Hey hey hey ! C'est re-moi ! (Comment ça, « déjà » ? »)

Alors ? On était en manque de sa dose de BG3 ? Vous en re-vouliez encore et vous avez choisi votre humble servante dans l'espoir de passer un bon moment ? I applaud your taste.

Car oui, mes petits loups, on va se concentrer aujourd'hui sur le bachelor le plus charmant de Faerûn aka Gayle le Magnifique ! Le deuxième vrai bg de la bande pour conquérir tous ces Tav et ces Durge en manque d'amuuuuuuuur !
Gayle. Celui que j'épouserais au jeu du Fuck/Marry/Kill. Un personnage bourré de qualités et injustement jugé. Il faut lui rendre ses lettres de noblesse tout de suite.

Je n'irai pas par quatre chemins, je suis là pour :

_ ventiler ma frustration
_ faire plaisir à tous les amoureux(ses) de notre magicien préféré et à celles et ceux qui ont aimé la synergie développée entre Gayle et Silesta dans la précédente fic (Lilinnea, Shivarrior, c'est pour vous).

Après avoir titillé un triangle pas assez isocèle à mon goût dans DSeDP, il fallait que je fasse quelque chose.
Aurais-je débloqué un palier supérieur de mise en abîme en écrivant une fanfiction parce que je me suis auto-frustrée d'une de mes propres fanfictions ? Cette question métaphysique sera un autre sujet de discussion qui n'a pas lieu d'être pour l'instant.

Place au vrai sujet ! Voici le programme que je vous propose.


Repère temporel ? : Entre le chapitre 79 et l'épilogue de De Sang et de Pluie, quand Silesta quitte le Pas Nocturne en arrivant à Eauprofonde, 8 mois environ après la mort de l'Absolue.
Je remets cette information en très visible au cas où ce ne serait pas déjà clair :
IL FAUT AVOIR LU MA PREMIÈRE FIC DE SANG ET DE PLUIE POUR COMPRENDRE LE SENS DE CETTE FIC !
Et si vous ne lisez que ces deux chapitres, vous n'allez rien capter à mes auto-références et l'appréciation de cette fic sera altérée, z'êtes prévenus !

Genres ? : Romance é-hon-tée et outrageante mais crédible !
Alors là, je vous mets la TOTALE ! De la romance émouvante, de la drôle, de l'intense, de la suggérée jusqu'à de la (muy) calliente ! Oui, madame. Carrément. Ces chapitres sont des successions de situations de mises au pied du mur plus ou moins flagrantes entre deux moments plus sérieux. Et j'ai pas honte. Mieux encore, je me targue même d'avoir écrit ma plus belle scène de déclaration d'amour de toutes mes autres romances.

Pairing ? : Gayle x Silesta (parce qu'elle n'est plus qu'une simple OC)
Avec un quasi huis-clos pour les réunir, je vais te me les... Hé hé, vous verrez bien. XD
Gayle, c'est ce garçon/homme de l'ombre croque-love qui se meurt d'amour dans son coin pour le bien-être de l'autre qui n'est pas à sa portée. Le Damon entre Stefan et Héléna de Vampire Diaries. À la différence que Gayle ne part pas avec une jauge relationnelle commençant dans le rouge avec la demoiselle, bien au contraire. Et on sait tous que Silesta a un truc pour lui, malgré tout.

Sérieux ou portnawak ? : Plutôt rouler une pelle à Wulbren que de faire de l'OOC.
Non seulement c'est du sérieux, mais je dirais même que j'en fais mon canon. (car oui, je suis l'auteur et je me canonise mes propres délires littéraires)

Ça dure longtemps ? 75 chapitres. Nan, j'déconne, vous voulez ma mort ou quoi ? Je reviens à mes formats plus habituels d'une petite dizaine de chapitres environ. Je voulais juste faire un OS à la base mais je me suis trop laissée prendre par le jeu et je suis tombée dans le terrier du lapin.
Après DSeDP, le rythme un peu dent-de-scie de cette fic peut vous perturber. Après avoir « résumé » BG3 en 80 chapitres, vous comprendrez que je devais faire du condensé pour couvrir une période de plus de 4 ans (ou j'allais mourir). Tout en faisant au mieux pour conserver cohérence et récit digeste, j'ai usé cette fois de pas mal d'ellipses temporelles. Soyez donc attentifs pour ne pas perdre le fil :) C'est très compacté mais c'est un choix. Je voulais du court mais intense plutôt que du trop long fade.

Reviews appréciées ? Une review, c'est du love pour une auteur qui se donne du mal pour vous :)

Autre chose à déclarer ? Oui, plusieurs.
Vous l'aurez compris, cette fanfic n'a pas la vocation de vraiment expliquer en profondeur le comment du qu'est-ce de la formation de Silesta ni comment l'anneau d'Astarion a été créé. Bien sûr, dans un souci de réalisme scénaristique, tout cela est abordé mais gardez bien à l'esprit qu'il s'agit surtout d'orchestrer le rapprochement de deux êtres qui se l'interdisent pour des raisons évidentes.
J'ai ADORÉ faire danser Gayle et Silesta sur un fil de façon plus ou moins outrageante (oui, j'aime le mot outrageante). C'est la première fois que j'écris un « transfert de romance » entre personnages (même si vous savez tous qu'il ne s'agit pas d'un vrai transfert car Silesta restera définitivement fidèle à Astarion) et ce fut un exercice aussi subtil que jouissif. J'espère avoir réussi à le faire de façon logique et crédible.
Bien sûr, vous me connaissez, pas question de tomber (que) dans un truc guimauve. Vous retrouverez des passages parfois plus torturés, parfois un peu WTF avec des situations ou des dialogues plus drôles que j'ai pris grand plaisir à écrire. Je vous remercie par avance pour votre indulgence, mais j'aime bien insérer ces petits moments plus légers qui correspondent bien au caractère parfois décalé de Silesta et au tempérament flegmatique de Gayle, ce qui sublime leur alchimie ensemble à mon sens.

Je pense qu'on a fait le tour. Alors, c'est tipar !


- DANS UNE AUTRE VIE -


CHAPITRE 1 – UN TOUR À LA TOUR

« Et donne-nous des nouvelles ! Et prends soin de toi ! Et aie confiance en toi, tu y arriveras ! Et nourris-toi correctement ! Et...

_ Et je n'y manquerai pas. Je vous aime aussi ! »

Silesta continua d'agiter le bras en direction des deux roulottes qui s'éloignaient sous l'immense arche de la porte de la cité. Tébur et Perzin continuaient encore de lui lancer une farandole de recommandations auxquelles elle n'avait plus la force de répondre. Elle ne pouvait que sourire douloureusement, les yeux humides et le cœur serré. Restée aux côtés d'Ulryn, Anmoira tentait de retrouver un peu de réconfort en glissant sa main dans celle de son compagnon drow et se faisait violence pour garder le silence en dépit de son âme qui débordait d'émotions. Si la belle elfe avait le malheur de se risquer à prononcer la moindre syllabe, elle serait incapable de cacher sa voix divine et tout Eauprofonde se demanderait pourquoi les cieux venaient de s'ouvrir en deux.

Malgré son bras douloureux, Silesta n'arrêta pas son geste jusqu'à ce que les roulottes disparaissent de sa vue. Quand elle laissa sa main retomber mollement le long de son corps, une intense sensation de vide l'étreignit. Elle y était. Elle avait eu la force de prendre sa décision. Elle se retourna et embrassa du regard son nouveau décor.

Eauprofonde. La Cité des Splendeurs. Ville cosmopolite majeure du Nord dont la solide tradition magique produisait de puissants magiciens du Bien. Il se disait qu'Eauprofonde était une polisseuse de diamant, lissant les défauts des individus pour qu'ils puissent donner le meilleur d'eux-mêmes. Et c'était exactement cela que Silesta cherchait.

La jeune femme commença sa visite depuis le quartier sud, celui par lequel arrivaient nombreux nouveaux arrivants. La faune globalement pauvre demeurait néanmoins hétéroclite. Des voyageurs aux allures d'aventuriers, des ouvriers, des agents de caravane qui déchargeaient leurs marchandises, des commerçants. Les lieux fourmillaient de vie et de bruits, sublimés par le soleil de cette splendide matinée de printemps. Bien que l'envie de s'attarder sur chaque échoppe la titillait beaucoup, Silesta se contenta de remonter l'artère principale car elle savait que son objectif ne se trouvait pas ici.

Aussi décida-t-elle de s'adresser directement aux personnes les mieux placées pour la renseigner. Quand le hasard eut la clémence de mettre sur son chemin une patrouille du Guet, la garde de la cité, la jeune femme alla directement à la rencontre du groupuscule de soldats. Elle approcha de l'homme en tête de file, un quadragénaire aux cheveux sable retenus par une courte queue de cheval dont l'armure de cuir noir usée laissait deviner de longues années de service.

« Pardon de vous accoster, messieurs. Auriez-vous l'amabilité d'aider une voyageuse perdue ? » les héla-t-elle avec une inclinaison de tête respectueuse.

Le capitaine de la patrouille s'arrêta, sitôt imité de ses hommes derrière lui qui ne se privèrent pas d'une œillade de haut en bas sur la visiteuse. À l'évidence, ils n'avaient guère l'habitude de voir de cheveux roux car nombreux soldats tiquèrent sur cet élément pendant leur contemplation. L'homme opina du chef vers son interlocutrice.

« Que cherchez-vous, mademoiselle ?

_ Savez-vous où je peux trouver l'archimage Gayle ? Gayle Dekarios ? Gayle d'Eauprofonde, peut-être ?»

Le soldat cilla et un mouvement commun fit remuer les rangs de son escouade.

« Le connaissez-vous ? insista Silesta qui ne savait comment interpréter leur réaction. C'est...

_ La question serait plutôt : qui ne le connaît pas ? Cet homme fait partie des sauveurs de la Porte de Baldur ! s'exclama le chef du Guet. Il y a huit mois environ, la ville a failli être détruite sous une attaque de flagelleurs mentaux et d'un cerveau vénérable. Vous avez forcément entendu parler de ça ! »

Silesta haussa légèrement les épaules avec désinvolture et ses orteils se recroquevillèrent un peu dans ses chaussures. En effet, oui, elle avait eu vent de cette effroyable tragédie comme presque tout habitant de Faerûn...

« Où puis-je le trouver ?

_ Il vit plus au nord, à cheval entre le quartier nord et le quartier maritime. Vous ne pouvez pas vous tromper, c'est une tour immense qui déteint beaucoup entre les habitations traditionnelles. »

Silesta remercia son guide et s'effaça afin de laisser le champ libre à la patrouille, non sans esquisser un sourire tandis qu'elle s'éloignait. Sauveur de la Porte de Baldur. Pour quelqu'un qui avait vécu reclus en ermite pendant près d'une année suite à l'affliction de son orbe, Gayle était passé de l'autre côté du miroir. Comment un homme tel que lui vivait-il la célébrité tout en ayant toujours été très conscient de ses talents ? Voilà une interrogation intéressante.

La jeune femme poursuivit son périple. Ses pas l'amenèrent à longer les murailles de la Cité des Morts, le seul cimetière où il était légal d'enterrer les défunts dans cette ville. Sa taille monumentale fut une source d'ébahissement pour la voyageuse. Cet endroit était assez grand pour constituer un quartier à lui tout seul et ses grands espaces de pelouses vertes piquetées du blanc du marbre des tombes appelaient tant à l'apaisement que Silesta eut envie de s'y arrêter. Elle y croisa même quelques promeneurs.

Puis, son environnement se teinta de prestance et de richesse tout en conservant son calme. Alors qu'elle pénétrait dans le quartier nord, celui de la classe moyenne aisée et autres nantis de moindre rang, notre amie se vit faire un bond en arrière dans le passé. Elle redevenait la jeune femme de basse extraction qui approchait ceux qui avaient de l'argent. Les maisons devenaient de plus en plus coquettes et les toilettes des passants plus soignées. Les furtifs coups d'œil que les gens lançaient dans sa direction étaient-ils dus à sa couleur de cheveux ostentatoire ou à la simplicité de sa tenue ?

Silesta se hasarda à baisser les yeux sur elle. Cette robe chocolat par dessus un chemisier aux manches trois-quart différait certes de la mode locale mais elle était d'assez bonne facture pour ne pas passer pour une vraie souillon.

Ses interrogations et ses doutes prirent fin lorsqu'une forme allongée s'esquissa au loin au-dessus des toitures. Une immense tour filée de lierre se dressait avec splendeur. Quelques fenêtres ornés de vitraux et de balcons perçaient ici et là les écailles formées des briques blanches et le sommet laissait entrevoir une moitié de toit en dôme de verre.

« Je suis sur le bon chemin. »

Silesta pressa le pas et continua sa progression entre les rues tranquilles dont la seule source d'animation filtrait de temps à autres en passant près d'une auberge. Le brouhaha des conversations et des quelques notes de musique ne durait que le temps d'une porte qui s'ouvre et se referme avant de ne redevenir qu'une rumeur lointaine.

Une dizaine de minutes plus tard, le confort bourgeois du quartier commençait à se muer en clinquant noble. En dépit de ce que son nom laissait croire, le quartier maritime jouxtant le quartier nord n'avait rien à voir avec un quartier de marins rempli d'entrepôts de marchandises ou de tripots louches. Bien au contraire, il était le frère jumeau de la ville haute de la Porte de Baldur. Silesta devinait de riches et luxueuses propriétés dont Cazador Szarr aurait pu être le propriétaire pour un séjour de villégiature.

Elle commençait à se sentir intimidée alors qu'elle ne devrait pas être surprise. L'argent ne semblait jamais avoir été un problème pour la famille de Gayle et avoir eu la chance de jouir d'une formation magique à l'Académie du Bâton Noir n'était pas accessible à toutes les bourses. Cela étant, elle n'aurait jamais pensé que son ami magicien vivait de façon si confortable.

Son sentiment d'être petite, pauvre et insignifiante grimpa en flèche quand elle contempla celle de la tour au pied de laquelle elle arriva. Ses pieds étaient bien ancrés dans le sol, elle en avait pourtant le vertige. Elle hésita. Gayle n'avait-il pas plus urgent ou important à faire que de jouer les nourrices pour ensorceleuse débutante ?

Silesta replongea dans ses souvenirs de ces dernier mois et une grimace fronça ses traits. Non. Elle ne pouvait pas rester ainsi. Elle ne pouvait pas se rendre esclave de sa propre condition. Peut-être était-elle en effet éveillée parce que sa magie était en mesure de se manifester mais la façon dont cela se produisait...

Une profonde inspiration plus tard, la jeune femme s'empara du lourd heurtoir de bronze dont la forme rappelait la lune des armoiries de la ville et le cogna trois fois contre la porte. L'écho qui vibra de l'autre côté de la porte sembla se propager dans les hauteurs comme l'onde de l'eau. Elle réajusta la bandoulière de son sac à son épaule et attendit.

Elle remua la tête vers l'encadrement supérieur de la porte. Avait-elle rêvé ou l'espèce de gargouille étrange qui dormait sur un petit renfort de corniche au-dessus d'elle avait bien bougé pour l'observer ?

La jeune femme sursauta un peu quand un faible choc se heurta à la porte avant qu'elle ne s'ouvre.

Gayle n'avait que peu changé, si ce n'était les courbes de son visage qui étaient passées de creusées par la faim, l'exercice physique et les tourments à rebondies grâce au repos et à de bons repas. L'air salé revigorant et vivifiant d'Eauprofonde lui avait aussi fait le plus grand bien. Son teint hâlé respirait la santé, tout comme son regard pétillait toujours avec énergie et peut-être même plus encore quand il se posa sur cette visiteuse impromptue.

Silesta se laissa gagner par le ravissement qui lui faisait face et sourit aussi franchement que Gayle.

« Vous... vous êtes précipité pour ouvrir au point de presque vous jeter sur la porte ? demanda-t-elle en remarquant l'air un peu essoufflé du magicien.

_ Pas du tout, contra-t-il aussitôt en arborant le plus strict sérieux tout en redressant sa posture. J'ai juste... beaucoup de marches à descendre et je n'ai plus l'endurance de mes vingt ans. »

Court silence où ils se scrutèrent sans trop y croire. Gayle finit par lâcher un rire coupable.

« Au diable la bienséance. Bien sûr que j'ai accouru, je n'en revenais pas. Venez là ! s'exclama-t-il avec bonheur en prenant Silesta dans ses bras. Quelle joie de vous revoir, mon amie ! »

La jeune femme retint elle aussi un rire et enserra Gayle avec le même plaisir.

« Vous aussi, vous m'avez manqué, Gayle. J'espère ne pas vous déranger.

_ Même si Eauprofonde était sur le point de disparaître sous une tornade, jamais je ne vous refuserais un moment, se défendit Gayle en la relâchant. Je vous en prie, entrez. Ce n'est pas une invitation, mais un ordre. Permettez-moi de vous offrir une collation, vous devez être fatiguée de votre voyage. »

Il s'effaça pour laisser le champ libre à son « otage » qui fut contrainte d'abdiquer bien qu'elle n'avait aucune envie de batailler. Ils gravirent ensemble un court escalier en colimaçon jusqu'à arriver face à une nouvelle porte que Gayle s'empressa d'ouvrir à son invitée.

Un ravissant petit salon à la fois élégant et accueillant apparut devant eux. Les murs percés de fenêtres tantôt normales tantôt vitrées de carreaux colorés laissaient filtrer une lumière chaleureuse dans une pièce ovale aux meubles en bois de noyer et couverte d'un lourd tapis bleu et or aux motifs délicats. Des tableaux représentant autant de portraits que de paysages ornaient les murs, apportant une touche délicate de luxe. Ici et là, différentes statues de créatures mystiques dormaient dans leur coin. Toute l'atmosphère appelait à la détente et au calme.

Silesta prit le temps d'apprécier les lieux ainsi que l'accord qu'ils conjuguaient avec leur propriétaire à la fois distingué et accessible.

« Heureusement que votre salon n'était pas plusieurs étages au-dessus, plaisanta-t-elle. Je m'en serais voulu de vous fatiguer davantage.

_ J'ai réglé ce problème depuis longtemps. J'ai enchanté chacune de mes portes. Il me suffit de penser à la pièce à laquelle je souhaite me rendre et la magie fait le reste. Un gain de temps fort appréciable quand on vit dans une tour. »

La jeune femme ne s'étonna même pas et prit place dans le fauteuil rebondi de tissu moiré écru que lui présenta Gayle pendant qu'il s'installait dans l'autre près d'une petite table basse. Quelques gestes mesurés plus tard, un petit plateau de diverses douceurs salées et sucrées flanqué d'une carafe et de deux gobelets d'étain apparut.

« Vous me direz des nouvelles de ce délicieux poiré que j'ai acquis récemment. Il est très léger, soyez sans crainte », assura Gayle en servant son invitée.

Cette dernière apprécia sa sollicitude de ne pas avoir oublié sa détestation pour les alcools forts. Elle accepta sa coupe et la leva face à celle du magicien ravi avant de la goûter. L'équilibre entre le sucré du fruit et l'amertume de la boisson était en effet bien calculé, c'était un délice.

Pendant qu'elle buvait, Silesta dirigea son regard vers son hôte et remarqua que son cou était vierge du moindre entrelacs violacé, pas plus qu'elle ne distinguait une forme de sphère enflammée à la naissance du poitrail qu'elle devinait sous un bouton de veste ouvert.

« Vous... Vous êtes guéri ? comprit-elle, les yeux pétillants de joie. Votre orbe n'est plus ? »

Gayle baissa les yeux et porta une main à son sternum en acquiesçant. En effet. La malédiction du Néthéril ne pesait plus au-dessus de lui. Comme promis, il avait contacté Mystra afin de lui rendre la couronne de Karsus, en échange de quoi la Dame des Mystères jugea que la repentance de son élu avait été suffisante.

« Elle m'a débarrassé de l'orbe et depuis... » Il leva un peu les mains pour désigner son environnement. « Me revoilà. »

Silesta ne lui répondit que par un hochement de tête ému. Ses souvenirs d'y il a huit mois étaient un galimatias sombre qu'elle n'avait pas envie d'affronter mais son esprit l'y contraignit. La fuite d'Astarion avait été un tel choc pour elle qu'elle en avait oblitéré le reste, même le destin de son ami magicien.

Elle avait plongé dans une spirale infernale qui la poussait à arpenter les recoins de la Porte de Baldur de jour comme de nuit dans l'espoir de retrouver le vampire, à tel point qu'elle en avait délaissé les siens et n'avait guère pris de temps non plus pour Gayle et sa recherche de la couronne de Karsus. Le magicien avait pourtant été très présent auprès d'elle et l'avait assistée dans ses battues sans même s'occuper de lui. Ce n'était qu'après un mois de recherches infructueuses que Silesta avait fini par se faire plus ou moins une raison et avait enjoint son ami de reprendre enfin sa vie à Eauprofonde.

Elle n'avait pas oublié le dernier visage que Gayle avait eu pour elle. Cette douloureuse résignation qui refusait de l'abandonner en dépit de ce qu'elle lui demandait. Mais il l'avait fait. Non pas par choix, cependant.

La jeune femme papillonna des paupières et s'extirpa de ses pensées.

« Et avec Mystra ? Comment... »

Elle ne sut trop comment formuler la chose mais Gayle comprit. Il fit la moue et eut un sourire réservé.

« Elle... Nous... Nous réapprenons à nous retrouver, répondit-il en cherchant ses mots. Après tout ce qui s'est passé entre nous...

_ Je comprends, sourit Silesta. Je suis très heureuse pour vous. »

La jeune femme se laissa aller à sa gourmandise et prit un petit morceau de massepain qui lui faisait de l'œil. Gayle l'observa faire d'une sage bienveillance, l'esprit cerné par mille questions qui le brûlaient.

Lui non plus n'avait pas oublié la façon dont il avait quitté la saltimbanque. C'était une ombre qu'il avait laissée à la Porte de Baldur, même si la Compagnie du Pas Nocturne se disait forte de pouvoir l'entourer. Gayle était autant furieux contre Astarion qu'il était anéanti pour Silesta qui ne dormait pratiquement plus. S'il lui avait mis la main dessus, le vampire aurait passé un sale quart d'heure. Comment avait-il pu fuir dans un moment pareil ? Après tout ce que Silesta avait sacrifié pour lui ?

Cette jeune femme devant lui semblait bien mieux portante que l'enveloppe sans âme d'autrefois. Ou peut-être était-ce encore son meilleur sens de la représentation qu'elle lui présentait. Il était autant inquiet que ravi.

« Et vous, Silesta ? Qu'en est-il de vous et d'Astarion ? »

Voilà une question sans doute trop directe pour des retrouvailles mais il avait besoin de savoir. Silesta remit une mèche de cheveux argile derrière son oreille et sourit à son interlocuteur.

« Ça va mieux. Beaucoup mieux, assura-t-elle en expirant presque de soulagement. Je mentirais si je vous disais que les murs de la Porte de Baldur n'ont pas tremblé, mais nous avons enfin pu parler.

_ Vous l'avez retrouvé ? s'ébahit Gayle sans cacher sa stupeur.

_ Oui. Il... Astarion a pris peur. Il ne voulait pas m'entraîner dans les ombres. Il avait peur que cette vie avec lui ne soit trop dure à supporter pour moi. Dommage pour lui, je suis du genre entêté. »

Silesta restait concentrée sur le délicat motif de torsade sculpté dans le pied de la table basse pour parler et assurer un débit de voix clair et franc. Parce que rien de tout cela n'était vrai. Ce n'était que l'excuse qu'elle se répétait en boucle sans relâche depuis des mois pour ne pas sombrer dans le désespoir absolu. Astarion était introuvable et n'avait donné aucun signe de vie. Elle était repartie avec le Pas Nocturne presque sous contrainte parce que ses compagnons ne supportaient plus de la voir s'enliser de plus en plus dans le chagrin. Pas un jour ne passait sans qu'elle ne pense à Astarion, au regret de ne pas être à ses côtés et à l'incompréhension de sa fuite.

« Où est-il ? Toujours à la Porte de Baldur ? continua Gayle, toujours aussi surpris.

_ En effet. Il a préféré rester là-bas par sécurité. Sa condition ne se prête guère aux voyages. »

Le magicien prit le temps de considérer ses paroles mais il ne sut quoi en penser. Sollicitude ou pas envers sa compagne, le vampire n'avait pas eu une réaction très honnête et digne des sentiments que Silesta lui portait. Peu importe. Qu'il accepte de comprendre ou pas, Gayle devait s'y résoudre. Sa jeune amie semblait bien plus vivante qu'à leur dernière rencontre et c'était là tout ce qui lui importait. Il essaya de se détendre en se calant dans son fauteuil.

« J'aurais apprécié de pouvoir discuter de la chose avec lui, moi aussi, marmonna-t-il en fourrant son nez dans son verre.

_ J'imagine. Je me souviens du programme que vous lui aviez préparé. »

Gayle marqua un temps d'arrêt et leva les yeux vers Silesta qui le regardait avec un léger sourire. Une réminiscence remonta d'un pan de sa mémoire.

« S'il vous rend heureuse, je le suis. S'il vous rend triste, je connais de bons sorts de lumière avec la pleine puissance du soleil. »

Le sourire de la jeune femme s'étira de façon plus timorée en repensant en même temps que lui à la suite.

« Et s'il venait à vous briser le cœur, je vous abandonnerais le mien en échange »

Quelques secondes flottèrent entre eux avant que l'instant ne fut brisé par Gayle qui terminait sa gorgée et Silesta qui baissait les yeux sur ses genoux.

L'homme préféra ne pas gâcher la joie que cette visite lui procurait et chassa son ex meilleur rival dans un autre recoin de son esprit pour davantage s'attarder sur son amie ici présente.

« Je suis soulagé d'apprendre qu'il vous soit revenu, dit-il avant de froncer un peu les sourcils d'appréhension. Qu'en est-il du reste ? Comment vous sentez-vous ? Vous me semblez bien lasse... »

En effet, maintenant qu'il prenait le temps d'observer Silesta sans l'effervescence des retrouvailles, il remarqua ses traits un peu tirés et sa petite mine au teint terne. La jeune femme comprit à quel reste le magicien faisait allusion : l'affrontement de son passé d'horreurs. Elle déglutit un peu douloureusement sous le froid des sensations qui infusaient en elle.

« Ça a été difficile, avoua-t-elle à voix basse après un temps. J'ai mis beaucoup de temps à raconter à mes amis ce qui m'était arrivé avec Iwen. Je n'ose imaginer ce qu'ils ressentaient quand ils m'entendaient hurler toutes les nuits alors que je refusais de parler. »

L'estomac de Gayle se noua et sa mâchoire se contracta. Cette simple évocation générait en lui des images de cauchemars horrifiques. Silesta lut son malaise et voulut le dissiper avec un sourire encourageant.

« Mais le temps a fait son œuvre. Je ne cauchemarde plus beaucoup depuis deux mois à peu près. Il était temps parce qu'à la longue, je pense que j'aurais détruit nos roulottes. »

Le magicien cilla en se redressant soudain dans son fauteuil car il avait compris ce qu'elle disait à demi-mot.

« Votre magie sauvage ? »

Elle confirma d'un signe de tête. Comme Gayle le lui avait déjà expliqué, sa magie d'ensorceleuse réagissait souvent avec ses émotions et entre la perte d'Astarion et les souvenirs atroces de sa captivité avec Iwen, le psyché de la jeune mage était assez éprouvé pour devoir se délester via des manifestations... plutôt chaotiques.

« J'ai mis plusieurs fois le feu à ma chambre. Entre autre. Ça s'est calmé en même temps que mes cauchemars. » Elle tenta un sourire espiègle. « La Destructrice des Décors, quoi. »

Gayle souffla brièvement du nez, amusé de ré-entendre ce titre honorifique que Silesta avait dignement porté pendant leur épopée commune. La jeune femme s'autorisa aussi un petit rire puis plongea ses yeux de pluie dans ceux de son hôte.

« Gayle, voici ce pourquoi je suis ici. Si votre ancienne offre tient toujours, j'aimerais apprendre la magie auprès de vous. »

Il la considéra avec attention avant de dériver dans le vague d'une réflexion silencieuse. Bien sûr, il n'avait pas oublié cette proposition qui lui avait faite après que Silesta eût découvert sa véritable nature d'ensorceleuse.

« Apprendre la magie... murmura-t-il entre ses pensées. Quel étrange hasard. Maintenant que j'ai été nommé professeur à l'Académie du Bâton Noir... »

Silesta sentit un courant d'air froid la traverser. Gayle avait été nommé professeur à la plus prestigieuse école de magie du nord de la Côte des Épées ? Était-ce surprenant pour l'un des plus grands archimages de Faerûn, élu de Mystra et ancien apprenti d'Elminster Aumar ? Pas du tout.

« Oh. C'est formidable, se réjouit la jeune femme. Voilà un rôle à la hauteur de votre talent. Je suis fière de vous, Gayle. Vous le méritez.

_ Je reconnais que j'apprécie bien plus cette fonction que je ne l'aurais cru de prime abord. »

Cette déclaration rasséréna la déception qu'elle ressentait. Gayle avait retrouvé une vie qui lui convenait. De retour entre ses livres de magie, avec la possibilité de transmettre son talent à autrui et tout en reconstruisant sa relation avec son ancienne maîtresse, que demander de plus ?

Gayle se leva plus par mimétisme qu'autre chose quand son invitée se leva après avoir terminé son verre de poiré.

« Je ne vous dérange pas plus. Vous avez amplement de quoi... »

Elle se tut quand la main de Gayle se referma autour de son poignet. Il la regardait comme si elle s'apprêtait à sauter d'un pont.

« Que faites-vous ?

_ Eh bien... Je prenais congé ?

_ Il en est hors de question. Je réfléchissais à la suite pour m'organiser et non pas au moyen d'éconduire votre demande, réfuta l'homme en s'ébrouant. Par les dieux, bien sûr que je vais vous former ! Je suis un homme de parole.

_ Gayle... soupira Silesta avec soulagement.

_ Je vais demander à vous faire entrer à l'académie », enchaîna-t-il sous l'effet galvanisant de son enthousiasme.

Le poignet sous sa main se raidit aussitôt et Silesta sursauta en écarquillant les yeux d'angoisse.

« Non ! Non, surtout pas, répliqua-t-elle. C-C'est un établissement destiné à l'élite...

_ La peste soit l'argent. Vos frais de scolarité ne sont pas un obstacle pour moi.

_ Je ne saurais souffrir de vous voir encore dépenser la moindre pièce d'or pour moi, Gayle Dekarios. Je vous dois encore vingt-mille...

_ J'insiste.

_ J'insiste encore plus. »

Le magicien la relâcha et perdit sa verve au profit d'une incrédulité suspicieuse qu'il promena sur Silesta. Elle avait bien conscience que sa réticence pouvait paraître étrange. Elle soupira en signe d'abandon.

« J'ai besoin... d'être à l'aise, commença-t-elle sans trop savoir comment formuler sa pensée.

_ Je vous assure que votre condition de saltimbanque ne... »

Silesta secoua la tête.

« Gayle, vous ne comprenez pas. En parallèle d'une formation magique, je veux trouver le moyen de défaire Astarion de la malédiction du soleil. »


Ils viennent à peine de se retrouver et je retrouve déjà la beauté de leur alchimie. Qu'est-ce que je les aime.

Oui, Silesta a menti pour Astarion. C'est autant un ressort qui aura son rôle à jouer sur son psyché qu'un choix de sa part parce qu'elle sait que Gayle irait pointer le canon solaire de Lathandre sur Astarion pour lui mettre dans la tronche the full concentrated power OF THE SUN ! Vous-mêmes, vous savez.

Alors ? Comment ça sent pour ce début ?