Monsieur.

—Parfait.

Il traversa la salle avec prudence. Des plaques de verre. Ces Moldus étaient parfois parcourus par de drôles d'idées. Cependant, il trouvait de la magie dans ce lieu. Il s'assit à la table désignée et attendit que monsieur Yamamoto lui apporte son café. Un Japonais entra dans l'établissement. Il salua le propriétaire d'un hochement de tête, sans un mot. Il examina les convives installés, soupçonneux. Il s'arrêta sur l'unique blanc à la chevelure intacte mais d'une blancheur uniforme. Les yeux bleus de l'étranger se plissèrent, tentant d'imaginer l'inconnu avec une bonne cinquantaine d'années en moins. Le nouveau venu s'avança dans sa direction. Armand se redressa et lorsqu'ils ne furent qu'à un mètre l'un de l'autre, le Français se pencha en avant en murmurant:

—Matsuyama–Mori–Sensei.

—Fontebrune–Sensei, répondit son interlocuteur en fléchissant le buste, à son tour.

Puis, ils tombèrent dans les bras l'un de l'autre.

—Armand!

—Temaru!

—Comment allez-vous? Qu'est-ce qui nous vaut votre présence, après un demi-siècle d'absence? Êtes-vous enfin venu créer une brigade d'Oubliators au Japon?

—Non. Je viens pour retrouver un ami qui a été enlevé en France.

—Il serait au Japon? De qui s'agit-il?

—Mon ami, mon mentor. Le professeur Piedargile a été kidnappé, à Paris, dans son domicile. Des indices m'ont mené au Japon. Les Aurors français ne peuvent rien faire en dehors de leur territoire. C'est mon ami, Temaru. J'ai pensé que vous pourriez m'arranger un rendez-vous avec un Sam'Auror?

Quelque peu abasourdi par les propos, le Japonais réagit en douceur:

—Pourquoi des Japonais en voudraient-ils au plus grand spécialiste des runes?

—Je l'ignore. Tout ce que je peux dire, c'est qu'ils ont emporté tout ce qu'il possédait traitant de son sujet fétiche. Sans exception.

—C'est étonnant. Vous le savez autant que moi: les runes celtiques ou Vikings n'ont pas franchi les frontières du Japon qui fut isolé du reste du monde jusqu'au siècle dernier.

—Oui, je sais, Temaru. Depuis le début de cette affaire, rien n'a de sens.

—Des runes… Et si…

—Quoi?

—Ça n'a sûrement rien à voir. Un jour, alors que j'allais me baigner dans l'onsen de l'école, j'ai entraperçu le tatouage d'un de mes enseignants. C'était une vision partielle, mais je suis presque sûr qu'il y avait une rune.

—Puis-je le rencontrer?

—Hélas! Araii-Sensei a été sauvagement assassiné par un élève, toujours en fuite. Cela s'est passé au mois de mars 1918.

—Oh… Je suis navré.

—Un drame qui secoue toujours l'école. Le criminel a commis un acte abominable. Il a découpé la peau du dos de notre Uranaishi. Nous avons été horrifiés et personne n'a compris cet accès de barbarie, perpétré alors que le professeur était encore en vie. Mais je me demande…

—Il y aurait un rapport? Le besoin d'un spécialiste des runes pour décrypter un tatouage?

—Armand, si c'est le cas, votre ami court un danger mortel. Vous également. Où logez-vous, à Tokyo?

—Dans un petit hôtel moldu, discret.

—Je vais me rendre au Ministère et faire le nécessaire pour que vous rencontriez le commandant des Sam'Aurors. Nous tenons peut-être la piste qui nous manque pour capturer le criminel.

Il se leva et ajouta:

—Je serai de retour dans une heure. Attendez-moi ici.

—Entendu.

—Je fais au plus vite.

Les deux hommes se saluèrent. Temaru quitta le café sans s'attarder. Il se glissa dans une ruelle adjacente, tranquille et transplana. Dans l'établissement Paulista, monsieur Yamamoto ne s'offusqua pas de cette allée et venue, sans consommation. Son estaminet était un haut lieu de transactions entre personnages riches, influents. Tout sourire, il déposa le café avec la note.

—Voulez-vous que je règle maintenant?

—À votre convenance, Monsieur.

Armand avisa le montant indiqué et sortit l'argent moldu en faisant l'appoint. C'est alors qu'il devina un écrit par transparence, au dos du billet. Il le retourna et déchiffra les caractères hiragana:

«Venez rue de Nagoya, au numéro 20. Je sais où se trouve le sorcier qui parle à l'envers.»

Interloqué, il demanda:

—Est-ce vous, l'auteur de ce mot?

—Lequel, Monsieur?

—Au verso de la note.

—Non, Monsieur.

—Dans ce cas, qui l'a écrit?

Yamamoto examina la salle. Hormis un jeune couple de Tokyoïtes en tenue traditionnelle et le vieil homme, avec son journal qu'Ishii-San qualifiait de conservateur extrémiste, il n'y avait personne d'autre.

—Je ne sais pas. Qu'est-ce que cela dit?

—Que je dois partir sans délai.

Armand avala le café brûlant, se leva et se rua vers la porte d'entrée. Le vieillard leva les yeux sur Yamamoto, puis sur le jeune couple. Il transplana en laissant un noir sillage.

L'air doux et marin balayait la plage comme la caresse d'une aile de papillon. Les vaguelettes de l'atoll mouraient sur le sable fin et rosé de la plage. À quelques mètres de l'eau turquoise, des palmiers courbaient leurs troncs graciles jusqu'au sol. Une toile était tendue entre leurs écorces et juste en dessous, un hamac se balançait mollement au gré du vent. À l'air iodé se mêlaient des parfums de fleurs, par centaines, submergeant les sens. Dans le savant tressage de cordes tendues, Dune Dunne dormait d'un sommeil agité.

Tout à coup, elle sursauta et se redressa. Elle prit le temps de récupérer, pivota et posa ses pieds nus sur le sable. Avec sa main droite, elle exécuta un mouvement de balayage dans le vide. Une natte se matérialisa au sol, des murs apparurent, un plafond de bois remplaça l'univers nocturne étoilé et son chevet, à portée de main, se garnit d'un verre, d'un broc d'eau, d'une plume enchantée et de carrés de parchemin. Elle prit un support, inscrivit un nom et alla déposer le minuscule rouleau dans une coupe remplie d'un liquide argenté, épais, d'où des bulles sonores, pareilles à des cris, s'échappaient. L'épais gruau gris avala le parchemin et s'anima. La femme se raidit.

—Non… non…

Le nom d'Armand Fontebrune s'inscrivit dans la mélasse d'aluminium. Il grossit jusqu'à être remplacé par un visage émacié, sans chair, sans iris, qu'elle connaissait par cœur. La personnification de la mort. Elle recula, atterrée. Elle s'écroula dans son hamac. En une passe de la paume, elle remit le décorum illusoire marin et nocturne, effaçant la chambre close, sans ouverture apparente. Puis, elle refit le geste et afficha l'intérieur d'une chambre d'un hôtel de glace, scintillant. Sa respiration exhala de la vapeur qui se transforma en torches glacées et bleutées. Elle esquissa une virgule de la main et la coupelle au liquide argenté diffusa des senteurs de vanille et de cannelle. Elle se mordit les lèvres.

«Trois nuits d'affilée!»

Elle se sentit impuissante. Elle s'allongea et respira les parfums de son enfance jusqu'à ce que, grisée, elle finisse par s'endormir.

Fondé en 1879, l'hôpital Matsuzawa de Tokyo se situait à quelques kilomètres du centre de la capitale et faisait l'objet de mesures de sécurité draconiennes. C'était la plus grosse unité psychiatrique du Japon, avec près de sept cents lits. L'établissement y accueillait toutes sortes de patients, des malheureux qui avaient tenté et raté de se faire hara-kiri, en passant par les personnes atteintes de syndrome mélancolique aigu, jusqu'aux cas sévères de délires paranoïaques, de troubles de la persécution ou de la personnalité, accompagnés de pulsions violentes extrêmes. Le docteur Yamashita dirigeait une aile regroupant les individus dont les symptômes ne permettaient pas de les catégoriser dans une pathologie précise et de les affecter dans le bon service où le traitement le plus adapté leur serait appliqué. Tetsu en avait vus de drôles, défilant dans son service mais tôt ou tard, il posait le bon diagnostic. Seulement, cet étranger parlant japonais à la perfection, échappait à son système de classification.

Dès que les drogues calmantes cessaient de faire effet, le médecin venait dans la chambre où l'homme était sanglé au lit et s'entretenait avec lui. Au début, ses propos décrivaient une situation plausible, bien que rocambolesque. Le patient était arrivé au Japon au cours du mois de mai afin d'y rechercher un ami qui avait été kidnappé par des criminels en France. Il avait erré dans Tokyo, dans différents quartiers, à la recherche d'indices le menant à un début de piste. Il avait contacté une école secrète, en cheville avec une organisation parallèle, afin d'obtenir de l'aide. Ils avaient rendez-vous dans le célèbre café Paulista. Là, il avait reçu un message avec une adresse. Un inconnu pourrait lui révéler où son ami français se trouvait.

Ensuite, le récit devenait chaotique. Le patient s'était rendu dans la rue mentionnée sur le billet. Cela s'était révélé n'être qu'un piège tendu par des fantômes noirs l'ayant dépouillé de son arme, une baguette magique capable d'infliger la mort. Il avait été fait prisonnier et déféré devant un être malfaisant aux yeux rougeoyants. Puis, c'était le trou noir durant des jours où il était forcé d'avaler des litres de potion. Des fantômes tentaient d'effacer sa mémoire avec des sortilèges. Le patient se souvenait juste des supplications d'un vieillard méconnaissable. Son ami implorait un geste magnanime du démon en échange de tout son savoir. L'homme, Armand, avait subi un ultime sort visant à lui effacer la mémoire et avait été jeté au pied de l'hôpital qui l'avait recueilli et soigné. S'il n'avait pas oublié, c'était parce qu'il avait une aptitude exceptionnelle le rendant insensible à l'effacement mental.

Lorsque le Français en avait terminé, il demandait au médecin de le libérer et de lui rendre sa baguette. Puis, face à l'incrédulité du praticien, le malade s'emportait, s'agitait, se blessait avec ses liens, parvenait à faire trembler on ne savait comment le lit, l'armoire contenant ses effets personnels et les murs de la chambre. Invariablement, le docteur Yamashita lui injectait une dose de morphine pour le sédater. Une dose de cheval, car l'homme, terrorisé par les «fantômes noirs», offrait une résistance incroyable à la chimie du médicament.

Ce soir de début juillet, le scénario s'était déroulé de manière identique. Le médecin avait ignoré les hurlements d'Armand, consécutifs à son délire. Il avait resserré les sangles et avait injecté cinq milligrammes de morphine. Puis, délaissant le patient dans la pénombre, il s'était rendu au chevet des autres malades. Seul dans la pièce, le «malade» perçut soudain une odeur inhabituelle derrière les lourds et entêtants relents d'éther. De l'encens. Il chercha la provenance de cette fragrance. Proche du plafond, accrochée dans l'angle que formaient les murs, il y avait une ombre inconnue. Sentant le sommeil artificiel le gagner, l'ex-directeur de Beauxbâtons demanda:

—Qui est là? Montrez-vous!

La forme glissa jusqu'au sol, sans un bruit, pas même un frottement d'étoffe. Une voix gutturale répondit:

—Kuroi yùrei!1

—Aburahamu wa dokodesu ka?2

Surpris par l'utilisation du japonais, l'homme aux allures d'un assassin ninja mit trois ou quatre secondes avant de tirer sa baguette magique et de répondre:

—Jigoku de! 3 Avada Kedavra!

AnnexesEmploi du temps des élèves de 2e année

Année scolaire: 1918-1919

Promotion: 1917

Ordre: URTICA

08H00

09H55

10H05

12H00

12H00

14H00

14H00

15H55

16H05

18H00

Lundi

Métamorphose

Potions

Déjeuner

Moldus

Créatures

Mardi

Anglais

Botanique

Déjeuner

Legilimancie

Occlumancie

Duel junior

Mercredi

Balai / Biblio

Sciences

Club Sciences

Club

Cecrabebleu

Quidditch

Jeudi

Runes anciennes

Médicomagie

Déjeuner

Français

Histoire de la Magie

Vendredi

Maléfices

Enchantements

Sortilèges

Divination

Déjeuner

Sortie /

Libre

Sortie / Libre

Samedi

Entraînement /

Devoirs

Duel Gerbera/

Renfort français

Déjeuner

Renfort français/

Devoirs

Renfort français /

Devoirs

Dimanche

Repos / Devoirs

Repos / Devoirs

Déjeuner

Repos / Devoirs

Repos / Devoirs

Astronomie: mercredi 20h00-21H00

Année scolaire: 1918-1919

Promotion: 1917

Ordre: ALOYSIA

08H00

09H55

10H05

12H00

12H00

14H00

14H00

15H55

16H05

18H00

Lundi

Potions

Métamorphose

Déjeuner

Anglais

Runes

Mardi

Moldus

Créatures

Déjeuner

Botanique

Duel junior

Mercredi

Balai / Biblio

Divination

Club Sciences

Club

Cecrabebleu

Quidditch

Jeudi

Legilimancie

Occlumancie

Maléfices

Enchantements

Sortilèges

Déjeuner

Histoire de la Magie

Français

Vendredi

Médicomagie

Sciences

Déjeuner

Sortie /

Libre

Sortie / Libre

Samedi

Entraînement /

Devoirs

Duel Gerbera/

Renfort français

Déjeuner

Renfort français/

Devoirs

Renfort français /

Devoirs

Dimanche

Repos / Devoirs

Repos / Devoirs

Déjeuner

Repos / Devoirs

Repos / Devoirs

Astronomie: mardi 20h00-21H00

Année scolaire: 1918-1919

Promotion: 1917

Ordre: LONICERA

08H00

09H55

10H05

12H00

12H00

14H00

14H00

15H55

16H05

18H00

Lundi

Moldus

Botanique

Déjeuner

Métamorphose

Anglais

Mardi

Runes

Potions

Déjeuner

Maléfices

Enchantements

Sortilèges

Duel junior

Mercredi

Balai / Biblio

Legilimancie

Occlumancie

Club Sciences

Club

Cecrabebleu

Quidditch

Jeudi

Créatures

Divination

Déjeuner

Histoire de la Magie

Médicomagie

Vendredi

Sciences

Français

Déjeuner

Sortie /

Libre

Sortie / Libre

Samedi

Entraînement /

Devoirs

Duel Gerbera/

Renfort français

Déjeuner

Renfort français/

Devoirs

Renfort français /

Devoirs

Dimanche

Repos / Devoirs

Repos / Devoirs

Déjeuner

Repos / Devoirs

Repos / Devoirs

Astronomie: mardi 21h00-22H00

1Le fantôme noir

2Où est Abraham?

3En enfer!