Auteur : Nat. Eh ouais. Incroyable, hein.
Disclaimer : Blablabla Tolkien, blablabla rien à moi, blablabla le monde est injuste.
Warnings : Je ne connais pas grand-chose à la géographie de Valinor, et encore moins au fonctionnement interne des Valar, Maïar et autres esprits supérieurs d'Arda. Du coup je tente des trucs et j'improvise comme ça m'arrange. Et ce texte parle de chasseurs et d'animaux (plus ou moins) sauvages. Ainsi que d'un gamin impétueux paumé dans les bois sans adulte responsable pour le superviser. Tout va bien s'passer. Rating T de précaution pour certaines scènes de chasse à venir.
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Chapitre 1
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Le garçon n'avait rien à faire là.
Du haut de la souche tordue sur laquelle il siégeait, Oromë considéra pensivement le petit être qui se tenait devant lui. C'était un elfe qui pouvait avoir une douzaine d'années environ, mais le Vala n'en était pas certain. Il ne fréquentait pas les Premiers Nés aussi assidûment que le reste de ses semblables, et il n'était jamais à l'aise lorsqu'il s'agissait de leur donner un âge ou de les associer à tel ou tel peuple. Ce garçon-là lui semblait cependant jeune, presque encore un enfant. Mais sa stature assurée ne ressemblait en rien à celle des enfants craintifs de la cité de Valmar que le Chasseur croisait parfois lorsqu'il se rendait au Cercle du Destin où trônaient les Valar. Ce jeune elfe-ci se campait droit et fier, nullement impressionné par l'assemblée des Maïar qu'il venait d'interrompre. Oromë se demanda si le garçon faisait ainsi preuve d'une bravoure sans nom ou s'il n'était pas plutôt totalement inconscient de sa situation. Un cercle de métal serti d'une étoile rouge ornait son front ; et les cascades d'or pâle de sa chevelure encadraient son visage au teint d'ivoire, s'écoulant librement sur son dos et ses épaules. Quelques mèches rebelles venaient boucler devant ses grands yeux d'argent, bordés de longs cils blonds et surmontés de sourcils en ailes d'oiseau. Son nez mutin, légèrement retroussé, arborait quelques discrètes tâches de rousseur. Les traits de son visage encore arrondi par l'enfance étaient déjà fins et délicats, et d'une parfaite régularité si l'on exceptait les deux fossettes que son sourire creusait dans ses joues.
C'était un beau garçon, reconnut Oromë, même pour un elfe, et qui promettait de grandir pour devenir un jeune homme des plus charmants. Il ne tenait pas en place, cependant, passant sans cesse ses appuis d'un pied sur l'autre et froissant de ses mains l'ourlet de son surcot.
« Qu'il est nerveux, murmura à part elle Yaulë. Il doit s'épuiser à s'agiter ainsi. »
Tout autour du garçon s'étendait le cercle des chefs des clans de Maïar servant le Vala. Il y avait là la rapide Haloitë et Nóla le sage, le placide Tulca et le noble Aras, la furtive Yaulë et la farouche Naulë, Liantë la sombre et le robuste Polca, sans oublier son fidèle Nahar. Seul manquait le bourru Morco, toujours long à s'éveiller. Tous les autres étaient venus assister à la cérémonie qui leur était consacrée, revêtus de leurs majestueuses formes humanoïdes, et Oromë siégeait au milieu d'eux. Kyermë, la grande prêtresse de son culte, venait de saisir le poignard rituel et s'apprêtait à entonner le premier chant lorsque le garçon était apparu au milieu d'eux. Et le silence était tombé, lourd, sur l'assemblée des Maïar. Seuls le troublaient la respiration assourdissante du jeune elfe et le murmure feutré des esprits sauvages qui s'interrogeaient dans leur langue inarticulée sur la raison de cette interruption.
« Qui est-il ?
- Que nous veut-il ?
- Qu'il est bruyant ! Comment avons-nous pu ne pas remarquer son approche ?
- De quel droit vient-il se présenter devant nous ?
- Pourquoi ne salue-t-il pas le seigneur Oromë ? Ne sait-il donc pas parler ?
- Avec quelle impudence nous fixe-t-il ! N'a-t-il jamais vu de Maïa ?
- Quel irrespect ! »
Inconscient de ces échanges houleux qu'il provoquait, le garçon passa rapidement en revue chacun des êtres présents avant d'accorder toute son attention au Vala. Il souriait toujours, nullement perturbé par le fait qu'il se trouvât seul parmi les esprits (passablement mécontents) créateurs et protecteurs du monde. Intrigué, Oromë plongea l'ambre de son regard dans celui du jeune elfe. C'était bien la première fois, depuis qu'il était allé les chercher de l'autre côté de la mer, que l'un des enfants de la terre venait volontairement se perdre dans ses forêts impénétrables. Même les prêtres, adultes et formés, qui le représentaient parmi les elfes ne venaient vers lui que lorsqu'il siégeait dans le Cercle du Destin. Mais tout, dans l'attitude de ce garçon, criait qu'il n'était pas arrivé là par hasard. Il soutint le regard de l'esprit supérieur, refusant de détourner les yeux, et quelque chose qui ressemblait à de l'admiration mêlée de fierté scintilla dans les lacs d'argent de ses iris.
« Je suis venu vous voir, murmura le garçon. »
Puis il se secoua, rejetant ses épaules en arrière comme pour se décharger d'un poids invisible, et il ajouta d'une voix forte et assurée :
« J'ai une requête à vous présenter. »
Il déclara cela comme s'il ne doutait pas d'être écouté, et une telle présomption fut de trop pour certains des farouches Maïar qui l'entouraient.
« Surveille ton langage, garçon ! gronda Polca, sa mâchoire épaisse se crispant. Tu ne sais pas à qui tu t'adresses. »
Le garçon se tourna vers le Maïa. Son air avenant vacilla et quelque chose de forcé apparut dans son sourire.
« Je m'adresse à Oromë, rétorqua-t-il avec suffisance, Vala de la chasse et du monde vivant, Seigneur des plaines et Maître des forêts. »
Il ponctua sa tirade d'une brève inclinaison de la tête à l'adresse d'Oromë. Polca grogna entre ses défenses, mais Nóla intervint avant qu'il ne s'adressât de nouveau au jeune elfe.
« Paix, Polca ! s'exclama-t-il en levant la main en signe d'apaisement. Le garçon ne pense pas à mal. Peut-être est-ce là sa façon naturelle de s'exprimer.
- Ecoutons ce qu'il a à dire avant de le juger, approuva Aras. »
Oromë ayant silencieusement donné son assentiment, Aras reporta son regard doux sur le garçon et l'interrogea en elfique :
« Qui es-tu, enfant des elfes ? Nous ne connaissons pas ton nom. »
Le garçon se tourna de nouveau pour regarder son interlocuteur. S'il fût étonné par les oreilles de cervidé du Maïa, il sut n'en laisser rien paraître.
« Je suis Tyelkormo, répondit-il simplement. »
Puis il sembla se souvenir de quelque chose d'important et ajouta d'une traite :
« Turcafinwë Tyelkormo, troisième fils de Curufinwë Fëanáro, lui-même fils aîné de Finwë le Haut-roi des Noldor, Seigneur de Tirion et Protecteur du pays de Tuna. »
Et il redressa le menton d'un geste brusque, comme s'il mettait son vis-à-vis au défi de le contredire, tandis qu'il reprenait discrètement sa respiration. Oromë plissa les yeux. S'il avait, lui, immédiatement su situer le garçon dans la hiérarchie complexe de la société elfique, tous ces noms ne devaient pas dire grand-chose à ses suivants qui, à l'exception de Nahar et de Tulca, ne quittaient que rarement ses forêts australes. Tulca, en revanche, releva la tête, étonné :
« Tu viens donc de Tirion ? La route est longue depuis les collines de Tuna au nord, et tu sembles si chétif. J'ai peine à croire que tu l'aies parcourue seul. »
Le garçon commençait à s'impatienter. Il haussa une épaule et sa réponse fut des plus laconiques :
« Mon autre grand-père s'est installé au pied des montagnes, à l'est. Je suis venu le voir avec mon frère. Et me voilà. »
Il secoua soudain la tête, dégageant ses yeux clairs des mèches blondes qui obstruaient sa vision.
« C'est à Oromë que je suis venu parler, rappela-t-il dans un sourire qui se voulait courtois. »
Yaulë feula presque à ces mots effrontés. Polca se fit violence pour ne pas grogner de nouveau et Oromë sentit Naulë se tendre imperceptiblement près de lui. L'elfe cependant ne remarqua rien. Alors le Vala leva la main, attirant l'attention de tous et désamorçant le mécontentement des siens.
« Parle, fils de Fëanáro. Je t'écoute. »
Le garçon prit une inspiration plus profonde (et plus bruyante) que les autres. Il expira, lentement, d'une manière faussement naturelle, et ses mains se crispèrent nerveusement sur la lanière d'une sacoche qui lui pendait à l'épaule. Son odeur, étrangement fruitée, se fit plus forte: il était indéniablement nerveux. Mais il n'y avait aucune trace d'hésitation dans sa voix lorsqu'il déclara avec orgueil :
« Je veux entrer à votre service et devenir votre apprenti. »
Cette fois-ci, personne ne pipa mot, dans quelque langue que ce fut. Même Polca renonça à faire un commentaire. Les Maïar s'entreregardèrent dans un silence gêné et tous les regards finirent par converger vers leur seigneur.
Oromë ne répondit rien. Son regard d'or liquide, à la lumière changeante, s'attarda longuement sur le garçon. Un enfant. Un enfant de princes, peut-être, mais un enfant toujours. Nerveux, impatient, qui piétinait le sol sans même s'en rendre compte. Egocentrique et insolent, comme tous les enfants, encore qu'il le fût peut-être un peu plus que les autres, et visiblement plus brave dans son innocente inconscience. Il n'avait aucune idée de qui il était, d'à qui il s'adressait, de ce qu'il demandait. Il ne savait encore rien.
« Retourne dans la maison de ton père, fils de Fëanáro, dit enfin le Chasseur d'une voix aussi profonde que les racines de la forêt. Tu ne sais rien. Les terres sauvages ne sont pas pour toi. »
Il fallut une bonne minute au garçon pour intégrer ce qu'il venait d'entendre. Son beau visage se tordit alors d'une grimace furieuse tandis que, fait étrange, de l'eau montait dans ses yeux clairs. Mais il cligna des paupières et l'eau disparut. Une colère aveugle la remplaça bien vite et il ouvrit la bouche pour parler à nouveau. Le regard ambré du Vala sur lui se fit plus pesant et le garçon, quoi qu'il eût voulu dire, n'émit pas le moindre son. Mais il ne baissa pas la tête en soumission comme le faisaient souvent ses semblables lorsqu'ils étaient impressionnés. Sa poitrine se soulevait au rythme de plus en plus rapide de sa respiration, son odeur embaumait la clairière toute entière à présent, et, soudain, il tourna les talons. Il quitta les lieux d'un pas vif, presque courant, sans se soucier de l'herbe qu'il foulait et des brindilles qu'il cassait sur son passage. Il eut tôt fait de disparaître dans les fourrés.
« Quel malappris ! se récria alors Liantë, ses nombreux yeux noirs écarquillés d'incrédulité. Et cela se dit fils de roi ?
- Ceci explique peut-être cela, commenta doucement Nóla. Quoi qu'il en soit, il est parti sans poser de souci.
- Bon débarras, grommela Polca. Nous allons devoir nous trouver un autre lieu de rencontre. Qui sait si ce petit impertinent ne reviendrait pas ?
- Il était insolent, reconnut Kyermë, la grande prêtresse, mais il ne m'a pas semblé bien méchant.
- Des jeunes qui ne connaissent pas leur place, nous en avons vu d'autres, ajouta Nahar.
- Ne serait-ce que dans le clan de Naulë, glissa malicieusement Haloitë. »
Un frissonnement parcourut l'assemblée des Maïar immobiles, se propageant de l'un à l'autre et trahissant leur gaîté. Une lueur moqueuse scintilla même dans les yeux d'Oromë. Seuls Naulë et Polca demeurèrent insensibles à l'amusement général.
« Tout de même, s'entêta ce dernier, nous devrions trouver un autre lieu pour les cérémonies. Elles ne devraient pas être à nouveau interrompues par un enfant des elfes, et surtout pas celui-là.
- Un impétueux, conclut placidement Tulca. Vous avez bien fait de le renvoyer, seigneur, mais je crains que la colère de son cœur ne le pousse à commettre quelque sottise. »
Oromë acquiesça et se tourna vers la Maïa qui se tenait debout à sa droite et qui n'avait pas encore prononcé le moindre mot.
« Fais suivre ce garçon, Naulë, et assure-toi qu'il rentre chez lui sans encombre. »
Naulë approuva en silence, toujours sérieuse, et s'effaça dans les bois environnants. Seul le bruissement délicat des feuilles déplacées trahit son passage. Oromë reporta son regard pailleté d'or sur la prêtresse, dont la poigne se referma plus durement sur le manche en os de son poignard.
« Reprenons. »
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Tyelko : 0 / Oromë : 1
La balle est remise en jeu !
