TW - Auto-violence (auto-mutilation ?), suicide, drogue.

Bonne lecture :)

PS : il y aura beaucoup plus de Tony dans les prochains chapitres, promis !


Au lendemain du gala de charité de Stark Industries, Tony et Pepper se montrèrent étonnamment attentionnés envers Peter. Ils lui avaient préparé des gaufres et avaient racheté ses céréales préférés ; lorsque Peter renversa la moitié de la brique de lait dans son bol, Tony ne fit aucune réflexion, en dépit du jugement qu'il devinait au fond de son regard (ils avaient eu de nombreux débats sur la question, durant lesquels son père s'était montré inflexible : les céréales devaient toujours être versées avant le lait : l'inverse était une hérésie).

La seule qui se montra distante avec lui, ce fut Morgan.

Si Peter crut tout d'abord qu'elle était simplement fatiguée — ou légèrement vexée de l'attention que lui portaient ses parents, ce qu'il aurait été incapable de lui reprocher —, il comprit un peu plus tard les griefs qui empoisonnaient son naïf cœur d'enfant.

Ils étaient tous les deux sur le canapé, regardant une vieille série de science-fiction que leur avait recommandé Friday, lorsque l'adolescent avait senti le regard de la fillette s'arrêter sur lui, lourd et insistant.

— Tu as besoin de quelque chose, Mo' ? finit-il par lui demander, déstabilisé.

Avisant son gobelet vide, il tenta :

— Tu veux que j'aille te rechercher du jus de fruits ? C'est bien celui à la fraise, ton préféré ?

Morgan le fixa silencieusement quelques secondes encore, avant de lâcher, de sa voix flûtée qu'appesantissaient les reproches :

— T'as fait pleurer papa.

— Q-quoi ?

— T'as fait pleurer papa, répéta-t-elle, puis plus fort, presque agressivement : Avant que tu reviennes, il avait jamais pleuré. Il est plus pareil, depuis que t'es là. C'est pas juste, je veux retrouver mon papa d'avant !

Peter ne comprit pas immédiatement. Il n'y avait ni contexte, ni explications. Simplement des mots qui lui transpercèrent le coeur.

Il réalisa alors qu'après être sorti de sa chambre, la nuit précédente, Tony avait probablement laissé échapper quelques larmes de soulagement — ou peut-être était-ce simplement la pression qui était retombée. Morgan avait été réveillée par la conversation qui avait dû s'ensuivre entre ses parents, et avait passé la tête dans l'entrebâillement de la porte pour voir ce qu'il se passait. Elle avait alors vu les stigmates laissées par les larmes de Tony et avait compris, à ses échanges avec Pepper, que Peter était la cause de son chagrin.

Et désormais, elle lui en tenait rigueur. C'était normal : elle avait six ans, elle voyait encore le monde en noir et blanc. En faisant pleurer leur père, Peter avait plongé du côté obscur de son univers.

L'adolescent ne réalisa qu'il avait serré les poings que lorsqu'il vit le sang perler entre ses ongles ; la douleur était devenue familière, trop légère pour interrompre le flot paniqué de ses pensées. Il écarta ses doigts et les essuya contre un mouchoir. Indifférente à l'explosion qu'elle avait causé dans les émotions de son frère, Morgan s'était remise à regarder la télé, les bras noués autour de son ours en peluche. Seules les nuances de rouge qui persistaient sur ses joues trahissaient son brusque accès d'humeur, désormais achevé.

Peter aurait voulu être capable de l'imiter. De passer à autre chose aussi facilement. De ne pas songer à la souffrance qu'il laissait dans son sillage depuis son retour de l'Eclipse. D'oublier. Mais plus il cherchait à calmer les battements erratiques de son coeur et plus le mal-être grandissait, l'étouffait, lui donnait la nausée. Il quitta brusquement le salon, incapable de rester immobile une seconde supplémentaire, et se précipita dans les toilettes, s'écorchant les genoux alors qu'il s'agenouillait devant la cuvette.

Il aurait donné n'importe quoi pour vomir. Pour recracher les émotions négatives qui infectaient son corps. Malheureusement et en dépit des soubresauts douloureux de son estomac, rien ne vint. Il se rinça tout de même la bouche, passa les doigts sur les éraflures que ses ongles avaient creusé dans ses paumes et rêva un instant de les rouvrir. D'en faire de véritables entailles qui, en sectionnant la chair, auraient estompé la douleur qu'il ressentait au plus profond de son être.

— Bah alors Pete, qu'est-ce qu'il se passe ?

Peter leva les yeux de son téléphone. Après l'avoir accompagné au lycée, son père lui avait envoyé plusieurs messages pour lui dire que s'il se sentait mal, il ne devait pas hésiter à aller à l'infirmerie ou, encore mieux, à l'appeler — auquel cas, il viendrait aussitôt le chercher.

Ouais, histoire que son fils soit encore plus un boulet.

L'adolescent décida de ne pas lui répondre, rangea son téléphone et reporta son attention sur Harry qui l'observait d'un air soupçonneux. Ils étaient tous les deux dans la cour du lycée, assis sur les marches qui menaient au bâtiment principal. Pour une fois, Gwen n'était pas avec eux : elle leur avait faussé compagnie pour aller dans une salle de classe vide et rattraper les devoirs qu'elle n'avait pas eu le temps de faire en raison de sa soirée chez Harry — celui-ci n'avait pas semblé s'en inquiéter outre mesure, estimant que ce qu'il avait griffonné pendant son trajet jusqu'au lycée était suffisant.

— Allez, raconte. C'est à cause de ton vieux ? Sa fête s'est mal finie ? Il t'a grillé en train de boire du champagne ? Me dis pas qu'il t'a engueulé à cause de ça, ça serait une grosse blague ! Comme si à notre âge, Tony Stark ne se mettait pas des mines toutes les semaines !

Peter aurait tant voulu tout lui raconter : Spider-Man, la peur qui était devenue son quotidien, ses amis qui lui manquaient, Morgan qui le détestait, Pepper qui ne pourrait jamais être sa mère et surtout sa relation défaillante avec Tony, Tony qu'il faisait tant souffrir, ce qui était sûrement la raison pour laquelle il s'éloignait de plus en plus de lui — si seulement il était capable de retrouver la flamme qui, autrefois, brûlait dans ses veines et lui permettait d'être un héros… au moins, il n'aurait pas tout perdu…

— Peter ?

Les yeux de Harry étaient plongés dans les siens, lumineux et accueillants, enclins aux confidences. Je te comprends. Toi et moi, on est pareil, semblaient-ils dire.

Alors Peter décida de faire confiance à ces yeux qui, à cet instant, apparaissaient comme ses seuls alliés à des kilomètres à la ronde.

— T'as déjà eu l'impression d'être bloqué ? Comme si y'avait un truc dans ton corps qui t'empêchait de ressentir la même chose que d'habitude ? Une sorte de… de peur ? Mais c'est pire que de la peur, parce que ça te gèle complètement de l'intérieur, tous tes repères ont disparu et t'as plus le courage d'avancer ?

Sans se l'expliquer, il pensa soudainement à MJ et il détourna le regard. Cela faisait plusieurs jours qu'il n'avait pas échangé avec elle, et il l'imaginait froncer les sourcils devant l'écran de son portable, persuadée qu'il l'avait déjà oubliée. Devait-il l'ajouter à la liste de toutes les personnes qu'il avait blessées ?

— Et quoi que tu fasses, tu sais que tu feras tout foirer, acheva-t-il à voix basse.

Il sursauta lorsque la main de Harry se posa sur son épaule.

— Woah, Stark, je t'avais jamais vu comme ça. Rassure-moi, tu vas pas te foutre en l'air dans les toilettes ? Parce que si c'est le cas, désolé, mais je compte pas te laisser faire. J'voudrais pas avoir la mort de quelqu'un d'aussi mignon sur la conscience.

Peter ne parvint pas à sourire à la « blague » de son camarade. Réalisant que Peter ne plaisantait pas, Harry redevint aussitôt sérieux.

— Okay, tu commences à m'inquiéter.

Il réfléchit quelques instants, puis ajouta :

— J'ai l'impression que t'aurais besoin d'un bon remontant. Hors de question que je te laisse aller en cours dans cet état.

Peter secoua la tête :

— J'adore ta Beluga, mais je ne crois pas que la vodka soit la solution à tout.

— Je ne pensais pas à de l'alcool, rectifia Harry.

Un nouveau sourire empreint de mystère se glissa sur son visage ; l'intérêt de Peter fut piqué malgré lui.

— Plutôt à une sorte d'activité qui te permettra de te vider un peu la tête.

Sans plus de cérémonie, il se releva, ajusta la bandoulière de son sac à dos et se dirigea d'un pas léger vers la sortie du lycée. Bien qu'habitué aux frasques de son camarade, Peter ne put retenir une exclamation de surprise :

— Harry, on reprend dans dix minutes ! On ne peut pas partir comme ça !

— Pourquoi ? Qu'est-ce qu'on va nous faire, nous lâcher des chiens policiers aux trousses ? Avertir Interpol ?

Peter emboîta le pas de Harry, désireux de lui faire changer d'avis — tout en sachant pertinemment qu'il ne l'écouterait pas.

— Gwen va se demander où on est ! essaya-t-il en désespoir de cause, ce qui arracha un petit rire à son interlocuteur.

— Gwen va surtout regretter de ne pas nous avoir accompagnés. La prochaine fois, on l'emmènera avec nous.

Ils traversèrent le portail du lycée sans attirer l'attention. Peter soupçonnait le surveillant d'avoir lui-même profité de la pause pour fumer une cigarette un peu plus loin.

— Détends-toi, Petey. Je t'assure que tu vas aimer ça.

Peter n'en était pas certain. Harry et lui s'enfonçaient dans des ruelles isolées qui lui rappelaient celles dans lesquelles il avait pris l'habitude de patrouiller, naguère. Il sentit son coeur se resserrer, sa respiration s'accélérer. La panique tambourinait de nouveau dans sa poitrine, l'air semblait se raréfier autour d'eux, et il eut toutes les peines du monde à dissimuler son malaise.

— On y est, affirma finalement Harry au beau milieu d'une impasse.

Peter fronça les sourcils, ne comprenant pas où son camarade voulait en venir — puis ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il le vit grimper sur le couvercle d'une poubelle, esquivant adroitement des détritus malodorants.

— Okay, parvint-il à dire. Tu m'as emmené ici pour… escalader des poubelles ?

— Pas seulement des poubelles. T'as déjà fait de l'alpinisme, Pete ?

— Qu'est-ce que…

Harry avait noué ses mains autour d'une gouttière et s'attelait à l'escalader avec une aisance surprenante. Arrivé à mi-chemin, il jeta un regard par-dessus son épaule et gratifia Peter d'un grand sourire.

— T'attends quoi pour me rejoindre ?

— Putain, Harry, t'es… t'es complètement fou ! Tu risques de tomber, de te casser un truc ou… ou pire !

— Si ça m'arrive, je compte sur toi pour me rattraper, rétorqua Harry avec un clin d'oeil.

C'était de la folie. De l'inconscience. Harry jouait avec le feu, perché une dizaine de mètres au-dessus du sol, ne tenant quasiment qu'à la force de ses bras.

Malgré l'angoisse qui fourrageait son estomac, Peter ne tint plus. Il se précipita après son camarade et n'eut aucun mal à le suivre, ses mains et ses pieds trouvant naturellement appui sur la gouttière ainsi que sur l'infinité d'estafilades qui creusaient la façade de l'immeuble qu'ils escaladaient. Il n'arrivait plus à réfléchir, ni même à prendre garde à ses propres émotions ; toute son attention était focalisée sur Harry. Ses cheveux roux foncé reflétaient les lueurs du soleil alors qu'il s'élançait de plus en plus haut, riant aux éclats.

Ce ne fut que lorsqu'ils eurent atteint le toit de l'immeuble que Peter réalisa ce qu'ils avaient faits.

Pour la première fois depuis des mois, il était parvenu à accomplir une chose qu'aurait pu faire Spider-Man — et rien ne l'avait bloqué. Alors que l'adrénaline se retirait peu à peu de ses veines, il sentait un soulagement intense se répandre dans son corps, et ce fut plus fort que lui : il se mit à rire, d'abord nerveusement, puis de plus en plus fort, d'une manière presque hystérique.

— Voilà, c'est comme ça que je veux te voir ! s'exclama Harry en lui donnant une grande tape dans le dos. Mais le parcours ne fait que commencer ! Suis-moi, camarade !

— Le parcours ? Harry, quel parcours ?

Mais déjà, Harry s'était éloigné. Il prit son élan, courut et sauta — sans la moindre hésitation — sur le toit de l'immeuble d'à côté. Il se réceptionna de justesse sur la pointe des pieds et exécuta une révérence profonde en direction de Peter.

— A ton tour !

Peter ne put s'empêcher de vouloir l'impressionner. Il s'élança sur ses traces, fit un bond, exécuta un salto et retomba sur ses pieds, de l'autre côté du gouffre qui séparait les deux bâtiments.

Comme escompté, Harry avait les yeux grands ouverts et pour une fois, sembla à court de mots.

— W… Woaaaah, c'était gé-nial ! finit-il par dire, avec une telle joie que Peter rit à nouveau. T'es génial, Stark ! Faut absolument que tu m'apprennes à faire ça ! On continue ?

Et c'est ainsi que les deux adolescents passèrent leur matinée à sauter de toits en toits et à marcher en funambule sur des gouttières brinquebalantes, côtoyant le vide l'un derrière l'autre ou parfois côte à côte, leurs mains se frôlant tandis qu'ils cherchaient un équilibre commun.

Ils décidèrent finalement de faire une pause sur les toits fleuris d'un immeuble d'habitation et s'assirent sous les frondaisons parfumées de citronniers en pots. Le coeur battant la chamade, Peter se fit la réflexion que Harry avait eu raison : son esprit était délicieusement vide, il ne ressentait rien d'autre que la joie et la fierté d'avoir sillonné les hauteurs de New-York.

Sa seule crainte était que ce sentiment soit de courte durée, mais Harry avait, semblait-il, les moyens de le prolonger. Il fouilla dans son sac et en sortit un petit attirail que Peter ne reconnut pas immédiatement. Lorsque ce fut le cas, il s'exclama, interloqué :

— C'est du tabac ?! Je ne veux pas avoir l'air trop dramatique mais enfin, tu sais qu'il y a au moins soixante-dix substances cancérigènes dans la fumée de cigarette ? C'est super-dangereux !

— Tant mieux, parce que ce n'est pas une cigarette. La dernière fois, je ne vous ai pas montré toutes les pièces du laboratoire, à Gwen et toi. Ma mère n'était pas seulement une excellente scientifique, c'était aussi une botaniste hors pair.

Il froissa quelque chose entre ses doigts, puis le lécha du bout de la langue. Ses gestes étaient précis, expérimentés… et fascinants.

— Elle faisait pousser la meilleure herbe de la ville. Tellement bonne que même mon père n'a pas pu se résoudre à s'en débarrasser. Et puis ce n'est pas comme si ça faisait du mal à quelqu'un…

— Quel genre d'herbe ? Pour les animaux ?

Harry s'esclaffa.

— T'es vraiment trop chou.

Il exhiba dans le creux de sa main un petit cône blanc d'où s'échappaient quelques feuilles brun-vert, et qui sentait un curieux parfum évoquant la paille.

— T'as jamais fumé, hein ?

Peter secoua vivement la tête.

— Non, et c'est pas vraiment le genre de truc qui m'attire, dit-il. D'après MJ, le lobby du tabac mènera les pays riches à leur perte, s'ils ne font pas attention.

— Je peux t'assurer qu'aucun lobby n'a jamais mis les pieds dans les serres de m'man. Tu sais quoi ? Je vais t'apprendre à fumer et, si ça ne te plaît pas, je n'insisterai pas. Ce n'est pas compliqué, tu dois simplement… respirer.

Il posa sa main sur la cage thoracique de Peter, comme s'il cherchait à jauger la puissance de son souffle. L'adolescent cilla mais le laissa faire, sa poitrine s'élevant et s'abaissant sous la paume de son camarade.

— Voilà, comme ça.

Son regard fut bientôt hypnotisé par la flamme qui avait embrasé l'extrémité du petit cône d'herbe. Sans le lâcher, Harry le glissa entre les lèvres de Peter.

— Inspire, puis prends une grande bouffée d'air. Lorsque tu expireras, ça ressortira tout seul.

Peter obéit. Un goût puissant, de fumée et d'herbe, emplit sa bouche ; il inspira et recracha presque immédiatement une fumée suave qui le fit tousser et lui fit monter les larmes aux yeux. Il avait la sensation que sa langue brûlait et il cracha par terre, cherchant à se débarrasser de cet infâme goût qui s'attachait à ses papilles gustatives. Toutefois, la douleur qui incendiait toute la région de sa bouche était doublée d'un début de quiétude qu'il n'avait jamais ressentie auparavant, et sa tête tournait très légèrement, d'une façon qui n'avait rien de désagréable.

— T'en fais pas, c'est toujours un peu bizarre, la première fois, dit Harry.

Il tira longuement sur le joint, souffla un rond de fumée et ajouta :

— Je comprendrais, si tu veux arrêter.

— N-non ! J-je veux… (Peter fut saisi d'une nouvelle quinte de toux.) Je veux continuer !

Le sourire de Harry indiquait qu'il n'avait jamais imaginé le contraire.

Quelques instants plus tard, les deux adolescents étaient allongés l'un à côté de l'autre, ignorant l'inconfort du toit sur lequel ils avaient élu domicile. Le soleil était très haut dans le ciel ; ses rayons leur parvenait à travers les branches des citronniers, éclaboussant leurs visages de touches de lumière inédites qui faisaient ressortir une constellation de taches de rousseur sur la pommette gauche de Harry. Ils se passaient le joint, soufflant au-dessus d'eux des volutes blanches qui se confondaient presque avec les nuages.

— Comment t'as su que j'aimerais ça ? Ce parcours sur les toits, je veux dire, demanda brusquement Peter, fixant un regard rêveur sur une nuée d'oiseaux qui fusait au-dessus d'eux.

— Je t'ai observé. Longtemps. La plupart des gens s'arrêtent aux apparences, mais moi, je voulais voir qui tu étais vraiment, alors je t'ai regardé quand tout le monde avait les yeux ailleurs.

— Okay, ça devient un peu flippant, là. Est-ce que c'est le moment où je dois avoir peur de me faire kidnapper ?

Harry pouffa.

— Nan, c'est pas mon genre.

— Me voilà rassuré, soupira Peter.

— J'ai vu ton manège au cours de sport, poursuivit son camarade. Tu fais de ton mieux pour avoir l'air nul, mais ça crève les yeux que t'adores ça. T'es jamais essoufflé, t'es adroit, c'est impressionnant. Et tu regardes très souvent vers le ciel. Je savais que ça te ferait plaisir de prendre un peu de hauteur.

— C'était quand même risqué…

— Mais tu as aimé ça.

— J'ai aimé ça, confirma Peter.

Il aurait été incapable de le nier.

Un sourire ébahi s'attardait sur ses lèvres. Ses pensées tourbillonnaient paresseusement dans son esprit, il se sentait bien, comme s'il flottait à quelques centimètres du sol.

— Je suis heureux, réalisa-t-il, et il fut transporté d'une telle euphorie que s'il ne s'était pas senti aussi engourdi, il se se serait sans doute redressé pour serrer Harry dans ses bras. J'ai jamais été aussi heureux de toute ma vie…

— T'es défoncé, surtout, corrigea Harry. Mais c'est pas une mauvaise chose. Vaut mieux être défoncé qu'accepter de se laisser faire et de rejoindre nos pères dans leur monde pourri d'adultes.

— Mon père va péter un plomb, quand il saura que j'ai séché les cours pour fumer avec toi, gloussa Peter.

— N'y pense pas. On a encore toute l'après-midi devant nous.

Il se redressa sur le coude, son visage malicieux surplombant celui de Peter.

— On va chez moi, avant que tu ne t'endormes ici ? L'état dans lequel t'es, c'est le meilleur pour créer de supers trucs au laboratoire. Il n'y a plus de barrière, plus rien pour te retenir d'exprimer ton génie !

— Ah ouais, t'es sûr ?

— Pas vraiment, admit Harry, et ils rirent à nouveau. Mais bon, on risque quoi ? Au pire, on fera exploser un truc ou deux, pas de quoi en faire toute une histoire. Et au mieux, on perpétuera l'oeuvre de ma mère.

— Ma mère aussi était scientifique, dit Peter en se redressant à son tour. Elle aurait sûrement beaucoup aimé la tienne… enfin, je suppose. Je ne m'en souviens plus très bien. Mince, pourquoi je parle de ça ?

— Parce que t'en as besoin. Te retiens pas, Peter. Tu peux tout me dire, je suis là pour ça.

Harry passa un bras autour de son épaule, en signe d'affection ou de soutien, cela importait peu. Il était solide, rassurant ; le roc dont Peter avait désespérément besoin.

— Après tout, tu es mon ami, ajouta Harry, comme pour le conforter dans cette idée.

Peter en fut touché. Plus touché qu'il ne l'aurait été dans son état normal.

— Tu le penses vraiment ? bafouilla-t-il.

— Bien sûr. Gwen et toi, vous êtes tellement… différents. J'ai jamais rencontré personne comme vous, avant.

Il pressa l'épaule de Peter.

— Au début, c'est vrai, c'est ton nom qui m'a attiré, mais t'es bien plus que ça. Je le sais, Gwen le sait, tout le monde le sait, sauf toi. T'es quelqu'un d'exceptionnel, Peter.

Il prit une nouvelle inspiration parfumée au citron et à l'herbe.

— Quoi qu'en dise mon père, Tony Stark aura au moins fait une chose de bien dans sa vie. Toi.

Ce fut à cet instant que Peter prit conscience que par la force des choses, Harry était aussi devenu son ami.

Et peut-être le meilleur.