S'il y avait bien quelque chose dont QingMing avait l'habitude, c'était les humiliations ordinaires que sa secte lui faisait subir. Il s'y était tellement habitué depuis des années qu'il ne les remarquait même plus. Elles faisaient partie de son quotidien, de la manière dont il était traité, au point que même ses frères de secte n'y faisaient même plus attention.
Ces comportements négatifs étaient devenu tellement normalisés qu'ils commençaient à lentement s'infuser dans le reste du temple.
Si on moquait QingMing pour ses origines ingrates, il devait être normal de le faire aussi entre un fils de paysan et un fils de noble, n'est ce pas ?
Le nouveau chef de secte qui avait remplacé Zhong Xing avait réalisé le glissement dangereux qui s'opérait lorsque QingMing avait quitté le Yin Yang pour aller chasser le Serpent à la Capitale. A ne plus avoir la cause sous le nez, il se prenait dans la figure les conséquences. Et ca n'était pas agréable du tout.
Quand lui-même était gamin, jamais personne ne se serait amusé à moquer quelqu'un pour sa naissance. Pas dans le nord. Pas là ou la survie du plus fort était le seule chose qui comptait. Quand il était gamin, plus d'un disciple était un demi-sang. Pas de renard néanmoins. Les renards étaient trop indépendant, trop fantasques pour supporter la vie du temple très longtemps. Mais lui-même n'était pas un pur humain.
Alors pourquoi cette détestation absolue de QingMing ?
Le chef de secte ne comprenait pas.
Appuyé contre la rambarde de glace qui empêchait la chute des étages supérieurs du temple vers les arènes d'entrainement en contrebas, le nouveau maître des lieux avait beau se creuser la mémoire, il était encore un tout jeune sénior quand Zhong Xing était arrivé avec l'enfant serré dans ses robes. Petit QingMing était petit, malingre, malade, visiblement traumatisé et sélectivement muet. Il avait mis des mois à murmurer, des années à parler à voix haute. S'il parlait à Zhong Xing et ses shishen il n'avait parlé à personne d'autre jusqu'à ses dix ans passés. Les maltraitances avaient déjà commencés lorsqu'il avait trouvé assez de voix pour se plaindre.
C'était trop tard.
Les adultes s'en fichaient, les enfants avaient trouvé chez lui une victime désignée qui subissait sans se plaindre. Pourquoi changer quelque chose ? les enfants étaient plus calmes avec leurs maitres d'avoir un bouc émissaire désigné et le gosse en question n'était de toute façon même pas assez humain pour parvenir à parler alors…
Le chef de secte avait pincé les lèvres lorsque deux petits shidi prirent à partie un de leurs frères pour le rouer de coups sous la tranquille indifférence de leurs maitres. Les adultes étaient des contemporains de QingMing. Ils étaient ceux qui avaient déjà passés leurs nerfs sur lui au même âge.
Le chef de secte fit signe à l'un de ses ordonnances qui le suivait partout pour convoquer les deux maitres et leurs élèves.
Ils les avaient punis et grondés.
Ca n'avait servit à rien.
Depuis des semaines, il s'était battu pour faire réaliser le problème aux disciples de la secte. Sans succès.
Et voila que QingMing était rentré.
Auréolé de sa gloire toute neuve, d'un bouclier plus puissant que les leurs tous réunis, emplis d'un calme qui n'avait jamais été le sien et surtout, d'une assurance qu'il n'avait jamais connus avant.
Tout dans sa démarche prouvait qu'il ne foulait plus les couloirs du Yin Yang en donnant l'impression qu'il était là pour s'excuser de sa propre existence.
Ca n'avait pas plus du tout à certains.
Les tortures psychologiques que QingMing subissait juste là sans moufter rencontraient maintenant un sourire toujours aussi calme mais se finissaient avec une éventration verbale qui avait envoyé plus d'un disciple pleurer dans ses appartements.
Les plaintes se succédaient chaque jour depuis.
Pourtant, le chef de secte ne pouvaient rien dire. QingMing n'avait à aucun moment dépassé les limites imposées par les règles de la secte. Il n'avait même pas fait preuve d'insolence. Il avait juste cessé de se laisser marcher sur les pieds.
Un soupir échappa au chef du Yin Yang.
Il ne pouvait faire plus que laisser QingMing nettoyer lui-même la cruauté ordinaire que sa présence avait fait émerger dans le temple. Lui n'avait plus d'autre solution que de le laisser faire le ménage pour lui.
Ha, il allait le faire venir dans son bureau et s'excuser de l'abandonner ainsi à la merci du temple.
Une fois de plus.
