- Vous trouverez à votre droite le patio de l'empereur Ming qui comprend un célèbre bassin où nagent des Strangulots. Je vous déconseille bien entendu de trop vous en approcher.

Parvati émet un petit rire poli devant cette remarque. Notre guide se nomme Liu Jin et se montre particulièrement courtois, nous faisant visiter une bonne partie du palais impérial sans être avare en explications et anecdotes. De ce que je comprends, nous ne rencontrerons l'empereur que le lendemain afin de nous laisser le temps de prendre nos marques. Liu est à la fois notre interprète des us et coutumes de la cour impérial et notre référent.

- Et voici vos appartements. Le dîner est servi dans le salon, vos bagages seront apportés très rapidement.

Ses yeux noirs pétillent derrière ses lunettes rondes. Ses cheveux ébouriffés me font terriblement penser à ceux de Harry.

- Merci pour cette visite passionnante, répond Drago, nous sommes ravis de pouvoir nous délasser après ce long voyage. Nous nous verrons donc demain.

Liu Jin s'incline respectueusement et s'éloigne. La découverte de nos appartements est un grand moment d'enthousiasme pour l'ensemble de la délégation. Cho et Parvati font le tour de toutes les chambres en poussant des cris d'émerveillement à chaque découverte. Tout est magnifiquement décoré. Rogue de son côté a préféré s'attaquer à la supervision du dîner, paniqué à l'idée que le protocole ne soit pas respecté. Je retrouve avec plaisir Winky, accompagné de Dobby, l'elfe attitré de Drago. Le dîner se passe dans une atmosphère joyeuse et animée. Je crois que tout le monde est très content d'en avoir fini avec cet interminable voyage en train.

Après le repas, Winky me montre ma chambre, très spacieuse et dotée d'une salle de bain attenante avec une gigantesque baignoire en céramique. Je pourrais presque m'habituer au luxe. Je décide immédiatement de prendre un long bain, absolument délicieux après ces longues heures de train. En sortant de l'eau, j'enfile un confortable peignoir blanc et m'amuse à tester de nombreuses crèmes. C'est sifflotant et détendue que je retourne dans ma chambre pour tomber nez à nez avec un Drago en pyjama, confortablement installé dans le lit, un livre à la main.

- Drago ? Que... qu'est-ce que vous faites là ? Vous vous être trompés de chambre ?

Le blond lève les yeux de son ouvrage.

- Et bien, il semblerait Hermione que nous n'ayons qu'une seule chambre à nous partager. Les moeurs ne sont pas les mêmes dans ce pays. Vous conviendrez qu'il ne serait pas très malin de nous plaindre de cette situation à nos hôtes alors que nous devons justement les convaincre de la force de notre mariage. Il va donc falloir nous y accoutumer.

J'ouvre la bouche et la referme aussitôt n'ayant rien à répondre. Drago poursuit en reprenant, flegmatique, sa lecture :

- Je vous rassure, a priori je ne ronfle pas.

J'attrape nerveusement ma chemise de nuit dans ma malle et retourne aussitôt dans la salle de bain me changer. Je reste quelques instants face au miroir pour me recomposer une expression normale avant de repartir au front. Quand je me glisse dans les draps, Drago est toujours en train de lire, imperturbable. j'arrive à déchiffrer sur la couverture « Grands évènements de la sorcellerie au XXème siècle. »

- C'est passionnant, je vous le prêterai quand je l'aurais fini si vous voulez.

Je ne réponds pas. Pourquoi se comporte-t-il comme si nous étions un vieux couple ? C'est assez ironique vu la situation. Enfin, le blond consent à reposer son ouvrage sur sa table de nuit.

- Je vous propose d'éteindre Hermione, nous avons une longue journée demain.

- Oui, bonne idée.

Je suis cramponnée au rebord de la couverture comme un marin à son gouvernail. D'un élégant mouvement de baguette, Drago éteint l'ensemble des lumières de la pièce. Au bout de quelques minutes, je comprends que je ne vais pas trouver le sommeil aussi facilement. Mon mari n'arrête pas de bouger nerveusement de son côté. Nos deux corps sont beaucoup trop proches pour que je puisse espérer me calmer. Pourtant, après un temps qui me semble infini, je tombe finalement dans un sommeil profond.

À mon réveil, Drago est déjà habillé et en train de griffonner sur un parchemin, assis devant le bureau de notre chambre. Je file dans la salle de bain pour me rendre à peu près présentable : le matin, mes cheveux ont tendance à être hirsutes et électriques. Quand je reviens, Dobby et Winky sont en train de servir un petit déjeuner copieux. Je m'attable assez mal à l'aise. Que ce soit au manoir ou lors du voyage, nous ne nous sommes jamais retrouvés dans une situation aussi intime qu'un petit-déjeuner en tête à tête.

- Bonjour Hermione, avez-vous bien dormi ?

- Très bien et vous ?

J'utilise le même ton courtois et poli que mon nouveau mari. À ma grande surprise, Drago a l'air de vouloir faire la conversation et enchaîne avec une série de recommandations concernant notre entrevue du jour avec l'empereur.

- L'un des points les plus délicats concerne la province de Hong Kong. Plusieurs sorciers britanniques continuent à y vivre et nous sommes en grande difficulté pour leur assurer leur liberté de circulation et de travail. La situation est difficile mais nous ne voulons pas risquer un conflit ouvert avec l'empire.

- Qu'attends exactement le ministère de nous ?

- De ne surtout pas faire de géopolitique bien évidemment. Être consensuel, éviter les sujets qui fâchent et, bien entendu, assurer que le calme est revenu dans la société magique britannique.

Nous continuons à discuter pendant un long moment de notre stratégie et de la meilleure attitude à adopter face au couple impérial. Je me sens prise d'un regain d'énergie : enfin Drago me traite comme une alliée et pas comme un boulet qu'il serait obligé de traîner derrière lui. Même si nos échanges restent très formels, j'ai l'impression de servir à quelque chose et c'est un sentiment absolument exaltant après ces longues semaines à être le jouet du destin.

- Milady, je vous ai préparé votre tenue, couine Winky.

Drago s'éclipse et je laisse l'elfe de maison me passer une sublime robe rouge au dos agrémenté d'un noeud compliqué. J'ai un doute en me regardant dans le miroir, ma tenue n'est-elle pas trop sophistiquée pour une simple entrevue ? En pénétrant dans le salon principal du palais, ces pensées sont bien vite écartées : tout ici est somptueux, flamboyant et royal. Les meubles en marqueterie rivalisent de beauté avec les tapisseries en soie et les immenses vases en céramique dont s'échappent de longues branches de magnolia couvertes de fleurs odorantes. En tenue traditionnelle, l'empereur et l'impératrice nous accueillent avec un visage impassible. Sur un signe de son souverain, Liu Jin apporte à Drago une boîte en bois qu'il ouvre devant lui. À l'intérieur, je distingue des sortes de petites billes de gélatine. Le blond en attrape une et l'avale aussitôt. Je sens Severus Rogue se tendre à côté de moi. Qu'est-ce que cela signifie ?

Je comprends bien vite l'ampleur du problème quand l'empereur se met à parler d'une voix lente et pleine d'emphase : impossible de saisir le sens ! La potion de traduction ne fonctionne pas avec ce nouveau dialecte. Drago, grâce à sa sorte de pilule magique, lui répond dans la même langue. Je bouillonne intérieurement. Dire que ce matin, je me réjouissais de pouvoir enfin être utile et jouer un rôle politique dans ce voyage : qu'est-ce que j'ai été stupide ! Comme d'habitude, je suis condamnée à servir de plante verte en arrière-plan.

L'entrevue est étrangement rapide et nous repartons bien vite vers nos appartements. Drago marche d'un pas rapide, moi, Rogue et Dean Thomas sur ses talons.

- Que vous êtes vous dit ?

Je m'en veux d'être aussi pressante mais la curiosité est bien trop forte. Nous sommes arrivés devant la porte de notre suite et Drago me jette un coup d'oeil rapide :

- J'ai besoin de m'entretenir avec Severus, je vous raconterais plus tard.

Mon amour propre en prend un coup d'autant que Rogue en profite pour passer devant moi en me jetant un regard ostensiblement méprisant. Il a l'air ravi de me voir remis à ma place. Je tourne les talons, peu désireuse de tourner en rond dans ma chambre tandis que Drago et son majordome discuteront. Si l'on ne veut pas de moi, très bien, je vais aller me trouver une autre occupation.

Après quelques minutes de marche, je suis déjà complètement perdue. Cela ne m'embête pas plus que cela, autant profiter de mon temps libre pour visiter un peu. Les couloirs sont étrangement vides dans cet aile du palais, je ne croise que quelques gardes, si immobiles qu'on pourrait les prendre pour des statues. Des bruits d'oiseaux me conduisent jusqu'à une immense serre protégée par une haute verrière. Il y a là une collection impressionnante de plantes luxuriantes. Un chemin composé de grandes pierres plates se fraye entre les bassins d'eaux et les bosquets. L'endroit est magnifique et apaisant, tout ce dont j'ai besoin en ce moment.

Ma robe, pas du tout adaptée à la situation, traîne dans l'eau et s'accroche aux plantes. J'espère que Winky ne me houspillera pas trop... Ayant toujours été passionnée de botanique, je m'amuse à reconnaître plusieurs variétés que je n'ai vu que dans mes manuels de St-Brutus.

- Si j'étais vous, je ne m'approcherais pas plus près.

Je sursaute et me retourne. Liu Jin, le guide qui nous a fait visiter le palais la veille, se tient à quelques mètres de moi, l'air rieur sous ses lunettes rondes.

- Il y a des plantes carnivores, ici ?

- Bien entendu, que serait une serre sans quelques plantes carnivores.

Je n'arrive pas à savoir s'il plaisante ou pas. Ses yeux noirs sont pétillants et chaleureux. Soudain, il se baisse et cueille une magnifique fleur de lotus.

- Tenez, c'est pour vous. En infusion, elle fait des miracles pour les problèmes de sommeil.

J'attrape la fleur, un peu perplexe.

- Comment savez-vous que j'ai des problèmes de sommeil ?

- Vos cernes.

Je grimace. Je demanderais à Winky une crème ou un sort pour les cacher, je ne voudrais pas que quiconque se doute que j'ai passé plusieurs heures à trouver le sommeil car c'était la première fois que je dormais avec mon mari. Mais bon, après tout, un manque de sommeil pourrait aussi cacher des nuits bien plus passionnées. Je rougis devant mes propres pensées.

- Je ne voulais pas vous gêner, se défend Liu, cela ne se voit pas tant que cela. Je suis guérisseur à mes heures perdues, je ne peux pas m'empêcher de faire des prescriptions.

Je me souviens alors l'avoir vu dans le salon tout à l'heure, lors de l'entrevue avec le couple impérial. Quel est exactement son rôle dans ce palais ?

- Vous êtes guérisseur, traducteur, guide, diplomate... C'est beaucoup pour une seule personne.

Il me fait un sourire énigmatique.

- J'ai encore beaucoup de cordes à mon arc. Si cela vous dit, vous pouvez passer venir me voir au centre d'entraine...

Il s'interrompt tout à coup et jette un regard inquiet au-dessus de lui. Je suis la direction de ses yeux et m'aperçois que la serre est entourée d'une sorte de galerie haute. Je lance narquoise :

- C'est très facile d'espionner dans ce palais.

Liu prend un air gêné :

- Comme dans tous les palais...

Sur ces paroles énigmatiques, il s'éloigne en me lançant :

- À une prochaine fois Hermione, vous me direz si la fleur de lotus a fait effet.

On dirait qu'il a véritablement peur d'être espionné. Je repars vers mes appartements, bien décidée à demander mon chemin à un garde. Cette discussion avec notre interprète m'a laissé assez perplexe. Sans compter le fait qu'il m'a appelé Hermione, sans utiliser mon titre royal. Je devrais me sentir vexée mais je n'ai pas ce genre de fierté : je dois reconnaître qu'avoir un échange amical avec une nouvelle personne est quelque chose qui ne m'était pas arrivé depuis bien longtemps.

À mon retour, je tombe sur un Drago assez inquiet.

- Où étiez vous ?

- En balade. Ce n'est pas interdit à ce que je sache.

- Seule ? Cela ne me paraît pas du tout une bonne idée, la prochaine fois vous demanderez à un auror de vous escorter. Je vous rappelle que nous ne sommes pas en pays ami.

Son ton assez sec ne me plaît pas du tout. Certes, la dernière fois que je suis allée vadrouiller j'ai failli me faire aspirer l'âme par une horrible créature mais j'ose espérer que le palais ne présente pas ce niveau de danger. Je quitte le salon et les yeux un peu trop curieux de Parvati et Cho, assises sur le canapé, pour notre chambre. À ma grande surprise, le blond me suit. Je tends la fleur de lotus à Winky.

- C'est pour faire infuser. Tu pourras m'en préparer une tasse ce soir ?

L'elfe se plie en deux avec déférence, ravie que je lui demande quelque chose.

- Bien sûr, Milady.

- Je pensais que le compte-rendu de mon entretien avec l'empereur vous intéresserait plus qu'aller chercher des ingrédients pour tisane.

Je me retourne vers Drago, offusquée.

- Pardon ? C'est vous qui m'avez chassé de votre réunion secrète avec Rogue.

- Je n'ai pas de compte à vous rendre là-dessus.

- Dans ce cas, ne venez pas me servir les miettes d'information dont votre majordome n'aura pas voulu.

Le blond repart en claquant la porte. Je m'assois sur le bord du lit, afin de me calmer. Pourquoi est-ce que je me braque ainsi ? Pourquoi est-ce que la moindre dispute avec Drago me met dans des états pareils ? L'entente cordiale que nous avions réussi à instaurer ce matin semble avoir complètement disparue. J'ai conscience que l'équilibre entre nous est fragile et je fais, malgré moi, tout mon possible pour l'ébranler encore plus.

Les jours suivants, Drago se montre de nouveau froid et distant. J'apprends par Severus Rogue que plusieurs réunions diplomatiques se tiennent régulièrement, ce qui explique que le roi et son majordome soient régulièrement absents. De mon côté, j'essaye de m'occuper comme je peux grâce à mes livres et à la compagnie de Parvati. Au bout de deux jours de cette inactivité forcée, je suis déjà lassée et repart à la découverte du palais, sans me préoccuper des recommandations de mon mari. Je profite de l'absence habituelle de Drago et Severus et celle, plus étrange, de Dean Thomas, qui monte pourtant habituellement la garde devant notre appartement.

Je suis bien décidée à découvrir ce fameux centre d'entraînement que Liu a mentionné par mégarde lors de notre rencontre dans la serre. Tout ce qui pourra pimenter un peu ma journée est le bienvenu. Malgré mes efforts, j'erre un temps considérable dans les couloirs avant de me rappeler que je suis une sorcière. Mes sortilèges d'orientation n'ont jamais été très efficaces mais autant tenter le tout pour le tout. Je proclame d'une vois claire :

- Centre d'entraînement.

Je pose ma baguette au sol et l'item magique se met aussitôt à tourner comme une toupie avant de pointer résolument une direction. Je ne suis pas si rouillée que cela après tout ! Quelques couloirs et hésitations plus tard, je pousse une large porte en bois et une odeur de cuir et de sueur me prend aussitôt à la gorge. Je suis en fait sur une espèce de coursive qui entoure un immense tatamis situé à l'étage du dessous. Décidément, ils adorent ce genre d'architecture à plusieurs niveaux dans ce palais. Ma position surélevée me permet d'observer tranquillement la salle principale. Deux sorciers sont en train de s'entraîner à ce qui ressemble à un art martial. L'un d'entre eux est Liu Jin, l'autre un sorcier beaucoup plus vieux mais étrangement alerte.

J'observe pendant plusieurs minutes leur ballet : ils se tournent autour et enchainent des figures assez compliquées sans jamais se toucher. L'air semble crépiter autour d'eux. Je sens au fond de moi qu'ils utilisent de la magie mais l'absence de baguette ou de toute manifestation lumineuse me déroute. Cela n'a décidément rien à voir avec les duels que nous avons en Angleterre ! Soudain, le vieil homme fait un mouvement compliqué de main, les pieds ancrés dans le sol et Liu Jin se retrouve projeté de plusieurs mètres en arrière. Loin de s'en offusquer, il se relève prestement et s'incline devant son adversaire.

- Vous avez gagné, maître Kangxi.

- Hum, c'est seulement parce que vous étiez trop distrait élève Jin ! Je vous ai toujours dit que l'Art Martial Magique demandait d'abord une grande concentration et une paix absolue de l'âme.

Le maître s'incline à son tour et quitte le centre d'entraînement. Resté seul, notre interprète prend le temps d'attraper une serviette et de s'éponger le visage. Puis, sans aucun signe avant-coureur, il lève la tête vers moi :

- Vous pouvez descendre, Hermione.

Je sursaute. Un peu gênée de m'être fait surprendre ainsi, je dévale l'escalier qui mène à l'étage du dessous et pénètre dans la salle, tout en restant respectueusement sur le bord du tatami. Je ne veux pas prendre le risque d'être projetée dans les airs moi aussi !

- Comment avez-vous su que j'étais là ?

- Voyons, votre flux magique n'était pas très difficile à repérer.

- Mon... flux magique ?

- Ou votre énergie, appelez ça comme vous voulez. Elle est partout : les sorciers, les créatures magiques même les objets et certains édifices. Mais pardon, je dois vous embêter, vous savez sans doute déjà tout cela.

Je reste silencieuse. Je n'ose pas lui avouer que je n'ai jamais entendu parler de flux ou d'énergie de peur de passer pour une idiote. Le visage de Liu Jin, rougi par l'effort, s'illumine d'un sourire :

- Alors qu'avez-vous pensé de notre art martial ? Cela vous a plu ?

- C'était... très impressionnant, je n'avais jamais vu une chose pareille.

- Je voulais le mettre au programme de votre visite mais cela ne m'a pas été autorisé. Si vous voulez je peux vous apprendre les rudiments. Ce sera notre petit secret.

Il me fait un clin d'oeil. Pardon ? Il me propose de m'enseigner les bases d'un art martial chinois ? La partie de mon cerveau qui est toujours partante pour apprendre de nouvelles choses en frétille de bonheur, heureusement le reste de mes neurones analyse un peu plus froidement la situation. Certes, Liu est très amical et m'inspire confiance mais, d'une part, comme l'a dit Drago nous sommes entourés d'ennemis, d'autre part, me retrouver seule avec lui n'est pas très convenable et pourrait m'attirer une masse d'ennuis.

- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée.

Le sorcier prend un air déçu.

- C'est dommage, mais comme vous voulez.

- La tisane au lotus était très bonne et visiblement efficace, je dors comme un dragon en ce moment.

Mon ton enthousiaste ne trompe pas Liu sur mon désir de changer de sujet. Nous papotons néanmoins de botanique pendant plusieurs minutes et je me rends compte qu'il est un véritable puit de connaissance, ce qui me ravit. Je quitte le centre d'entraînement de bien meilleure humeur. Qu'importe que je ne sache pas encore si Liu est un allié ou un espion particulièrement fourbe, je préfère discuter avec un ennemi que me morfondre dans les appartements qui nous ont été assignés.

Le lendemain, nous partons en excursion avec Parvati, Dean et plusieurs autres aurors à la découverte de la Grande Muraille. Cho a décliné l'invitation en expliquant qu'elle connaissait déjà le lieu et qu'elle préférait se reposer. À ma grande déception, le guide qui nous est assigné par le palais n'est pas Liu Jin mais le vieux sorcier que j'ai vu combattre si brillamment au centre d'entraînement. La visite étant de courtoisie, nous suivons un chemin bien balisé en écoutant sagement notre guide.

- C'est magnifique mais on s'ennuie à mourir, baille Parvati.

Je hausse les sourcils avec compassion. Certes l'endroit est absolument somptueux mais les explications de notre guide sont véritablement rébarbatives. Cessant d'écouter son ton monocorde, je place mes mains sur l'un des rebords de la muraille. S'il y a bien un édifice qui doit avoir un champ magique puissant, c'est celui là ! Les pieds ancrés dans le sol, la paume des mains bien à plat sur la pierre, je ferme les yeux pour me concentrer.

- Euh... Milady, tout va bien ? me souffle la voix de Dean Thomas.

- Oui, oui, je fais une petite expérience.

Je peux ressentir sa perplexité même les yeux fermés. Essayant de l'ignorer, je me concentre sans savoir vraiment ce que je cherche à percevoir. Au bout de quelques instants, je sens enfin comme un frémissement, comme si j'étais au sommet d'une immense montagne qui s'avérait être un dragon endormi. C'est exactement cela : un souffle, un tremblement dans le sol très lent et presque imperceptible.

- Milady ?

Le ton est beaucoup plus sec que celui de Dean Thomas. J'ouvre les yeux et me retrouve face à face avec maître Kangxi qui me dévisage d'un air très soupçonneux.

- Qu'est-ce que vous faites ?

- Je... J'ai été prise d'un vertige, j'ai dû m'appuyer sur le mur.

Parvati, pour faire bonne figure, m'évente énergiquement comme si j'étais sur le point de m'évanouir.

- Nous pouvons rentrer au palais, si vous êtes fatiguées.

Gênée, j'y vois un échappatoire rêvé :

- Oui ! Bonne idée !

Je me sens d'abord un peu coupable de priver la petite délégation britannique de cette excursion, mais le soulagement de Parvati et Dean me rassure : ils sont aussi contents que moi d'en finir avec cette visite.

De retour dans nos salons, Drago et Severus ne sont toujours pas rentrés. Cho n'est pas là non plus. Je m'installe au coin du feu pour lire mais je n'arrive pas à me concentrer au-delà d'un paragraphe. Mes pensées me ramènent inexorablement à ce que j'ai perçu en haut de la Grande Muraille. J'ai l'impression qu'il y a tout un pan de la connaissance magique que je viens à peine d'effleurer et je brûle d'en savoir plus. Malheureusement, la réponse ne se trouve pas dans la cinquième édition des « Arbres carnivores du monde » que je suis en train de compulser.

Agacée, je ferme le livre dans un claquement sec. Quelques minutes à fixer les flammes de l'âtre suffisent à me décider : une telle occasion ne se représentera pas de sitôt. Je m'éclipse des appartements et file au centre d'entraînement. Contrairement à la veille, je ne me perds pas en route et arrive rapidement devant la salle, qui est malheureusement totalement vide. Il n'y flotte qu'une odeur un peu âcre de cuir et de sueur. Déçue, j'erre un peu au hasard dans l'aile du palais qui nous a été assignée. Au détour d'un couloir, j'entends le pépiement reconnaissable des oiseaux de la serre et me décide à y faire un tour. Avec un peu de chance, Liu y sera peut-être.

J'arrive sur une sorte de balcon qui surplombe la serre tout en faisant le tour : c'est cet endroit dont parlait Liu, celui qui permet d'espionner. En effet, de cette position, on est idéalement bien placé pour observer l'intérieur de la serre tout en étant relativement caché par les feuilles des arbres. La vue d'en haut est absolument magnifique. Je commence à faire le tour de la balustrade puis je me fige : il ya quelqu'un dans la serre et la chevelure blond pâle ne fait pas trop de doute sur son identité.

Est-ce que je devrais me sentir coupable d'espionner Drago ainsi ? Je me demande ce qu'il fait là, je croyais que son emploi du temps diplomatique ne lui laissait pas une minute de libre. Soudain, j'aperçois une chevelure beaucoup plus sombre à ses côtés. C'est Cho. Ils semblent plongés dans une grande conversation. Je peux voir de mon poste d'observation la jeune femme rire et rabattre ses cheveux dans son dos d'un geste élégant. Drago a l'ai étonnamment détendu et lui sourit avant de poser une main dans le creux de son dos.

Je voudrais que cette scène ne me fasse rien. Je voudrais y être insensible mais c'est peine perdue. Mon coeur est comme transpercé d'un poignard alors que Drago chuchote à l'oreille de Cho ce que j'imagine être des mots doux.

à suivre...