Le bruit répétitif des roues qui avancent sur les rails de métal devient hypnotique à chaque fois que mon esprit y prête attention. Je préfère donc admirer les paysages de cette fin d'automne qui se déploient devant mes yeux. Notre départ de Londres s'est fait en fanfare. Devant les photographes, Drago s'est montré particulièrement aimable et prévenant mais si tôt le train parti, il a retrouvé sa froideur habituelle et s'est enfermé dans son compartiment avec Severus Rogue. Je savais à quoi m'attendre, je ne devrais pas être surprise, mais ses changements brusques de comportement me perturbent quand même. De mon côté, j'ai eu le droit à un cours de Parvati sur la situation de l'Empire Magique Chinois, que j'ai bien vite arrêté car j'en savais deux fois plus qu'elle grâce à mes lectures. La pauvre m'a presque fait de la peine, elle qui avait préparé tout un classeur de fiches sur le sujet...

- Tu veux faire une bataille explosive, Hermione ?

Je déplace mon regard sur Parvati. Son visage est comme à son habitude : lumineux et souriant. Comment fait-elle pour être aussi enthousiaste en toute circonstance ? J'envie sa bonne humeur. De mon côté, entre la perspective peu réjouissante du long voyage qui nous attends et les changements d'humeur de Drago, j'ai du mal à garder bonne figure. J'ai l'impression que ce séjour en Chine ne va pas être de tout repos.

- Il faut être plus que deux pour y jouer, non ?

- On peut demander à Cho et Dean ! réplique Parvati, sans se départir de son enthousiasme.

- Dean ?

- Dean Thomas. L'un des aurors qui nous accompagne.

Je me rappelle alors que le fameux Dean Thomas est celui qui m'a escorté jusqu'à mes appartements au sein du ministère avant le mariage. J'ai un souvenir assez brumeux de son visage tant c'était le dernier de mes soucis à ce moment là. Est-ce que lui et Parvati se connaissent ? Je n'ai pas le temps de poser la question, le jeune femme a déjà filé hors du compartiment. Elle revient rapidement accompagnée de Cho, qui occupe le compartiment juste à côté du mien, et du fameux Dean, qui a l'air assez gêné de se retrouver là.

La partie devient vite agitée puisque les cartes explosent dans tous les sens ce qui occasionne pas mal de fous rires. Cho se révèle plutôt douée, abattant ses cartes avec dextérité. Parvati de son côté ne cesse de hurler à chaque fois qu'une carte commence à vibrer.

- Ohlàlà c'est tellement amusant, glousse-t-elle, cela me rappelle les parties de carte qu'on faisait à l'époque au Manoir.

- Vous auriez pu m'inviter d'ailleurs, grommelle Cho, je m'ennuyais à mourir dans ma chambre pendant ce temps là.

Dean Thomas redistribue le jeu pour une seconde partie. J'ai l'impression de vraiment m'amuser pour la première fois depuis bien longtemps. La bonne humeur se refroidit pourtant d'un coup, lorsque la porte s'ouvre sur un Severus Rogue armé de son air le plus méprisant, ce qui n'est pas peu dire.

- Milady, Mesdemoiselles, Monsieur Thomas.

- Nous jouons aux cartes, ce n'est pas interdit à ce que je sache.

Je ne sais pas pourquoi je suis autant sur la défensive. Un vieux réflexe de la Sélection sans doute... Rogue ne m'adresse même pas un regard.

- Monsieur Thomas, vous voilà en très bonne compagnie. Il serait souhaitable que vous mettiez autant d'énergie à surveiller le couloir de ce train qu'à jouer les divertissements.

Dean s'enfonce dans son siège de quelques centimètres, mortifié, puis s'en va sans demander son reste. Je croise le regard paniqué de Parvati et essaye de la rassurer de manière muette. Le majordome de Drago ne me fait pas plus peur que cela. Il est hors de question qu'il se mette à régenter chaque moment de ma journée.

- Quand arrivons nous à notre prochaine escale ?

- Nous serons à Budapest dans quelques minutes. Le roi me fait vous dire de vous préparer, vous allez rencontrer le président de la communauté magique hongroise ce soir.

À cette annonce, Cho et Parvati quittent à leur tour le compartiment pour me laisser m'habiller. Winky, que je ne retrouverais qu'arrivée à Pékin, m'a préparé un ensemble couleur crème associé à une veste en fourrure aux longs poils de même couleur. Il commence en effet à faire assez froid à cette époque de l'année. Je retrouve un Drago habillé d'une robe de sorcier de couleur sombre et d'un grand manteau bordé de fourrure. Il est particulièrement élégant.

Sur le quai, nous sommes accueillis par une petite délégation hongroise. Heureusement, nous avons une potion de Traduction qui nous permet de comprendre nos interlocuteurs sans difficulté. La journée se compose d'une balade dans la ville, d'une visite des thermes et d'une réception au palais du président. La femme du président m'interroge particulièrement sur les récents évènements.

- Alors Hermione, dites m'en plus. Comment s'est passé votre couronnement ? Nous sommes très curieux. J'ai compris que le régime monarchique anglais avait évolué. Qu'est-ce que cela implique ?

Les yeux de mon interlocutrice sont perçants, je me sens comme piégée. Je jette un regard paniqué à Drago qui se trouve de l'autre côté de la pièce et papote avec le président de la communauté magique. Je ne sais pas ce que je suis censée raconter et décide d'en dire le moins possible.

- C'était une très belle cérémonie. Très émouvante.

Je rajoute le plus de détail possible à la description, espérant noyer le poisson. Cela ne fonctionne qu'à moitié. La femme du président reprend :

- J'en suis sûre. On raconte que Lucius et Narcissa Malefoy sont en fuite, vous avez des nouvelles d'eux ?

Je bois une gorgée de jus de citrouille pour reprendre contenance et par miracle Drago vient se greffer à mon bras à ce moment là. Je me tourne vers lui.

- Je racontais à quel point notre mariage était magnifique.

- Un véritable conte de fée, renchérit Drago en saisissant mon malaise, nous avons tellement de chance. Tu viens ma chérie ? Il faut absolument que tu vois cette tapisserie du Moyen-Âge représentant un Magyar à pointes, elle est de toute beauté. Je sais à quel point les dragons te passionnent.

Je fais un sourire crispé et le laisse m'entraîner à sa suite dans les salons d'apparats en simulant un grand enthousiasme pour ladite tapisserie qui est en réalité assez laide. Le reste de la journée se passe heureusement sans trop d'accroc. Drago ne me lâche pas d'une semelle, ce qui m'empêche de me retrouver à nouveau dans une situation compromettante.

Les autres escales sont malheureusement du même modèle. Nous jouons la comédie du couple parfait avec Drago et enchaînons les visites officielles et les réceptions. Est-ce que ce serait plus supportable sans cette hypocrisie entre nous ? Elle commence en tout cas à me peser. Nous n'avons pas eu une seule véritable conversation depuis notre départ. J'ai plus d'échange avec Parvati et Cho qu'avec mon mari... La compagnie des deux jeunes femmes est d'ailleurs assez rafraichissante. Cho, que je n'appréciais pas plus que cela au Manoir, se révèle d'une compagnie assez agréable. Elle connait un nombre impressionnant d'histoires croustillantes sur la cour impériale et arrive presque à me donner envie de découvrir le palais de l'empereur et ses couloirs secrets.

Tout change pourtant entre Drago et moi vers la fin de notre voyage en train. Je me réveille brutalement au milieu de la nuit avec la sensation d'être en train de geler sur place. Est-ce que je suis malade ? Je touche le bois de mon compartiment : il est glacé. Non, il fait réellement très froid. Je réalise ensuite que le train est arrêté, ce qui n'est pas normal. Une angoisse commence à sourdre en moi. Sommes nous attaqués ? Y a-t-il eu un accident ? Je me lève en grelottant et enfile par dessus ma chemise de nuit la veste en fourrure claire de notre escale à Budapest. Le couloir du train est totalement vide. Il y a des bruits de pas et des éclats de voix au dehors. L'atmosphère est assez irréelle et angoissante. Le givre m'empêche de bien voir ce qui se passe dehors et mes tentatives de sorts ne donnent pas grand chose.

J'avance de quelques mètres jusqu'au premier compartiment entrouvert et toque à la porte. Elle s'ouvre complètement sur un Drago Malefoy mal réveillé en pyjama.

- Hermione ? Qu'est-ce que vous faites là ?

Flûte, quelle idiote ! Je n'avais pas réalisé que c'était sa cabine. Tant pis.

- Euh... Il fait très froid dans mon compartiment, je suis littéralement en train de me transformer en glaçon. Et pourquoi sommes nous à l'arrêt ?

- Zut, le sort de chauffage de votre cabine a dû sauter, m'explique Drago. Je vais demander à Rogue de jeter un coup d'oeil. Il y a une sorte de problème mécanique, il est allé voir ce qui se passait au niveau de la tête du train, il ne devrait pas tarder à revenir me faire son rapport.

- D'accord.

Un peu rassurée par ses explications, je recule d'un pas, résignée à attendre dans le couloir.

- Ne soyez pas stupide, grommelle Drago, venez dans mon compartiment, vous allez tomber malade dans ce froid.

Un peu gênée mais reconnaissante, j'avance à sa suite et il referme la porte. Il m'indique galamment son lit où je m'assois, tandis qu'il reste debout. Malgré la chaleur, je continue à trembler les mains serrées sur ma veste. Drago sort une petite fiole d'un tiroir.

- Buvez une petite gorgée, cela va vous faire du bien.

La fiole est en verre fumé, le liquide est d'une étrange couleur vert pomme. J'avale le breuvage avec circonspection. C'est une sorte d'alcool au fort goût de plante et d'épices. Ignoble mais efficace. Mon sang semble se réchauffer et enfin irriguer chacune de mes extrémités. Je frotte mes mains l'une contre l'autre.

- Merci.

Drago est toujours debout, à moitié adossé contre le mur. Un silence pesant s'installe entre nous. Pour la première fois de ma vie, j'espère avec force que Rogue ne va pas tarder à débarquer. Il y a tellement de tension que je suis incapable de regarder le blond dans les yeux et me contente de fixer le bout de mes pieds. De son côté, il tapote nerveusement ses doigts sur le rebord de sa table. L'occasion est tellement belle d'enfin s'expliquer, pourquoi suis-je incapable d'articuler le moindre mot ? Le compartiment étant petit, surtout une fois le lit déployé, j'entends chacune de ses respirations ce qui m'empêche de réfléchir correctement.

Au moment où j'ose enfin relever la tête et ouvrir la bouche, Drago émet lui même un début de syllabe. Nous nous arrêtons tous les deux.

- Après vous.

- Non non allez y.

- Je n'en ferais rien.

Il y a un nouveau silence mais cette fois Drago émet un rictus amusé par le comique de la situation. Cela me détend suffisamment pour parler.

- Je ne savais pas que vous étiez dans ce grenier. Je vous le jure.

C'est un peu abrupt. Mais au moins c'est sorti. Les yeux aciers me dévisagent comme pour jauger ce que je suis en train de dire. Il attend quelques secondes interminables avant de répondre d'une voix trop calme pour que ce soit naturel :

- Dire que je m'inquiétais pour vous au début. J'étais persuadé qu'ils vous avaient enlevé vous aussi. Heureusement, votre fiancé m'a vite rassuré sur votre sort.

Je continue à fixer mes pieds tandis que Drago poursuit après quelques instants.

- Vous savez ce qu'il s'amusait à me faire croire ? Que mes parents étaient morts. Un homme vraiment charmant.

Je ne devrais pas me sentir coupable des agissements de Ron mais je ressens le besoin irrépressible de me justifier, de me désolidariser de ses actions.

- Ce... c'était compliqué entre nous à ce moment là. On ne se parlait quasiment plus. Je ne...

- Vos problèmes de couple ne m'intéressent pas ! me coupe Drago. Vous voyez ? Vous ne niez même pas votre lien. J'espérais tellement à l'époque que tout cela soit un tissu de mensonge. C'est quand je vous ai vu arriver avec votre baguette que j'ai compris que vous n'étiez pas une prisonnière, comme moi.

- Je... je ne savais pas.

J'aimerais arrêter de bégayer. J'aimerais tellement pouvoir me tenir face à lui et me défendre. Mais la voix de Drago est implacable. Elle me cloue sur place. Il poursuit :

- Dire que j'étais prêt à vous épouser... Quelle ironie ! Et maintenant...

- Vous me haïssez.

Ce n'est pas une question, juste un constat.

- Même pas, me répond Drago avec lassitude. Je ne sais pas à quel point vous m'avez manipulé pendant la Sélection, ni à quel point vous étiez de mèche avec l'Ordre. En fait, cela ne m'intéresse plus. Je me suis trop torturé avec ces questions. Désormais, j'ai une certitude : je ne vous fais plus confiance. Et je ne vous ferais plus jamais confiance. Le destin a voulu que nous soyons tout de même liés, je dois faire avec.

C'est la première fois qu'il s'ouvre autant à moi, la première fois qu'il fait preuve d'autant de sincérité et de transparence. Je voudrais juste que ses mots ne me lacèrent pas le coeur à ce point là. Je relève mes yeux vers lui en priant pour que les larmes qui y perlent ne se voient pas trop.

- Alors pourquoi ? Pourquoi avoir accepté de m'épouser ? Pour protéger vos parents ? Quels sont les termes exacts de votre accord avec le ministre ?

J'ai besoin de comprendre.

- Cela ne vous regarde pas.

On toque à la porte. Drago fait coulisser le battant et dévoile un Severus Rogue impassible. Ma présence n'a pas l'air de l'étonner plus que cela.

- Quelles sont les nouvelles ? demande le blond.

Son ton est neutre, son attitude habituelle. Comme si la conversation que nous venons d'avoir n'avait eu aucun effet sur lui quand, de mon côté, je me sens dans l'état d'un Boursouflet écrasé.

- Le sorcier-machiniste n'est pas très confiant, répond Rogue, je ne crois pas que nous puissions repartir cette nuit. Il est même probable que nous soyons immobilisés une bonne partie de la journée de demain. Dois-je envoyer un hibou pour prévenir nos futurs hôtes de notre retard ?

- Bonne idée. Pouvez-vous raccompagner en chemin la reine à son compartiment et réactiver le sort de chauffage de sa cabine ?

Rogue opine de la tête sans un mot et m'invite à le suivre. Je regagne ma cabine, la mort dans l'âme, sans un regard pour Drago. Le sort de chauffage réactivé, la température revient rapidement à un niveau plus acceptable mais je suis incapable de trouver le sommeil. J'aurais presque préféré que le blond s'énerve contre moi, qu'il avoue me détester. Tout plutôt que ce dégoût, cette froideur calculée. Et pourquoi ai-je été incapable de répliquer ? Je me suis retrouvée enfermée dans un manoir contre mon gré, dans un univers dont je ne connaissais pas les codes, soumise à une compétition implacable. Suis-je tellement coupable d'avoir essayé de juste survivre ? De m'être enfuie ? De ne pas avoir renié mes amis et ma famille pour une personne que je connaissais depuis quelques semaines à peine ?

Je me retourne dans mes couvertures, agitée. Je n'étais pas obligée de mentir. Je n'étais pas obligée de laisser ma relation avec Drago aller aussi loin. J'aurais pu quitter la Sélection et retrouver Ron. Oui, je lui ai menti. Oui, je l'ai trahi. Alors que lui-même n'était qu'un pion dans un système qui le dépassait. Mes erreurs d'alors doivent-elles condamner tout espoir d'une relation plus apaisée entre nous ? C'est tellement injuste. Mais j'ai appris à connaître Drago et je sais à quel point il peut être intransigeant. S'il s'est juré de ne plus jamais m'accorder sa confiance, il n'y a plus aucun espoir.

Le jour commence à pointer à travers la vitre recouverte de givre. J'ai à peine dormi. Le train est toujours désespérément immobile et le silence à l'extérieur n'est troublé que par le gazouillement de quelques oiseaux. Je ressens le besoin irrépressible de sortir. Je m'habille à la va vite dégotant même des bottes fourrées dans ma malle. Le couloir est toujours vide, il doit être très tôt. J'avance jusqu'à la porte du wagon et l'ouvre. Un air glacé mais délicieux me prend à la gorge. Le soleil sur ma peau est un picotement bienvenu. Plissant les yeux, je découvre un paysage à couper le souffle. Nous sommes au coeur d'une campagne vallonée entièrement recouverte par la neige. Les arbres étincellent dans la lumière du matin.

Prenant une grande inspiration, je saute dans la neige fraîche et part au hasard laissant mes pas me guider. M'éloigner me fait du bien. Tandis que je marche, les pensées moroses de la nuit reviennent me hanter. Pourquoi est-ce que je me sens aussi mal ? Pourquoi les paroles de Drago me font-elles autant souffrir ? J'accélère le pas. Je ne veux pas retourner dans ce train et encore moins lui faire face. Je n'ai aucune envie de subir ce voyage protocolaire ni tout le reste en sentant la méfiance et le mépris suinter par tous les pores de sa peau. Cela me semble juste insurmontable.

C'est au bord d'un petit ruisseau qui se fraye péniblement un chemin à travers les blocs de neige que la vérité me frappe. Je suis amoureuse de Drago. Cela me semble si évident à présent. Voilà pourquoi je ne supporte pas cette situation. Voilà pourquoi ses paroles m'ont tellement blessée. Je ne sais pas depuis quand exactement ces sentiments ont éclot en moi. Cela n'a tellement rien à voir avec ce que je pouvais ressentir pour Ron, j'en viens à douter de ce mot que j'ai pensé malgré moi. Quelle importance à présent... Je ne vous ferais plus jamais confiance. Qu'est-ce que j'ai été sotte de penser que ce mariage pourrait réussir ! Que le temps pourrait tout apaiser ! Je sens les larmes me monter aux yeux et avec le froid c'est une sensation particulièrement désagréable.

Le froid. Il est en train de devenir encore plus intense. L'angoisse qui m'habite devient tellement forte que je dois plaquer mes mains sur ma poitrine. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Une crise de panique ? C'est alors que je les vois. Plusieurs hautes silhouettes enveloppées de capes, le visage entièrement dissimulé par une cagoule. La peur monte encore plus en moi si c'était seulement possible. Je lève ma baguette, ma main tremble. Un coup d'oeil à la ronde m'apprend que le train n'est plus dans mon champ de vision. Je réalise, alors que les silhouettes s'avancent vers moi, que je suis incapable de prononcer la moindre formule magique. Mon bras est comme anesthésié, mon énergie magique absente. Je ne saurais même pas quel sort utiliser contre ces créatures ! Comme une vague, des souvenirs affreux viennent me hanter. Des émotions que j'aurais préféré ne jamais ressentir à nouveau. La mort de mon père. Et ces paroles de Drago qui tournent dans ma tête sans aucun répit. Tout se mélange alors que je hurle et tombe à genoux dans la neige. L'une des silhouette se penche vers moi. C'est la fin.

- Spero Patronum !

Une lumière aveuglante envahie les alentours. Je ferme mes yeux et plaque mes mains dessus. Au bout de quelques instants, une main ferme m'attrape par le bras et me secoue sans ménagement.

- Milady !

J'ouvre lentement les paupières. Severus Rogue se tient devant moi. Il n'y a plus de silhouettes encapuchonnées aux alentours. Le silence est revenu sur la campagne environnante et la température est retournée à la normale.

- Qu'est-ce que c'était ? Ces créatures... Ce froid...

- On peut savoir ce que vous fabriquez ici si loin du train ? Vous êtes complètement idiote ma parole !

Je note qu'en l'absence de Drago, il se permet d'être beaucoup plus familier et dur. Je répète :

- Qu'est-ce que c'était ?

- Des Détraqueurs. Probablement, les êtres les plus répugnants qui existent. Elles se nourrissent des souvenirs joyeux et vont jusqu'à aspirer les âmes des imprudents qui croisent leur chemin. Vous n'avez jamais appris le sortilège du Patronus ?

- Je n'ai pas été à Poudlard.

Rogue grommelle. Agitant sa baguette, il prononce pour la seconde fois :

- Spero Patronum !

Un filet argenté s'échappe de sa baguette et vient former une biche argentée qui gambade gaiement autour de nous. J'en reste bouche bée. C'est la première fois que je vois un tel sortilège.

- C'est magnifique...

- Ce n'est pas fait pour faire joli.

Le sorcier s'adresse ensuite directement à la biche :

- Je l'ai retrouvé. Rendez-vous devant votre wagon.

La biche incline doucement la tête, comme pour indiquer qu'elle a compris le message, et s'éloigne en bondissant sur ses pattes délicates. Cela doit être une forme de communication entre sorciers. Là encore, je n'en ai jamais entendu parler.

Rogue tire sur mon bras pour me relever mais mes jambes flanchent. À contre coeur, le majordome me prend dans ses bras, comme une enfant. La situation pourrait être très étrange, mais je suis dans un tel état que cela m'est complètement égal. Après quelques minutes de marche, nous arrivons à proximité du train. Drago est là. En nous apercevant, il court à notre rencontre.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Je l'ai retrouvé entouré de plusieurs Détraqueurs. Quelques minutes plus tard et elle aurait eu les capacités mentales d'un veracrasse. On l'a échappé belle.

Je tourne péniblement la tête vers Drago et croise son regard. À ma grande surprise, il a l'air complètement paniqué, le teint encore plus pâle qu'à son habitude, ses cheveux blonds clairs étrangement en bataille comme s'il venait de se lever.

- Merlin... Severus...

- Elle a besoin de repos, idéalement d'un bon chocolat chaud.

- Je m'en occupe. Pendant ce temps, rassemblez les aurors encore à sa recherche, le train ne va pas tarder à repartir.

Rogue me dépose soigneusement dans les bras tendus de Drago. Ce dernier étant moins grand et moins costaud que son majordome, il a plus de mal à me porter mais avance vaillamment en direction de la porte du wagon puis, une fois entré dans le train, de mon compartiment. C'est la première fois depuis notre mariage que nous nous retrouvons aussi proche, je sens la chaleur de son torse contre moi. Ce contact est source à la fois de joie et de souffrance pour moi, ce qui n'est pas un mélange très agréable.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

La voix de Parvati est totalement hystérique.

- Calmez vous Miss Patil, la reine a besoin de beaucoup de calme et de repos. Pouvez-vous demander au cuisinier de faire apporter un chocolat chaud ?

La jeune femme couine en signe d'assentiment et s'éloigne à petite foulée, heureuse de s'être vue confier une mission. Drago, de son côté, m'installe avec énormément de soin dans mon lit, empilant les couvertures pour me réchauffer. Pourquoi est-il aussi prévenant ? Qu'est-ce que cela peut lui faire que je meurs gelée ou que je sois transformée en veracrasse humaine ? C'est incompréhensible.

- Ne faites plus jamais ça, dit-il à voix basse.

Je hoche la tête avec difficulté, peu désireuse d'entamer une nouvelle discussion. Après quelques instants, Parvati revient avec un chocolat chaud fumant puis s'éclipse sur un signe de Drago. À ma grande surprise, le breuvage me revigore, réchauffant chacun de mes membres engourdis. La chape de plomb qui me recouvre depuis ma rencontre avec les Détraqueurs semble s'alléger un peu.

Au même moment, le train se met en branle, les essieux grinçant atrocement après une telle immobilité dans le froid.

- Nous devrions arriver demain à Pékin. Essayer de vous reposer un peu.

Là encore, j'acquiesce sans un mot et retombe sur mon oreiller, renonçant à comprendre le comportement de Drago qui semble avoir décidé de rester à mon chevet. La seule explication sensée est qu'il a besoin de moi en bon état pour répondre aux exigences du ministère et garder ses parents en vie. À mon réveil, il n'est plus là.

à suivre...