Fraîchement réveillée, la brune descendit les escaliers en silence. 8h, observa-t-elle sur son téléphone. À cette heure, la villa semblait encore plongée dans le silence. Seul l'extérieur accueillait une blonde pensive face à une tasse de thé fumante. Emma la scruta… Sourire baissé, tête maintenue de sa main et regard fixant l'horizon sans entrain… Pas de doute, sa mère était préoccupée et la nuit avait dû être compliquée. Remplie de compassion, la jeune Renoir approcha à pas de loups.
« Ça va ? osa-t-elle avec hésitation.
- J'ai pas fermé l'œil de la nuit… entre mon cerveau qui faisait des films atroces et les cauchemars de Suzanne… Un enfer… !
- Je me doute… acquiesça-t-elle. Mais c'est gentil de l'avoir fait dormir avec toi en tout cas…
- Elle avait besoin d'être rassurée…
- Elle t'aime beaucoup tu sais…
- Elle te l'a dit ?
- Oui… enfin elle m'a dit qu'elle avait presque une deuxième maman maintenant, et qu'en plus avec toi c'était bien, parce que tu l'engueulais jamais… tenta-t-elle pour la faire sourire.
- Eh bah ! Pas sûre que sa mère soit du même avis… ironisa-t-elle.
- Non… Mais ça prouve qu'elle t'estime vraiment.
- Je sais… puis de toute façon, depuis qu'elle est née, ses parents sont séparés et… elle n'a jamais vraiment connu d'autre femme que moi auprès de son père…
- Bah oui… Ça se comprend… Et sinon, des nouvelles ?
- Gondar m'a dit qu'ils reprenaient les recherches… lâcha-t-elle sans entrain.
- Ah bah c'est top !
- Tu parles… Je vois bien qu'au fond, il a plus d'espoir… En plus j'ai fait plein de recherches sur internet et y a plein de personnes qui sont mortes après une virée en forêt et…
- Oh ! Oh ! Oh ! Calme ! Ok ?! Pour l'instant, on en n'est pas là… On va prendre notre petit-déjeuner, et aller à la plage. Ça fera plaisir à tout le monde. »
Candice leva les yeux au ciel, peu certaine qu'une journée plage ne résolve vraiment tous les problèmes… Mais Gondar avait à nouveau été catégorique. Il ne voulait pas d'elle dans cette forêt. Alors peut-être que si elle avait été à Sète et dans une énergie plus vive, elle l'aurait contredit et se serait plongée bille en tête dans l'aventure. Mais ses enfants lui avaient assez rappelé que cette interdiction n'était finalement que pour son bien à elle et surtout à eux. Résignée, elle s'était contrainte de préparer le petit-déjeuner pour tout le monde et de suivre l'engouement de la troupe qui ne jurait plus que par leur matinée plage.
. . . . .
« Mets ton chapeau sur la tête ma chérie, il est presque midi, le soleil tape fort à cette heure !" ordonna la blonde à sa belle-fille qui construisait probablement un village géant ensablé. La brune bouda et récupéra son chapeau jaune avant d'immerger ses pieds au bord de l'eau. Faut dire que vu la chaleur du sable, valait mieux rester dans l'eau. Et depuis son transat, Candice observait la petite qui s'amusait désormais à faire des prouesses artistiques avec son corps. Entre roulades, grandes roues et grands écarts, la jeune semblait presque en pleine compétition de gymnastique, plaisanta intérieurement sa belle-mère. Soudain, elle la vit se relever d'un bond et quitter la gym pour ce qui s'apparentait à une course d'athlétisme. Surprise, Candice la fixa alors que Suzanne prononçait le mot magique….
« PAAPAAAAAAAAA ! hurla la petite à pleins poumons. »
Candice fit volte-face sur son transat partagée entre étonnement et incompréhension. Elle réajusta ses lunettes sur son nez alors qu'un sexy commissaire en débardeur récupérait désormais une jeune brune dans ses bras.
« Ma chérie… entendit elle alors qu'Antoine serrait sa fille de toutes ses forces. Ça va ?
- T'étais où ? demanda-t-elle au creux de son cou.
- C'est rien… Tout va bien… Je suis là maintenant, Ok ? »
Il fixa désormais sa compagne qui venait d'accourir jusqu'à lui. Sourire aux lèvres, yeux larmoyants et mine étonnée. Sans aucun doute la blonde était retournée et laissait exprimer une certaine satisfaction inespérée. À ses côtés, Gondar souriait avec fierté. Il lui glissa un clin d'œil de soutien alors que la petite retrouvait tout juste les pieds sur terre.
« J'ai eu tellement peur… chuchota Candice en s'accrochant à son cou avec force.
- Je sais… souffla-t-il à son oreille en l'entendant pleurer. Tout va bien… Ok ? Tout va bien…
- Mais t'étais où ? Je…
- Je suis là… C'est l'essentiel… se contenta-t-il de répondre en souriant.
- Mais tout va bien ? T'as pas blessé ? Tu … commença-t-elle en paniquant sous la mine amusée de Gondar.
- Il va bien. Vous n'aurez plus de problèmes ! conclut-il en souriant.
- Plus jamais tu nous fais un Robinson Crusoé comme ça là ! »
Antoine rigola doucement, heureux de retrouver ses proches après toutes ces heures d'isolement en terrain inconnu. Les yeux humides, la blonde se détacha doucement de son cou avant de coller son corps contre le sien. Et depuis son torse, Candice fixait le policier réunionnais sourire aux lèvres.
« Vous m'avez même pas prévenu…
- Ça aurait gâché l'effet de surprise. Antoine est sain et sauf, c'est l'essentiel.
- Oui… acquiesça-t-elle doucement en observant amoureusement son chéri.
- Je vous laisse vous retrouver… J'ai quelques formalités à régler concernant les trafics de Joseph. Je dois voir leurs food-trucks et… m'entretenir avec Maya aussi. On se voit tout à l'heure ?
- Ouais ! Merci… souffla Candice au policier qui rebroussait déjà chemin.
Rapidement une tribu soulagée entoura Antoine en souriant. Et chacun manifesta sa satisfaction de le retrouver bien vivant. Martin surtout, qui mine de rien s'en était un peu voulu d'avoir tant insisté pour aller faire ce foutu footing matinal. Mais face à lui, l'homme relativisa. Et c'est la plus petite qui manifestait son enthousiasme avec le plus de vigueur. Elle avait eu peur, vraiment. Et le serrer dans ses bras était pour elle le seul moyen de se prouver que tout était terminé. Alors elle ne quittait pas les bras de son père, histoire d'être sure qu'il resterait près d'elle encore un peu…
« Tu vas venir te baigner avec nous ?
- Ouais… confirma-t-il en l'embrassant tendrement. Mais avant je vais rentrer prendre une bonne douche et me changer… J'ai l'impression de nager dans ma puanteur depuis la veille… expliqua-t-il sous l'œil attendri de sa compagne.
- Avec maman on était super inquiètes… tu vois, même si vous vous criez tout le temps dessus, elle a eu peur quand même…
- Hum… acquiesça-t-il en la serrant tendrement. »
Aïe… Candice plissa les yeux. Le moment était venu d'annoncer à son chéri qu'un savon monumental l'attendait probablement au bout du fil… et un peu à cause d'elle. Et sans savoir quoi faire face à ce joli tableau, elle campait en retrait. Observant ce câlin entre un père et sa fille qui soufflait de l'avoir retrouvée. Alors oui, elle aurait sûrement préféré être dans ses bras à ce moment-là mais… patience ! Chacun son tour… souriait-elle faussement alors qu'Antoine déposait sa fille sur le sol. La petite courut à l'eau rejoindre ses demi-frères et sœur tout juste immergés dans l'océan. Candice osa enfin s'approcher, prête à prendre la place de sa belle-fille. Sauf qu'elle le vit se baisser doucement et récupérer le trousseau de clé de la villa avant de la fixer à nouveau.
« Je vais rentrer un peu. Histoire de prendre une douche, me changer… J'en ai besoin….
Bah oui les dernières heures n'étaient plus qu'un mauvais souvenir et pour les oublier totalement il fallait procéder à un lavage intégral. Un vrai… Alors Candice acquiesça et se pencha à son tour vers son sac avant de le fixer sur l'épaule.
« Je vais venir avec toi…
- Nan ! Reste ici, avec eux… J'en ai pas pour longtemps…
- T'es sûr ? demanda-t-elle déçue.
- Oui… Je vais juste récupérer une odeur convenable, un tee-shirt un peu plus potable que ce débardeur troué et appeler Jennifer aussi du coup…
- Ouais… balbutia-t-elle gênée. Je suis désolée je… J'ai pas pu empêcher Suzanne de comprendre la vérité je…
- C'est pas grave… sourit-il. L'essentiel c'est que tout se termine bien.
- Oui… souffla-t-elle. Mais toi ? T'es sûr que ça va ? osa-t-elle en s'approchant de lui avec inquiétude.
- Tout va bien ! Profite avec eux et moi je reviens !
- Ok… finit-elle par plier. Tu appelleras ta mère aussi, je l'ai eu au téléphone et elle était inquiète… Ton portable est près du lit.
- Ok… acquiesça-t-il. Allez à tout à l'heure… »
Candice l'observa s'éloigner clés en mains. Certes elle l'avait retrouvé mais… la blonde le trouvait perturbé et distant. Antoine n'avait toujours pas évoqué sa disparition, ce qu'il s'était passé, ni comment il s'en était sorti et personne n'avait osé le brusquer en lui posant frontalement la question. Alors oui, l'essentiel c'était qu'il soit de retour parmi eux mais Candice sentait bien que quelque chose clochait…
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L'eau tempérée ruisselait désormais sur son corps, tentant d'effacer les traces de terre, de sable et d'alcool qui s'étaient logés sur chaque parcelle de sa peau. C'était libérateur finalement… Libérateur de ses pensées qui l'obsédaient depuis le moment même où il avait retrouvé Gondar. Il revivait indéfiniment ces heures abominables à arpenter la forêt humide, seul et sans moyen de se défendre. Mais il s'en était sorti. Indemne… Enfin, d'apparence. Face à eux, il avait fait le fier. Ne rien montrer… Toujours garder la face… Décidément, ce dicton lui collait définitivement à la peau…
Il sortit de la douche et enroula une serviette autour de son corps avant de poser ses deux mains sur ce lavabo surplombé par un vaste miroir. Face à lui, il n'était plus si fier. Il observait un visage griffé, des bras pas moins blessés et une mine fatiguée. Ok mec ! T'as une gueule à faire peur… jura-t-il intérieurement avant de quitter la salle de bain en vitesse grand V. Il ouvrit l'armoire et sortit de quoi se vêtir. Un short de bain marine avec un tee-shirt bleu clair ferait l'affaire… Il passa ces nouveaux tissus sur son corps et s'empara de ceux qui ne l'avaient pas quitté durant les dernières 24h. La poubelle… réfléchit-il en dévalant les escaliers. Voilà qui était une bonne idée. Il ouvrit le couvercle et jeta violemment son débardeur troué et son short sali avant de la refermer. Désormais, il ne gardait plus aucun souvenir matériel de cet enfer...
