« Je vais essayer de l'appeler… chuchota-t-elle d'inquiétude en collant son téléphone à son oreille. Réponds chéri, rep… Messagerie directe… conclut-elle dramatique. C'est pas normal…
- Peut-être qu'il a pas de réseau, toute l'île n'est pas bien connectée vous savez… Et s'il est perdu, il a pas pu rentrer…
- Mais on s'est pas éloignés ! On est restés sur le littoral… Même s'il était perdu, suffisait qu'il demande son chemin à quelqu'un !
- Problème réglé… réfléchit Maya avec détresse.
Candice lui jeta un œil, soudainement angoissée.
- Mais ? C'est moi le problème dans l'histoire... C'est moi qui me suis mêlée de vos affaires, c'est pas lui... Je…
- Sauf que Joseph est ultra possessif et jaloux. Il en devient parfois violent et… s'il a vu Antoine se rapprocher de moi et maintenant de Fanny…
- Violent comment ?
- Je sais pas… J'ai l'impression de plus connaître cet homme…
- J'aurais jamais dû aller faire mon sport ce matin… souffla le jeune homme visiblement affecté.
- Eh ! C'est pas de ta faute d'accord… le rassura-t-elle en le prenant dans ses bras. C'est moi la responsable de tout, ok ?
- Qu'est-ce qu'on fait alors ? »
Meurtrie, Candice l'enlaça de plus belle et osa déposer un baiser sur son front. Au fond, la blonde était rongée par l'inquiétude de savoir Antoine seul dans la nature avec ce taré qui cherchait potentiellement à s'en prendre à lui, si ce n'était pas déjà fait… Pourtant, les 5 enfants étaient sous sa responsabilité et il fallait faire bonne figure. Alors elle durcit son regard et reprit une certaine lucidité avant d'expliquer les étapes à suivre à son fils dans un déni presque inévitable.
« Tu vas me chercher Emma ?
- Ok ! accepta Martin en désertant ses bras pour rejoindre le bord de plage en courant.
- On va avoir besoin de vous aussi… souffla-t-elle à Maya.
- Je suis vraiment désolée hein…
Candice haussa les épaules, fataliste.
- Qu'est-ce qu'il y a ? lança Emma aux côtés de son frère.
- Euh… Il va falloir que vous vous occupiez de Suzanne. On a pas de nouvelles d'Antoine et il faut qu'on règle cette histoire.
- Mais pas de nouvelles comment ça ? paniqua-t-elle.
- C'est peut-être rien de grave, ok ? mentit-elle. Mais pour l'instant, j'ai juste besoin d'être sûre que je peux compter sur vous avec votre demi-sœur.
- Bah oui ! confirma-t-elle. Mais qu'est-ce qu'on lui dit si elle pose des questions ?
- Il est parti se promener, faire des courses… Je… vous allez bien trouver… et surtout, vous faites attention à elle, ok ? Qu'il lui arrive rien, sinon il va nous tuer.
- Et toi ?
- Moi je vais appeler Gondar et Martin va venir avec moi.
- Ça va aller ? demanda-t-elle en la voyant tremblante.
- Faut bien… »
Emma l'embrassa tendrement avant de lui souhaiter bon courage, l'air rempli de compassion. Sa mère l'observa s'éloigner et ordonna à Martin de retracer leur chemin sur son téléphone. Plus les informations étaient précises, plus les chances de le retrouver étaient encourageantes. Pourtant, tout son être s'orientait vers l'angoisse et la culpabilité. Alors Candice ne perdit pas de temps et s'empara de son téléphone pour contacter son nouvel acolyte.
« Allô ? entendit-elle d'une voix rauque.
- Vous êtes déjà partis ?
- Nan ! On est passés chez Fanny lui prendre des affaires et confier sa fille à sa collègue. Pourquoi ?
- Y a… Y a un problème avec Antoine. Il était parti courir avec mon fils et ils se sont séparés sur le chemin. Sauf qu'il est toujours pas rentré et que son téléphone est sur messagerie… C'est pas normal… expliqua-t-elle en ravalant ses larmes.
- Merde !
- J'suis super inquiète… avoua-t-elle à demi-mots. Si le problème à régler c'était lui, je…
- Ok… bafouilla-t-il. Je… Vous nous rejoignez à la réception ? On va rapatrier Fanny au poste et vous allez venir avec nous. On va lancer un avis de recherche et on va tenter de retracer son parcours.
- Mon fils est en train de le faire aussi…
- Parfait ! On vous attend. »
. . . . .
De retour dans cette petite pièce sombre, Candice tapotait la table en fer avec anxiété. Face à elle, son fils expliquait au policier le chemin qu'ils avaient parcouru. Depuis leur logement, suivant la côte, jusqu'à l'entrée d'une forêt dans laquelle ils n'étaient pas entrés. Enfin, du moins pas Antoine. Ils avaient rencontré peu de monde, quelques vacanciers bien matinaux et s'étaient séparés d'un accord commun, Martin s'enfonçant dans le petit chemin de terre alors que son beau-père rebroussait chemin jusqu'au centre-ville.
« Le chemin mène à une plage sauvage sur la gauche. Et à droite, c'est la forêt.
- Et tu es sûr qu'Antoine ne s'y est pas dirigé ?
- Non ! On a dépassé la barrière à la sortie du parking et il a fait demi-tour direct. Moi j'ai continué jusqu'à la plage, c'est tout.
- Et sur ce parking, y avait du monde ?
- Euh… Je sais plus… Je crois pas ! Y avait un petit fourgon blanc et une voiture rouge, mais elle est là depuis qu'on est arrivés je crois.
- Et y avait personne ?
- Non…
- Et quand t'as fait demi-tour ? Y a rien qui t'a paru suspect ?
- Mais j'en sais rien….
- Réponds Martin, souffla Candice. Réfléchis doucement, c'est super important.
- Tout était comme à l'aller… Y avait juste un peu plus de monde sur le chemin et sur le parking…
- C'est tout ?
- Oui… confirma-t-il en baissant la tête.
- Je comprends pas ce qui a pu se passer… intervint Candice.
- Personne n'a pu s'en prendre à lui en plein centre-ville, c'est trop dangereux et beaucoup trop exposé. Idem sur la promenade maritime…
- Alors pourquoi il répond pas ?
- Bon, on a plus le choix, on va borner son téléphone et on va préparer une alerte pour disparition inquiétante.
- Depuis le temps que je vous dis de le faire… cracha-t-elle sans amabilité.
- Joe ?! se tourna-t-il vers son collègue. Tu t'occupes de Candice ? Moi je vais finir avec Martin. »
La blonde sentit ses yeux s'inonder de larmes. Une heure qu'ils étaient dans ces locaux et que les nouvelles n'étaient pas celles attendues. Antoine ne daignait toujours pas répondre. Joseph était toujours porté disparu, aidé par Hugo son ami flic qui venait de trahir tout le bureau. D'ailleurs, personne n'avait entendu parler de lui depuis la veille. Et tout poussait à croire que les deux hommes étaient désormais ensemble pour mener la suite des opérations.
Candice prit place face à ce jeune policier qui réajustait ses lunettes sur son nez. Il s'empara de la souris d'ordinateur et fixa Candice avec compassion.
« Vous voulez un mouchoir ?
- Merci… accepta-t-elle alors qu'il lui tendait dans un sourire.
- Bon, je vais avoir besoin de vous pour dresser un portrait de lui. Je vais donc vous…
- Pas la peine de m'expliquer, j'suis flic moi aussi…
- Ah… bredouilla-t-il de gêne. Pardon… Alors, âge ?
- 47 ans.
- Taille ?
- 1m85.
- Corpulence ?
- Musclée… Surtout sur le haut du corps…
- Ok ! Couleur des cheveux ?
- Il est brun avec des yeux verts. Une barbe taillée et le teint hâlé.
- Est-ce qu'il a un signe distinctif ? Tatouage ? Cicatrice ?
- Euh… Non… Pas vraiment…
- Les vêtements qu'il portait aujourd'hui ?
- Il avait des baskets noires. Un short vert je crois et il a mis un marcel blanc mais s'il faisait trop chaud, il a pu le retirer…
- Bien ! Est-ce que vous pouvez m'envoyer une photo de lui s'il vous plaît ?
- Déjà transmise sur le mail de votre chef… expliqua-t-elle en fixant la photo avec tristesse.
- Bon bah tout est parfait ! »
« Si vous le dites » marmonna Candice en levant les yeux au ciel. Visiblement, tout le monde n'avait pas la même définition du mot « parfait ». Joe sortit du bureau et réapparut quelques minutes après, photo du commissaire en main. Il lui montra tout sourire, demandant son approbation quant au cliché. Antoine détestait cette photo de lui, et s'il savait qu'elle s'apprêtait à se diffuser à l'échelle de l'île, serait probablement en train de faire sa mauvaise tête, songeait Candice en souriant doucement. Rapidement, Joe la transita vers la pièce attenante où Martin siégeait face à Gondar qui faisait preuve de concentration à toute épreuve.
« Alors c'est bon ? demanda son fils.
- Oui ! Et vous ?
- Son téléphone a borné pour la dernière fois à 9h42 à proximité du parking.
- Sauf qu'on s'est séparés à 9h34.
- Tu en es sûr ?
- Oui. J'ai mon application de course, et à cette heure-là, mon activité était en pause.
- Donc dix minutes après il était encore là-bas ? Mais pourquoi ?
- Ça c'est la question… On a réfléchi et y a plusieurs options. Bon, la moins probable c'est qu'il se soit perdu… Mais peut-être qu'Antoine a vu quelque chose de compromettant et on a tenté de le faire taire. Ou il aurait directement pu être agressé par Joseph.
- Mais vu la corpulence d'Antoine, c'est pas Joseph tout seul qui réussirait à le faire disparaître comme ça.
- Non… Mais il y a Hugo et on a fort à parier qu'ils sont ensemble actuellement.
- Super ! pesta-t-elle. Et lui sait toutes les infos sur l'enquête et sur nous…
- Oui. Et notre priorité absolue est désormais de le retrouver hein.
- Sinon, commença difficilement Martin, peut-être qu'il était suivi et a tenté de le semer mais les choses ont mal tourné…
- Comment ça ?
- S'il s'est enfoncé dans la forêt en espérant semer Joseph, son téléphone a perdu tout signal. Nos forêts sont très sauvages et complètement déconnectées de nos réseaux.
- C'est un cauchemar… souffla Candice en s'affaissant sur la chaise devant le bureau. Et elles sont dangereuses ces forêts ?
- Pour quelqu'un qui n'y est pas habitué… Oui…
- C'est-à-dire ?
- Bah ce sont des milieux sauvages, y a des insectes, des animaux… Et nos offices redoublent d'attention pour lutter contre le braconnage et…
- Le braconnage ?! releva-t-elle terrifiée.
- Oui… Mais Antoine est flic et va pas faire n'importe quoi…
- Ah parce que s'enfoncer dans une forêt sauvage dans une île qu'on ne connaît pas c'est pas n'importe quoi peut-être ?! s'emporta-t-elle folle de rage.
- Il n'a peut-être pas trouvé mieux sur le moment… tenta Martin. Ça va aller maman… la rassura-t-il en caressant son dos.
- Qu'est-ce qu'on va faire alors ?
- Lancer l'alerte pour disparition inquiétante et… organiser une battue dans la forêt. On va mobiliser toutes nos équipes. De toute façon la corrélation entre l'affaire de Joseph, la sortie de l'article et la disparition d'Antoine est trop forte pour que ce soit une simple coïncidence. Si on retrouve Antoine, on retrouve Hugo et Joseph.
- Sauf s'ils le retrouvent avant nous et qu'ils s'en prennent à lui. »
