4 octobre 2025
Si Hiro devait faire une association d'idées, il joindrait sans doute le mot « magie » au mot « évènement ». Bon comme mauvais, quand il était question de magie, ça faisait toujours un sacré remue-ménage, comme dirait Mme Baxter de la charcuterie à deux rues d'ici.
La preuve, regardez ce qui s'était passé le mois dernier avec Dashi quand il était allé visiter Grand-père et Grand-mère au Japon. Enfin, peut-être pas un bon exemple, ça. Apparemment, il avait été question d'un youkai, et les youkai étaient supposés être magiques, mais Grand-père était un prêtre et pour une raison qui échappait à Hiro, les prêtres et la magie n'étaient pas sensés se mélanger.
Le garçonnet ne comprenait vraiment pas pourquoi. Après tout, la magie constituait à réécrire le monde pour lui imposer de nouvelles règles, et il y avait plein de moments dans la Bible où Jésus décidait que les règles du monde, c'était pas pour lui – marcher sur l'eau, c'est pas possible, et dire aux gens d'arrêter d'être malade sans leur donner de médicaments, c'est pas souvent efficace. Alors, hein !
Quand il avait dit ça au pasteur qui avait organisé une séance découverte catéchèse à l'école, le pasteur avait dit que non, il ne s'agissait pas du tout de magie, parce que Jésus était Jésus et un point c'est tout. Quand Hiro avait demandé plus de détails, le pasteur s'était énervé et lui avait dit qu'il était trop petit pour comprendre avant de le raccompagner à la porte. Tante Cass n'avait pas été très contente quand elle l'avait su.
Tante Cass n'avait pas été contente non plus quand Dashi avait été lui raconter son voyage au Japon. Tellement pas contente, Hiro aurait juré avoir vu trembler les murs parce qu'elle criait si fort, et elle avait même appelé Oikawa-sensei pour lui demander d'aller crier sur Grand-père, peut-être même de lui donner une correction.
Oikawa-sensei avait répondu qu'elle pouvait crier, oui, mais c'était tout. Parce qu'apparemment, le Bureau des Onmyôji ne pouvait pas attribuer de punition à un prêtre, sinon le dieu que servait le prêtre risquait de se fâcher à son tour, et ça c'était vraiment mauvais. Surtout quand le dieu était associé à la maladie, et c'était le cas de celui que servait Grand-père – apparemment, c'était comme ça avec les inugami, ils rendaient les gens malades ou en bonne santé.
C'était… pas vraiment juste, et Hiro avait dit ça à Oikawa-sensei. Elle lui avait fait une petite grimace triste et dit que non, ça ne l'était pas, mais pour beaucoup de youkai, ça n'avait pas d'importance. Ils pensaient différemment, et c'était déjà compliqué de s'entendre avec des gens de la même espèce que vous. De la même famille que vous.
Comme Tadashi, en ce moment. Depuis le voyage au Japon, il était plus grognon, et il avait moins envie de passer du temps avec Hiro. Tante Cass disait que la puberté (beurk) devait aussi intervenir là-dedans, parce qu'apparemment Tadashi avait le bon âge pour que ça lui arrive, tout comme Hiro était bientôt prêt pour l'âge de raison.
L'âge de raison, ça voulait dire être un grand garçon. Ça voulait dire partir dans une autre maison, dans un autre pays, parce qu'il devait apprendre la magie.
Hiro était… un petit peu effrayé. Mais il était supposé être un grand garçon, alors il ne pouvait pas dire ça. Et puis, s'il le disait, peut-être que Tante Cass déciderait de ne pas le laisser aller à Mahoutokoro, et ça, pas question, non !
Alors il avait affirmé de toutes ses forces à Oikawa-sensei que ça allait, mais il ne pensait pas qu'elle l'avait cru, parce qu'elle avait fait un drôle de sourire et lui avait demandé si ses efforts pour apprendre le japonais se passaient bien.
Parce que les cours là-bas seraient en japonais, figurez-vous. Ceci dit, c'était logique puisque l'école se trouvait au Japon. Comme Hiro n'avait jusqu'à maintenant que parlé surtout Anglais, il fallait donc qu'il suive des cours – Tadashi avait été nommé d'office professeur honoraire, vu qu'il avait appris avec Papa et continuait à pratiquer quand il devait aller visiter Grand-père – et c'était pas très marrant, surtout quand Hiro allait se coucher le soir avec une nette confusion quand aux mots qui désignaient le lit ou la brosse à dents.
Apparemment, il existait un sort pour injecter directement un dictionnaire et la grammaire dans la tête, mais Oikawa-sensei avait dit qu'il était trop petit et que l'effort dépensé lui ferait couler le cerveau par les trous de nez, beurk. Que même pour les grandes personnes, ça donnait mal à la tête au point de faire vomir, et de toute façon ça ne durait pas très longtemps parce qu'on ne s'était pas vraiment donné du mal pour apprendre. Pour faire court, elle avait dit non.
C'était nul mais Hiro comprenait. Il était petit mais pas stupide, contrairement à ce que racontaient les grands dans la cour de l'école.
Parce qu'il avait été inscrit en CP pour septembre à l'école primaire du quartier, figurez-vous : c'était car la rentrée au Japon se passait en avril, alors en attendant cette date-là, Hiro devait s'occuper à quelque chose sinon le gouvernement viendrait disputer Tante Cass, et personne ne voulait ça, surtout pas le gouvernement.
Pour sa part, il pensait que c'était pas grave : le CP, c'était facile. Alors il pouvait finir en avance, et puis Oikawa-sensei et Tante Cass iraient raconter au gouvernement qu'il avait été envoyé dans une école spéciale pour enfants avec des dons particuliers. Le plus fort, c'est que c'était complètement vrai, mais que tout le monde penserait à autre chose qu'à la vérité. C'était juste génial.
Quand il avait dit ça à Oikawa-sensei, elle s'était mis à rire et avait dit qu'il était tout à fait l'enfant d'un renard. Apparemment, les renards aimaient beaucoup jouer avec les mots, ou faire des farces. Il avait été prié de s'abstenir ou de se restreindre pour ce qui était de mettre le bazar, et avait promis de ne pas en faire. Exprès, au moins. Si on venait l'embêter, c'était autre chose.
Parce qu'en ce moment, on l'embêtait un peu beaucoup. Surtout les grands à l'école primaire, qui trouvaient qu'il essayait de faire le malin en rendant tous ses devoirs et ses contrôles en avance et corrects. Hiro ne comprenait pas pourquoi ils lui disaient ça, mais quand il avait demandé des explications, les grands s'étaient encore plus énervés.
Hiro espérait vraiment, vraiment beaucoup que Mahoutokoro n'avait pas de grands comme ça. Ou pas de grands du tout, ce serait bien aussi. Il n'aimait pas quand les gens s'énervaient après lui parce qu'il posait des questions ou répondait aux problèmes.
C'était pour ça qu'il fallait aller à l'école, non ?
