Hello hello ! Bon, ce texte a clairement besoin d'une note d'auteur.

Tout d'abord, il été écrit dans le cadre du Feed My Frankenstein Fest, un fest anglophone organisé par le groupe Voldemort Brain Rot sur Discord. Il s'agit d'un UA dans lequel Voldemort a triomphé. Le prompt choisi était : "Il y a beaucoup de créatures dans la Forêt Interdite. Certaines ne sont pas ce que l'on pourrait imaginer."

Ensuite, dédicace au fan club de Macnounou (le muderous boï. Tu es affreux mais on t'aime quand même.) Xyxo, ce texte est pour toi, j'espère qu'il te plaira. Merci à Josy, Carmilla et Dragsou pour leurs encouragements et corrections.

Pour tous ceux qui passeraient par là : bravo, vous avez cliqué sur cette fic sans même craindre le résumé. Cependant, je dois encore poser un warning : cette fic contient des éléments perturbants et un niveau de violence graphique qui peut faire réagir même les moins sensibles. On parle d'un bourreau et d'exploration d'une personnalité sadique, totalement désensibilisée à la mort. Ne lisez pas si vous ne pouvez pas supporter une description graphique de la violence, particulièrement envers les animaux, mais aussi envers les êtres humains.

Trigger Warnings : présence de sang, meurtre, torture, humiliation, chasse, séquestration, allusions à caractère sexuel et commentaires dégradants.

Pour celles et ceux qui n'ont pas encore fui : j'espère que vous apprécierez votre lecture.

.

.


Ses pas étaient décidés. Ils hantaient les chemins, frappaient la terre meuble, butaient sur les cailloux. La boue collait à ses lourdes bottes de cuir. Les branches torturées des arbres griffaient la fourrure de son manteau ; des perles de pluie s'accrochaient aux poils, les agglutinaient en touffes.

Ce n'était pas un bon braconnier. Il n'en possédait pas l'instinct.

Ce n'était pas un limier comme Avery, la senteur de la proie ne murmurait pas à son odorat. C'était tout juste s'il ne perdait pas la trace qu'il essayait tant bien que mal de suivre au milieu des hardes de passage dans la forêt.

Ce n'était pas un trappeur non plus ; il n'aurait même pas su par où commencer. À la différence de nombre des siens, ce n'était pas un chasseur : sa vue de loin se faisait très mauvaise. On avait depuis longtemps renoncé à le faire participer aux battues rituelles : sa démarche lourde, son souffle court sur les longues distances et sa gâchette facile ruinaient toujours tout.

Il effrayait les bêtes.

Peut-être qu'au-delà de sa maladresse elles sentaient l'odeur de la mort sur lui. Son fumet particulier - pourrissant, en décomposition - s'était incrusté dans la peau de ses mains, sous ses ongles. C'était une besogne sale et basse, vile et repoussante pour beaucoup de ses congénères, même les plus dangereux, mais il se targuait l'un des seuls à la supporter. Lorsqu'il le fallait, il travaillait à mains nues, lui ! Il ne convoquait pas la mort d'un trait de baguette, ne courait pas après ses proies.

Petit gibier comme Hippogriffes, il savait exactement où la chair était la plus tendre. Où il fallait sectionner, assommer, saigner, puis éviscérer, lorsque le client le demandait. Lorsqu'il arrivait devant elles, les bêtes se trouvaient déjà parquées, immobilisées dans le box, enchaînées au besoin. Leurs yeux écarquillés le contemplaient avec une sorte de révérence silencieuse. Leurs narines frémissaient en captant les effluves de celles qui étaient passées avant elles.

En revanche, les agents du Ministère qui passaient après lui avaient beau travailler d'arrache-pied à nettoyer cette grande pièce carrelée à la fin de chaque journée de travail, il savait d'expérience à quel point les odeurs comme celles-ci étaient tenaces. Les odeurs et les sangs se mélangeaient.

Souvent, c'était un beau spectacle. Il aimait à admirer la couleur du sang de licorne sur sa hache. Ce n'était pas souvent qu'on en tuait. En général, c'était un dernier recours, comme la menace de la transmission d'un contaminant au sein de la harde ou entre espèces, une blessure presque fatale, une pathologie handicapante qui provoque l'euthanasie. C'était une couleur magnifique après le rouge des hippogriffes et des centaures, le bleu des sirènes échouées et le noir des Sombrals.

Elles ne partaient jamais.

Cela les faisait souvent brailler avant même qu'il n'ait commencé. Les bêtes condamnées grognaient, feulaient, hululaient, piaillaient, beuglaient, glapissaient, lâchaient des plaintes effrayées. Lorsqu'elles avaient senti le danger, elles se débattaient, mais le sol lisse, savonneux, les empêchait de se défaire de leurs entraves.

Il écoutait leur instinct de survie lui parler. Le supplier. Appeler son cœur pour attendrir sa raison et adoucir la main qui allait s'abattre bientôt sur elles. De toute façon, le résultat était toujours le même.

Il n'avait plus qu'à choisir le diamètre de sa hache et les bons outils suivant les doléances notées sur le carnet de commande. Pour les animaux de catégorie V ou dont l'exécution devait se dérouler à l'extérieur, il emmenait toujours sa plus grande hache.

Magdalena. Sa plus fidèle.

Elles possédaient toutes des petits noms qu'il avait choisis en secret, mais celle-ci lui faisait toujours ressentir quelque chose de particulier.

Il prenait toujours soin de toutes ses armes. Entre toutes, celle-ci obtenait indubitablement son statut de favorite. Ce n'était pas parce qu'elle était la plus grande, non. Ce n'était pas parce que son manche en bois de chêne portait la trace usée de ses doigts, qui s'y plantaient désormais à tous les bons endroits. Ce n'était pas parce que le grain de son tranchant était si unique qu'il était capable de vous faire ressentir la moindre vibration. Que d'un coup porté, vous pouviez sentir les muscles dans lesquels la lame tranchait, les tendons et les vaisseaux qui se rompaient, le flot chaud et bouillonnant du sang artériel, les os sur lesquels elle butait lorsqu'ils étaient trop épais.

Les gens trouvaient ça affreux, en général. Lui, ça ne le dérangeait pas. Il aimait savoir ce sur quoi sa lame s'abattait. Quitte à donner la mort, autant la laisser pénétrer jusque dans vos os lorsque vous portiez le coup fatal, l'arme devenant le prolongement de votre corps.

Il aimait regarder l'horreur en face. (L'horreur, pas le vide. La nature avait horreur du vide. Il fermait toujours les paupières de ses suppliciés lorsqu'ils s'éteignaient. Si c'était bien fait, ce n'était jamais très long. Puis alors il commençait à les vider de leur sang et à dépecer.)

En fait, c'était peut-être un peu pour toutes ces raisons à la fois, mais c'était surtout parce que cette hache-ci, il l'emmenait partout dans ses aventures.

Il sentait le poids du fourreau dans son dos, la courroie de la sangle frotter contre les couches de tissu sur sa poitrine. Les feuilles mortes se collaient à ses semelles, crissaient sous les bottes. Son souffle formait un filet de buée en sortant de sa bouche ; ses gencives se glaçaient. Il faisait froid et humide dans cette partie de la Forêt Interdite.

La visibilité devenait de plus en plus nulle ; la nuit n'allait pas tarder à tomber. Il songea à s'arrêter là pour aujourd'hui. De toute façon, il semblait que sa proie avait rejoint un troupeau non loin d'ici.

Ses poings se contractèrent. Il n'en revenait pas qu'elle soit parvenue à leur échapper.

[...]

On lui avait demandé de rattraper, puis, si besoin, d'abattre cette licorne. On lui demandait ; il exécutait. C'était comme ça que ça marchait. Il se fichait bien de ce qui se trouvait à l'autre bout de la hache, finalement. Créature magique, animal classique ou même être humain, il était persuadé que personne n'échappait à la loi de la mort. Pas même lui, et il s'y soumettrait en temps voulu. Pour le moment, c'était un sorcier fort et sain. En outre, il se savait protégé par la gracieuse offre du Ministère. Rien ne pouvait lui arriver.

[...]

Elle lui avait filé entre les doigts.

Il s'aventurait de plus en plus profondément dans la forêt ; les chênes et les saules laissaient place à de plus amples conifères, dont les cimes se balançaient dangereusement sous les bourrasques. Il avait quitté les sentiers depuis bien longtemps. Ce n'était plus la terre qui collait à ses semelles mais les feuilles mortes et les branches qui craquaient sous ses pas.

Fichue licorne.

Il ne comprenait pas comment elle avait pu se détacher des entraves qu'on lui avait posées. Il devait absolument rattraper le troupeau. Malheureusement, dès qu'il s'approchait un tant soit peu de la harde d'équidés, il y en avait toujours une qui veillait, tête relevée, naseaux frémissants. Celle-là même qu'il chassait, comme pour le narguer.

Elle alertait d'un hennissement le groupe et alors elles s'enfuyaient avant qu'il n'ait pu dégainer hache ou baguette.

Il finirait par l'avoir, d'une manière ou d'une autre.

[...]

Il n'avait pas dit son dernier mot. Si sa fidèle hache se révélait inutile dans cette configuration, il lui restait une autre option. Il ne l'aimait pas plus que cela mais cela constituait sa meilleure carte.

Quoi de mieux pour traquer une bête qui persiste à vous échapper que de la marquer d'une blessure ?

Il serra les dents en sortant l'arbalète de son carquois. Il n'y aurait pas trente occasions. Dissimulé dans le branchage d'un jeune conifère, il se mit à viser.

Il ne voyait que des arbres et de la forêt. Les troncs sombres, des feuillages remplacés par des épines.

Sans se décourager, il attendit. Elle devrait forcément passer devant lui d'après les traces qu'il avait repérées. Après cela, il perdrait la piste, de toute façon. Le sol devenait trop rocheux de ce côté-ci. C'était le plan parfait. La brise tombait à l'est ; il s'était placé de façon à ce qu'elle ne puisse pas le sentir.

Repoussant les souvenirs de chasses infructueuses, il se concentra uniquement sur le présent. Le poids de l'arme à son bras. Les aiguilles qui le piquaient. La visée vide. Sa respiration aussi lente que celle d'un Éruptif.

L'éclair blanc d'une encolure et d'une crinière ondulée.

Animal en vue.

Il tira à l'expiration. Deux fois. Une flèche se planta dans un tronc. Un hennissement surpris retentit.

Il encocha puis relâcha, ne lui laissant aucune chance.

Le petit cri de douleur fit office de couronne de laurier.

Il sortit aussitôt des taillis pour constater la blessure mais la maudite bestiole était déjà partie en trombe, fuyant au grand galop à travers la futaie.

Estimant l'endroit où l'animal s'était tenu avant d'être touché par un carreau d'arbalète grâce à son tir raté, il se pencha au sol, s'accroupissant afin de mieux discerner les marques.

Il plongea deux doigts dans une terre imbibée de sang, humant son odeur.

La pointe d'un petit caillou, éclaboussée de quelques gouttes, attira son attention. Après quelques minutes d'observation incrédule, un rictus étira ses lèvres jusqu'aux dents.

Petite licorne n'est pas ce qu'elle prétend être.

[...]

Elle se dirigeait vers une sorte de grotte enfoncée dans la partie plus montagneuse de la forêt. C'était plus facile de la suivre à présent.

Lorsqu'il la vit, de très loin, alors qu'il se trouvait encore dissimulé sous le couvert des sapins derrière un grand tronc, battre en retraite à l'intérieur, son poing se serra.

[...]

La grotte n'était pas très profonde mais elle menait plus loin grâce à un grand boyau relié à l'entrée. Des bruissements caractéristiques de vaguelettes lapant contre la pierre lui parvenaient, aussi ne fut-il pas surpris lorsqu'il pénétra dans un espace plus grand, pourvu d'un bassin rempli d'une eau aux turquoises irréelles. Des sortes de lucioles voletaient au-dessus, attirées par l'énergie et la lumière dégagées par le liquide.

Il en avait régulièrement entendu parler au cours de sa carrière ; de nombreux animaux venaient se soigner dans ces eaux vives imprégnées de magie.

Les traces de sang ne mentaient pas.

Lorsqu'il vit un visage émerger de l'eau et non la tête d'un cheval, sa seule réaction fut de s'accroupir devant le bassin avec un grand sourire, sa Magda dégainée, plantée dans une flaque d'hémoglobine encore fraîche au sol.

Ses yeux s'écarquillèrent. Une exclamation sortit de sa bouche grande ouverte.

— Comme on se retrouve, Hermione Granger.

Walden Macnair passa ses doigts sur le plat de la lame tachée de rouge puis les porta à ses lèvres avec une expression qui l'écœura.

— Cette fois, tu nous échapperas pas, joli cœur. Ta tête de licorne ferait une décoration tout à fait décente sur la table de notre Seigneur.

[...]

— …Franchement, c'est un joli déguisement que tu t'es trouvé là. Sur un autre plan, je dois bien avouer que je suis ravi d'avoir déniché ta petite planque. Nous avons quelques comptes à régler, toi et moi.

— Oh, je serais ravie d'en discuter un de ces jours–

Elle se hissa stratégiquement hors de l'eau, s'empara de ses affaires pour s'en revêtir comme si elle n'avait rien à craindre. Elle n'avait pas cillé un instant sous son examen, alors qu'il ne s'était pas privé de la mater, bien évidemment. La chair fraîche restait de la chair fraîche, après tout, Sang-de-Bourbe ou pas.

Il resta un instant abasourdi, mais bien vite il récupéra sa baguette et la rangea dans la poche de son pantalon, puis lui tordit le bras dans le dos et l'attira à lui, son bras entre eux crochetant le sien et l'autre, pourvu de la hache, empêchant la jeune femme de se jeter en avant pour fuir. Hermione ne chercha pas à se dégager au risque de s'arracher un membre, prise entre la hache et l'étau.

— t-t-t, Granger. Tu croyais vraiment que je te laisserais partir ? T'as vraiment un grain. Mais c'est pas grave. Je les aime audacieuses, répliqua-t-il avec un sourire oscillant entre le sadique et le pathologiquement pervers. Tu vas m'écouter bien sagement d'abord. Après, on s'amusera tant que tu veux…

Il se délecta du dégoût que lui inspiraient son corps près du sien, ses paroles immondes et son souffle dans ses cheveux qui la faisait frissonner.

— Je t'en prie, souffla-t-elle d'un ton qui se voulait insolent. Il rit doucement et le son bas se répercuta en échos dans la grotte.

— Oh je pense que tu vas très vite comprendre où j'veux en venir. T'es futée pour une fille après tout. Dommage pour une Sang de Bourbe…

La hache, auparavant au niveau de son ventre, entama une soudaine ascension jusqu'à ce que l'extrémité du manche en bois lisse se poste sous son menton, le tranchant de la lame froide, même tourné vers l'extérieur, bien trop proche de son visage au goût d'Hermione.

— Tu vois, je suis quelqu'un qui aime son travail. Il y a quelques années, je suis venu jusqu'à cette charmante école avec l'ordre d'exécuter un hippogriffe enragé.

— Il était parfaitement sain, répliqua-t-elle, sa voix tendue par l'effort des muscles étirés de son cou - le manche de la hache maintenait son menton relevé. Tu as assez vu d'animaux pour pouvoir faire la différence, non ?

Délaissant l'emprise de la hache, il épingla la jeune femme contre une des parois en pierre. La peau tendre de son visage rencontrant la pierre humide et rugueuse ainsi que la soudaineté du geste lui firent échapper un cri de douleur - le premier chant des rouge-gorges au levant, dans la campagne anglaise…

Le Mangemort sourit de plus belle alors même qu'il l'empoignait plus fort. La jeune femme serra les dents.

— Alors déjà, Hermione Granger, tu vas me vouvoyer, parce que tu me dois la politesse. Ensuite… - il prit une grande inspiration et souffla au creux de son oreille, victorieux - j'en ai rien à foutre. Ct'animal me revenait. T'aurais pas dû t'en mêler, joli cœur…

Son palpitant battait follement dans sa poitrine. Il en sentait le pouls dans le poignet frêle qu'il tenait. Sa forme équine avait beau être plus robuste, ses os étaient fins comme ceux des oiseaux - un délice à faire craquer. Il allait adorer la faire chanter, sentir son sang gazouiller à ses oreilles jusqu'à ce que son palpitant finisse par taire ses lamentations.

— Je sauverais Buck cent fois s'il le fallait encore.

Hermione refusait d'abdiquer. Elle ne plierait pas devant un Mangemort, quel qu'il soit. Elle se l'était promis, pour Harry, et pour la résistance. Au nom des morts et de ceux qui étaient encore en vie, dispersés dans la nature.

— Ah Buck, c'est ça son petit nom…? Eh bien j'ai hâte de te le faire crier. Tu seras mon otage à sa place, petite licorne. Allez, assez discuté… en route.

Sans la lâcher, il recula, rangea la grande Magdalena dans son dos et fit avancer la résistante jusqu'à la sortie de la petite caverne lustrale. Là, sa seule main libre, qui se rapprochait du pantalon sous le manteau de Macnair - doucement, innocemment, comme si c'était juste l'effet de la marche - tenta de subtiliser d'un geste vif la baguette. Walden, qui n'avait rien loupé du manège, lui attrapa l'autre poignet avant qu'elle ne puisse se saisir du précieux instrument - ses doigts l'effleurèrent un instant sans pouvoir l'attraper.

Passant ses deux bras dans son dos et serrant à l'aide d'une seule main, Walden sortit sa propre baguette.

Hermione se débattit comme elle put, donnant des coups de pied, tentant de les renverser d'un croche-patte mais rien n'y fit.

— Haha, tu pensais m'avoir comme ça ? T'as du cran. On verra si t'en auras autant tout à l'heure. Mais là, tu ne me laisses pas le choix en te cabrant comme un jeune cheval fou. Incarcerem !

Ligotée des poignets aux épaules, toute tentative de fuite serait désormais vaine.

[...]

Une boule à la gorge la prit soudain lorsqu'elle se rendit compte du lieu à proximité duquel il les avaient fait transplaner.

Ses jambes devinrent faibles et son cœur repartit de plus belle en voyant l'élégante façade de la large bâtisse se déployer devant elle ainsi que les haies bien taillées et le portail de fer forgé qui gardait l'entrée.

— De retour à la case départ, n'est ce pas ? Il y en a qui vont être contents de te revoir, ma douce.

Tout sauf ça.

Plus que tout au monde, elle ne voulait pas retourner au manoir des Malefoy.

Il renifla, l'air amusé, pendant qu'il regardait son visage s'humidifier de larmes.

— Toutes les licornes se cabrent devant l'abattoir. Ne t'en fais pas, je ne te laisserai pas à cette vieille harpie de Lestrange ou aux autres.

Elle n'était pas sûre d'apprécier cette alternative.

[...]

On l'avait jetée dans une chambre qui devait servir de débarras, fermée à clef, depuis quelques jours - elle avait eu le temps de voir le soleil se coucher et la montée de la lune au moins deux fois.

Il n'était pas venu la chercher. Pas encore.

Dans son isolement, Hermione était rassurée : personne ne lui avait fait le moindre mal. Pour le moment… Elle savait à quel point certains d'entre eux pouvaient se montrer cruels. Sa seule chance résidait dans le manoir en lui-même : seuls les Malefoy et leurs affiliés pouvaient l'atteindre s'ils le souhaitaient.

Elle se doutait cependant que ça n'empêcherait pas Macnair de venir régler ses comptes avec elle et attendait cette heure avec la boule au ventre, les nerfs en pelote à l'idée de ce qu'il avait bien pu prévoir.

Évidemment, s'échapper avait été la première de ses priorités, mais la magie de l'elfe qui s'occupait d'elle - Picky - condamnait toutes les portes et fenêtres. Sa baguette restait en possession du bourreau fou. Tous les objets potentiellement tranchants ou susceptibles d'être utilisés en vue d'une évasion avaient été retirés, jusqu'à sa fourchette et son couteau, qu'elle n'utilisait que sous l'attention des grands yeux verts de l'elfe. Elle avait beau réfléchir à tout ce qui pouvait l'aider, il n'y n'avait aucun moyen de s'en sortir.

[...]

Il était venu avec sa hache rangée dans son dos et un licol à la main.

Hermione pila net.

— Ne compte pas sur ma coopération.

— Granger, Granger… et moi qui croyais que t'étais bonne à l'école. T'as décidément pas très envie d'apprendre… mais c'est pas un problème. On n'a pas besoin de dresser un cheval destiné à l'abattoir, n'est-ce pas ?

Walden Macnair sourit en la regardant droit dans les yeux. L'étincelle qui illuminait ces yeux la fit se sentir comme si elle n'était que de la viande froide. Une marchandise toute fraîche qu'il n'y aurait plus qu'à découper.

— ...résiste tant que tu veux ma jolie, je t'en prie. Mais tu vas très vite comprendre à qui t'as affaire.

Il s'avança, le licol en avant pour le lui passer, mais elle s'esquiva habilement.

— Ah tu veux jouer à ça ? Très bien. Tu me ravis, Granger. J'aime pas les choses trop faciles moi non plus.

Sans prévenir, Hermione choisit la stratégie de l'attaque surprise comme meilleure défense et lui fonça dessus dans l'espoir de le renverser. Il tituba, mais bien vite l'homme se reprit et alors commença une course-poursuite en huis-clos qui avait toutes les chances de se terminer dans la douleur… pour elle.

[...]

Elle se releva, l'arcade en sang et les muscles endoloris comme si un camion de trente tonnes lui avait roulé dessus - ce qui était sans doute le cas, au vu du poids que le bourreau avait mobilisé afin de l'immobiliser alors qu'il lui passait le harnais de cuir magique et que celui-ci s'était ajusté à son visage, ajoutant même un mors à l'humiliation.

— Parfait, petite licorne. Voilà comment on met au pas les petites résistantes dans ton genre…

Satisfait, le colosse la tira par la bride jusqu'à la porte sans qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit pour refuser d'obéir. La pièce de métal lourde contre sa langue étirait inconfortablement ses lèvres dans un simulacre grotesque de sourire. Dans cette position, elle ne pouvait même pas parler. Les mains soigneusement attachées dans le dos, elle ne pouvait qu'emboîter le pas à ce tortionnaire qu'était Walden Macnair. Il n'y avait aucune échappatoire. Au fur et à mesure qu'ils marchaient à travers divers couloirs, ses joues se mirent à bouillir. Hermione fut descendue d'un étage puis conduite en direction du grand hall d'entrée.

Elle frissonnait d'avance à l'idée de croiser quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui ne serait pas parmi les Elfes de maison dont elle sentait déjà les regards sur elle. Elle lutta lorsqu'elle sentit ses yeux s'humidifier. Elle qui avait tout tenté pour apporter le respect que les sorciers devaient à ces êtres corvéables à merci, voilà qu'elle se trouvait réduite à peu près au même rang qu'eux, quoique pire au vu des regards compatissants qu'ils lui adressaient, leurs oreilles nerveusement dressées sur leur tête. Ils connaissaient Macnair, ils savaient ce qu'il était capable de faire.

Elle aurait voulu serrer les poings. Rien que d'imaginer le regard d'un Malefoy les croisant à ce moment-là la faisait se hérisser.

Malheureusement Macnair ne semblait pas vouloir la lâcher de sitôt et entreprit, une fois sortis dehors, de lui faire traverser le Manoir en long, en large et en travers, interpellant le jardinier et son armée de ciseaux qui faisait l'entretien des grandes haies taillées à la française et les palefreniers qui s'occupaient de leurs pensionnaires. Il ne faisait pas très froid mais le vent lui poussait les cheveux devant les yeux de manière irritante. Hermione eut beau opposer le plus de résistance possible, il parvenait toujours à la contrer. Si elle mettait trop de distance entre eux, la bride allongée qu'il avait la rappelait à l'ordre. Avancer trop lentement le faisait juste la bousculer afin qu'elle aille à l'allure souhaitée. Alors elle se borna à observer, ne ratant aucun détail qui pouvait permettre de renverser la situation.

Passer les écuries fut le pire moment pour la fugitive. Tous ces pur-sangs au poil lustré et aux hennissements agités en présence du bourreau qui la dirigeait, et elle, sous sa forme humaine et pourtant traitée avec moins de soin qu'eux. Un sentiment d'humiliation extrême la parcourut, une vague qui lui donna presque la nausée. Il la fit s'arrêter pour que les chevaux les plus hardis viennent la renifler, avec leurs grands naseaux, curieux de la nature familière de la jeune femme. En voyant leurs doux regards se poser sur elle, un pincement au cœur la saisit.

Macnair sourit pour toute réponse. Hermione était sûre que son petit stratagème était destiné à la faire payer pour Buck, et que ce ne serait là que le premier de ses tourments.

Salaud de Mangemort.

Walden la fit ensuite continuer sa marche de la honte en allant à la fauconnerie, où ils croisèrent une camériste imperturbable attachant un parchemin à la patte d'un hibou Grand-Duc, puis, dépassant l'enclos des paons blancs qui les saluèrent de leurs cris plaintifs - une sacrée ménagerie, qu'ils ont là, tu trouves pas, joli cœur ? - ils débouchèrent sur une allée familière, qui les conduirait au cœur du parc en pleine heure du thé, où tout le monde pourrait admirer la prise de ce fou de Macnair…

Hermione eut envie de disparaître dans un trou à jamais. Rapetisser jusqu'à devenir invisible. Mais évidemment, c'était impossible, et qu'elle avance parce que le mors lui faisait mal à force de tirer dessus ou qu'elle avance poussée de force, cela ne changeait rien au fait qu'elle allait devoir affronter tous ces regards.

Elle les voyait déjà, au bout du chemin. Installés sous une grande pergola de fer forgé, table et sièges tirés, service à thé installé sur la nappe blanche, tous les Malefoy s'étaient réunis avec quelques invités, dont Théodore Nott et Astoria Greengrass, afin de profiter du temps relativement clément. Même calme, le vent portait plutôt loin la clameur de leurs pourparlers.

Heureusement pour Hermione, dont les sueurs froides commençaient à couler dans le dos et la cicatrice à son bras se faisait brûlante, Bellatrix Lestrange n'était pas présente. Macnair prit son temps afin de la présenter. La main grossière qu'il avait posée sur son épaule lorsqu'il s'était rapproché d'elle la faisait frémir. Elle sentait son visage brûler plus que le brasier provoqué par un Feudeymon. Son cœur cognait contre ses côtes ; elle baissait la tête, incapable de soutenir les regards des visages qui lui faisaient face. La jeune femme était cependant loin de se douter que sous les visages courtoisement impassibles, Astoria baissait également le regard et le visage hautain de Narcissa arborait un minuscule pli au niveau du front.

Combien de temps cette marche de la honte durerait-elle encore ? Elle avait envie de s'enterrer plus profondément que ces déchets enfouis qui mettent des centaines d'années à se dégrader, à disparaître .

— Excusez-moi d'interrompre cette réunion, mais il se trouve que j'ai retrouvé quelque chose qui vous appartenait.

Il se tourna vers Hermione.

— Oh, et je sais aussi comment ce joli cœur s'est enfui…

Son haleine chaude balayait son visage alors qu'il la tenait par le menton. Il lui commanda de se transformer, pinçant les muscles juste à la base de son cou, entre la clavicule et la nuque, là où la douleur ne pouvait être que la plus forte.

Dans un cri, les épaules de la sorcière tressautèrent et ses jambes se mirent à trembler, révélant des pattes et un poitrail d'équidé, mais ce fut sa tête qui changea en premier, s'allongeant aux dimensions de sa forme animale. En moins d'une minute, une licorne se tenait à la place de la jeune femme, roulant des yeux, défiant quiconque de s'approcher. Sa crinière ondulée, la couleur de ses iris et la marque sur son membre antérieur la rendaient parfaitement reconnaissable, maintenant qu'elle n'était plus parmi le troupeau.

Macnair, qui n'avait pas lâché pour autant la bride adaptable, éclata de rire, trouvant sa petite mise en scène très réussie. L'encolure de l'animal se tourna vers lui et le son cessa. Cette corne était une menace dont il devrait s'occuper le plus tôt possible.

— Doucement, ma jolie…

Hermione savait qu'elle avait plus de marge de manœuvre sous cette forme même si elle faisait du même coup une proie facile. Macnair ne ferait pas le poids contre celui d'un cheval. Elle avait toutes ses chances ; c'était comme ça qu'elle s'était enfuie la dernière fois, elle pouvait encore y arriver. Seulement, maintenant, l'effet de surprise ne serait plus de son côté, et cela changeait bien plus de choses.

Sa queue fouettait l'air ; ses oreilles, même couchées en arrière, captaient ces sons lointains qu'elle n'aurait pas pu entendre humaine. Les barrières magiques autour de la propriété avaient été renforcées. En clair, elle était piégée.

La voix de Lucius la tira de son agitation.

— ...Je vois. Où se trouve Avery ? Les recherches peuvent être stoppées.

— Il s'est replié quand j'ai récupéré sa piste.

Le Mangemort aux longs cheveux blonds hocha la tête.

C'était comique de voir à quel point Macnair essayait d'effacer son accent grossier lorsqu'il se trouvait en compagnie des Malefoy. Sûrement était-ce parce que son travail lui avait été confié par l'intermédiaire de Lucius, qui l'avait, de mauvaise grâce, aidé à s'intégrer au Ministère bien avant le règne impérial de Voldemort.

— Une récompense te sera attribuée pour cette capture, comme promis.

— À ce propos…

— Qu'y a-t-il, Macnair ? fit Lucius avec un ton alangui qui trahissait une certaine irritation d'être dérangé dans un moment pareil. Nous discuterons des détails de notre arrangement une autre fois.

— Si vous voulez. Je la garderai en sûreté en attendant.

— Je t'en prie, trancha Lucius, pressé d'en finir avec cette interruption qui n'avait rien d'un spectacle, ou en tout cas rien d'aussi amusant que ce que semblait en penser le bourreau.

Ce dernier tira d'un coup sec sur la longe, signifiant à Hermione qu'il était le moment de partir, chose absurdement drôle de son point de vue puisque c'était Lucius qui le congédiait. Une sorte de ricanement lui échappa avant qu'ils rebroussent chemin en direction de l'aile principale du Manoir.

La licorne tourna légèrement la tête vers l'écurie alors qu'ils repassaient devant, faisant rire l'homme qui la menait.

— Bien pensé, joli cœur, mais c'est non. Ne t'méprends pas, je serais très content de te voir en compagnie de ton espèce d'adoption, fit-il en lui flattant l'encolure. Tu vas te transformer bien gentiment en humaine et tu vas retourner dans la chambre. Comme je te l'ai déjà dit, tu nous échapperas pas cette fois.

Le regard torve de l'animal ne l'impressionna guère. La licorne trépigna de colère, se rebiffa, dans l'espoir de trouver un moyen de s'extirper de cette situation, mais rien n'y fit. Les lanières de la bride adaptable se rétractèrent sur le devant et le mors se mit à lui faire mal. Le hennissement étranglé qu'elle poussa lui donna un air de satisfaction sur le visage. Ah ce visage ! Elle le haïssait.

Il fallait à tout prix qu'elle se sorte de là. Macnair prenait son pied avec ce genre de petites vengeances mesquines, mais ça ne durerait pas.

— Ne m'fais pas sortir ma baguette. Tu le regretterais, aboya la voix rude du Mangemort, cette fois beaucoup moins amusé. Tiens-toi tranquille et marche.

N'ayant pas le choix, elle se plia aux instructions qu'on lui donnait.

— Bonne petite.

Les muscles de sa peau tressaillirent en réponse. Sa queue fouettant l'air et ses oreilles couchées ne laissaient que peu de doute quant à l'interprétation de son attitude. Ils croisèrent quelques Mangemorts en chemin, qui vinrent saluer la prise de Macnair. Ainsi à visage découvert elle reconnut les cheveux bruns grisonnants, les traits tirés, les bottes noires.

— Comme on se retrouve. Tu manies bien, dis donc !

— J'ai appris à monter…

Ils se regardèrent en s'esclaffant, leurs visages mauvais d'hommes vils et cruels remplis de pensées graveleuses. Même dans son corps d'Animagus Hermione sentit une vague de nausée s'emparer d'elle.

—Tu devrais peut-être la garder, tu sais. Une belle monture docile… ce serait dommage de s'en priver.

— Je ne savais pas que tu aimais à ce point les juments, Macnair… vu le mal que tu t'es donné pour la retrouver.

Plus qu'un frémissement d'indignation, le commentaire d'Avery la glaça. Les souvenirs des premiers jours de sa fuite se rappelèrent à elle. Les yeux chafouins du Mangemort et ses chiens de chasse l'avaient fait avancer jusqu'au bout d'elle-même durant plusieurs semaines. Elle ne savait pas par quel miracle elle avait réussi à les semer.

— Celle-ci m'a causé beaucoup de problèmes par le passé. Ne vous inquiétez pas, vous l'aimerez autant que moi quand sa tête ornera la table de notre Maître. Ça fera un exemple pour les centaures.

Sur ces paroles, il la guida jusqu'aux portes du Manoir, où elle se transforma et retourna, poussée par Macnair, à sa prison sans issue. Un vieil elfe lui apporta de quoi se sustenter et se laver, ponctuant ses services de propos insultants. Tout cela parce qu'elle n'était pas entièrement sorcière. Elle n'avait pas l'énergie de s'insurger. Hermione se glissa dans le lit et repassa ses options, refusant de se laisser aller aux larmes.

Ce furent cependant elles qui glissèrent sur ses joues avant de s'endormir. Ainsi son avenir s'arrêtait à cela ? L'humiliation constante, les menaces à moitié prononcées dans les remarques salaces, la douleur et la peine ? L'incapacité de s'en sortir ?

Il devait pourtant y avoir une solution. Il y avait toujours une solution. Harry ne pouvait pas avoir été mort en vain. La résistance ne pouvait pas être tombée en pure perte. Elle survivait, mais peut-être plus pour longtemps. Qui savait combien il en restait encore.

Où est ton esprit de combattante ? Si tu doutes de toi, alors tu fais douter la cause, Hermione.

La détermination reprit à nouveau consistance dans son for intérieur, inébranlable malgré les épreuves. Tant qu'elle vivrait, alors la lutte continuait, car la résistance vivait en elle. Sa force était leur force. Elle leur donnerait tout son cœur à l'ouvrage, toute sa volonté à contrarier leurs plans.

Le lendemain dès son réveil elle était déjà sur le pied de guerre, déterminée à trouver une faille, s'aidant de ses souvenirs passés aux côtés de l'Ordre du Phénix et de ses deux amis.

Qu'est-ce que Fletcher ou Maugrey diraient de la situation désespérée dans laquelle Hermione se retrouvait ?

Première leçon : toujours utiliser son environnement à son avantage.

Bon, alors où est la faiblesse de l'ennemi…?

Elle se repassa la liste mentale de toutes les stratégies qu'elle avait épuisées ou qui ne fonctionneraient pas. Il devait bien y avoir quelque chose qu'elle n'avait pas tenté… un objet utile, une aide inattendue quelque part.

Hermione tournait en rond dans la pièce où elle était consignée comme un cheval dans son carrousel. Il fallait trouver le moyen d'enrayer la machine avant qu'elle ne s'emballe.

[...]

Depuis son Homenum Revelio, il la regardait s'apitoyer sur son sort, fouiller frénétiquement la chambre en quête d'une solution, céder à l'apathie, puis recommencer. Cela l'amusait.

Tous les animaux avaient les mêmes réactions face aux pièges et à la menace du prédateur. Seuls les plus hardis s'en sortaient.

Il fallait tout de même le reconnaître, Granger était une débrouillarde. Oui, enfin… un petit oiseau qui se croyait malin surtout. Son regard dériva sur Magdalena la fidèle, dont le fourreau posé nonchalamment contre le mur faisait office de question. Gardera, gardera pas ?...

La fin de l'histoire n'appartenait qu'à lui, et à lui seul désormais… La concession hâtive de Malefoy serait bientôt actée.

En attendant…

Il se leva, attacha la sangle qui faisait du fourreau de sa hache quelque chose de transportable et prit avec lui une luxueuse chaise à coussins de velours. Ses pas lourds sur le plancher ancien le menèrent tout droit vers la cellule dorée de sa captive. Il l'entendit se figer, sur le qui-vive. Plus aucun bruit ne filtrait.

Essaie donc de disparaître, Granger. Je sais où te trouver. J'y plongerai à mains nues avec plaisir. Écouter ce petit cœur affolé qui palpite comme le chant du rouge-gorge…

Il prit bien soin de faire racler la chaise avant de s'y asseoir. Prenant son temps, il sortit sa chère Magda de son fourreau, la posa au sol, lame en bas, avant de sortir de quoi l'affûter.

…Et de quoi la tourmenter avec ce son qu'il voulait qu'elle entende juste avant d'être achevée.

[...]

Toutes les nuits durant. Jusqu'à l'aube. Il venait. Ça n'arrêtait jamais. Et la captivité durait. Sans qu'elle ne comprenne trop bien pourquoi, ni ce qu'elle faisait là, ni comment faire pour s'en sortir.

Plusieurs fois il était entré à l'intérieur et elle avait tenté de l'attaquer - morsure à la main, coup de pied bien placé, esquive rapide - mais quelques coups violents la laissaient par terre, sonnée. Il lui donnait de quoi satisfaire ses besoins les plus pressants, la menait à l'extérieur pour un énième tour en laisse ou en bride, transformée ou humaine, la réprimandait à coups de cravache à chaque écart. Ils croisaient les Malefoy, qui n'avaient plus le cœur à rire de son infortune, les domestiques craintifs, et les plus bavards, les camarades de Macnair. Elle supportait les blagues en frissonnant, comme des menaces qu'il aurait été facile pour eux de mettre à exécution. La dernière plaisanterie en date venait de Mulciber Junior, qui vantait les mérites de "la grosse hache de Macnair"... pour remettre chacun dans le droit chemin.

Le fil de ses souvenirs s'interrompit à nouveau du son qui crispa tous ses muscles.

— Ecoute bien Granger. Tu me supplieras pour ce bruit.

La lame et la pierre à affûter s'entrechoquaient. Un raclement métallique, rythmique, comme le tonnerre avant la pluie ou le chant des vagues. Mais ce n'était apaisant en rien. Cela ne faisait qu'irriter ses nerfs, l'empêcher de réfléchir, de dormir. La rendre folle.

Il aiguisait toutes ses lames. Lui présentait leurs noms, ce qu'il faisait avec.

Un vrai fou.

Fou de chez fou.

À peine psychotique. Plutôt psychopathe. Sans oublier son principal élément : le sadisme.

Elle n'osait pas trop s'approcher de la porte, car il aurait bien été capable d'y planter un de ses instruments dedans ou de l'ouvrir à grands coups de pied. Une fois qu'il avait du whisky dans le sang…

Le pire, c'était que parfois elle riait avec lui. Des exclamations de rire secouées et ponctuées de sanglots pour toutes les atrocités qu'il balançait. Et pour toute l'absurdité de la situation. Et pour le sort atroce qu'elle allait subir et qui faisait germer nombre de pensées morbides à l'intérieur d'elle. Le pire, dans la mort, c'était l'attente. Le sursis. L'anticipation de cette chose imprévisible, si définitive et qu'on imaginait douloureuse. Dans sa situation, évidemment, il aurait été bien naïf de ne pas l'envisager autrement.

— Ah, Granger, je sais que tu vas adorer qu'on s'amuse ensemble.

Son sourire à elle, de l'autre côté de la porte, était baigné d'eau salée.

[...]

— Lucius dit que tu n'sers plus à rien.

Les braises amusées au fond de son regard vicieux la glacèrent. Il était venu la voir seulement pour lui faire cette annonce, le triomphe sourdant par tous les pores. Ah, et il lui avait quand même apporté de quoi manger. Comme tous les jours.

Question d'engraisser le Licheur, comme on dit. Il venait ensuite lui tâter le bras pour s'assurer qu'elle ait un joli poids. Hermione aurait ri de cette caricature qu'elle n'avait croisé que dans les contes de son enfance avec les vieilles sorcières qui dévoraient les enfants, mais il y avait quelque temps qu'elle n'avait plus envie de rire. Chaque jour, elle avait dû faire de l'exercice, se faire mener par la bride - mais elle préférait largement ça aux allusions nauséabondes, qui pouvait très bien se concrétiser dès lors que Macnair avait un peu d'alcool dans le sang.

Il semblait en effet bien profiter de l'hospitalité et du cellier de la Maison Malefoy. Hermione aussi en avait profité - pour s'enfuir.

Règle numéro onze : un homme sous substance met plus de temps à réagir.

Maugrey aurait été fier d'elle. L'intelligente sorcière retenue captive essayait de le passer, lui envoyant des coups aux endroits les plus stratégiques, mais le Mangemort massif finissait par la rattraper, d'une manière ou d'une autre. Assommée par le poids de cette montagne de muscles et se force brutale elle en ressortait plus morte que vive. Cela lui faisait réfléchir à deux fois avant de se battre, bien que la force de la révolte ne lui manquait pas.

Assise dans une posture défensive contre les montants du lit, elle cherchait une ouverture. Il s'accroupit, juste pour le plaisir de se mettre à la même hauteur qu'elle quelques instants, afin de bien voir son visage une fois qu'il lui aurait asséné ces paroles :

— Dis au revoir à ta précieuse vie, Granger. Tu sais, quand même, c'est pas de chance. Si tu mettais pas tant d'énergie à tes petites escapades fuyantes t'aurais pas croisé ma route.

Hermione se jeta sur lui et lui mordit l'avant-bras, dont le mouvement de revers, accompagné d'un grognement de douleur, l'assomma quelques instants. Il profita de ces instants pour renverser la situation et l'immobiliser de son corps en lui plaquant la tête contre le plancher de la chambre. Ainsi tordue, sa colonne vertébrale lui faisait mal. Désorientée, elle ne put rien faire d'autre que chercher son souffle.

— Combative jusqu'au bout… Décidément c'est un ravissement de me permettre de jouer avec toi, petite licorne.

Son souffle était lourd sur elle. Son poids aussi. Sans même parler de l'odeur qu'il dégageait.

Il raffermit sa prise, agrippant ses cheveux.

Sentant la prochaine action venir, ses mains raclèrent sur le sol, essayant de trouver une prise suffisante pour se relever, quelque chose pour lui jeter dessus.

Il souleva. Tapa. Une fois. Sa vision se brouilla. Deux fois. La douleur lui éclata dans tout le crâne. Pas besoin d'une troisième ; ses yeux se révulsèrent.

Elle était partie.

[...]

Parfait. Il l'avait pour lui, désormais.

Elle se réveillait tout juste, une bosse de modeste taille sur le crâne. Il avait pris soin d'attacher solidement ses chevilles à plusieurs chaînes qu'il avait rallongées, juste pour le plaisir. Elle n'était pas transformée. Le collier de cuir à son cou, aux bords coupants, la serrait juste assez fort pour lui faire sentir sa présence sans l'étrangler. Elle y porta aussitôt la main, ahurie, le regarda, prit la mesure de l'endroit où ils étaient et de ce qui allait se passer désormais.

L'abattoir.

Son temple.

Il ne croyait pas au sacré, travail oblige, mais à l'équilibre de la vie et de la mort. En la loi de la nature, simple, nette : seuls les plus forts survivent.

Normalement ses proies mouraient relativement rapidement. Ça n'était jamais si rapide que dans les rares projections qu'il avait vues, mais pour les créatures les plus chétives, le processus ne durait qu'à peine une demi-heure. Mais Granger n'était pas n'importe quelle proie. Il ferait volontiers exception à cet ordre naturel pour son propre plaisir.

Ce n'était pas un chasseur. C'était un bourreau. Peu importe combien de temps prenait la mise à mort. Chaque animal, chaque occasion était un plaisir différent. Quand le Ministère était encore regardant sur les exécutions, il ne pouvait pas le montrer, ou prendre son temps. La souffrance des animaux était prise en compte. Mais aujourd'hui, il n'y avait plus personne pour chouiner sur le sort des pauvres animaux qui tombaient entre les mains des exécuteurs.

Il prenait son plaisir comme bon lui semblait. Se réfugiait dans le délice d'un travail bien exécuté - ce qui ne voulait pas nécessairement dire propre et net. Et malgré cela, les animaux finissaient toujours par clamecer trop vite.

Avec elle, il pouvait prendre plus de temps. C'était l'avantage d'un Animagus envers toute autre créature magique qu'il aurait pu traiter, exception faite des animaux appartenant à la catégorie XXXX sur l'échelle de la dangerosité et III sur le rapport taille/poids. C'était plus solide.

— Bon, joli cœur, déclara le bourreau. Il est temps de ramener ta tête à notre Lord Suprême. Tu peux pas t'enfuir, ici.

C'était vrai. Le carrelage était lisse, les murs sans fenêtres et hauts, mis à part des meurtrières horizontales situées non loin du plafond.

Elle ricana.

— Lord Suprême, vraiment. Admettez au moins que vous n'y croyez pas vraiment, à cette mascarade.

Elle eut un léger sursaut quand un bref éclat de rire lui échappa, à lui aussi. Il admit de bon cœur que, personnellement, cette rhétorique Sang-Pur et l'origine de cette dénomination souveraine ne l'intéressaient que dans la mesure où elles lui permettaient d'établir une domination, mais que la déité qu'il révérait était autrement plus puissante que celle d'un monarque, qu'elle finissait tous par les asservir un jour ou l'autre. La mort, noire, aveugle, sourde. Nihiliste. Et avec elle, le travail ingrat et épuisant du bourreau. Son plaisir. Ses haches n'étaient pas des faux ou des épées, mais elles personnifiaient la main invisible qui décidait du sort des êtres vivants, et chacun des mouvements effectués par ces armes constituaient une danse macabre de laquelle seul l'un des deux cavaliers ressortirait vivant.

— Si ce n'est pas la hache qui tranche le cou du roi, alors le temps finit par le tuer. Et si ce n'est pas le temps, ça sera la faiblesse. N'importe quelle faiblesse. Personne n'échappe à la nature. Encore moins à la mort. Ah, joli cœur. Vraiment dommage pour une fille futée comme toi d'être trahie par le sang.

Hermione secoua la tête, bras croisés.

— Je t'en prie, épargne-moi ce discours. Tu te fiches bien de mon sang. Je serais déjà morte depuis longtemps si ça n'avait pas été le cas. Si je suis encore en vie… c'est pour me faire souffrir. Pour que chaque jour soit une punition. Une humiliation. Afin que je désire mourir tout en craignant la souffrance que tu as promis de m'infliger.

Alors qu'elle croyait qu'il allait la brutaliser de nouveau, il laissa passer la familiarité avec laquelle elle s'était adressée à lui. Peut-être était-ce parce que, enchaînée dans ce lieu où tout sentait la mort, la douleur et la peur sous les couches astringentes de vernis stérilisants et nettoyants, son rayon d'action était considérablement limité à présent. Aucune issue ou échappatoire. Parquée comme les bêtes sauvages.

— Quelle lucidité, ma petite licorne. Dire que t'aurais pu servir. Mais t'as choisi ton destin. Ou plutôt, je le choisis pour toi comme tu l'as choisi pour moi le jour où tu m'as ravi ma proie. Et mon travail. Tu m'as non seulement fait passer pour un benêt devant le Ministre et sa clique, ce jour-là, mais aussi devant le maître. Et Mr Malefoy, qui m'avait commandé cette exécution. Alors oui, pour ça tu dois payer. Nul ne peut soustraire à la mort ce sur quoi elle pointe sa faux, Granger.

Il s'éloigna, se dirigeant vers une sorte d'établi où il inscrivit des mots sur le papier à l'aide d'une plume. Puis l'homme décrocha une de ses haches disposées au-dessus du plan de travail, la soupesa et la prit en main. La double lame était toute fois relativement petite face à celle qu'il portrait tout le temps avec lui et qui se trouvait également dans les lieux, reposant dans son étui sur le meuble glacé.

Il s'approcha.

Elle recula.

— Une dernière volonté ?... fit-il, des braises joyeuses au fond du regard, l'objet du crime bien en main.

— J'espère que j'aurai la chance et le pouvoir de vous voir tous mourir un par un avec ma tête sans âme et mes yeux sans vie, répliqua-t-elle.

[...]

Il s'y reprendrait à plusieurs fois dans ce combat à mort.

— T'as beau résister, tu passeras pas la nuit, Granger.

[...]

— Sois pas dégoûtée, joli cœur. C'est rien que la nature…

Il s'amusait de ses réactions, de sa terreur, alors qu'il brandissait sa hache, non pour la tuer comme elle le croyait à chaque fois, mais pour assassiner de petits animaux qu'il lâchait au dernier moment - il n'y avait pas que son cas à traiter, apparemment - et c'était pire. Tellement pire. Hermione avait déjà vécu la guerre. Elle avait vu des gens mourir devant elle. Se blesser. Se mutiler.

La jeune femme n'avait jamais voulu avoir à connaître le petit cri que pouvait lâcher un Chaporouge avant le coup fatal, ou le geignement long et rauque d'une goule en pleine agonie. Ou avoir à entendre les suppliques touchantes d'un être de l'eau en fin de vie qu'il fallait euthanasier.

Par-dessus tout, pouvoir constater qu'à chaque fois, malgré la concentration et une forme de routine codifiée, presque méthodique, il y prenait plaisir… ça la rendait malade.

Aux sangs qui coulaient ensemble dans la pièce en y lâchant une senteur lourde de cuivre, aux corps qui tombaient les uns après les autres, chute de dominos sordide, s'ajouterait bientôt le sien.

Repliée dans un coin de la pièce parfaitement quadrangulaire, elle le regardait couler dans les rigoles avec une fascination morbide. Ploc, ploc, ploc. Un rythme régulier qui lui évitait de penser ou de laisser son attention capturer les détails des interventions macabres du bourreau.

Ou ses explications, au débit d'abord calme, puis, comme un cours d'eau se réveillant et sortant de son lit par un temps d'orage ou la fonte des neiges, s'excitait en flots de paroles où de plus en plus perçait sous les courants qui l'animaient un triomphe extatique. L'ivresse de la puissance, de la mise à mort. La jouissance de la sentir souffrir pour ces pauvres animaux qu'un jour, elle avait été si sûre de pouvoir sauver et libérer du joug des sorciers et de leurs lois rétrogrades.

— On leur fait pas mal, pourtant. Si peu, quand la coupure est nette. Il faut avoir l'expérience… et la force. Y a peu de gens qui peuvent faire ce que je fais sans en porter les conséquences nerveuses. Même chez les Mangemorts. Y a que les êtres forts qui résistent. Que ceux qui aiment se salir les mains avec le vivant et le mort.

Elle essayait de ne pas respirer avec le nez pour ne pas avoir à sentir. Pour ne pas vomir. Cela ne l'empêcha pas de rendre plusieurs fois ses repas à la nature, jusqu'à ce que son estomac ne contienne plus rien.

— À nous deux, Hermione Granger. Pense donc à ton cher hippogriffe, maintenant.

Elle le faisait. Son image ne quittait pas son esprit, comme un talisman de protection contre l'horreur à venir.

[...]

— C'est ça, crie, crie son nom, à ton hippogriffe préféré... sache que si je le retrouve, c'est lui que j'égorgerai avant toi, ma jolie.

Il sortit de la pièce, la laissant effondrée au sol sur le carrelage glissant, échevelée, baignée par le sang et la mort tout autour d'elle. Cheveux collés à son visage. Recroquevillée par terre comme un animal mourant. Tremblante, délirante. Sauve.

Il y avait tant de moyens d'infliger de la douleur à quelqu'un - il avait bien raison, quelque part. Les sorts étaient inutiles dans ce domaine.

Peu à peu, les mots finirent par lui revenir, du fin fond d'un endroit qu'elle ne croyait plus jamais pouvoir atteindre. Des murmures soufflés de sa voix brisée. Un quatrain qu'elle répétait sans relâche, même après que les lumières se soient éteintes. Le cantique de sa résistance. Elle chanta des heures durant. Ce n'était que le début de la soirée.

You gotta help us, Hogwarts

Together we can do this thing!

Are you ready?

Are you ready?

[...]

La lumière revint. Imperturbable, enfoncée dans sa transe chuchotée, Hermione ne s'en rendit qu'à peine compte. Ce ne fut que lorsqu'il reparut devant elle que le silence retomba, plus lourd qu'une chape de plomb.

— Tu dois être heureuse, j'ai pas d'hippogriffe à buter. Mais vu que t'as l'air d'aimer chanter cette chanson… j'ai un petit jeu à te proposer. Toi, c'est le refrain que tu vas chanter avec ta petite voix fluette d'oiseau. Moi, je chanterai les couplets. La hache donne le rythme. Il y a encore plein de travail à abattre…

Elle se boucha les oreilles pour ne pas entendre son rire.

— Allez, commençons. A mon tour… ah, et bien sûr, quand on arrivera à la licorne, je compte sur toi pour t'accorder au diapason, joli cœur.

Runnin' like a hairy troll

Learnin' to rock and roll

Spinnin' 'round like a crazy elf

Dancin' by himself

Une par une, les créatures y passaient. La cadence était soutenue ; la voix grave et animale retentissait par-dessus les beuglements et les bruits tantôt mouillés, tantôt durs.

Elle repassait son quatrain en boucle dans sa tête. Se concentrait sur un détail, le moins grotesque possible, plutôt que sur la scène.

[...]

Boogie down like a unicorn

And no stoppin' till the break of dawn

Put your hands up in the air

Like an ogre, just don't care

Il lançait ses haches comme des fléchettes. Dix points pour l'arrière-train. Quinze pour les flancs. Vingt pour les pattes et la tête - non, épargner la tête. Ne pas viser les endroits les plus stratégiques. Cela demandait une certaine habileté manuelle et de réflexion qui n'était absolument pas sans lui déplaire. La vocation du bourreau demandait d'être aussi puissant qu'agile.

Il était venu déclencher la transformation, puisqu'elle refusait d'obéir. Ainsi enchaînée, les sabots de la licorne glissaient sur le sol détrempé. Ses yeux roulaient, ses naseaux écumaient, sa queue fouettait l'air. Elle ne pouvait se cabrer à cause des entraves, mais elle se tenait encolure baissée, prête à charger.

Petite licorne prépare sa défense.

Il envisagea de la restreindre plus encore mais où était le plaisir d'un libre combat ? A la réflexion, il aurait dû. Il n'avait pas commis d'inattention et pourtant elle avait réussi à l'embrocher contre un mur. Une fois à l'épaule, une fois au flanc. Il pissait le sang, mais rien de grave. Les perforations profondes se soignaient assez vite avec quelques potions, désormais. C'était le risque à travailler avec des animaux dangereux - il la sous-estimait. Sorti bander ses plaies bouillonnantes dès qu'un coup de hache dirigé par la magie l'eut touchée au flanc et fait reculer, le laissant glisser au sol sans trop de dommages, il réfléchissait à la suite des opérations.

Son bras gauche ne répondait plus. Il ne se servirait que d'un seul membre, tant pis. Walden revint avec un véritable tablier de travail et un fusil à air comprimé.

La corne luisait de rouge. Il écumait, les yeux injectés de sang.

Il tira. L'animal hurla, chercha à s'enfuir sans y parvenir, puis s'effondra, ses pattes ne le tenant plus.

Bien fait, Granger.

Le sédatif fit effet rapidement. Il ne pensait pas qu'elle resterait dans sa forme animale, au départ. L'aubaine ! Il n'y avait plus qu'à décrocher l'artillerie lourde de ses fixations : une scie à ruban. Les gens étaient souvent surpris de la dureté d'une corne de licorne.

Elle ne causerait plus de dégâts ainsi.

Tant pis pour elle. Elle ne chanterait ni le refrain, ni le deuxième couplet de sa maudite chanson. Ça lui était resté en tête, à lui aussi. Tant de souvenirs de beuveries s'étaient achevés par celle-là.

Can you dance like a hippogriff?

Ma ma ma ma ma ma ma ma ma

Flyin' off from a cliff

Ma ma ma ma ma ma ma ma ma

Swoopin' down, to the ground

Ma ma ma ma ma ma ma ma ma

Wheel around and around and around

Ma ma ma ma ma ma ma ma ma

[...]

Elle s'était réveillée hébétée et humaine. Elle avait à peine la force de bouger, encore moins de se mettre debout. Elle essaya, mais trébucha sur les flaques coagulées. Que faisait-elle encore dans cet enfer ?

Il lui demandait de chanter. Pour éviter de se retrouver à nouveau avec les poignets et les chevilles cassées ou une nouvelle entaille quelque part qui ne cesserait ensuite de saigner, la vidant de ses forces, elle obtempéra.

Oh, come on!

Ooh, you gotta move it!

Gotta move it like a creature

Creature of the night!

— J'tai sauvée de ces richards, tu pourrais au moins me remercier.

— J'aime quand tu me résistes, Granger. Chante encore. Plus fort !

Yeah that's right!

A creature of the night!

Well do ya feel alright?

Yeah, do ya feel alright?

Elle tenta de lui cracher au visage le sang qui coulait dans sa bouche. Cela le fit rire. Il avait le visage éclaboussé et s'en fichait complètement. Les taches vermillon qui parsemaient sa tenue ne rendaient que la vérité dans sa forme la plus crue et cela fit naître un grand froid dans le corps d'Hermione.

Avec la fatigue et le froid, toutes ses pensées ralentissaient, se mélangeaient.

Il était dérangé. Elle allait y passer. Pas d'échappatoire. Le sang. La joie sadique dans ses yeux. Ses traits plus expressifs que jamais. Le sourire qui dévoilait les rangées pointues de dents carnivores sous ses lèvres rudes. Le grondement animal qui sortait de sa poitrine en cascades. Les haches rutilantes posées sur sa table, décrochées de leur emplacement au mur.

Celles pleines de liquide carmin qui dégouttaient au sol.

La prise solide qu'il avait sur le manche en bois.

Elle ne sentait plus la douleur ni la peur.

Quelque chose changea en elle, comme un interrupteur qu'on éteint avant de laisser une pièce plongée dans le noir.

Il lui faudrait y aller à mains nues avec lui si elle voulait avoir une chance de le vaincre, maintenant qu'il avait scié sa corne, éliminé la seule chance de survie qui lui restait encore. Il ne lui restait que peu d'énergie.

Peu importait qu'elle y laisse sa peau. C'était inéluctable, de toute façon.

[...]

Wheel around and around and around

C'mon!

C'mon!

Yeah, can you dance like a hippogriff?

[...]

J'espère que tu te souviendras de ces moments quand tu mourras. J'aimerais que tu me regardes bien en face, Walden. Moi, et derrière moi tous les êtres que tu as amenés aux portes de la mort. Tous ces yeux vides qui te regarderont…

— Tais-toi. Tu m'fatigues.

Mais son ton ne montrait aucune trace de fatigue. La corde était bien plus tendue qu'usée - elle regretta qu'il ne puisse s'étrangler avec au moment où il lui lança le sort signature de ses exécutions humaines : un sort phonique qui l'empêcherait de parler mais pas de crier.

La chanson était terminée.

Le calme, retombé.

Il aiguisait ses lames.

Un frisson monta du creux de sa chair.

Enfin.

[...]

Le chant du rouge-gorge annonça le lever du soleil. Les rais de lumière investissaient peu à peu la pièce carrée, se déversaient par les ouvertures horizontales du haut des murs en emportant celui, voilé d'un abat-jour, du lampadaire suspendu qui avait laissé sa lueur pâle et vacillante illuminer cette nuit de consécration.

Il était temps de cesser le travail de la lame et d'écouter.

Walden laissa échapper un profond soupir et s'essuya le front, laissant une trace involontaire sur son visage. Il n'y aurait plus qu'à fixer la corne juste au-dessus de l'espace entre les sourcils, et elle serait parfaite. Il sourit. Cette petite bouille de joli cœur…

Petite licorne va servir le roi sur son plateau d'argent…

Les trilles des oiseaux se multipliaient. La campagne anglaise, ce grand frêne…

…jusqu'au dernier souffle.

Son sourire se tordit. Son estomac aussi, peut-être. Ce serait la première fois depuis bien longtemps.

.

.


Note additionnelle : les paroles de la chanson présente à la fin du texte sont issues de la chanson Do The Hippogriff des Bizarr' Sisters.