La salle des professeurs s'animait par les multiples conversations qu'elle accueillait. Après un simple mois de vacances, Poudlard reprenait doucement vie avec le retour de certains de ses professeurs.

Le directeur avait convoqué les rares professeurs habitants à l'extérieur du château à revenir plus tôt cette année. Suite aux derniers évènements dans le monde magique, Dumbledore souhaitait renforcer la sécurité de l'école et planifier des plans d'évasion. Pour les professeurs, cet appel ne pouvait signifier qu'une chose : Albus Dumbledore était inquiet.

La réunion devait se dérouler dans l'heure, mais le principal concerné était absent. En attendant que Dumbledore arrive au château, les professeurs s'évertuaient à passer le temps. Chourave, les joues rosies par l'excitation, discutait avec effervescence de ses récentes découvertes de plantes vénéneuses avec Bibine, qui hochait la tête avec un sourire indulgent. A quelques pas de là, Sinistra énumérait ses dernières lectures des étoiles à une Trelawney bien plus intéressée par sa tasse, ses yeux perdus dans les feuilles de thé.

Debout dans un coin de la pièce, Rogue regardait l'horloge, visiblement contrarié. Le retard du directeur ne lui plaisait guère. Entendre les badinages de ses collègues lui devenait insupportable. Les mâchoires serrées, il sentait l'agacement monter, la colère prête à s'abattre. S'il devait rester là sans rien faire une minute de plus, il ne promettait pas de tenir sa langue. Finalement, avec un soupir exaspéré, il finit par se décider. Il tourna les talons, sa cape virevoltant derrière lui dans un claquement sec, et se dirigea vers la porte. "Au diable la réunion," murmura-t-il pour lui-même, sa voix basse et glaciale.

McGonagall l'interpella avant qu'il ne puisse quitter la pièce.

— Eh bien Severus, vous oubliez de me saluer ? Je sais que vous êtes pressé de retrouver vos cachots, mais tout de même, s'adressa-t-elle malicieusement au professeur.

La professeure de métamorphose lui adressa un sourire en coin, qui accentuait les rides autour de ses yeux et renforçait son regard taquin. Forcé de s'arrêter, le sorcier se retourna vers sa collègue.

— Minerva, salua froidement Rogue. Je vois que vous vous efforcez à perdre votre temps dans les mondanités.

— Enfin voyons, cessez de prendre cet air bourru avec moi, fit-elle en levant les yeux au ciel.

Il était connu de tous que le renommé maître des potions n'aimait guère rester de longues heures à papoter avec ses collègues enseignants. Au fil des ans, la directrice des Gryffondor, avait su passer outre du rôle qu'il s'évertuait de jouer. Sa bienveillance et son regard perçant auraient pu atteindre le sorcier, si ce fameux rôle d'insociable en était bien un.

Elle lui tendit un verre de whisky Pur Feu, un breuvage dont la chauve-souris des cachots appréciait tout particulièrement. D'un léger geste de la main, elle l'invita à revenir parmi eux. Les paupières de Severus se fermèrent quelques secondes pour ne pas montrer toute l'exaspération que ce moment lui procurait. Il aurait sincèrement préféré profiter des derniers moments de tranquillité qu'on lui accorderait cette année, mais il redoutait d'énièmes reproches du directeur sur son comportement "peu amical" avec le reste du corps enseignant.

Son verre dans la main, Severus écouta d'une seule oreille les conversations de la salle. Il remarqua McGonagall se pencher discrètement vers lui.

— Vous devez être au courant qu'Albus est parti chercher quelqu'un pour un certain poste. Savez-vous lequel ? demanda malicieusement la sorcière.

— Il semblerait que le directeur vous ait caché ceci. Vous parlez actuellement avec le nouveau professeur de défense contre les forces du mal, annonça Rogue de la manière la plus simple du monde.

— Toutes mes félicitations Severus ! exulta la lionne. Depuis le temps que vous en rêviez ! Je pensais que l'annonce de ce changement de poste vous aurait fait plus réagir que ça.

Il prit bien le temps de finir sa gorgée avant de se tourner vers elle. Un léger sourire moqueur venait de se former sur ses fines lèvres.

— Je réserve ça pour nos chers élèves.

Les rires et discussions battaient à leur plein quand Hagrid déboula dans la salle, entièrement paniqué. Son regard affolé balaya la pièce. Lorsqu'il repéra la personne qu'il cherchait, il se précipita dans sa direction, ses pas lourds résonnant sur le sol en pierre. La pauvre Pompom, qui était toujours accrochée à sa coupe de champagne, manqua de la renverser de surprise. Toute l'attention de la salle se reporta sur eux, et les conversations s'arrêtèrent brusquement. Les regards curieux et inquiets se tournèrent vers Hagrid, dont la respiration rapide et les joues rougies par l'angoisse trahissaient l'urgence de la situation.

— Mais enfin, Hagrid, que se passe-t-il ?! s'impatienta l'infirmière qui essayait désespérément de comprendre le garde-chasse.

Hagrid qui manquait visiblement de souffle, tenta de mimer avec ses mains ce qu'il souhaitait dire. N'en pouvant plus de ce spectacle, Pomfresh lui lança un Anapneo pour laisser l'air passer dans les poumons du demi-géant.

— Parlez maintenant !

— Il y a… Il y a une jeune femme…inconsciente. Je l'ai amené à l'infirmerie.

Cela fut suffisant pour Pompom Pomfresh pour se rendre immédiatement dans son antre, où une nouvelle patiente attendait ses soins. Severus et Minerva lui emboîtèrent le pas sans même se concerter, suivis par un Hagrid soulagé de son fardeau.

Durant leur marche effrénée dans les longs couloirs du château, la directrice-adjointe lança un regard décontenancé vers l'ancien professeur de potion. Qui diable pouvait être cette inconnue ?

Sur l'un des nombreux lits vides de l'infirmerie, ils découvrirent le corps d'une femme sur le premier lit de la rangée de droite, inerte. Pomfresh s'élança vers elle pour l'ausculter au plus vite. D'une main experte, elle dégagea les mèches de cheveux qui barraient le visage de sa patiente. À sa vue, McGonagall et Pomfresh hoquetèrent d'horreur.

Le nez avait visiblement été cassé d'un grand coup sec. Du sang séché recouvrait toute la partie basse de son visage tuméfié. Le haut de la pommette gauche était marqué un hématome jaunâtre qui s'étendait jusque sous la paupière. Ses cheveux étaient emmêlés par un mélange de brindilles, de feuilles et de sang. Au niveau de l'arrière du crâne, une légère partie du cuir chevelu avait été arraché.

Rogue s'était glissé derrière Minerva en silence. Égal à lui-même, était resté de marbre devant l'état de la jeune fille, ses yeux scrutateurs fixés sur elle.

— Par Merlin, mais qui a bien pu lui faire ça ? ne put retenir l'infirmière d'une voix scandalisée.

_ Va-t-elle se rétablir ? demanda Hagrid, inquiet.

_ Rien d'irréversible, heureusement. Cependant, j'ai très rarement vu un patient dans un tel état…Hagrid, pouvez-vous m'apporter longuement sur l'étagère de gauche ?

Le garde-chasse s'empressa d'aller le chercher et de lui apporter, tout en prenant bien soin de ne pas regarder dans la direction de la patiente. Hagrid, bien qu'il l'avait déjà aperçu en la portant, était trop affligé par son état.

Pomfresh sortit sa baguette et l'agita dans de grandes arabesques, elle débuta de longues incantations pour lancer son sort de diagnostic. Une lumière orangée enveloppa le corps de la blessée.

Severus et Minerva observaient les soins avec attention. Une fois qu'ils furent certains que la jeune inconnue était prise en charge par l'infirmière et hors de danger, ils se retournèrent vers Hagrid pour l'interroger.

— Où l'avez-vous trouvé ? lui demanda McGonagall.

— J'étais en train de faire un petit tour dans la forêt interdite pour essayer de trouver des champignons et en donner aux sombrals, car il faut savoir que les sombrals adorent les…

— La question n'était pas ce que vous étiez en train de faire, mais où vous l'avez trouvé, coupa sèchement Severus.

Hagrid sursauta sur l'intervention du professeur et se ressentit de nouveau comme un élève pris en faute. Il hocha timidement la tête avant de reprendre d'une voix embarrassée.

— Je l'ai trouvée à quelques mètres du territoire des centaures. Un peu plus et je ne l'aurais jamais trouvé, elle n'aurait pas fait long feu avec eux.

— Et j'imagine que vous n'avez même pas pris la peine de vérifier si elle possédait la marque ? grogna Severus en dardant son regard vers lui.

— La marque ? Hagrid se sentit tout à coup tout petit malgré sa taille imposante.

Une insulte à moitié étouffée sortit d'entre les lèvres de Rogue. L'incompétence du demi-géant venait d'atteindre son paroxysme. Il s'avança rageusement vers le lit et retourna l'avant-bras gauche de l'endormie sans la moindre délicatesse. Pomfresh se retint de pousser un cri de rébellion face à ce comportement, mais le regard de Severus fut sans appel.

Il pointa sa baguette sur sa peau parfaitement lisse et prononça le sort du Revelio. Toutes les personnes présentes fixèrent la moindre apparition d'encre, mais rien ne se passa. Hagrid poussa un soupir de soulagement, heureux de ne pas avoir ramené une potentielle mangemorte dans l'école.

— Comment s'est-elle retrouvée dans la forêt ? lança Minerva en s'asseyant près du lit. Il est clair que ce n'est pas de son plein gré.

Malgré le fait qu'elle fut innocentée d'être du côté du Seigneur des Ténèbres, Severus continuait à lancer un regard mauvais vers la jeune femme. Sa présence ne présageait rien de bon, et il détestait les imprévus.

Hagrid sursauta en se rappelant de quelque chose.

— Il faut que vous veniez professeurs ! Venez avant qu'il ne se fasse dévorer par une créature !

Le garde-chasse était reparti de plus belle de l'infirmerie. Son emportement n'avait pas laissé de place aux explications. Les deux enseignants, déjà étonnés par la présence de cette inconnue, n'avaient pas encore anticipé ce qui allait suivre. Ils laissèrent l'infirmière s'occuper de l'étrangère et se mirent à prendre la même direction qu'Hagrid.

Leur course les mena jusque dans la forêt interdite. Hagrid, qui était toujours en tête, finit par s'arrêter et s'écarta pour leur laisser une vue sur le spectacle. Minerva ouvrit de grands yeux d'effroi.

Un avant-bras était étendu sur le sol et entouré d'une mare de sang. Le sang continuait à s'écouler du membre sectionné. La main tenait fermement une baguette entre ses doigts. Des runes encerclaient ce macabre spectacle, gravées à même dans la terre de la forêt par un feu ardent. Rogue, face à ça, s'imaginait déjà une horde de problèmes s'abattre sur eux.

L'horreur de la scène fit sortir un mouchoir à la sous-directrice qu'elle posa sur son nez.

— La jeune femme était là, dans ce cercle, avec l'avant-bras pointé vers elle, dit Hagrid en montrant du doigt les runes. J'ai bien cru qu'elle était morte.

Rogue examina en premier les runes, leurs formes lui étaient totalement étrangères. Il demanda à sa collègue mais c'était de même pour elle. Ils n'avaient rien vu de tel.

— Ces runes n'ont pas l'air d'être banales. Il faut impérativement que j'envoie un hibou au directeur, lâcha Minerva en se tournant déjà vers le château.

— Devons-nous vraiment déranger le directeur ?

— J'en ai bien peur Hagrid… Un nouveau mystère vient de nous tomber sur les bras, soupira-t-elle.

— La baguette nous mènera au propriétaire de ce bras, souffla Severus en récupérant la baguette d'un visage neutre. Faîtes savoir à Dumbledore que nous attendons sa décision avant de prévenir le ministère.

— Vous pensez que cela puisse être un danger pour l'école ? questionna Hagrid d'un air inquiet pour sa maison.

Severus lança un regard sévère au demi-géant.

— Il aurait mieux valu la laisser se faire dévorer par les créatures de la forêt si vous souhaitiez éviter les problèmes.

Minerva claqua de la langue, agacée par cette remarque. Ils n'avaient pas besoin d'une dispute en plus de tout le reste. Les yeux clairs de la sorcière se laissèrent happer par les runes encore chaudes, une crainte naissait dans son cœur. Était-ce un mauvais présage pour la sécurité de leur précieuse école ? Ils l'ignoraient.

/-/-/-/

Allongée en plein milieu d'un champ, Ophélia appréciait en silence les rayons du soleil qui embrassaient sa peau et la brise qui s'enroulait dans ses longues mèches.

Le moment était simple. Tout bonnement anodin. Il pourrait même être jugé d'ennuyant. Pourtant, il la comblait par sa profonde douceur. Elle ressentait de la paix. Le sentiment, si intense, s'était répandu dans tout son être.

Son esprit s'était égaré, mais qu'importait pour elle. Avait-on réellement besoin de penser pour profiter des cadeaux de la nature ? Sans vouloir se souvenir de quoi que ce soit, elle aurait voulu s'enraciner dans le sol, ressentir la terre en symbiose avec son corps et finir par totalement disparaître.

Il pouvait être aisé de laisser le monde derrière nous.

D'oublier la moindre chose, le moindre détail.

— Ophélia !

Quelqu'un l'appelait avec force.

Cette voix ne lui était pas étrangère, mais elle ne se souvenait plus d'où. Qui pouvait l'appeler à un pareil moment ? Ses souvenirs refusaient de lui répondre. Soit, ça ne devait pas être si important. Elle s'obstina à garder ses paupières closes.

Au fond d'elle, quelque chose la persuadait de ne pas répondre à cet appel qui se répétait. Mieux valait faire la sourde oreille, car elle avait la conviction que si elle répondait, elle souffrirait de nouveau

Elle ignora obstinément la voix et se retourna sur le côté pour en échapper. Rien ni personne ne pouvait l'obliger à se séparer de cet instant de pur bonheur.

Une poigne inattendue la fit basculer sur le dos. Ses paupières s'ouvrirent de surprise. Au-dessus d'elle se tenait sa mère, le visage défiguré par la peur.

— Il arrive, Ophélia !

La jeune femme prit de grandes inspirations, la désagréable sensation de manquer d'air marquée sur ses poumons. Son buste s'était relevé subitement dans le lit. L'agitation fit glisser les draps qui lui avaient été posés sur elle durant son sommeil.

Alors qu'elle essayait tant bien que mal de reprendre une respiration normale, elle finit par remarquer la présence d'une bonne femme habillée de blanc et de rouge près d'elle. L'inconnue l'observait à la dérobée, manifestement pas le moins du monde surpris de la voir dans cet état.

— La poussière de Mandragore reste toujours efficace pour forcer le réveil, fit-elle la remarque en rangeant un pot rempli d'une poudre brune dans son armoire. Je m'excuse de vous avoir forcé à vous sortir de votre somnolence, mais il est l'heure d'apporter des réponses, ma chère.

— Qui êtes-vous ? demanda Ophélia l'air totalement perdue.

— C'est plutôt à vous de répondre à cette question, intervint d'une voix implacable venant de la droite du lit.

Trois nouvelles personnes s'approchaient vers elles, une femme et deux hommes.

La femme possédait un visage stricte parsemé de fines rides, avec un chignon serré qui accentuait le tout, mais son regard clair était empreint de curiosité. L'un des hommes était très grand, affublé d'une large barbe qui se fondait parfaitement à son énorme tignasse brune.

Puis le dernier, celui qui avait parlé, se démarquait par la blancheur de sa peau qui contrastait avec sa robe austère. Les yeux de cet homme, malgré leur noirceur, brillaient férocement.

— Parlez, relança Rogue qui n'appréciait pas la façon dont elle venait de les détailler.

— Doucement Severus, vous voyez bien qu'elle est désorientée, lui intima McGonagall en s'approchant doucement d'Ophélia. Je me présente, Minerva McGonagall. Pourriez-vous nous dire votre nom ?

Toujours assise sur le lit, Ophélia se sentait mal à l'aise devant toutes ces personnes qu'elle ne connaissait pas. Une pression s'imposait sur sa poitrine. Son regard se perdit légèrement sur les lieux avant de revenir sur McGonagall.

— Ophélia. Ophélia Giaccoli, répondit-elle en passant ses jambes sur le côté du lit. Elle fit une grimace en sentant soudainement un mal de crâne arriver. Où sommes-nous ? Dans un hôpital ? Vous ne ressemblez pas à des docteurs…

La douleur à sa tête s'intensifia. Elle posa ses mains sur ses tempes et ferma vivement les yeux pour l'atténuer. Elle perçut des voix lui répondre, mais elle n'arrivait pas à se concentrer dessus. Les mots coulaient inlassablement dans une brume qu'elle était incapable de percer.

Une image lui revint. Des cris résonnèrent en elle et ses souvenirs refirent surface. Un tremblement incontrôlable se répandit dans son corps. Son cœur prit la résonance des tambours de la peur. La terreur monta, gronda de ses tripes pour la submerger.

Elle se souvenait de tout.

— Oh non ! cria-t-elle en laissant l'horreur l'habiter.

Son regard longea rapidement les lits de l'infirmerie en souhaitant y trouver quelqu'un. Ils étaient tous vides. Personne d'autre n'était alité. Cette constatation la bouleversa.

—Ma mère n'est pas ici ?! Il faut qu'on aille l'aider, appelez les secours ! indiqua désespérément la jeune femme en tentant de trouver une aide chez ces inconnus.

La surprise fut générale dans le groupe. Quelqu'un d'autre avait besoin d'aide dans la forêt ? McGonagall jeta un regard interrogateur vers Hagrid.

—Je vous assure que s'il y avait quelqu'un d'autre, je l'aurais trouvé. Crokdur m'accompagnait et malgré son âge il n'a pas perdu son fabuleux odorat canin ! affirma le demi-géant pour se dédouaner pour toute autre présence d'intru.

— Personne d'autre ?

Le visage d'Ophélia pâlit à l'annonce.

— Non, vous devez vous tromper, elle était à la maison ! Elle doit toujours y être.

— Une maison ? Il n'y a pas de maison mademoiselle là où je vous ai trouvé, fit Hagrid, assez perplexe d'imaginer une habitation dans ces bois.

La crainte d'Ophélia se transforma en un agacement muni de crocs.

—Mais vous êtes bouché ou vous le faîtes exprès ? Je vous dis que ma mère doit avoir besoin d'aide, immédiatement ! lança Ophélia en s'emportant. Et puis pourquoi je ne vois personne passer d'appel ? Il faut que les urgences arrivent au plus vite !

Elle se laissa glisser du lit et chancela légèrement, elle se tint contre la barre du lit pour réussir à tenir droite. Sa vision se troubla par ses soudains mouvements. Ophélia n'était pas en état de se déplacer, son corps le lui cria dans le tiraillement qui s'abattit de la base de son cou jusqu'à l'arrière de ses mollets.

Les professeurs l'observaient avec des yeux ronds, de quels secours parlait-elle ?

— Miss Giaccoli, tenta Minerva. Pourquoi votre mère a-t-elle besoin d'aide ? Que vous est-il arrivé ?

—Nous n'avons pas le temps de parler de ça, s'agita Ophélia par la force du désespoir. J'ai besoin de mon téléphone, où l'avez-vous mis ?

Son étrange comportement et son humeur massacrante n'étaient pas du côté d'Ophélia. Les sorciers se mirent sérieusement à douter d'elle et de ses dires. Elle le ressentait grâce aux regards qu'ils lui lançaient. Ils ne la croyaient pas.

—Il faut que vous vous calmiez, Miss, vous n'êtes pas encore totalement rétablie ! ordonna Pomfresh en posant une main sur son épaule.

D'un coup sec de l'épaule, elle fit partir la main de l'infirmière et lui lança un regard noir.

— Me calmer ? Je dois la retrouver ! Ils ont pu lui faire du mal ! hurla la jeune femme à bout de nerfs.

Sans attendre plus de leur part, Ophélia se mit en route en faisant la sourde oreille aux propres appels de son corps. Elle se persuada qu'elle trouverait bien un téléphone pour appeler quelqu'un sur le chemin. Alors qu'elle venait de dépasser la dame à l'étrange chapeau et l'immense homme, le dénommé Severus lui bloqua la route.

— Vous n'irez nulle part sans nous avoir donné de plus amples explications. » menaça le professeur en sortant sa baguette.

À la vue de la baguette, son visage se tinta d'effroi. Elle recula vivement d'un pas comme brûlée par son apparition, un tremblement agitait ses épaules. Ses yeux se mirent à briller de larmes incontrôlables qui glissèrent sur ses joues.

— Vous êtes avec eux ! pesta Ophélia en rabattant ses bras contre elle comme seule protection. Qu'est-ce que vous nous voulez à la fin ? cria bruyamment la jeune femme.

Rogue arqua un sourcil septique, parlait-elle des mangemorts ? En pointant toujours sa baguette sur elle, il lui ordonna de reculer d'une voix autoritaire. Ophélia ne donnait pas l'air de vouloir écouter, elle perdait le contrôle de ses émotions. Il s'avança, l'air mauvais, et plaqua le bout de sa baguette contre son cou.

— Reculez, immédiatement, répéta Rogue en appuyant sa baguette sur la peau de la jeune femme.

En sentant la pointe de la baguette contre elle, son corps se figea sur place. Même si son cerveau lui hurlait de reculer, elle était incapable de le faire.

Sa vie était une nouvelle fois menacée. Elle allait encore devoir souffrir sans même savoir pourquoi. Pourquoi elles ? Qu'attendaient-ils d'elles ? L'incompréhension, la peur, la colère, tous ces sentiments se percutaient, s'entrechoquaient, dans le cœur d'Ophélia.

McGonagall les sépara en tournant le dos à Rogue.

— Miss, nous ne sommes pas ici pour nous battre mais pour comprendre. Prenez le temps de vous calmer et de nous expliquer ce qui s'est passé pour que nous puissions vous aider, expliqua la lionne en s'avançant légèrement vers une Ophélia toujours chamboulée.

— Vous savez très bien ce qui m'est arrivé ! » accusa-t-elle.

— Minerva ça ne sert à rien. Cette femme est hystérique, nous devrions faire le nécessaire avant qu'elle ne tente de s'en prendre à l'un de nous, proposa Rogue en se penchant à l'oreille de sa collègue.

Ophélia était peut-être à fleur de peau mais loin d'être sourde. Elle se tourna vers Rogue, les yeux fous.

— Moi, hystérique ? Vous envoyez deux hommes chez nous, nous…me…

Les mots lui manquèrent soudainement, se bloquant dans sa gorge.

Elle avait beau vouloir lui hurler toute sa rage dessus, elle ne pouvait le faire sans employer certains termes qu'elle se sentait incapable de prononcer. Ils restèrent accrochés au fond de sa gorge, formant une boule indélogeable.

— Je n'ai rien d'une hystérique, je ne mens pas, reprit-elle avec force. Vous savez très bien ce qui m'est arrivé ! Vous me dégoûtez.

Un silence se créa dans l'infirmerie suite à sa colère.

Rogue finit par avoir les lèvres qui se pincèrent de mécontentement et se rapprocha d'Ophélia en seulement deux grands pas pour la toiser de toute sa hauteur.

— Je n'ai rien à voir avec vos mésaventures. Vous devriez être sûre de vos dires avant d'accuser le premier venu.

Avant que ça puisse aller plus loin, Pomfresh s'interposa.

— Il suffit tous les deux ! Je ne tolérerais aucune bagarre dans mon infirmerie.

Elle pointa un doigt accusateur sur Ophélia.

— Vous êtes ici car notre garde-chasse vous a retrouvé blessée, si vous ne voulez pas que vos blessures s'aggravent je vous incite à vous rallonger dans votre lit. Tout de suite.

L'intransigeance de ses paroles fit hésiter longuement la jeune femme. Il était vrai qu'elle sentait des bandages entourant certaines parties de son corps et qu'ils se trouvaient bien dans une infirmerie. À quoi bon ça pourrait leur servir de la soigner s'ils voulaient seulement l'agresser ?

Le doute s'insinua.

Elle épia chacun de leurs gestes tout en reculant sagement. Enfin posée sur le bord du lit, elle osa reprendre la parole.

— Si vous n'êtes pas de ceux qui nous ont attaqués, vous êtes qui ?

Minerva ne perdit pas son temps pour répondre, et évita que Rogue brise le nouveau calme de la discussion par une remarque cinglante.

— Vous vous trouvez dans notre école. Nous sommes des professeurs.

— Une école ? Dans ce coin ? réagit Ophélia en plissant les yeux, pas totalement sûre de vouloir y croire.

— Poudlard ! La plus grande école de sorcellerie du monde entier ! s'exclama joyeusement Hagrid en ne remarquant pas que son intervention irrita Rogue.

Peut-être pensaient-ils qu'elle allait enfin réagir à cette information et leur révéler ce qu'une sorcière inconnue et inconsciente faisait dans les environs. Pourtant, Ophélia ne donna pas l'impression de connaître l'endroit, même de nom. Elle plissa les yeux, perplexe par sa prochaine question.

— Alors vous êtes une école pour former les futurs magiciens, du genre le coup du lapin qui disparaît dans le chapeau ?

— Après le jeu de l'inconsciente, vous vous lancez dans un comportement de moldu, persifla Severus. Cessez de jouer avec nous et parlez une bonne fois pour toute !

Il faillit lui jeter un sort en l'entendant demander ce que signifiait "moldu". Jouait-elle réellement un rôle ? Rogue sentait au plus profond de son être un complot qui se cachait derrière ces grands yeux bleus. Cela ne pouvait être qu'une simple coïncidence.

Alors qu'il était sur le point d'insinuer qu'elle s'évertuait à leur mentir, les portes de l'infirmerie s'ouvrirent subitement.

Albus Dumbledore venait tout juste d'arriver à l'école par la cheminée de son bureau. Habillé lui aussi d'une longue robe de sorcier légèrement recouverte de suie, il s'avança à grand pas vers le petit groupe. La longueur de la barbe du nouveau venu ne passa pas inaperçue pour Ophélia, à l'instar de la noirceur des doigts de la main droite de l'homme.

— Albus ! fit McGonagall, rassurée de le voir.

— Je vous prie, mes chers amis, de m'excuser pour mon retard. Je suis venu dès que j'ai reçu votre hibou, Minerva, commença-t-il d'une voix douce. La venue de notre nouvelle amie ici présente m'a été transmise quelques temps avant qu'elle n'arrive aux alentours de l'école, je vous prierai donc de ne pas trop chambouler Miss Giaccoli. Je vous expliquerai plus en détails ce qu'il retourne de cette histoire, mais pour l'instant j'aimerais d'abord m'entretenir avec elle avant toute chose.

Le directeur des Serpentard eût la vive envie de donner son avis sur la question, le directeur avait déjà repoussé cette éventualité en faisant un bref mouvement de la main dans sa direction. Message silencieux, mais clair. Rogue rangea son amertume de côté et fut le premier à sortir de l'infirmerie, le pas chargé d'aigreur.

Hagrid se permit de faire un signe à Ophélia en guise d'au revoir et la gratifia d'un timide sourire. Minerva suivit le demi-géant, soulagée de pouvoir déléguer le problème à leur directeur.

_ Faites attention à elle, Albus, prévint l'infirmière en tenant la poignée, prête à refermer la porte derrière-elle. Et surtout, qu'elle ne se lève plus !

La porte se referma sur la mise en garde de l'infirmière. Il n'y avait plus qu'Ophélia et Dumbledore.

L'ambiance devenait pesante par le silence. C'était au tour de la jeune femme de se faire observer. Malgré l'intensité du regard qui pesait sur elle, Ophélia n'y ressentait pas la moindre animosité. Au contraire, les yeux du directeur reflétaient une immense tristesse en détaillant pour la première fois son invitée.

— Veuillez m'excuser, votre ressemblance avec votre mère est assez troublante…Je suis enchanté de faire votre connaissance, je suis Albus Dumbledore, le directeur de l'école.

Comme toute réponse elle hocha de la tête. Elle attendait une suite.

— Vous devez vous demander ce que vous faîtes parmi nous. Notre garde-chasse vous a retrouvé aux abords de notre école, dans la forêt pour être plus exact.

— Vous allez aussi me dire que vous ne savez pas comment j'ai pu finir inconsciente, cracha Ophélia le regard mauvais. Vous venez de dire que vous saviez que j'arrivais.

Elle doutait sincèrement de leur non-implication dans son agression. Albus fit un léger sourire qui disparut assez rapidement.

_J'étais au courant que quelque chose se préparait. Irina et vous-même risquiez d'être en danger, révéla le directeur en s'asseyant sur le bord du lit.

Le sorcier ne s'était pas attendu à ce qu'Ophélia lui attrape férocement le bras, ses lèvres commencèrent à trembler sous le poids de ses émotions, l'inquiétude la terrassait.

— Qu'avez-vous fait de ma mère ? dit-elle en essayant d'être la plus menaçante possible. Où est-elle ?

La surprise envolée, Dumbledore posa sa main sur celle d'Ophélia pour tenir la sienne, non pour la repousser.

_ J'ignore où se trouve Irina, avoua Albus en tentant de soutenir le regard d'Ophélia.

La jeune femme haussa les sourcils.

_ Où est-elle alors ? Si vous n'êtes en rien dans cette agression, pourquoi me retenir ici ?

_ Irina m'a demandé de vous venir en aide, que vous puissiez être en sécurité.

_ Comme si elle avait pu avoir le temps de le faire. C'est du grand n'importe quoi, siffla Ophélia en arrachant sa main.

Envahie d'une nouvelle énergie, elle se mit debout en envoyant valser les paroles de l'infirmière. Elle était prête à s'en aller, qu'ils soient d'accord ou non avec.

_ Je vais retourner à la maison et appeler la police !

_ Je crains que vous ne puissiez pas trouver ce que vous recherchez.

_ Merci pour m'avoir soigné, trancha Ophélia pour mettre fin à la discussion.

Elle ne comptait pas rester une minute de plus dans cette infirmerie. Cependant, le directeur n'avait pas encore terminé.

_ Vous souvenez-vous de la manière dont vous vous êtes enfuis ?

La question la perturba. Plusieurs flashs de l'agression se jouaient dans son esprit, mais aucun d'eux ne lui montrait comment elle s'en était sortie. Ne pas savoir lui fit serrer les poings.
Dumbledore vit immédiatement son trouble.

Le sorcier se pencha et pointa du doigt quelque chose vers sa poitrine.

_ Votre collier, il est celui qui vous a sauvé.

Son cœur se stoppa. Elle attrapa machinalement le pendentif pendant à son cou et sentit par le bout de ses doigts qu'il n'était plus comme avant. En le regardant, elle remarqua que son verre s'était totalement brisé, tout en libérant par la même occasion le sable qu'il contenait.

Sa main se referma sur la dépouille du collier, une pointe amère dans la gorge.

_ Ce n'est pas un bijou qui a pu me sauver de cet homme, souffla Ophélia.

_ Ce n'était pas un collier ordinaire, Miss.

_ Un cadeau. C'était un simple cadeau.

_ D'Irina j'imagine ? dit malicieusement Dumbledore.

Elle n'eut pas besoin de répondre pour qu'il sache qu'il avait raison.

_ Cela ne change rien, continua-t-elle sur la même lancée.

_ Elle ne vous a vraiment rien dit… l'étudia le directeur, se frottant distraitement sa barbe de sa main valide. Je me demande bien pourquoi.

_ Me dire quoi à la fin ? Arrêtez de tourner autour du pot et parlez ! explosa Ophélia.

Dumbledore prit son temps pour employer les bons mots en continuant de jouer avec un bout de sa barbe. Il se décida à reprendre la parole quand elle fut sur le point de craquer.

_ Irina vous a caché votre véritable nature.

_ Ma véritable nature ?

_ Vous n'êtes pas une femme banale, Miss Giaccoli. Sans que vous le sachiez, votre mère a fait en sorte de vous dissimuler une partie de vous-même durant toute votre vie.

En voyant l'incompréhension dans le regard d'Ophélia, il préféra s'arrêter dans ses explications.

_ Avant de véritablement aborder le sujet, il vaudrait mieux que vous soyez totalement remise. Vous devez encore vous reposer.

Il tenta de s'approcher et de la ramener vers le lit qu'elle n'aurait pas dû quitter. Ophélia était loin d'être du même avis que le directeur. Sa main relâcha enfin son pendentif qui retomba contre sa peau.

_ Vous pensez que je vais rester sagement ici, juste pour attendre vos vagues explications ? dit-elle d'un ton dur. J'ai passé l'âge de croire les conneries des vieux gâteux.

La blague avait assez duré à son goût. S'ils ne faisaient vraiment pas partie des gens qui l'avaient attaqué, il n'y avait pas de raison pour elle de rester.

La main sur la porte, elle s'apprêtait à la passer quand une terrible fatigue l'envahit. La douleur revint à son tour, se répandant dans tout son corps. Les soins de Madame Pomfresh ne faisaient déjà plus effet. Elle s'affala contre la porte, n'arrivant presque plus à tenir sur ses jambes. Dumbledore apparut à ses côtés pour la soutenir.

_ Madame Pomfresh n'avait pas terminé tous les soins…Venez, vous serez mieux allongée.

Elle essaya de le repousser mais les douleurs s'intensifièrent et l'empêchèrent de s'éloigner. Il l'épaula jusqu'au lit et l'aida à s'allonger. Ophélia mordait furieusement sa lèvre inférieure pour s'empêcher d'hurler. La douleur ne cessait d'augmenter, cela la faisait perdre pied.

L'infirmière revint rapidement auprès de sa patiente avec Dumbledore à ses côtés.

« Buvez ça, vous pourrez vous endormir, vous n'aurez plus mal. »

Dans son fort intérieur, Ophélia aurait préféré refuser la potion que lui tendait l'infirmière, mais la douleur l'emporta sur la raison. Elle arracha presque la fiole de ses mains et but goulûment. Son désir de stopper sa souffrance était si fort qu'elle passa au-dessus du goût infect de la potion.

Comme le lui avait assuré Pomfresh, elle s'endormit rapidement après la dernière goutte avalée. L'infirmière récupéra la fiole vidée et adressa un regard inquiet à son directeur.

_ Celui qui l'a torturé ne s'est pas gêné d'user autant de la magie que des coups plus…directs. Il faudrait que vous nous laissiez Albus, je dois vérifier l'étendue des dégâts. Je vous donnerai un peu plus de détails quand j'aurais terminé mon diagnostic.

— Très bien Pomona, très bien.

Dumbledore fixait la jeune femme endormie, il ne donnait pas l'impression de s'en aller malgré la demande de la sorcière. D'un geste emplit de douceur, il replaça l'une des mèches de cheveux de l'endormie qui barrait son visage.

Sans rien ajouter de plus, le directeur partit de l'infirmerie. Pomfresh l'observa quitter son infirmerie en silence. Tout en se mettant à s'occuper d'Ophélia, elle lui confia ceci :

— C'est bien la première fois que je le vois agir ainsi. Vous ne devez pas être n'importe qui pour notre directeur.

Ophélia, totalement endormie, n'eut jamais l'occasion d'entendre ces paroles.

/-/-/-/

Un hurlement résonna à travers la forêt.

Un homme était à genoux, n'ayant cure que son pantalon soit tâché de boue. Il tenait fermement contre son torse son bras droit, enfin, ce qu'il en restait. L'agitation avait fait fuir les quelques animaux aux alentours.

Sa souffrance irradiait par chaque pore de son visage. En un instant, il avait vu la moitié de son bras disparaître, sectionné avec netteté. La fille n'était plus là, tout comme son avant-bras et sa baguette. Des larmes débordèrent de ses yeux brûlants de haine. Il cria à s'en casser la voix, sa rage céda la place à des insultes. Qu'était-il en train de lui arriver ?

— Sasha ! Qu'est-ce qui s'est passé ?

Son collègue avait accouru à ses côtés dès qu'il avait entendu sa détresse.

— Mon bras ! Putain mon bras ! Elle me l'a pris, Fill !

Fill s'agenouilla à sa hauteur et grimaça en voyant l'état de son bras. Il débuta les premiers soins sur la plaie béante en fronçant les sourcils d'inquiétude. Au contact des gouttes d'essence de dictame, Sasha hurla de plus belle.

— Par Merlin qu'elle soit maudite, maudite !

— Ne bouge pas, tu es en train de te vider là.

— Dépêche bordel ! C'est trop long !

— C'est fini, pas besoin de crier, ronchonna Fill en lui tendant une potion de régénération sanguine. Heureusement que l'un de nous deux est prudent.

« Pas besoin de te jeter des fleurs. »

Sasha but entièrement la potion et se posa contre un arbre, encore en train de souffrir de sa récente amputation.

— Où est la fille Sasha ? Il nous la faut, le maître a bien été clair là-dessus…

— Je n'en sais rien moi ! Si je le savais, je serais déjà en train de l'étrangler pour ce qu'elle m'a fait.

Un pop se produisit non loin d'eux. Un homme, dont le visage était dissimulé par sa capuche, s'avança à pas lents vers eux. Les agresseurs se figèrent en le voyant apparaître. Fill se mit rapidement à genoux à son tour et ne fit plus le moindre geste. Sasha calma ses pleurs et se tourna rapidement vers le nouveau venu, imitant la posture de son collègue.

Ses pas s'arrêtèrent juste en face des deux têtes plaquées contre le sol. Il aurait suffi qu'il lève simplement son pied pour venir les écraser, l'idée était assez tentante.

— Où sont-elles ? demanda l'homme d'une voix glaciale.

— La mère se trouve toujours dans la maison, Maître, commença Fill, qui n'arrivait pas à cacher la faiblesse dans sa voix.

— Et la fille ? Sasha ?

Sasha était figé. La peur le dévorait et lui faisait presque oublier la terrible douleur de sa blessure.

— Regarde-moi, ordonna le Maître.

La tête de Sasha laissa le sol pour la diriger vers son Maître. Deux billes dorées le fixaient, elles ressemblaient à celles d'un animal sauvage, prêt à le dévorer. Ses lèvres se mirent à trembler, ce qui l'attendait le terrifiait jusque dans ses entrailles.

Vite, il devait se dépêcher. Le Maître attendait une réponse.

Il tenta de s'expliquer, de lui raconter comment la fille avait pu réussir à s'enfuir, mais les sons que produisaient ses cordes vocales se rapprochaient plus de gémissements que de véritables mots. C'était peine perdue. L'épouvante que lui produisait sa présence le menait à sa perte.

Vite, vite ! Le Maître allait s'impatienter.

La détresse de Sasha s'accentua quand le Maître se mit à sa hauteur, quelques minuscules centimètres les séparaient. Il sentit une main se poser fermement sur son visage. Les doigts posés sur sa joue étaient si froids qu'il était persuadé qu'ils pouvaient le marquer.

Sasha voulut retenter une dernière fois de parler, mais son Maître l'arrêta.

— Tu n'as jamais été un très grand bavard malgré ta grande gueule qui te sert de bouche. Quelque peu empoté, je le reconnais, mais grandement utile pour les missions périlleuses.

Un minuscule espoir envahit Sasha en entendant qu'il reconnaissait son utilité. Cependant, il déchanta en sentant la pression sur son visage s'accentuer.

— Enfin, ça, c'était avant, reprit l'homme, conscient d'avoir brisé son espoir. Tu n'as pas su retenir une femme désarmée et en plus tu l'as laissé s'enfuir…C'est désastreux.

À mesure qu'il parlait, ses doigts brûlaient la peau du visage de Sasha. Sa joue se mit à noircir par ce contact et dépassa le stade de la putréfaction. Le sorcier n'avait pas la force de se retirer, il ne pouvait pas bouger, sa punition devait être subie.

Quand la moitié de son faciès fut détruite, il retira sa main pour observer avec attention, cherchant à redire quelque chose sur son dernier chef-d'œuvre. Sasha pleurait, un visage complètement défiguré, le corps pris de spasmes, mais les lèvres toujours scellées.

— Vu que tes paroles n'ont pas l'air de vouloir sortir, tes lèvres peuvent rester closes, assura leur maître en se redressant.

Le regard d'or se détourna des deux subalternes, il en avait terminé avec ces deux misérables. Au moins l'une des deux était encore ici. Tandis que Fill tentait tant bien que mal de s'occuper de Sasha, le maître s'était avancé vers la maison. Il y rentra sans sommation.

Irina était installée près de la grande fenêtre du salon, un album photos ouvert sur ses jambes. Une petite brunette aux yeux clairs apparaissait à plusieurs reprises sur les clichés, toujours avec un grand sourire formé sur les lèvres. Ses doigts caressaient avec douceur une photo bien précise, le onzième anniversaire de sa précieuse Ophélia.

Elle l'avait très bien entendu passé l'entrée. Irina savait déjà qui se trouvait dans sa maison. Elle ne prit pas la peine de se tourner vers lui, son regard continuait de se perdre vers le jardin, là où aurait dû se trouver sa fille en train de jardiner avec passion.

L'homme s'approcha et abaissa sa capuche pour découvrir son visage.

— Je te retrouve enfin, Irina, dit-il ironiquement en mimant une légère révérence.

Elle dénia enfin lui accorder son attention. Physiquement, elle ne connaissait pas cet homme. Ses cheveux blonds et bouclés ou encore les jeunes traits fins de son visage qui n'avaient pas encore assez vu du monde, lui parurent tout à fait banals, inconnus.

La seule chose qui éveilla en elle un souvenir, fut ses yeux. Cette couleur, qu'elle voyait encore dans ses pires cauchemars, avait marqué sa vie à jamais. Bien qu'il eût changé d'apparence c'était bien lui, l'être qu'elle redoutait le plus dans l'univers.

— Bonjour, Nihil.