Penaude, Candice les observait s'activer. Gondar et son équipe étaient en ébullition, préparant les équipements, cartes, talkies et lançant des ordres à tout va. Prostré, la blonde n'en était plus que spectatrice, démunie de tout pouvoir d'action sur la situation. En même temps, on pouvait dire que sa lucidité lui faisait défaut. Au contraire, son esprit se chargeait de scénariser les pires histoires dans lesquelles le héros ne survivait pas. Ces pensées noires l'envahissaient, l'empêchant de réfléchir sereinement à une issue heureuse et fiable.
« On vient d'appeler du renfort ! intervint Gondar avec vivacité. Malheureusement les maîtres-chiens sont mobilisés de l'autre côté de l'île dans une histoire de trafic de drogue. On va devoir s'en passer.
- Ok très bien, se reprit-elle. On va déposer Martin à la plage et on y va.
- Alors non… on va vous déposer tous les deux et on va y aller.
- Ah non mais moi je viens avec vous !
- C'est hors de question. Vous n'êtes pas équipée. Je rappelle qu'on s'aventure dans un milieu qui vous est hostile et que c'est pas en robe de plage et en tong qu'on s'y rend !
- Mais vous me prêtez la tenue, je… je vais pas survivre sans savoir…
- Et bien on vous préviendra.
- Je croyais que c'était une zone blanche ?! fulmina-t-elle malicieusement.
- Bon écoutez, vous êtes peut-être flic dans votre pays mais ici, vous ne l'êtes pas. On va vous déposer retrouver votre famille et nous on s'occupe du reste. S'il y a quoique ce soit vous serez la première prévenue. Est-ce que je suis bien clair ?!
- Mais…
- Maman, il a raison… C'est super dangereux…
- On vous préviendra… promit-il en caressant son bras doucement. »
Candice fixa sa main sur son bras sans sourire, alors qu'une enveloppe la recouvrait désormais, l'empêchant de laisser un flot de larmes menaçant dévaler ses joues. Face à elle, son fils revêtait un petit sourire, observant l'attitude protectrice du commandant sur l'ex-commandante.
« T'inquiète je ne dirai rien à Antoine ! plaisanta-t-il pour lui arracher un sourire.
- De ? l'interrogea-t-elle surprise.
- Le câlin…
- Ah ! réalisa-t-elle. Oui bah il avait qu'à être là aussi ! maugréa-t-elle avec vigueur. »
Martin rigola gentiment du comportement de sa mère qui s'enfuyait déjà derrière le policier. Il la suivit à son tour et se retrouvèrent rapidement embarqué dans un véhicule banalisé. Il les conduisit jusqu'à l'hôtel où les deux marchaient en silence. Intérieurement, la blonde était prête à retourner les jardins de l'hôtel de colère. Bah oui ! Elle venait d'être évincée de recherches capitales destinées à retrouver son amoureux… C'était presque comme si elle l'abandonnait finalement. Et ce n'était pas les mots de prévention de son fils qui allaient la faire changer d'avis. Oui, d'accord, une barbie ex-flic blonde vêtue de rose dans une forêt tropicale, ça ne matchait pas… Mais c'était pour sauver son chéri, quand même ! songeait-elle intérieurement alors qu'une voix coupa bruyamment sa réflexion.
« Candiiiiice! hurla une petite voix depuis le bord de l'eau.
- Ça va ma puce ? demanda-t-elle alors qu'elle se jetait dans ses bras. »
Ok, là il fallait désormais se contrôler à nouveau et ne pas craquer devant sa belle-fille qui n'était là que pour lui rappeler la disparition inquiétante de son compagnon. Elle sourit difficilement à ses enfants, et suivit Suzanne qui l'entraînait par la main jusqu'au bord du rivage.
« Regarde ! J'ai fait plein de châteaux !
- Waouh ! Mais ils sont super beaux ces châteaux… Tu te débrouilles super bien dis donc !
- Ouais ! Je fais la méthode de papa… Elle est super efficace ! D'ailleurs, il est où ? Je voulais lui montrer….
- Euh… balbutia Candice, destabilisée.
- On te l'a dit Suzanne, il est parti se promener… intervint Emma alors que Candice s'installait sur le transat sans joie.
- Il rentre quand ?
- Pas tout de suite…. Répondit gentiment la mère de famille à la petite qui s'éloignait vers ses châteaux. Qu'est-ce que je vais lui dire moi si…?
- Ça va… ça fait que quelques heures pour l'instant… tenta Emma.
- Pour l'instant ouais…. Répliqua-t-elle laconique en jetant un œil sur son portable.
- Y a des nouvelles ?
- Oui y en a ! lâcha-t-elle sarcastique. Antoine est sûrement parti en balade en plein milieu d'une forêt sauvage rempli de bêtes en tout genre et de braconniers…
- Hein ?! Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?! Intervint Jules avec surprise.
- On pense qu'il aurait tenté d'échapper à Joseph qui le suivait…
- Merde…
- Ils ont même pas voulu que je vienne avec eux… craqua-t-elle en sanglotant.
- C'est peut-être mieux comme ça… souligna Léo. On connaît par le terrain ici…
- Mais j'suis flic quand même ! Merde ! S'emporta-t-elle en ravalant ses larmes.
- Allez… Ça va aller maman… souffla Emma pour la rassurer.
- Puis tout est de ma faute en plus !
- Ça va aller… répéta Martin mal en point. »
Démunis, les enfants Renoir se contentèrent de la rassurer par des gestes tendres, symbolisant simplement leur présence à ses côtés. En même temps, ils ne pouvaient pas faire grand-chose de plus… Seule Suzanne restait sur assise dans l'eau, bien loin de la tendresse familiale qui régnait sur ces transats jaunes. Pourtant, la petite finit par tourner la tête et approcha à pas de loups…
« Candice ? l'interpella-t-elle en s'installant au bord de son transat.
- Oui ?
- Je sais que papa dit tout le temps que c'est pas bien de demander et de se plaindre mais… J'ai super faim… avoua-t-elle en tenant son ventre.
- Bah oui, c'est normal il est 14h. Tu sais quoi ? On va se sécher et puis on va aller manger… Ok ?
- Ouais ! Accepta-t-elle en s'emmitouflant dans la serviette que Candice lui tendait.
- Tourbillon ? »
Suzanne n'eut même pas le temps d'acquiescer que Candice la faisait déjà tourner dans tous les sens, déclenchant un éclat de rire monumental chez la jeune brune affamée. Les rires gagnèrent rapidement le reste de la tribu qui arrangeait le désordre laissé sur leurs transats.
« Mais on attend pas papa pour manger ? osa-t-elle finalement.
- Non parce que… tu sais sa balade est super longue et il sait pas quand il va rentrer…
- Mais il est parti tout seul ?
- Oui ! Parce que je déteste ça les randonnées et le chemin était trop dangereux pour vous…
- Alors on peut prendre en photo les châteaux pour lui montrer quand il rentrera ?
- Bien sûr qu'on va faire ça ma chérie ! Sourit Candice en sortant son téléphone de son sac. Et dites, est-ce qu'on irait pas déguster un hot-dog au petit resto de plage là-bas !?
- Ouaissss ! On doit l'essayer depuis qu'on est arrivés en plus!
- Alors c'est l'occasion ! On y va ! »
Et son téléphone n'affichait toujours aucune nouvelle de la battue. Et face à l'attente interminable, Candice était nouée. Bien loin de s'imaginer face aux meilleurs hot-dogs de la côte… Pourtant, sa famille semblait se régaler ! Elle se contenta simplement de picorer quelques frites en observant la jeune Dumas, la bouche remplie de ketchup.
« Tu manges pas toi ? demanda Suzanne la bouche pleine.
- Euh non… J'ai pas super faim… J'ai mes frites et ça me suffit ! sourit-elle.
- Hum… Papa aurait trop voulu en goûter un…
- Eh bah on reviendra avec lui ! répondit Candice en intériorisant son angoisse à nouveau.
- Euh maman ? intervint Jules.
- Oui ? »
Jules montra derrière elle de la tête. Instinctivement, Candice pivota et ne tarda pas à poser les yeux sur une jolie blonde au sourire inversé. Elle s'excusa auprès des siens et rejoignit la jeune femme qui l'attendait les bras croisés.
« Alors ? Y a des nouvelles ?
Candice hocha négativement la tête, attristée.
Je suis désolée… Si seulement je savais où était Joseph je… j'hésiterais pas…
- C'est pas votre faute… souffla Candice en s'asseyant sur un banc à ses côtés.
- Non… Mais… C'est à mon tour de comprendre ce que vous ressentez maintenant…
Candice esquissa un petit sourire.
- Je fais comme si de rien avec les enfants mais… en réalité je suis morte de trouille…
- Je sais… je faisais pareil avec mon fils… enfin maintenant tout ça n'a plus d'importance pour moi. On peut dire que j'ai doublement perdu mon mari…
- Je suis désolée…
- Hum… Mais vous, il faut vous dire qu'il vous attend quelque part…
- Tu parles… J'suis sûre qu'il m'en veut… tout est de ma faute de toute façon. Je peux pas m'empêcher de me mêler de ce qu'il me regarde pas et.. voilà comment ça se finit…
- Ah… c'était donc pour ça la dispute de la dernière fois… rigola-t-elle doucement.
- Ah ? Il vous a raconté… ?
- Oui… On a parlé un peu… Au début, j'ai cru que vous étiez jalouse…
- Disons qu'il m'a raconté ô combien il avait craqué sur vous à l'époque alors… j'ai un peu vu rouge votre come back, c'est vrai…
- Pourtant, vous n'avez aucun souci à vous faire je crois…
- Qu'est-ce qu'il vous a dit sur moi ?
- Que c'était compliqué mais… qu'il aimait le compliqué…
- Je sais… J'suis super chiante, avoua-t-elle. Je lui en fais voir de toutes les couleurs… Et… des fois je me rends compte que je me comporte pas très bien avec lui alors que… même s'il m'énerve, bah… il est parfait…
- Vous lui avez déjà dit ?
- De ?
- Que vous l'aimiez et qu'il était parfait ?
- Oui… Enfin… J'ai un peu de mal à l'exprimer mais… je pense qu'il le sait…
Maya tiqua en détournant le regard.
- J'en suis pas si sûre…
- Ah bon ?
- Il est convaincu que vous êtes tombée amoureuse de lui pour sa tendresse mais que c'est pas un mec comme lui qu'il vous faut…
- Hein ?! C'est ce qu'il a dit ? lâcha-t-elle d'émotion.
- Oui… Alors moi je vous connaissais pas donc j'ai essayé de le faire relativiser mais… il est têtu.
- Mais il est fou… souffla Candice.
- Et… je devrais pas vous le dire mais vu les circonstances… il a peur que vous rencontriez quelqu'un de mieux que lui et que vous le lâchiez…
- Il m'en a parlé avant-hier mais je… je pensais qu'il était pas sérieux… Je pensais pas que c'était à ce point…
- Antoine est un mec bien…
- Mais bien sûr que c'est un mec bien ! Et bien sûr que pour rien au monde je le laisserai filer…
- J'avoue que… vous devez en faire des jalouses… Mec drôle, sympa, beau-gosse, bienveillant…
- Oui… souffla-t-elle d'émotion.
- Et je le connais très peu alors c'est pour dire !
- Hum… Donc là, il est tout seul dans la forêt en train de penser que… que je l'aime pas vraiment ? Mais c'est pas possible je… »
La métropolitaine fut interrompue par les vibrations de son téléphone portable. Surprise, elle s'empressa de le sortir de sa poche et fixa l'expéditeur de l'appel avec incompréhension. Elle montra son écran qui affichait une photo de son amoureux à sa voisine qui fronça les sourcils.
« Allô ?! Antoine ?! »
