« Vous n'êtes pas obligé de répondre tout de suite hein. Je vais aller en discuter avec mes collaborateurs et… sinon on fera autrement ! annonça Gondar en se levant de sa chaise.
- Non mais je vais le faire, c'est bon.
- T'es sûr ? demanda Candice gênée.
- Ouais…
- Super ! sourit Gondar. Alors je reviens vers vous dès que j'ai les moyens dispos et… on y va !
- Ça marche… acquiesça-t-il en souriant doucement.
- Bonne journée ! déclara le policier en quittant l'espace vert avec assurance. »
Candice détacha rapidement ses yeux du commandant pour les poser sur le commissaire toujours bien mutique. Lunettes de soleil sur son nez, il fixait devant lui sans sourire. Gênée, Candice se tourna vers lui et pencha la tête vers la droite.
« T'étais pas obligé tu sais…
- Si ça peut vous aider…
- En tout cas je suis désolée… annonça-t-elle sincèrement.
- De ?
- Bah c'est de ma faute s'il est venu et si tu te retrouves à devoir bosser pour eux. Je vais encore gâcher un moment en famille et… tu vas m'en vouloir.
- Ça va… Moi au moins je te mens pas…
- Je t'ai pas menti Antoine… Je t'ai juste rien dit…
- Ah bon ? Et le coup de fil à Charlie juste après qu'on s'engueule et le coup du take-away… C'était pas des mensonges ?
- Oui, d'accord… Peut-être…
- Donc là au moins, les choses sont dites et on ne le fait pas dans le dos de l'autre…
- Ouais ! T'as raison… chuchota-t-elle en se levant pour venir derrière lui et encercler son cou. Et je suis désolée… continua-t-elle en embrassant sa joue avec tendresse.
- Mamannn ! entendit-elle arriver à leur droite.
- Oui ma chérie ?
- Y a Éloïse qui veut te dire bonjour… sourit-elle téléphone en main.
- Ohhhh ! Mais regarde-moi ce petit cœur ! Et comment elle va ? Hein ? lâcha-t-elle d'une voix enfantine avant de gazouiller devant l'écran.
- Elle arrête pas de rigoler depuis ce matin !
- Parce qu'elle est contente de te voir… Tu dois lui manquer…
- Hum ! Elle aussi me manque…
- Bah oui ! C'est sûr ! Et tu dis bonjour à papy ?
- Candice ! se plaignit-il alors qu'elle s'approchait avec le téléphone.
- Bah quoi ?! Regarde elle te fait des bisous en plus... observa-t-elle d'émotion pardessus son épaule. »
. . . . .
« Bon ! On est bien d'accord, la seule chose qu'on veut savoir c'est si oui ou non, elle a une relation avec Joseph. Après, on fera le travail derrière… Ok ?
- Ouais ! souffla-t-il alors que Gondar dissimulait son micro.
- Nous on reste dans le camion ici et si y a quoique ce soit on intervient. Vos enfants sont loin ?
- Ils sont à la piscine pour l'après-midi, pas de risque de les voir débarquer sur la plage ! expliqua Candice d'un sourire crispé.
- Parfait !
- Va les rejoindre ! ordonna Antoine.
- Nan… Je préfère rester ici et écouter…
- Je suis pas sûr que ce soit une bonne idée… ajouta-t-il fermé.
- Antoine ! Je sais ce que je fais quand même !
- Comme tu veux alors… souffla-t-il.
- Bon ?! Vous êtes prêts ?!
- Ouais !
- Tu fais attention hein… »
L'infiltré se contenta d'acquiescer avant de déposer un baiser sur sa joue. Il tourna les talons, s'éloignant du camion avec vivacité. Au loin, sa compagne l'observait fixement avant de rejoindre Gondar dans l'habitacle. Son presque collègue lui tendit une oreillette et la blonde la glissa dans son oreille. Désormais, c'était à Antoine de jouer ! Et malgré toute son expérience, Candice n'en était pas plus rassurée. Habitée par l'angoisse, elle cogna son crâne contre l'appui-tête et ferma les yeux avant de souffler bruyamment.
« Eh ! commença Gondar. Vous l'avez dit vous-même, Antoine est un super flic !
- Je sais… acquiesça-t-elle faussement rassurée.
- Tout va bien se passer… Il ne devrait pas tarder à arriver là… »
Et en effet, Antoine s'approchait doucement de la paillotte en question. L'air confiant, il réajusta ses lunettes de soleil et se présenta à l'accueil, visage fermé. Là il fallait désormais se glisser dans la peau d'un mec séducteur et énervé vis-à-vis de sa compagne. Techniquement, les choses ne s'annonçaient pas bien difficiles. Suffisait de retrouver son côté jeune dragueur et repenser à toutes les frasques de Candice. Un rôle plutôt simple en apparence donc…
« Eh bien ! Vous nous quittez plus ! lâcha une voix féminine au loin.
Tout sourire, Antoine tourna la tête et s'approcha d'elle.
- Laissez-moi deviner, vous vous êtes encore engueulé avec Candice et vous venez ici pour vous changer les idées…
- Dans le mille ! lâcha-t-il avec entrain. J'en peux plus de cette vie pourrie...
- Aïe...
- Il me faudrait un truc fort !
- Whisky, comme hier ?
- Allez !
- À force, on va finir par se tutoyer, vous croyez pas ?
- On peut ! sourit-il alors qu'elle passait derrière le comptoir. C'est drôlement calme à cette heure…
- Ouais ! C'est la sieste de l'après-midi là… Ça nous repose un peu…
- Je me doute…Ça doit pas être facile tous les jours…
- Ça va… sourit-elle. Alors ?! C'est à cause de quoi cette fois ?!
- Oh… Comme d'habitude… Mensonges, prise de tête et voilà… Toute façon on se comprend plus…
- Et les vacances n'ont rien arrangé ?
- Oh que non ! C'est encore pire même… Moi qui pensais ça permettrait de nous retrouver... Bah je crois qu'on s'est clairement perdus là... M'enfin... C'est sûrement parce qu'on est pas faits pour s'entendre hein… On s'aime pas vraiment quoi…
- Vous dites ça pour vous ou pour elle ? »
Dans le camion, Candice avait du mal à garder son sang-froid. Chaque réplique d'Antoine s'apparentait à un supplice et la blonde ne parvenait à encaisser et prendre du recul. Et leur situation actuelle n'était probablement pas anodine à cette crainte. Au contraire, elle prenait les choses au premier degré et chaque mot était un nouveau coup qui l'enfonçait plus bas que terre. Pourtant, il fallait feindre la solidité… Mais les choses devenaient compliquées et son voisin le comprit bien vite.
« Eh… Ça va ? chuchota-t-il tendrement.
- Ou…Ouais…
- Il pense pas ce qu'il dit, ok ? Et… il est dans son rôle.
- Je sais mais…
- C'est difficile à encaisser, oui. Mais justement, ça veut dire qu'il est très fort et vous pouvez être fière de lui.
- Hum… répondit-elle perplexe alors qu'Antoine reprenait son discours avec assurance. »
. . . .
« Je crois qu'en fait j'ai jamais vraiment été amoureux d'elle… Fin' après ma rupture avec mon ex, j'ai eu besoin de m'amuser et à un moment fallait bien se poser… la rencontre avec Candice est arrivée à point nommé, on va dire.
- Et moi qui pensais que vous étiez fusionnels…
- En public oui, on a l'air… mais dans le privé c'est pas ça. Candice est gentille d'apparence mais surtout insupportable… La preuve, on passe pas une seule journée sans s'engueuler. Puis elle est jalouse et ça me rend dingue…
- En même temps… Y a de quoi, non ?
- De quoi tu parles ?
- Bah… T'es super canon quoi… Donc forcément toutes les filles te regardent ! Même ma fille n'arrête pas de me dire que t'es un « papa super beau » … Puis t'es un mec intelligent, solide aussi… Fin' t'as toutes les qualités pour attirer le regard quoi…
- Ah ouais ?! C'est toujours sympa à entendre… répondit-il d'une voix rauque.
- Entre nous, tu mérites mieux…
Antoine rigola doucement alors que Candice fermait les yeux pour contenir ses larmes.
- Sérieux ?
- Bah oui, c'est flagrant… La meuf te fait tourner en bourrique h24 d'après ce que tu m'as déjà dit… Elle est égoïste… Fin j'sais pas, elle a pas l'air d'être quelqu'un de bien quoi…
- C'est clair que pour la supporter faut être fort hein… D'ailleurs, là j'y arrive plus… Ça fait 2 ans que je tiens bon mais là… je vais rendre mon tablier je crois…
- Tu vas la quitter ?
- J'sais pas… J'y réfléchis sérieusement… On partage plus rien à part des engueulades et des mensonges… À quoi bon ?
- L'herbe sera peut-être plus verte ailleurs… Puis t'inquiète que si tu la quittes, t'auras pas de mal à retrouver quelqu'un… Sur cette île peut-être même ! rajouta-t-elle en rigolant.
- Je vais la laisser repartir avec ses mômes et je vais rester ici limite… plaisanta-t-il hilare.
- Et pourquoi pas ?! D'ailleurs tu sais que Lina voulait qu'on sorte ensemble…
- Je sais. Suzanne m'en a parlé… Juste avant que Candice me fasse une scène d'ailleurs… Nouvelle engueulade au compteur… ironisa-t-il sans pincettes.
- Et c'est sympa de venir te plaindre dans mes bras à chaque fois…
- Question de confiance… Tu m'as l'air sincère et puis… c'est pas si désagréable…
- Oh…
- Puis techniquement je suis pas vraiment encore dans tes bras… »
Là c'en fut trop pour la commandante qui ôta son oreillette avec violence. Il était devenu impossible pour elle de distinguer fiction et réalité et les choses semblaient bien trop vraies pour faire comme si ce n'était pas le cas. Gondar la fixa avec surprise alors qu'elle ouvrait la portière, complètement déstabilisée.
« Faut que je sorte… marmonna-t-elle fébrile.
- Candice… entendit-elle depuis le camion alors qu'elle s'éloignait déjà en vitesse. »
Son prénom résonna dans son esprit bien trop embué pour lui permettre de retrouver ne serait-ce qu'une once de lucidité. Les bras croisés, la blonde avançait en fixant ses pieds. Et face à l'insupportabilité, valait mieux attendre au loin et souffler son amertume.
. . .
« Et… Ça aurait pu ? renchérit-il séducteur
- De ?
- Qu'on sorte ensemble ? Si y avait pas eu Candice…
- Je sais pas… Si j'étais libre, peut-être…
- Putain ! Attends ?! T'es pas libre ?!
- Chuuut ! Moins fort… Personne est au courant…
- Purée mais je me sens con. Pas envie que ton mec me tombe dessus…
- Mais nan… Il en saura rien. Puis on a rien fait de mal et toi aussi t'es maqué je te rappelle…
- Ouais fin, on est plus au bord de la rupture que du mariage quand même…
- Quand même…
- Et ça fait combien de temps ?
- Quelques mois. Mais on reste caché parce qu'il est pas libre de son côté et sa situation est un peu compliquée…
- Et tu l'aimes ?
- Ouais… Depuis des années… Mais c'était pas possible qu'on soit ensemble tous les deux alors, je suis restée dans l'ombre… Comme quoi parfois, l'attente ça paye…
- Hum… Et il s'appelle comment ?
- Ah non ! Ça je dirais rien !
- Ça vaaaa… Je pars dans 3 jours… Puis je connais personne ici !
- Bah on sait pas, si tu décides finalement d'abandonner ta meuf…
- Ah oui ! C'est vrai ! répliqua-t-il en rigolant faussement.
- Mais j'espère que d'ici quelques semaines on sera enfin libres de vivre notre histoire sans se cacher… »
. . . .
Quelque peu fier de lui, Antoine rebroussa chemin discrètement jusqu'au petit camion blanc banalisé. Techniquement, la mission était réussie. Antoine avait réussi à obtenir les informations nécessaires et la police allait pouvoir creuser sur le sujet…
« Alors là, chapeau ! s'écria une voix sur fond d'applaudissements. Nan vraiment vous avez été très bon…
- Tant mieux… J'espère que j'en ai pas trop fait…
- Ah non ! Franchement c'était top…
- Hum… acquiesça-t-il en ôtant le micro. Vous avez tout ce que vous voulez ?
- Ouais… Mais dans ce genre d'affaire, on marche sur des œufs. Faut pas se précipiter au risque que le type nous file entre les pattes…
- Je comprends… Et Candice, elle est où ?
- Euh… Elle est sortie du camion en plein milieu de la discussion, pas très bien. Elle a pas supporté je crois… Et encore… Elle a pas assisté au câlin de la fin…
Paniqué, Antoine souffla avant de regarder les alentours avec angoisse.
- Elle est partie par où ?
- Elle a grimpé dans les hauteurs par le petit chemin à gauche. De là-haut, on surplombe la plage.
- Ok ! Merci ! »
