Journal de la revieweuse :

Lilinnea: Hé hé hé, et c'est bien justement à cause de cette petite particularité de Gayle que je suis partie là-dessus (petit coquin, va). Le rêve était pour moi le seul moyen de les faire «fauter» sans risquer la tromperie ouverte. Mais bon, ça en dit long malgré tout sur ce qui traverse Silesta. J'ai très hâte d'avoir ton avis sur ce chapitre-ci concernant la justesse du perso sur ce qui va se passer.
Vu que maintenant tu connais un peu mieux notre gentleman magicien, penses-tu que j'ai bien cerné le monsieur ou n'est-il qu'un magnifique canard transi d'amour que Silesta n'aurait qu'à laquer?

J'ai pas mal vibré à l'écriture de ce chapitre-ci et j'espère que je vous transmettrai la même sensation.


CHAPITRE 11 – SANS NOS ŒILLÈRES

Les jours suivants s'annoncèrent compliqués pour Silesta. Ce rêve intense qui l'avait unie à Gayle n'était peut-être qu'une chimère, il avait gravé en elle de profondes marques en plus d'exacerber ce qu'elle refoulait déjà depuis longtemps. Ce que son inconscient avait produit était si puissant qu'elle était contrainte de s'interroger.

Sauf qu'elle n'avait aucune envie de s'interroger. Il n'y avait rien qui méritait de s'interroger. Ce qu'elle avait «vécu» n'était que le fruit de son imagination et n'avait aucune valeur sur le concret du présent. Gayle était son mentor et son ami; elle était son élève. Rien de plus.

Néanmoins, notre amie ne sut s'imprégner pleinement de son mantra et son attitude devint la preuve criante qu'elle n'était pas tout à fait passée à autre chose. Elle était nerveuse et maladroite. Sa gêne était telle que, les premiers jours, elle fut incapable d'affronter le regard de Gayle. Chaque fois qu'elle croisait ses yeux, s'imprimait devant ses rétines cette lueur brûlante de désir. Face à l'inquiétude de son ami à cause de son comportement étrange, elle en fut réduite à inventer une histoire de contrecoup de magie sauvage qui lui donnait une telle migraine que regarder un corps en mouvement la faisait souffrir. Point positif, cette explication suffit à la candeur innocente de Gayle mais en revanche, elle contraignit l'effrontée menteuse à devoir jouer les malades et rester dans sa chambre pendant plusieurs jours sans rien faire.

Pendant cet isolement forcé, la jeune femme reporta tout son émoi sur la rédaction de ce journal – sans bien sûr faire part de cet effroyable moment d'égarement. Elle rassembla toutes ses pensées vers Astarion et les souvenirs de ces instants passés entre ses bras. Voilà ce qu'elle désirait, ce dont elle avait besoin.

Un détail l'interpella tandis qu'elle feuilletait ses précédentes pages avant d'en écrire de nouvelles. Silesta remarqua que sa régularité avait décliné ces derniers mois. Ses confidences épistolaires à l'adresse d'Astarion s'étiolaient alors qu'elles jouissaient d'une régularité exemplaire lors de ses premiers mois chez Gayle.

Elle prit peur. Était-elle en train de s'éloigner de lui? Commençait-elle à se faire une raison? Non. Non, non, non. Ce n'était pas possible. Elle travaillait sans relâche avec Gayle pour Astarion ; elle ne pouvait pas l'oublier.

Elle serra les dents. Avec Gayle. Voici donc là l'explication? Était-elle donc aussi pathétique pour se laisser simplement distraire par la bonté naturelle de son mentor? Comment osait-elle penser qu'Astarion la trouverait assez forte si elle faiblissait ainsi? Elle devait se consolider pour ne pas sombrer ; transformer le manque en force. Elle ne pouvait pas se permettre de se reposer sans cesse sur Gayle ou son cerveau recommencerait à faire de mauvais transferts.

Oui, le manque d'Astarion se faisait de plus en plus ressentir mais elle ne devait pas prendre le risque de faire des amalgames. Les choses étaient claires entre elle et Gayle. Ils étaient des amis sincères de longue date et qui se connaissaient assez bien pour ne pas faire d'erreurs.

Ce fut après avoir déterminé ce nouveau mantra que Silesta parvint à mettre un voile sur son trouble et se ragaillardir. Les moments d'égarement étaient humains et Gayle ne savait rien de ce qui la perturbait. Il n'y avait pas lieu de s'angoisser davantage.

Forte d'avoir fait la lumière en elle et plus résolue que jamais à reprendre le contrôle, Silesta reprit très vite du poil de la bête et se jeta à corps perdu dans ses recherches d'une solution pour Astarion. Elle se sentait plus sereine et pleine d'énergie pour atteindre son objectif.

Deux nouvelles semaines passèrent, ponctuées des expériences des deux mages sur Manuella. Après près de quatre années de recherches, de tests, d'échec et d'espoir, ils touchaient au but. Jamais ils n'avaient été aussi près de leur objectif.

Après avoir déjà froissé un nombre incalculable de feuilles de parchemin, Gayle en prit une nouvelle pour inscrire une énième variation de sortilège.

« Gayle... marmonna Silesta qui somnolait à moitié sur le bureau. Nous sommes encore restés debout toute la nuit et l'aube arrive. Je suis vannée...

_ Un dernier essai, je vous en prie.

_ Vous avez dit ça les dix-huit dernières fois. »

Bien que l'entêtement vaillant de son mentor la rendait heureuse, la jeune femme était si épuisée après cette nouvelle nuit blanche qu'elle ne retint pas un grognement lassé quand Gayle lui demanda de lui passer Manuella. Elle s'exécuta et glissa le petit paquet de tissu dans la paume qu'il lui tendait. Le magicien le déposa sur le parchemin qu'il avait complété d'un cercle magique agrémenté de runes et retint son souffle. Silesta se redressa dans son siège et attendit.

D'un geste leste, Gayle débarrassa Manuella de son carcan de tissu protecteur et la lumière timide de l'aurore vint se poser sur ses longs doigts laiteux immobiles.

Et rien. Rien qu'un reflet doré sur une peau parfaite. Silesta bondit sur ses deux pieds et Gayle écarquilla les yeux.

« C'est... souffla-t-il avec émerveillement.

_ Elle... Elle ne brûle pas. Elle ne brûle pas! Par les dieux, Gayle! Vous avez réussi ! »

L'ensorceleuse poussa un cri d'allégresse avant de se jeter dans les bras du magicien qui la réceptionna contre lui avec autant de bonheur tout en la faisant tournoyer avec un rire. Ils avaient réussi! Ils étaient parvenus à annuler la brûlure du...

Les pupilles de Gayle se dilatèrent d'effroi quand son regard se posa sur Manuella et le crépitement qu'il avait commencé à entendre. Le soleil était en train de l'attaquer comme avant !

« Non ! »

Sans prendre le temps de se libérer complètement de Silesta, l'homme attrapa le tissu qu'il rejeta sur la main effritée de cendres avant de la jeter dans un tiroir pour la protéger de nouveaux dégâts. L'agitation excitée du moment se désagrégea aussi vite que la joie de la jeune femme rousse qui fixait le parchemin magique comme elle aurait contemplé un être cher qui venait de mourir. Sa gorge se contracta jusqu'à presque l'étrangler.

« Ça... ça n'a pas... »

La main de Gayle effleurant son menton lui fit relever la tête vers lui.

« Si. Ça a marché, asséna-t-il avec confiance. Nous tenons l'effet. Il ne manque plus qu'à travailler la durée. »

Son transport était encore si vif qu'il balaya la déception de Silesta. Elle lui rendit un sourire reconnaissant avant de se rendre compte qu'ils étaient toujours dans les bras l'un de l'autre. Ils se dévisagèrent en silence, à la fois capturés par ces yeux pénétrants sur eux et ce corps au plus près du leur.

Un mouvement inconscient de la main de Gayle au-dessus de la taille de Silesta fut l'électrochoc qui leur fit prendre conscience de leur position. Ils se séparèrent d'un mouvement commun en prenant grand soin de ne pas trop se regarder l'un l'autre.

« Je... Je crois que nous aurons bien mérité notre repos », déclara Silesta en s'éloignant.

Si elle arrivait à trouver le sommeil avec ce voile de tiédeur qui faisait pétiller ses joues...

« Je suis vraiment désolé. »

L'apostrophée s'arrêta et se tourna d'un air surpris vers Gayle. Il avait parlé comme s'il se reconnaissait coupable d'un crime odieux. Elle secoua la tête avec un sourire compatissant.

« Ne le soyez pas, Gayle, vraiment. C'est une véritable prouesse que vous venez d'accomplir. Je serais bien ingrate de vous reprocher...

_ Je ne parle pas de Manuella. »

Silesta se pinça un peu les lèvres. Ce changement dans le timbre grave de sa voix la traversa comme une flèche. Aussitôt, un trouble l'agita. Comme un pressentiment. Quelque chose qu'elle entendait approcher sans rien voir. Quelque chose que son inconscient redoutait.

Son début de mal-être trouva un reflet dans le visage du magicien qui la retint par ses yeux dans les siens.

« J'ai remarqué vos changements de comportement, ces derniers temps, exposa-t-il avec contrition. Vos humeurs fluctuantes, vos silences, votre tendance à l'éloignement... »

Le squelette de la jeune femme se contracta. D'accord, elle avait eu une période confuse mais c'était terminé. Elle était pourtant certaine qu'elle donnait le change de façon assez crédible auprès de Gayle pour ne pas éveiller les soupçons.

« Ne vous inquiétez pas pour moi. Tout va bien, je vous assure, promit-elle avec apaisement.

_ Je suis désolé, répéta Gayle comme s'il n'avait rien écouté. Je pensais être plus fort que cela, mais il faut croire que j'ai une nouvelle fois fait preuve d'une trop grande arrogance. »

Silesta cilla d'incompréhension. La pression invisible dans son esprit la poussait de plus en plus vers un désir de fuir. Il ne filtra qu'un souffle à ses lèvres pincées :

« De quoi parlez-vous ?

_ De ce que je ressens pour vous. »

Gayle avait expulsé cette réponse avec l'empressement d'un cœur palpitant. Son interlocutrice dut faire un énorme effort de concentration pour faire le tri entre l'accélération de son pouls qui matraquait ses tempes et les paroles suivantes du magicien.

« Je vous fais le serment sur ma vie que j'ai fait de mon mieux. J'ai eu beau me répéter que votre cœur appartient à Astarion, enfouir la moindre sensation en moi, je constate que mon comportement envers vous m'a trahi et vous a effrayée, se fustigea-t-il. Je n'arrive plus à ignorer ce qui se passe en moi. Votre présence me ramène inlassablement à ce que je m'étais promis de garder sous silence. »

Silesta était clouée sur place. Gayle parlait de silence mais ce qu'il ne disait pas hurlait malgré tout à ses oreilles. Cette fêlure dans sa voix était une blessure qui venait de se rouvrir alors qu'il la croyait guérie.

Elle inspira en se mordant la joue. Entendre Gayle se blâmer alors qu'il avait toujours fait preuve d'exemplarité lui broyait le ventre. Il avait toujours été un gentleman. Ce n'était pas lui le fautif.

« Gayle...

_ Je n'implore pas votre pardon, alors que je vais sans doute en avoir besoin. Je ne veux pas me dédouaner de ma faute. Je ne veux qu'égoïstement me défaire de ce qui me pèse depuis des années. »

Sa main se crispa sur le pan de robe qu'elle tenait. Non. La pression lui comprimait le crâne. Elle ne voulait pas entendre ce qu'elle anticipait. Si elle l'entendait, son monde s'écroulerait. Elle pivota sur ses talons pour vite s'en aller. Vite. Elle devait s'éloi...

« Je vous aime. »

Elle pila. Un murmure aussi chargé qu'apaisé. Trois mots. Un millier de mantras qui s'écroulèrent avec perte et fracas sur des certitudes branlantes ou maquillées.

Gayle contempla la silhouette figée qui lui tournait le dos. Quel lâche était-il d'ainsi profiter de l'absence de son regard posé sur lui. Mais cela lui permettrait de poursuivre sans trembler.

« Je suis fou de vous, Silesta, réitéra-t-il avec sérénité. Vous êtes mon plus grand mal et son remède, le blasphème qui me détourne de Mystra. Vous êtes ce livre que je lis sans cesse sans pouvoir le refermer. »

Elle n'avait pas remué d'un muscle. Il baissa les yeux.

« J'ai conscience de ce que je vous impose en vous avouant cela. Vous êtes une femme de vertu et la force inébranlable de vos sentiments envers Astarion aurait dû être pour moi un assez grand rappel à l'humilité, mais j'ai été faible, avoua-t-il en admirant les reflets des cheveux cuivrés sous la lumière grandissante du soleil. Quand vous m'avez dit qu'Astarion n'était pas revenu vers vous, une brèche s'est rouverte et ce que je refusais de voir depuis des mois et des mois s'est enfin imposé à moi. Je n'ai jamais cessé de penser à vous et à ce baiser. Ce baiser dont le souvenir me fait rêver de plus. »

Silesta crispa les paupières à cette évocation. La sensation des lèvres de Gayle contre les siennes se mêla aux autres qui bouillonnaient en elle. Elle en avait le tournis à tel point qu'elle resserra l'étreinte de sa main autour de la poignée de porte qu'elle avait attrapée. Elle était démunie comme si elle était nue et placée dans une salle emplie de miroirs. Elle ne pouvait échapper à son reflet qui exposait sa vérité honteuse.

Gayle profita du silence pour apprécier l'allègement du poids sur sa conscience. Ce calme qui retombait après avoir tout détruit et où rien ne resterait. Il avait fait assez de dégâts.

« Si je trouve encore quelque grâce à vos yeux, je continuerai de vous aider, quoi qu'il arrive. Je n'ai qu'une parole, assura-t-il avec douceur. Je vous promets aussi sur mon honneur que je ne ferai rien envers vous qui... »

Sa voix s'éteignit quand il la vit enfin s'animer. Silesta se retourna avec lenteur vers lui et le regarda longuement. Le gris de ses yeux brillait d'une émotion qu'elle taisait sous un visage neutre.

« Qu'auriez-vous fait ? » demanda-t-elle d'une voix sourde.

Il cilla, incertain d'avoir compris.

« Qu'auriez-vous fait, Gayle ? » réitéra-t-elle sur le même ton.

Sa surprise s'évapora dans la seconde quand il comprit. Les yeux de Gayle se promenèrent sur ces quelques mètres le séparant de Silesta ; cette distance qui d'un seul coup lui semblait réduite à peau de chagrin maintenant qu'il avait plongé le regard dans le sien pour y déceler une nuance qui l'avait capturé.

Il la revit dans cette chambre de la taverne. Rose noire sublime sur laquelle il avait voulu poser la main en dépit des épines lui rappelant qu'il n'était pas celui qui l'avait cueillie. Âme claire et généreuse qui avait mise la sienne à genoux quand elle avait vu à travers lui. Fruit défendu qu'il avait goûté au mépris de son vœu de silence. Et aujourd'hui, elle était la mélodie de son âme qu'il ne pouvait qu'écouter de loin alors qu'il voulait la chanter jusqu'à en devenir muet.

« Je vous aurais embrassée. D'abord m'enivrer de la douceur de vos lèvres afin de retrouver celle de vos sourires.» Il marqua une courte pause, le temps de la voir inspirer de manière plus soutenue. «Puis, je serais allé effleurer votre langue de la mienne. La première inconnue de votre intimité. »

Silesta soutenait son regard sans ciller. Son immobilisme parfait n'était ébranlé que par les rebonds de son cœur qu'elle percevait ni nettement qu'elle pouvait en découper les moindres mouvements. Quand Gayle leva la main pour esquisser un geste lent en sa direction, sa peau frissonna comme si elle avait été touchée directement alors qu'il n'avait usé d'aucune magie.

« Mes mains auraient parcouru chaque creux de votre corps. Celui de votre cou, celui de votre taille. J'aurais effleuré les vagues de votre colonne vertébrale et les angles plus fermes de vos hanches. J'aurais survolé la courbe de vos cuisses et de vos seins. »

Elle entrouvrit la bouche car ses narines ne suffisaient plus pour respirer normalement. Son corps réagissait à chaque parole. Son cou fourmillait sous des souffles invisibles. Son dos s'était tendu. Sa poitrine s'alourdissait sous son corsage. Sa déglutition se fit douloureuse.

La voix de Gayle ne faiblissait pas mais son rythme vacillait sous la portée de ses paroles. Il n'était plus maître de ses mots. Son âme avait pris le relais sur son enveloppe charnelle consumée d'amour et de désir pour cette femme intouchable à la fois si proche et si loin de lui.

« Je vous aurais déshabillée en honorant chaque parcelle de votre peau de baisers pour chaque frisson que vous me rendriez. J'aurais retracé une à une vos anciennes runes de contention du bout de mes doigts pour entendre vos soupirs. Vous me détesteriez pour cette langueur dans laquelle je vous enfermerais. »

Silesta l'entendait à nouveau. La même voix que dans son rêve. Celle de l'amant aussi doux que dominant.

« Et avant que la déesse Sunie elle-même ne me foudroie pour ne pas lui avoir dédié pareille vénération, je me serais perdu en vous. Loin de toute raison et de toute notion d'honneur. »

Un silence compact et moite retomba entre les deux mages qui se fixaient avec tant d'intensité qu'il était presque possible de palper le lien qui unissait leurs pupilles. Ils étaient toujours figés chacun à leur place, transis par ce dont leurs œillères les préservaient depuis des mois.

Gayle était perdu entre ce vide, cette pression dans son corps et l'expression indéchiffrable de Silesta face à lui. Il ne restait plus rien. Rien dans son cœur, rien parmi ses espoirs, rien du lien qu'il avait construit avec cette jeune femme. Le prix de la paix suprême était-il toujours si élevé?

Après un temps sans réagir, Silesta hocha lentement de la tête avant de se retourner sans un mot vers la porte. Gayle baissa la tête. C'était la meilleure chose à faire. Il n'y avait rien à dire ni rien à faire. Pourtant, la jeune femme se tenait encore là, la main posée sur la poignée et sans bouger. Il ne comprit pas.

« Silesta ? »

Elle fit demi-tour et se dirigea d'un pas vif vers lui. Ses mains allèrent à son cou aussi naturellement que l'homme encercla son corps de ses bras tandis que leurs lèvres se capturèrent dans un baiser longtemps désiré. Leurs œillères n'étaient plus et la vérité était là. Cet autre qui vivait à ses côtés, toujours plus ancré dans son esprit, à se jouer de ses certitudes... cet autre avait fait sa place dans son cœur de façon bien plus marquée que prévue.

Gayle était la victime de redoutables montagnes russes. Après avoir fait le deuil de ses sentiments pour Silesta une première fois, la jeune femme était revenue dans sa vie pour prendre ses quartiers chez lui en plus de reprendre ceux qu'elle occupait dans son cœur. Après une lutte vaillante, il avait déposé ses sentiments à ses pieds comme le général vaincu abandonnait sa vie face à celui qui l'avait terrassé et voilà qu'à présent, ce qui hantait ses nuits depuis des mois se concrétisait. Ses sens se saisirent de la moindre information sensorielle, ravivant avec ardeur celles du passé.

Son parfum léger et grisant. Ses lèvres tendres qui pourtant s'emparaient de sa bouche avec envie. Il la goûta, cerné entre le désir de savourer chaque seconde et celui plus primaire qui embrasa ses reins lorsque le corps de la jeune femme se pressa davantage contre le sien. Cet instant n'avait pas lieu d'être alors, perdu pour perdu...

Silesta se hissa naturellement contre Gayle quand celui-ci la souleva tout à coup pour l'asseoir sur le bureau. Elle se tint à lui d'une main dans sa nuque tout en balayant de son autre bras valide tout ce qui se trouvait sur la table. Son inconscient ventilait sans relâche son émoi accumulé ces dernières années tout en amplifiant celui né en elle suite cette déclaration qui tournait en boucle dans son esprit. Le magicien avait transformé toutes ses envies coupables en quelque chose de magnifique qui avait autant fait vibrer l'âme en veille de la jeune femme que son corps.

Cette façon d'être était du Gayle tout craché, à la fois élégante et passionnée. Retenue et sans détour. La même délicieuse dualité qui l'avait fait danser sur un fil depuis des mois. Cette fièvre brûlante dans ses baisers qui descendaient le long de son cou contrastait avec sa progression lente et mesurée qui la faisait soupirer de plaisir. Ses mains longeant ses jambes s'emparaient d'elle sans trembler alors que ses doigts se faisaient velours sur sa peau. Toute sa contradiction était là.

Ce respect que Gayle lui démontrait alors que c'était elle qui était venue à lui ébranla Silesta. Même en cet instant alors qu'elle s'offrait à lui, il était encore cet homme digne dont la bienveillance envers sa protégée n'avait jamais failli. Elle s'était installée chez lui. Elle lui prenait une grande partie de son temps. Elle lui avait demandé de l'aider pour son ancien rival et il l'avait fait jusqu'à prendre d'énormes risques... et tout cela, le magicien l'avait accepté sans se départir de sa gentillesse, sa prévenance et sa fiabilité tout en luttant avec vaillance contre son amour pour elle.

Et si ce n'était qu'aujourd'hui. Déjà au temps de leurs aventures contre les flagelleurs mentaux, Gayle était déjà ce monstre de fidélité altruiste.

Comment avait-elle pu se fourvoyer à ce point? Comment avait-elle pu se montrer si aveugle ? Comment avait-elle ignoré si longtemps à quel point cet homme comptait pour elle ? Cet homme qui avait toujours eu cette place particulière dans son cœur. Cet homme qui jamais ne la laisserait de côté. Cet homme pour qui l'amour était une force suffisante pour dépasser ses peurs et qui était resté. Cet homme qui l'inondait de cette tendresse qu'elle n'avait plus depuis quatre ans. Cet homme qui, lui, ne l'avait pas abandonnée...

Pourquoi, Astarion ?

Quand Gayle sentit l'étreinte de Silesta se desserrer autour de lui, il se redressa et s'immobilisa.

« Gayle... ? » s'étonna-t-elle d'une voix lointaine.

Il ne répondit pas, égaré sur la douleur qui avait perlé de larmes les yeux de la jeune femme. Des larmes qui coulaient pour un autre. Elle comprit ce qui se passait quand elle traça la fêlure de la tristesse dans les yeux bruns posés sur elle. Quelque chose venait de se briser.

« Gayle, je... »

Trop tard, Gayle venait déjà de tourner les talons.


Je veux retrouver ces dialogues dans la prochaine saison de Bridgerton T.T Cette déclaration d'amour me colle la chair de poule comme c'est pas permis.

Non, Silesta ne fautera pas jusqu'au bout. Ce stop était prévu dès le départ mais j'ai hésité longuement à la faire céder au baiser. Je l'ai fait autant pour la beauté de la scène que pour la logique (ça fait quatre ans qu'elle attend son amoureux dont elle n'a aucune nouvelle et Gayle... enfin voilà, quoi) et le scenario afin de, hélas, faire comprendre à Gayle qu'Astarion a vraiment gagné malgré tout.

Merde, ça me fait chier pour lui. Doudou... ç_ç Il mérite pas ça.

Bon. Ben va falloir maintenant rattraper le truc entre les deux sans tout casser. J'aime vraiment me mettre dans la sauce scénaristique... -_-