« Allô ?! Antoine ?!

- Euh… Non… C'est pas Antoine…

- Commandant ?! Mais…

- On a retrouvé le téléphone de votre mari sur le bas-côté d'un chemin sinueux.

- Mais je croyais qu'on captait pas…

- Oui, je viens de sortir de la zone, exprès pour vous prévenir…

- Je viens de recevoir un sms… remarqua Candice en ôtant le téléphone de son oreille. « Suis suivi, appelle Gondar » lut-elle difficilement.

- Donc ça confirme ce qu'on pensait… Il a dû essayer de vous l'envoyer en s'enfonçant dans la forêt mais sans réseau, il n'est pas arrivé à destination… C'est une équipe qu'est tombée sur le portable, vous figuriez dans les appels d'urgence donc on vous a prévenu.

- Mais il est où ?! Et pourquoi son portable traîne au milieu de la forêt comme ça ?! s'emporta-t-elle dans une voix tremblante.

- On sait pas… La battue continue. Pour l'instant, on a rien de concluant. Juste des traces…

- Des traces ?

- De pas. Mais ça ne correspond pas aux chaussures d'Antoine que vous avez données en description. Ça ressemble plus à des chaussures de randonnées.

- Mais s'il n'y a pas de traces du passage d'Antoine ? paniqua-t-elle.

- On a son téléphone quand même…

- Oui enfin, ils auraient très bien pu le jeter après l'avoir tué.

- S'ils l'avaient tué, on aurait trouvé son corps, Candice… tenta-t-il pour la rassurer.

- Mais on peut pas en être sûrs…

- Non… Par contre, son téléphone affiche 5 appels manqués de « maman » … lâcha-t-il en souriant.

- Ah… souffla-t-elle. Je vais m'en occuper, merci.

- Bien. J'y retourne… On se retrouve en fin de journée pour faire un point ? »

Candice acquiesça avant de raccrocher son téléphone, habitée par l'angoisse. Maya la fixa doucement, attendant davantage d'explications sur la situation. Candice répondit laconiquement, insistant sur sa culpabilité personnelle et l'implication de Joseph. Face à elle, sa voisine se décomposa et s'excusa avant de délaisser la blonde. Comment pouvait-elle regarder l'ex-commandante en face alors que son mari était potentiellement coupable du pire envers le siens ? Alors, même si les deux étaient désormais dans le même bateau, la situation était trop complexe pour subir frontalement le désarroi de Candice.

Cette dernière fixait ses enfants au loin. L'innocence… songeait-elle perturbée. Et pour tenter de faire de même, il fallait arpenter un masque joyeux sur le visage, faire comme si de rien n'était et… contacter sa belle-mère. Et là, le dilemme se posait : lui dire la vérité ou mentir comme à sa belle-fille ? En même temps, partager son angoisse avec quelqu'un pouvait peut-être l'apaiser, même si Isaure n'était peut-être finalement pas la bonne personne pour être rassurée…

« Allô ? Candice ?

- Oui, bonjour… commença-t-elle timidement.

- Ah ! Bah enfin ! J'ai essayé de joindre Antoine au moins cinq fois mais il a dû me mettre en silencieux…

- Non… C'est un petit peu plus compliqué que ça…

- Qu'est-ce qui se passe ? Vous vous êtes encore disputés ? Déjà la dernière fois, il tirait la tronche !

- Non plus… Je… continua-t-elle en ravalant ses larmes. En fait, je suis morte de trouille…

- Hein ?

- Je sais pas où il est… Personne sait où il est…

- Comment ça ?

- On s'est disputés parce que je me suis mêlée d'une disparition inquiétante sur l'île. J'en ai fait qu'à ma tête et j'ai délaissé tout le monde, tout ça pour aider cette famille qu'allait mal. Mais évidemment, les choses ont mal tourné et j'ai mis tout le monde en danger.

- En danger à quel point ?

Silence… Candice baissa la tête et essuya ses larmes avant d'oser avouer les choses.

- On pense que… qu'Antoine était suivi et qu'il a dû se cacher dans une forêt sauvage… sauf que c'est une zone blanche et qu'on a pas de nouvelles depuis.

- Ah… balbutia-t-elle. Je…

- J'attends des nouvelles de la battue…

- Carrément ?!

- Oui… Je me sens tellement coupable… Je…

- Et ma petite-fille ? éluda-t-elle.

- Elle est avec mes enfants, ils déjeunent… Je lui ai pas dit pour son père… Enfin, elle croit qu'il est parti faire une grosse randonnée. J'ai pas voulu l'inquiéter…

- Vous avez bien fait, il faut la protéger de tout ça et… y a plus qu'à espérer que cette grosse randonnée ne tourne pas au drame…

- Oui… Vous voulez lui parler ?

- S'il-vous-plaît oui, répondit-elle un peu durement.

- Je l'appelle ! acquiesça-t-elle en criant son prénom à travers la plage. »

La petite accourut rapidement tout sourire. Un sourire rempli de ketchup qui déclencha un éclat de rire chez sa belle-mère.

« J'ai pas eu le temps de nettoyer ma bouche… souffla-t-elle en riant à son tour.

- C'est pas grave chérie… C'est mamie au téléphone, elle veut te parler...

- Allô ? … Oui ça va… Tu verrais je suis super bronzée ! … Et cet après-midi on va aller faire du canoë… Mais papa est pas là, il est parti faire une randonnée… »

Candice sentit ses yeux s'embrouiller de larmes, émue par la petite voix de Suzanne qui était loin de s'imaginer la réalité des évènements. L'appel pris rapidement fin, faisant retourner Candice à sa réalité. Elles rejoignirent le reste de la tribu qui terminait le déjeuner avant de déménager vers la base nautique. Certes la mère de famille n'était pas rassurée par l'idée de laisser sa belle-fille dans ces activités sportives mais face à la situation, le refus était mal venu. Et la blonde se résigna et resta à terre, observant la tribu s'éloigner sur leurs embarcations. Elle rebroussa chemin jusqu'à son transat voisin où elle s'installa sans vigueur, songeant à sa précédente discussion avec sa belle-mère. Bien loin d'avoir été rassurante, Candice sentait qu'elle lui en voulait… et elle avait raison… En fait, Antoine avait peut-être raison et Candice était tout bonnement nocive pour son compagnon. Enfin, elle ne savait plus… Et la situation ne lui permettait pas de réfléchir sereinement. Et pour couronner le tout, son téléphone venait déranger sa tentative de relaxation… Gondar…

« Alors ? Vous l'avez retrouvé ?!

- Pas encore… Mais on a quand même une bonne nouvelle. On a logé Hugo et Joseph…

- Oh ! s'exclama-t-elle en se redressant. Et ils ont dit quelque chose ?

- Rien… On s'apprête à les rapatrier au commissariat…

- Vous pouvez passer me prendre, je suis à côté de la base nautique…?

- Vous voulez pas rester avec vos enfants ? On se charge du reste nous…

- Ils sont partis en balade en canoë. Je serai mieux avec vous…

- On est là d'ici 20 minutes, conclut-il sans engouement.

- Merci… souffla-t-elle en raccrochant avant de se tourner vers sa voisine. Ils ont retrouvé Joseph… »

. . . . .

Derrière la vitre fumée, une blonde au visage fermé scrutait les moindres agissements du disparu. Bras croisés, elle optait pour une écoute attentive du récit d'explication que livrait Joseph face à un commandant à bout de nerfs.

« Donc on reprend. Vous avez expliqué à votre femme avoir un rendez-vous à la banque. Vous avez pris la voiture, rejoint Hugo qui a ensuite entraîné votre propre voiture dans un hangar perdu à plus de 60 kilomètres de là. Vous avez jeté votre téléphone et vous avez acheté un téléphone pourri pour contacter votre maîtresse, Fanny, pour la prévenir du début des opérations. C'est bien ça ?

- Oui… Ensuite j'ai passé la nuit avec elle à l'hôtel. J'ai payé les agents pour qu'ils se taisent.

- Mais c'était quoi le plan en fait ?

- Quitter l'île. Ça faisait des mois que je préparais notre départ. J'ai toujours aimé Maya mais… Fanny est arrivée et j'ai complètement déchanté. On a eu une brève histoir ans, ça s'est arrêté. Mais ces derniers temps avec Maya, c'était pas la joie…

- On parle quand même d'une liaison qui date d'il y a plus d'un an hein !

- Bah oui ! Avec Maya on est ensemble depuis nos 16 ans… On en a presque 50 ! Alors bah au bout d'un moment, on a envie d'exotisme quoi.

- D'exotisme ? répéta-t-il en riant jaune.

- Au début, je revoyais Fanny comme ça, sans prise de tête et…

- Y a 6 mois, vous apprenez que Lina est votre fille. Que vous deviez désormais assumer son existence et accessoirement vos tromperies à votre famille, et là… comme un bon gros lâche, vous avez choisi la fuite !

- Chacun réagit à sa façon… Et moi, je me voyais pas dire à Maya que je l'avais trompé et que j'avais une fille quelque part, je… je l'aime vous comprenez.

- Ok… éluda-t-il dépité. Et Hugo ?

- Bah, il m'a aidé. Je devais rassembler un maximum de fric avant de partir. Entre les bénéfices de nos take-away…

- Bénéfices illégaux, notons-le hein ! Oui parce que vos transactions de cocaïne planquées entre 2 gaufres, faut pas être bien con pour le comprendre ! fulmina-t-il.

- Oui bah j'assume ! s'emporta-t-il. Vu les prix des produits dans les magasins ici, faut bien trouver des solutions pour survivre ! Alors moi j'ai trouvé à ma manière.

- Comme escroquer votre femme ? Dealer de la drogue ? Organiser des évènements lucratifs ? Joseph souffla, forcé à se mettre à nu. Bref, revenons à Hugo. En quoi vous a-t-il aidé ?

- Il m'a hébergé. Et ici, il se chargeait d'orienter l'enquête pour pas qu'on me retrouve quoi…

- Et tout fonctionnait comme sur des roulettes jusqu'à ce que des touristes s'en mêlent.

- J'ai vite compris la perspicacité de la blonde là… Franchement, j'étais presque épaté.

- C'est pour ça que vous vous en êtes pris à son mari ?

- Son mari ?! répéta-t-il ironique. Mais qu'elle se pose des questions hein ! Entre les câlins avec Maya et les discussions enflammées avec Fanny… J'pense que c'est discutable…

- Parce que vous êtes un saint vous peut-être ?

- Oh ça va…

- Et donc ? Qu'est-ce qu'il s'est passé avec lui ?

- Je l'ai vu hier sortir du bar avec Fanny. J'ai vu ses regards là… J'ai voulu lui foutre la trouille, alors Hugo s'est chargé de larguer un pigeon chez eux. Et on a inventé cet article pour les décrédibiliser aux yeux de tout le monde.

- Ok, et ce matin ?!

- Hugo m'a appelé pour me prévenir qu'il partait faire un footing avec l'un de ses gosses. Il planquait pas loin de chez eux en incognito. Et d'ailleurs, aucun de vos collègues ne s'en est rendu compte hein, vous devriez revoir vos effectifs, commandant, plaisanta-t-il.

Outré, Gondar frappa un grand coup la table en fer, faisant sursauter Joseph qui se réinstalla dans son fauteuil en silence.

On a voulu lui faire peur et on a commencé à le suivre, sauf qu'il s'est barré dans la forêt. On a continué sur quelques mètres et on a perdu sa trace, voilà ! Après on s'est perdus dans cette forêt à la con, et le temps d'en sortir… bah on est tombés sur vous, voilà ! »

. . . . .

Candice sortit de la pièce énervée contre cet individu qu'elle jugeait abject. Rapidement, Gondar se posa à ses côtés et caressa son épaule dans un sourire sincère.

« On sait maintenant qu'ils n'ont rien fait contre Antoine…

- Sauf qu'on sait toujours pas où il se trouve… souffla-t-elle apeurée alors qu'Hugo passait devant eux menotté.

- J'comprends pas comment t'as pu faire ça… intervint Gondar avec dureté.

- Je voulais juste aider un ami…

- Tu parles de fraternité ?! Alors que t'as été le premier à nous planter un couteau dans le dos ?! s'indigna-t-il.

- Toute façon y en avait plus que pour elle ! répliqua-t-il durement en montrant Candice de la tête.

- Hein ?!

- Bah ouais ! Je t'ai vu direct avec tes étoiles dans les yeux dès qu'elle s'est pointée ici… Alors qu'elle se mêlait juste de ce qu'il fallait pas !

- Emmenez-le ! ordonna-t-il difficilement avant de fixer Candice avec gêne. Je suis désolé je, il s'est fait des films, enfin je…

- Puis de toute façon, même si c'était pas le cas, vous avez bien compris que…

- Bah oui ! bafouilla-t-il alors que le téléphone de Candice sonnait.

- C'est les enfants… Ils viennent de rentrer…

- Je vais vous raccompagner. On va passer par la battue pour prendre la température du terrain…

- Ok… »