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Séraphine, debout face à la porte de la classe de Potions, la fixait d'un air impatient. Elle vérifia d'un rapide coup d'œil que tout était bien en place et reporta son regard sur la porte. L'horloge indiquait 19 heures 37, il était près de quinze minutes après le début du repas.
Des pas résonnèrent dans les cachots. À travers les murs humides, Séraphine était certaine d'entendre les chuchotements des sœurs Rupert.
Elles ouvrirent la porte, et la réaction qui s'ensuivit sur leurs visages fut particulièrement révélatrice de leur implication dans l'affaire Lily, et des émotions qu'elles avaient traversées durant ce moment : Cassandre darda sur elle un air hautain quelque peu craintif — le mélange était curieux à observer —, Cassidy la regardait dans les yeux avec hésitation et Cassie les baissa honteusement.
« Séraphine ? lança Cassidy d'une voix qu'elle s'efforça de garder neutre.
— Cassidy, dit Séraphine. Cassandre, Cassie. Je trouve cela curieux tout de même.
— Quoi donc ? demanda Cassie.
— Que mon cadeau ait été ensorcelé, et que vous trois soyez les seules à l'avoir aperçu avant Lily. »
Elle fronça les sourcils, comme si elle avait oublié un détail, et sourit, comme si elle venait de le retrouver.
« Ah, et aussi l'argent que vous avez reçu juste après. Vraiment curieux.
— Qu'est-ce que tu insinues ? siffla Cassandre. Nous ne sommes en rien responsables de ce que tu as fait à Evans.
— Il est inutile de nier, déclara Séraphine. Je vous ai entendu en parler. »
Les trois sœurs échangèrent un regard lourd de sens. C'était un mensonge, bien entendu, mais il n'était pas nécessaire qu'elles aient connaissance de ce fait.
« Très bien, soit, nous avons bien ensorcelé ton livre. Et ? Que vas-tu faire ? Tout le monde te croit déjà coupable.
— Dites-moi au moins ce qu'elle vous a demandé, dit Séraphine, prenant soin de cacher toute l'importance qu'elle accordait à la réponse.
— Elle nous a dit de viser Lily Evans, répondit Cassie, qui avait rapidement compris de qui elle parlait, et de s'arranger pour te faire porter le chapeau.
— En échange de combien ? la questionna-t-elle, désireuse de connaître le montant auquel sa mère estimait son amitié avec Lily.
— Quelque chose comme deux milles livres en argent moldu.
— Soit 329 gallions et douze mornilles, convertit automatiquement Séraphine. Ce n'est pas cher payé pour gâcher ma scolarité. »
Cassie rougit, Cassidy prit un air coupable et Cassandre se mordit la lèvre.
« Désolée, murmura Cassie.
— C'est trop tard, rétorqua sèchement Séraphine. De toute manière, je vais rétablir la vérité et vous allez m'y aider. »
Toute culpabilité disparut immédiatement du visage des jeunes filles qui protestèrent vivement.
« Certainement pas ! Tu n'avais qu'à ne pas traîner avec des sangs-de-bourbe ! » s'écria Cassandre.
Elle n'eut pas le temps de regretter ces paroles que Séraphine ricanait.
« Une nouvelle fois, c'est trop tard. Voyez-vous, je prépare toujours tout à l'avance, même cette discussion. Surtout, cette discussion. »
Elle sortit un petit appareil moldu que les trois sœurs, élevées au sein d'un foyer Moldu, reconnurent aussitôt : un talkie-walkie, qui enregistrait leur conversation depuis le début.
La porte s'ouvrît sur deux professeurs : Mme Vale, M. Slughorn, Mme Mcgonagall et Alice Fortescue, qui leur avait donné l'autre talkie-walkie et les avait convaincu d'écouter ce qu'il pourrait révéler. Ils avaient entendu mot pour mot les Rupert avouer leur odieux méfait, leurs motivations, et l'insulte terrible proférée à l'encontre de la jeune Lily Evans.
Séraphine fut réhabilitée dans son dortoir. Le directeur Dumbledore décida qu'elle occuperait la même chambre durant le temps que durerait le jugement des Rupert. La nouvelle se propagea à travers Poudlard et bientôt, tous surent la vérité au sujet du véritable coupable, bien que les professeurs firent de leur mieux pour étouffer l'affaire.
Néanmoins, ces détails lui semblaient minimes, comparé à son seul souhait : se réconcilier avec Lily. Désormais libre de l'approcher, elle lui rendit sa première visite.
Quand elle entra dans l'infirmerie, Lily riait avec l'une de ses amies de Gryffondor, Mary MacDonald — qui faisait partie de ceux qui n'avaient pas cru Séraphine. Son parfum de fleur embaumait l'air.
« Lily ? » appela-t-elle.
Marlène coula vers elle un regard méprisant, mais Lily lui adressa un large sourire.
« Marlène, tu veux bien nous laisser s'il-te-plaît ? » dit-elle à son amie, qui accepta à contre-coeur.
Dès qu'elles se retrouvèrent seules, Lily l'enlaça. D'abord surprise, Séraphine ne réagit pas, puis elle se laissa aller dans l'étreinte douce de sa meilleure amie.
Elle lui avait terriblement manqué. Plus que lorsque sa mère l'avait empêchée de la voir, car elle avait été en danger cette fois-là.
« Tu es guérie ? demanda-t-elle en vérifiant le bras de Lily.
— J'ai encore quelques traces de morsures, mais aucune qui justifie d'être gardée à l'infirmerie. »
Lily devait effectivement ne plus supporter d'être enfermée à l'infirmerie.
« Je suis vraiment désolée, soupira Séraphine. J'aurai dû faire plus attention.
— Ce n'est pas de ta faute, la coupa Lily. Les véritables coupables sont les sœurs Rupert. Ta seule erreur aura été de leur faire confiance...
— Et c'est une de trop, car tu as été blessée à cause d'elle.
— Non, c'est à cause de ces filles, et uniquement d'elles. »
Séraphine, voyant la détermination dans le regard vert de Lily, préféra laisser le combat de côté, sans l'abandonner pour autant.
« Je voulais te remercier de m'avoir crue, du début à la fin.
— C'est normal, sourit Lily, tu es ma meilleure amie. »
Quand Séraphine quitta l'infirmerie, le regard vert de Lily se ternit. Son amie l'avait remerciée de l'avoir crue, mais la vérité était que, durant les heures qu'elle avait passées seule dans sa chambre, à ressasser les évènements dans sa tête comme le flashback noir et blanc d'un vieux film moldu, un minuscule doute s'était insinué en elle. Sitôt qu'il était apparu, elle l'avait chassé et banni de son esprit, bien entendu. Séraphine ne lui ferait jamais une telle chose, peu importe que leurs maisons respectives les aient éloignées. Elle la connaissait depuis près de deux ans, et elle était certaine que son amie — sa meilleure amie — était une bonne personne.
Pourtant, elle la savait aussi préoccupée par ce que pensaient les autres à son sujet. Elle s'efforçait d'y paraître insensible, mais au fond, elle voulait s'intégrer. Ce qui était normal : chacun cherche à trouver sa place dans la société, Lily aussi. Même si ce besoin était naturel, il était cependant nécessaire de lui imposer des limites, à partir de ce qu'on était prêt à sacrifier pour le satisfaire.
Heureusement, ce soupçon n'avait pas duré. Alice lui avait assuré que Séraphine cherchait par tous les moyens à retrouver le coupable et Lily s'était disputée pour avoir eu de telles pensées. Sous aucun prétexte elle n'aurait dû douter de son amie, peu importe ce que Marlène et tous ses visiteurs lui disaient.
