Un brouhaha avait élu domicile dans la salle de professeurs. Le corps professoral s'était embrasé par la présence de cette étrangère. Toutes les questions se tournaient vers cette femme qui avait franchi les portes de l'école dans les bras du garde-chasse. Minerva tentait tant bien que mal de calmer la fougue qui possédait actuellement ses collègues. C'était pourtant peine perdue, la graine de la curiosité était plantée.
_Vous pensez qu'elle soit une moldue ? demanda incertaine Chourave tout en arrosant une énième plante qu'elle avait ramenée avec elle.
_Impossible ! s'exclama Flitwik. Un être ne possédant pas la moindre goutte de magie en lui n'est pas capable de passer les barrières, ni même d'apercevoir le château. Cela serait du jamais vu !
_Elle ne serait pas la première étrangeté à rentrer dans l'école, répliqua Bibine.
_Taisez-vous un peu, j'essaie de me concentrer ! les interrompit Trelawney.
Assise à une table, la professeure de divination s'acharnait à lire dans le marc de café qui restait au fond d'une tasse. Le petit groupe d'intéressés l'entoura, curieux de voir un potentiel résultat de sa lecture.
_Vois-tu quelque chose ? lança Chourave
_Je vois…Le désespoir…
_Comme à chaque fois, ria Bibine en ne croyant pas une seconde au potentiel de sa collègue.
_Je le sens…Le désespoir va prendre possession de l'école…OH MERLIN !
Trelawney se leva si vite qu'elle fit basculer sa chaise et laissa tomber sa tasse qui se brisa sur le sol. Flitwik râla en recevant un reste de café sur ses chaussures et répara la tasse d'un coup de baguette. Sybille était soudainement incontrôlable et parlait à une vitesse de démente, les yeux se retroussant en arrière.
_Suffit ! clama Minerva en s'approchant de Trelawney. Enfin calmez-vous ma chère. Asseyez-vous.
Minerva la força à se rasseoir et écarta les autres professeurs d'un regard sévère.
La professeure de divination donnait l'air de s'être calmée, mais elle présentait une soudaine terreur dans ses gestes. Ses mains frottaient frénétiquement ses bras et ses yeux voyaient des choses invisibles pour les autres. McGonagall s'évertua une nouvelle fois de la calmer quand Sybille lui attrapa vivement le poignet pour l'approcher d'elle.
_Cette fille, Minerva…Elle n'est pas normale, mais plutôt une…une abomination ! certifia-t-elle le regard fou.
_Mais enfin, Sybille…
_Elle nous mènera à notre perte. Ce sera la fin du monde magique, vous entendez ? La fin pour TOUS !
Minerva réprima une mine dépitée face à l'empressement de sa collègue. Elle n'était pas une véritable fervente de la divination, c'en était même tout le contraire. Elle considérait cette discipline comme étant un ramassis de bêtises grotesques et fantasques. Cependant, malgré son ressentiment envers la divination, elle gardait une certaine sympathie envers Sybille et côté décalé.
_Respirez calmement, répéta Minerva.
Dans un coin de la pièce, Rogue observait en silence la scène. Pour la première fois il pouvait tolérer les dires de cette illuminée. La présence de cette "Giaccoli" dans le château ne lui présageait rien de bon. Il repensa aux runes de la forêt, bien qu'il possédât quelques bases il fut incapable de les lire. Son incompétence l'avait profondément froissé, il était rare qu'il se retrouve si facilement au pied du mur.
Du coin de l'œil, il vit de l'autre côté de la salle le professeur de ruines. Babbling ne s'était pas mélangée à l'attroupement, elle avait préféré se coller au mur. Elle donnait l'air de vouloir ne faire qu'un avec la pierre et disparaître de la vue de ses collègues.
La main de Rogue se resserra sur son verre. L'idée qui venait de le traverser ne lui plaisait pas, mais il ne trouvait pas d'autres solutions. Il posa son verre, déjà prêt à se diriger vers elle.
À ce même moment, le directeur fit irruption dans la salle, le visage sombre. L'agitation des professeurs se calma sous la pression de son regard. Il posa ses mains sur le dossier d'une chaise comme pour se soutenir à la suite de ce qu'il allait annoncer.
_Certains d'entre vous sont déjà au courant qu'une jeune femme est arrivée il y a peu dans l'enceinte de l'école, et d'une manière plutôt atypique.
_Est-elle une menace pour l'école ? fit Hagrid qui ressentait une culpabilité lui broyer les tripes dans l'attente de la réponse.
_J'y venais, répondit Dumbledore en lui confiant un léger sourire. Miss Giaccoli est en réalité la fille d'une vieille connaissance. Elle n'est en aucun cas une menace pour notre école ou encore pour les élèves.
_Vous vous trompez Albus ! intervint vivement Trelawney
Dumbledore fixa étrangement la professeure de divination mais la laissa continuer.
_Cette fille…débuta Trelawney d'une voix tremblante. Elle est la clé d'un fléau ! Je l'ai vu !
_Sybille, fit le directeur en posant une main rassurante sur son épaule. Cette enfant est loin d'être un démon. Le seul fléau que nous devons combattre est Voldemort.
L'évocation du nom du mage noir plongea la salle dans un silence de mort. Voyant qu'elle n'allait plus l'interrompre, il reprit ses explications.
_Elle est considérée, dès à présent, comme étant une invitée du château. Je vous demande de la protéger si la situation l'exige, tout comme vous le feriez avec n'importe quel élève.
_En quoi sa sécurité devrait-elle nous concerner ? Nous avons déjà assez de responsabilités, coupa Rogue qui s'était rassis dans son coin.
Le directeur tourna son attention vers Rogue, la réaction de son professeur n'eut pas l'air de l'étonner.
_Je ne vous demande pas ça en tant que directeur, mais en tant qu'ami, Severus.
Celui-ci avait omis de leur révéler la façon dont elle avait pu se retrouver dans la forêt interdite. Les professeurs, loin d'être idiots, se doutaient que ce n'était pas un simple oubli de sa part.
Après plusieurs échanges de regards silencieux, le corps professoral accepta la toute dernière demande de leur directeur. Bien qu'une nouvelle charge ne fût pas souhaitable, aucun d'eux n'avait le cœur à refuser une énième exigence de Dumbledore.
_Bien, commençons maintenant la réunion. Je ne voudrais pas vous faire attendre plus longtemps.
Le directeur se mit à leur exposer les modifications qu'il avait envisagées pour cette nouvelle année.
Durant le début de l'été il s'était penché sur les protections de l'école en souhaitant trouver le moyen de les améliorer. Les anciennes protections des fondateurs étaient déjà de grande qualité, mais il doutait qu'elles puissent tenir face à un assaut de plusieurs sorciers. D'autant plus si Voldemort prenait la décision de rentrer dans l'équation.
Dumbledore avait trouvé un sort pour doubler les défenses déjà mises en place. Il requérait une grande quantité de magie et un long processus qui n'avait rien d'impossible pour lui. Seulement, un détail allait finir par poser problème : Le lanceur du sort devait rester en vie pour qu'il puisse perdurer. Au moment fatidique, le bouclier infranchissable s'évaporera définitivement. Il aurait préféré que quelqu'un d'autre puisse le faire, pour s'assurer que le château puisse survivre, même après sa mort.
Mis à part lui, personne d'autre n'était capable de tenir un tel sortilège. Il comptait assurer la sécurité de l'école avec le temps qu'il lui restait.
En plus de ceci, il exigea que les rondes des professeurs soient intensifiées. Cette annonce amena son lot de consternation, le travail supplémentaire n'était jamais bien vu. Dumbledore ramena rapidement le calme, leur rappelant qu'il était préférable d'en faire trop plutôt que de laisser passer un quelconque danger.
Suite à cette remise en place, il mit fin à la réunion, les conviant à tous de profiter des quelques semaines de calmes qui leur restaient avant le grand jour. Chaque professeur s'en allait dans ses propres quartiers.
_Severus, je vous prie, attendez, appela Albus en interrompant le départ de Rogue.
C'était la seconde fois qu'on l'empêchait de partir, le sort semblait prendre un malin plaisir à lui faire de faux espoirs.
_Oui ? grinça Rogue.
_D'après la lettre de Minerva vous auriez trouvé quelque chose d'assez surprenant dans la forêt, pourrions-nous en discuter dans mon bureau autour d'une tasse de thé ? proposa Dumbledore les mains croisées dans son dos.
Bien que la fatigue commençât déjà à le tarauder, le mystère de ce bras et des runes revenait en boucle titiller son esprit. Ce fut en silence qu'il suivit le directeur jusqu'à son bureau, totalement attisé par la curiosité de cette étrange affaire.
/-/-/-/
_D'après l'examen que j'ai passé, ce bras n'a pas subi un sort de découpe basique. Cela ressemble plutôt à un tranchage, bien trop net pour être réalisé par une arme. J'opterais plutôt pour un sort de protection par la présence de brûlures externes sur les coins. Un sort de cette envergure ne pourrait être lancé par n'importe quel sorcier, je ne pense pas que ça puisse venir d'elle en vue de son attitude, quelqu'un a dû le lancer pour la protéger.
L'expertise de Rogue était claire, précise. Le directeur écoutait attentivement les explications en fixant l'avant-bras qui reposait actuellement sur son bureau. Il osa le toucher pour le retourner et observa la coupure du membre, le sang qui restait ne s'écoulait plus grâce à un sort. L'odeur de la mort encerclait le bras.
_La coupure est impressionnante, d'une grande puissance. L'homme qui l'a perdu n'a même pas dû se rendre compte de ce qui devait lui arriver, lâcha Dumbledore en reposant le bras.
_Nous pouvons très bien le retrouver, identifier sa baguette serait un jeu d'enfant grâce à vos nombreux contacts, fit sarcastiquement Rogue en se détournant du bureau.
_Vous avez parfaitement raison, retrouver l'identité du sorcier peut être simple.
Le directeur s'arrêta dans ses paroles, il paraissait totalement perdu dans ses pensées. Il s'attendait déjà au pire.
_Et que va-t-elle nous faire découvrir ? souffla Dumbledore en fermant douloureusement les yeux.
Rogue remarqua sans peine le directeur frotter distraitement sa main maudite, c'était le prix de son long combat, de sa faiblesse, une ancienne culpabilité qui avait fait surface. Le professeur de potion s'approcha de lui, attrapa sa main et l'examina une énième fois. Il n'y avait rien à faire, il ne pouvait rien faire de plus qu'il n'avait déjà fait. Le plus grand sorcier de leur temps mourrait à petit feu dans son école, le cachant de tous, sauf de lui...
_Severus.
Rogue releva la tête, son masque était bien en place et pourtant il le sentit trembler.
_Vous en avez déjà assez fait, pour ceci, fit Albus en faisant un léger signe de tête vers sa propre main.
Assez. Oui, il en avait déjà assez fait. Il en était conscient.
Pourtant…Une amertume se répandait en lui, une peste incontrôlable. Lui, qui se pensait être capable de déjouer les plans du Seigneur des Ténèbres pour le bien de tous, ne fut pas en mesure de protéger leur directeur. Mentalement il secoua de la tête. En vérité ce n'était pas la mort d'Albus qui le mettait dans un tel état, mais bien la demande qu'il lui avait faîte durant l'été en découvrant sa santé. Ils étaient tous voué à mourir un jour. Cependant, ils n'avaient pas tous à devoir abréger les souffrances de quelqu'un. Encore moins d'Albus Dumbledore.
_Il a ordonné à Draco Malfoy de vous assassiner cette année. Sa mère est venue me rendre visite ce matin, en me suppliant de le protéger de la colère du Seigneur des Ténèbres. Un serment inviolable me lie au bon déroulé de cette mission, si Draco échoue, je dois m'assurer de le faire à sa place, révéla Rogue d'une voix neutre.
Albus qui avait écouté les nouvelles en silence, fit un doux sourire, comme soulagé. Il se doutait que Voldemort voudrait profiter de ses jeunes recrues au sein de Poudlard, c'était une action tout à fait prévisible. Tom devait parfois oublier contre qui il se battait…
_La sécurité du jeune Malfoy est la seule chose qui compte, fut la seule réponse du directeur.
Le maître des cachots retint sa colère d'éclater.
_C'est vraiment tout ce qui vous importe ? claqua Severus en espérant voir Dumbledore révéler la moindre émotion.
_Ma mort est déjà écrite. Draco Malfoy ne sera pas un assassin.
_Tandis que moi je le suis déjà, cracha Rogue en se relevant.
_Votre place auprès de lui en sera que renforcée, de même que pour la confiance qu'il porte en vous. Sans vous à ses côtés, nous ne pourrons jamais le défaire.
Dumbledore se leva à son tour, les mains se croisant dans son dos. Aucune crainte n'était apparue sur son vieux visage à l'énonciation de sa future mort. Cela consternait Rogue, bien plus qu'il ne pouvait le reconnaître.
_Et puis, vous avez déjà accepté, Severus.
Il fit claquer sa langue d'agacement et porta un regard noir sur son directeur. Le choix ne lui était plus accordé depuis longtemps. Rien ne pouvait faire changer d'avis Dumbledore, encore moins le serment inviolable qui enserrait son âme. Il était totalement fait.
_Maintenant que vous avez eu mon rapport, je me permets de prendre congé.
Severus s'était détourné et posa sa main sur la poignée de la porte, la conversation était terminée.
La porte en avait décidé autrement. Il avait beau l'actionner, la porte restait close. Rogue se retourna vers le directeur, l'air ennuyé.
_Encore une exigence ? fit amèrement Severus.
_C'est à propos de notre invitée.
Rogue fut légèrement plus intéressé par ce sujet, il était même curieux de savoir ce qu'il pouvait bien lui demander. Albus gratifia Fumseck d'une caresse sur le crâne, il en répondit d'un léger chant mélodieux.
_Sa mère m'a appris qu'elle n'était ni au courant pour notre monde et encore moins sur ses propres aptitudes magiques. Pour éviter qu'elle ne devienne un danger pour quiconque, j'aimerais que vous deveniez son mentor durant cette année, expliqua le directeur en continuant de caresser son phœnix.
Un rire froid venant de Severus résonna dans le bureau. Avait-il bien entendu ?
_Vous plaisantez. Nous sommes dans une école de sorcellerie et vous me demandez à moi seul de me charger de l'éducation magique d'une jeune femme qui a dû vivre comme une moldue durant toute sa vie ?
Lui-même ne paraissait pas croire l'énième folie du vieux fou. Et pourtant il lui avait déjà demandé des choses assez folles.
_J'ai déjà assez à faire. Voyez plutôt avec Minerva, elle sera ravie de s'en occuper.
_Je comptais déjà en informer le professeur McGonagall pour qu'elle puisse lui donner quelques cours. Pour vous Severus, devenir un mentor serait plus que d'assurer son apprentissage de la magie. Vous lui montrerez la voie à suivre.
Il reporta son attention sur Rogue tout en laissant Fumseck sur son perchoir.
_Nous ne pouvons pas nous permettre de la laisser sans protection ou éducation, il en va de sa propre survie.
_Je n'ai que faire de sa survie.
Severus s'était avancé vers lui, le regard brûlant.
_Pensez-vous que nous avons réellement le temps de nous occuper d'elle alors que la guerre se prépare ? Alors que nous devons déjà nous occuper de la protection de Potter ? susurra Rogue, le dégoût se dessinant sur ses traits.
Il se tenait maintenant droit devant le directeur, il ne cachait plus la hargne qui flamboyait dans ses sombres yeux.
_Le monde sorcier n'est pas votre jouet, lui cracha-t-il.
Le directeur n'eut pas l'air de se formaliser sur la colère de son professeur ou de ses mots. Ses yeux divaguèrent à travers la fenêtre de son bureau. Il y revu une jeune étudiante de Serdaigle, souriante, qui lui faisait un signe depuis en bas. Une brève apparition du passé qui s'évanouit aussi vite qu'elle lui était apparue.
_Je vais me charger de mettre Harry sur la voie. Vous, vous devez vous occuper de Draco et Miss Giaccoli, lança Dumbledore depuis la fenêtre.
_Je vois…Vous préférez vous alléger l'âme d'une promesse que vous n'êtes pas capable d'accomplir, persifla Rogue.
_Vous pouvez ne pas être en mesure de cautionner ou encore de comprendre pourquoi je voue toutes ces demandes pour cette sorcière. Je ne cherche pas à ce que vous le fassiez. Mes choix sont déjà faits, certifia Albus en se rasseyant.
Rogue renifla du nez, il n'était pas du tout convaincu. Son comportement pouvait les mener à leur perte, et ça seulement pour des caprices de sorcier illuminé. Alors qu'il était de nouveau décidé à quitter ce foutu bureau, il s'arrêta sur le seuil de la porte.
_En quoi est-elle si importante ?
La question du professeur resta sans réponse en premier lieu. Il pensa même qu'il n'allait jamais prendre la peine de lui répondre. Il se détourna, prêt à descendre les escaliers quand il entendit la voix du directeur dans son dos.
_Je ne peux pas refaire la même erreur. Je ne pourrais l'accepter, Severus.
/-/-/-/
Les chaleurs de l'été imprégnaient leur marque contre les murs du château. Le blanc dominant de l'infirmerie scintillait de pureté sous les rayons du soleil de la fin d'après-midi. Les lits vides de l'infirmerie aux draps parfaitement faits, attendaient patiemment l'arrivée ds Plongée dans un profond sommeil depuis plusieurs jours, Ophélia reposait dans un lit. Dumbledore, assis tout près d'elle, la veillait. Debout non loin d'eux, McGonagall observait la scène, la mine grave.
_En êtes-vous certain Albus ?
Elle tenait fermement ses mains devant elle tout en lui parlant. La posture droite, le menton bien levé.
_Ne serait-il pas préférable de la mettre à l'abri dans un autre endroit ?
L'inquiétude du professeure de Métamorphose ne lui semblait pas si insensée. Depuis toutes les années où la sorcière était à son service, elle avait toujours su lui apporter des conseils avisés et un support indéniable durant les mauvais moments. Face à l'arrivée de cette étrangère la sorcière continuait à être sur ses gardes.
Sa méfiance resta intacte quand il lui exposa la situation particulière d'Ophélia. Une sorcière qui ne savait rien de sa véritable condition, il ne leur manquait plus que ça dans leur collection de personnes aux histoires originales. C'était à elle de se lancer dans la colossale tâche d'apprendre la magie à cette jeune ignorante, sous la demande du directeur. Si elle ne portait pas en lui une parfaite confiance, elle aurait pu penser que le directeur perdait entièrement la raison.
_Elle sera plus en sécurité au sein du château, commença Dumbledore en triturant sa barbe. Je sais bien ce que représente comme charge de travail l'apprentissage magique, surtout dans ce cas précis.
Il regardait attentivement l'endormie. Peut-être s'attendait-il à ce qu'elle se réveille et qu'elle pose de nouveau sur lui ses yeux de la couleur du ciel.
_Je ne peux pas la laisser errer dans notre monde sans connaissances. Il faut qu'elle puisse se défendre et pouvoir s'en sortir sans aides.
Il détourna son attention sur Minerva, le regard étincelant.
_Pourrez-vous accomplir cette tâche pour moi ?
_Je devine d'avance que le professeur Rogue et moi-même n'avons pas vraiment le choix, souffla la sorcière en lui dédiant un air réprobateur.
_Vous avez fini par me connaître par cœur, Minerva.
La sorcière soupira et détendit ses mains.
_Effectivement, même un peu trop parfois.
Elle prit place sur la chaise à côté de la sienne.
_Si c'est votre souhait Albus…Cela vous coutera cher en thé.
_Je vous remercie.
Tous deux se mirent à veiller sur l'endormie. Le crissement des insectes traversait les fenêtres ouvertes et brisait le calme de l'infirmerie.
Minerva relisait en silence le rapport écrit que l'infirmière leur avait laissé. L'examen montrait les nombreux sorts et maléfices qu'avait subi Ophélia durant son agression, sans y compter les dégâts physiques causés de manière non-magique. Elle était écœurée par la cruauté du sorcier qui avait osé lancer une telle magie sur une femme sans défense.
_Je n'ose imaginer la douleur qu'elle a dû ressentir, murmura-t-elle, défaite d'un tel rapport. Avez-vous une idée de l'instigateur de tout ceci ?
_Malheureusement, je n'ai toujours rien trouvé pour l'instant, avoua-t-il d'une voix basse.
_Comptez-vous aller voir Ollivander ?
_Garrick pourra me désigner à qui appartient la baguette. Même si l'idée de le mêler à cette histoire me déplaît, ai-je vraiment d'autres choix à ma portée ?
_Vous pourriez également demander de l'aide au ministère.
_Vous savez tout aussi bien que moi que je préfère garder mes distances avec le ministère. J'ai la malencontreuse habitude de perdre les lettres qui en proviennent, fit-il malicieusement.
Minerva fit de gros yeux désapprobateurs.
_Ne vous préoccupez pas de ceci, reprit-il en ayant retrouvé son sérieux. Ce qui compte en priorité c'est de s'occuper d'elle.
Dumbledore replaça délicatement la fine couverture sur le corps d'Ophélia. Sa douceur envers leur invitée ne passa inaperçue sous le regard de la sorcière.
_Serait-elle votre…
_Oh non, vous vous faîtes de drôles d'idées, ma chère amie. Cette jeune femme n'est pas ma fille.
_C'est que je vous trouve bien sentimentale depuis son arrivée et vous exigez beaucoup de nous. Vous n'en avez jamais fait autant, même pour Monsieur Potter.
_La vieillesse nous fait faire bien des choses, s'amusa-t-il.
_De qui est-elle l'enfant, Albus ?
Cette question parut autant le divertir que de l'ennuyer. Madame Pomfresh passa à ce même moment la porte de l'infirmerie, les bras chargés de bandages.
_Merci de l'avoir surveillé durant mon absence ! Je prends désormais le relais, assura Pompom.
Tous le deux quittèrent le chevet d'Ophélia et laissèrent la place à la professionnelle.
_Avez-vous une idée du temps qu'il faudra pour qu'elle se réveille ? demanda Dumbledore à l'infirmière.
_Il est assez difficile de prévoir quand exactement elle va sortir de ce coma magique…Son corps a énormément supporté, je suis même encore surprise qu'elle ait réussi à se lever la dernière fois. Le sort se dissipera au moment où elle aura la capacité de supporter les douleurs.
Dumbledore la remercia pour son travail et se mit en route vers son bureau, la sous-directrice le suivant sans rien ajouter. Elle avait beau se contenter du silence, son air refrogné montrait bien son impatience. Il finit par lui accorder un fin sourire en reprenant leur discussion.
_Je suis quelque peu déçu, j'ai pensé que vous auriez pu deviner sans mon aide Minerva ; taquina gentiment Dumbledore.
_Cessez de faire l'enfant je vous prie, s'impatienta-t-elle.
_Son apparence ne vous remémore-t-elle rien ? Pas même une certaine sorcière ?
McGonagall, dont les pas suivaient ceux du directeur, fronça les sourcils, perplexe. L'étonnement se fraya une place sur son visage suite à sa propre réflexion.
_Voulez-vous dire qu'elle est la fille de votre…
Elle s'interrompit, étonnée par sa propre déduction.
_N'est-elle pas portée disparue depuis des années ?
_En effet. La vie regorge de bien des surprises, n'est-ce pas ?
Elle ne répondit pas. D'un coup d'œil en arrière, elle se permit d'étudier rapidement Ophélia de loin. La révélation qu'elle venait d'apprendre prenait son temps à passer. Elle était l'enfant de cette femme…Elle s'étonna de ne pas y avoir pensé avant vu leur frappante ressemblance.
_Éduquer sa propre fille sans magie, venant d'elle cela me surprend. Elle qui était une si talentueuse sorcière, c'est étonnant de sa part, reprit Minerva en l'accompagnant en dehors de l'infirmerie.
Dumbledore s'arrêta brusquement pour se retourner vers elle.
_Je compte sur vous pour garder le silence sur l'identité de sa mère. J'aimerais éviter les quelques opportunistes qui souhaiteront l'utiliser pour la retrouver.
_Et vous, Albus, vous ne souhaitez pas la retrouver ?
Le sourire formé par ses lèvres ne frémit pas. Son regard se mit à s'adoucir, comme emporté par de lointaines images.
_Ce n'est pas ce qu'elle désire. Je ne l'obligerais pas à revenir, mais je peux répondre à sa dernière demande, fit-il en posant sa main sur l'épaule de Minerva. Quand Miss Giaccolo sera réveillée, agissez avec elle comme vous le feriez avec n'importe quel jeune sorcier.
Elle hocha de la tête et le laissa retourner dans son bureau, mettant fin à leur entrevue.
Au coin d'un couloir, une petit-elfe s'y était cachée. Prise d'une curiosité qu'elle ne se connaissait pas, elle avait écouté avec intérêt leur conversation. Cet échange, dont elle ne percevait pas l'importance, l'avait intéressé. En retournant jusqu'aux cuisines pour continuer ses tâches, elle se demanda de qui ils avaient bien pu parler.
/-/-/-/
Le Chemin de Traverse avait perdu son habituelle foule de sorciers. Les quelques magasins encore ouverts n'attiraient pas grand monde. La bonne humeur des commerçants n'était qu'une apparence trompeuse pour masquer leur crainte.
La peur grandissait dans chaque sorcier depuis que Voldemort avait fait son grand retour au ministère, se confrontant au directeur de Poudlard et ratant de peu d'abattre le survivant. La panique créée par cet évènement ne quittait plus les esprits, la paix dans le monde magique était sur le point d'être rompue.
Au milieu de ces rues, Albus Dumbledore marchait sans se cacher. Les rares passants se baladant par là le reconnurent sans difficultés. De très jeunes sorciers, attirés à la base par le magasin de farces des jumeaux Weasley, se mirent à l'accompagner dans sa marche, s'extasiant d'être en compagnie d'un si grand magicien tel que lui.
Amusé par ces jeunes, il se mit à jeter quelques sorts pour éblouir leur regard en quête d'incroyable. L'enthousiasme des enfants se fit si bruyant que des gens se mirent à sortir de chez-eux pour profiter du spectacle, après tout, ils n'avaient pas toujours la chance de voir Dumbledore montrer ses talents.
Personne ne remarqua le brin de tristesse qui illumina les prunelles du sorcier face au visage enjoué des plus jeunes. Dans un dernier éclat de lumière, Dumbledore se dissipa pour retourner à ce pour quoi il s'était déplacé. Sans qu'aucun regard ne se pose sur lui, il poussa la porte d'entrée de chez Ollivander.
La vieille boutique n'avait point changé depuis ses derniers souvenirs du lieu. Les grandes étagères de bois noir continuaient à garder une impressionnante couche de poussière. Le parquet flottant, les grands lustres projetant une lumière tamisée dans la pièce et le présentoir envahi de papiers et de grimoires. Il ne manquait plus que la présence de son père dans son dos, le poussant pour aller acheter sa première baguette.
Ollivander fut étonné d'entendre la porte de sa boutique s'ouvrir. La grosse majorité des jeunes sorciers venant chercher leur baguette était passée les trois derniers jours. Sa surprise fut encore plus grande quand il découvrit Albus, l'attendant avec patience.
_ Garrick, mon cher ami, salua Dumbledore
_Albus ! Je ne vous attendais pas ! Que me vaut le plaisir de votre présence ? »
Le vendeur n'avait pas eu l'occasion de voir son vieil ami depuis quelques décennies. Leur relation venait tout d'abord d'un simple échange de savoirs. Dans sa jeunesse, Dumbledore avait la conviction de connaître la magie dans le moindre de ses détails. C'était à cette époque qu'il avait demandée de l'aide à Ollivander pour tout ce qui se tournait vers les baguettes.
Depuis lors les deux hommes s'accordaient une confiance mutuelle.
_Pardonnez ma visite, je sais bien que vous devez être assez occupé, seulement j'aurais besoin de vous. Pouvez-vous m'accorder un peu de temps ?
_ Bien sûr bien sûr ! Vous savez que je ne peux rien vous refuser., s'esclaffa Ollivander en faisant rapidement de la place sur la table. Approchez !
Le directeur n'eut pas l'air étonné de la bienveillance du vendeur envers lui. Au contraire, il semblait plutôt confiant. Il avait déjà la certitude que le sorcier allait l'aider. Il pensa bien évidemment à dissimuler l'état de sa main maudite sous un sort. Son fardeau devait rester secret autant de temps qu'il faudra.
Il sortit de sa poche une baguette qu'il déposa devant le vendeur piqué par la curiosité.
_Reconnaissez-vous cette baguette ?
Ollivander attrapa par le bout des doigts la baguette en question. Ses yeux se rétrécirent tandis qu'il observait minutieusement son bois. Il s'autorisa un léger reniflement vers la baguette, ses sourcils se fronçaient au fil de son examen. À la toute fin, ses yeux s'ouvrirent en grand d'étonnement. Des murmures se mirent à sortir d'entre ses lèvres, des mots quasiment inaudibles pour retranscrire sa consternation.
_Comment ? lâcha-t-il dans un souffle. Comment avez-vous fait Albus ?
La voix d'Ollivander résonna dans la pièce de manière brutale. Albus ne l'avait jamais vu s'énerver ainsi ou encore perdre son sang-froid.
_Garrick…commença Dumbledore calmement. J'aimerais vous en révéler plus mais je préférerais m'abstenir. Ne m'obligez pas à vous mettre en danger.
Un lourd silence s'ensuivit de la réponse du directeur, la conversation venait de se transformer en un échange de regards, une joute silencieuse. Ce fut le vendeur de baguette qui abandonna le premier la bataille.
_Je connais effectivement cette baguette, avoua sinistrement Ollivander en faisant le tour de son bureau.
_Si je suis ici aujourd'hui c'est pour découvrir à qui appartient cette baguette. Pouvez-vous m'y aider ?
Le vendeur afficha un air grave en se plaçant devant lui.
_À vrai dire, cette baguette ne devrait pas avoir encore choisi son sorcier.
_Que voulez-vous dire ? interrogea Dumbledore.
Son expression se dégradait en tenant la baguette dans ses mains. Sa façon de la regarder n'avait rien d'ordinaire. Comme si son existence lui semblait assez problématique, créant en lui un terrible conflit. L'hésitation et l'incrédulité se lisaient sur ses traits.
_Je ne sais vraiment pas comment vous avez réussi à faire ce prodige… Mais cette baguette que je tiens entre mes doigts est exactement celle que je suis en train de finaliser à l'arrière de la boutique.
_En êtes-vous certain ?
_Je sais reconnaître mon travail quand je le vois, trancha le fabricant de baguette.
Le corps du vieux sorcier se pétrifia sous l'annonce. Le sorcier à qui devait appartenir cette baguette n'était toujours pas apparu. Il avait espéré pouvoir avancer dans son enquête en passant par la baguette, mais cette option n'était plus exploitable. Son attention se porta quelques instants sur la baguette qui ne lui servait plus à grand-chose.
_Pourriez-vous ramener celle qui se trouve à l'arrière, je vous prie ? demanda Dumbledore.
Un moment de flottement passa dans l'esprit du fabricant avant de réaliser ce qu'il venait de lui demander. Avec des gestes lents, il reposa la baguette sur son comptoir puis s'enfonça dans son arrière-boutique. Il ne lui fallut pas longtemps avant de revenir avec ledit objet.
Alors qu'il s'apprêtait à lui montrer, les lumières de la boutique se mirent à clignoter de manière incontrôlable. Subitement, l'air autour d'eux devint étouffant pour leurs poumons, une chaleur se rapprochant de celle se trouvant dans l'antre d'un dragon enragé.
Le comptoir où reposait la baguette qu'avait apportée le directeur fut pris de secousses, le bois craqua à multiples endroits, créant de longues fissures sur le meuble. La baguette était restée par miracle sur le comptoir, parsemée elle-même de vibrations qui ne cessaient de s'intensifier. C'était un terrible hurlement, un féroce appel qui se devait d'être respecté.
Ollivander vit dans ses mains la baguette qu'il venait de récupérer devenir rougeoyante, jusqu'à lui en brûler les paumes. Elle s'enfuit de son emprise tout en lui arrachant un terrible cri de douleur. Les deux baguettes se rejoignirent dans un fracas, une unique explosion de lumière des plus aveuglantes créa un souffle qui retourna tout sur son passage. Un protego informulé encercla à temps les deux sorciers durant le phénomène.
Dès que le calme revint, Dumbledore alla immédiatement aux côtés d'Ollivander pour s'assurer de son état. À part les brûlures sur ses mains, aucun autre mal n'avait été fait. Sans se concerter, ils se relevèrent à l'unisson, tous deux n'avaient plus qu'une idée en tête : voir ce qu'il était advenu des deux baguettes.
Encore postée sur le haut du comptoir, la baguette attendait patiemment sans bouger et ne présentait aucune réaction magique. L'innocence aurait pu lui être accordée, si l'état de la boutique de baguette n'était pas des plus alarmants.
Papiers, carnets et cadres jonchaient le sol, le recouvrant totalement. Les étagères qui contenaient les baguettes ne supportaient plus aucune des boîtes, elles s'étaient toutes entassées les unes sur les autres pour en former des piles déconstruites. L'énorme chandelier pendait piteusement au-dessus de leur tête, un véritable miracle qu'il ne leur soit pas encore tombé dessus.
Les deux sorciers s'échangèrent un regard. Est-ce que les mots pouvaient-ils vraiment expliquer ce qui venait de se passer ? Les explications tardaient à arriver. Pour la première fois Garrick pu déceler de l'incertitude dans le regard de son ami à l'accoutume si pétillant.
_Que venons-nous de voir ? finit par lâcher Ollivander dont la voix trembla quelque peu.
Dumbledore fit la sourde oreille à la question. D'un geste, il fit léviter la baguette restante jusqu'à lui pour l'étudier de plus près. Rien n'aurait pu laisser penser qu'elle venait tout juste de produire une explosion magique capable de faire trembler la terre. Sa curiosité l'avait poussé à confronter les deux baguettes, la réaction qu'il attendait n'était rien comparée à ce qu'ils venaient d'assister.
_Fascinant.
Une nouvelle question du vendeur mourut entre ses lèvres quand une tierce personne rentra précipitamment dans le magasin. L'apothicaire, le voisin le plus proche de la boutique de baguettes, venait s'enquérir si tout allait ici. La porte grande ouverte leur laissait l'occasion de découvrir qu'à l'extérieur c'était la grande agitation. Ils s'approchèrent de l'entrée, Ollivander lâcha un bruit de consternation devant le spectacle.
Le sol n'était plus qu'un amas de trous dispersés dans l'entièreté du Chemin de Traverses, la terre semblait avoir été renversée sur elle-même à grands coups. La majorité des devantures avaient été détruites, amassant d'innombrables débris au sol. La rue donnait l'impression de s'être faite brutalement retournée de toute part. Des blessés se faisaient déjà transporter jusqu'à Saint-Mangouste tandis que des commerçants tentaient de rétablir un semblant d'ordre au milieu de ce désastre.
Un désastre qui venait d'eux. Le fabricant de baguette en était persuadé, il n'eut pas besoin de le dire à Dumbledore car celui-ci l'avait compris à travers son regard.
_Mon ami...souffla péniblement Dumbledore à l'intention d'Ollivander.
_Vous n'oserez pas. Ne fuyez pas sans m'avoir donné une explication à tout cela.
Sa gorge se resserra. Il ne put que faire un simple geste de la tête pour donner son accord. Garrick fit sortir son voisin et le remercia d'être venu voir si tout allait bien et en profita pour retourner la pancarte de la porte sur "fermer". De nouveau à deux, les amis s'observèrent sans rien dire au milieu de ce chaos. L'un parce qu'il attendait des réponses, l'autre car des craintes bien plus grandes l'attendaient.
La baguette qui était restée en retrait fut de nouveau mise au milieu. Tournoyant lentement sur elle-même, son existence était sur le point d'être questionnée. La seconde baguette n'était plus, comme supprimée, anéantie. Dumbledore essaya tant bien que mal de lui expliquer que cette baguette se trouvait au centre d'une histoire très particulière dont lui-même ne possédait pas tous les morceaux. Il confia qu'il avait espéré beaucoup de cette entrevue, mais en aucun cas il n'aurait pu prévoir une telle réaction magique.
_Celle que j'étais en train de terminer fut totalement absorbée, constata Ollivander sans oser la toucher pour le moment. Elles ont l'air de faire qu'une. L'équilibre ne donne pas l'impression d'avoir été perturbé. C'est même tout l'inverse.
_Pourrions-nous être en présence d'une fusion ?
_Non…C'est encore différent. Une fusion aurait dû comporter deux baguettes distinctes dont le rapprochement est forcé mais au final accepté par les baguettes. Alors que là je ne vois aucune différence en elle.
Il dut s'asseoir sur sa chaise pour ne pas perdre pied, le phénomène qui venait de se produire n'avait rien de commun. Lui, l'un des plus grands fabricants de baguette de leur génération et fier représentant de sa famille, était en incapacité de véritablement comprendre ce qui s'était produit.
La vision d'une partie du chemin de traverse à moitié en ruine s'imposa dans son esprit et le troubla. Comment expliquer une telle réaction magique ? Un tremblement parcouru son bras, il adorait la magie, mais restait mal à l'aise quand elle dépassait un certain stade.
_Je ne m'étais pas trompé en la voyant la première fois. Cette baguette est ma création. Elles le sont toutes les deux, continua Garrick d'un air perdu.
Son attention quitta la baguette, ses yeux transmirent sa crainte.
_Où l'avez-vous eu ? Dites-le-moi.
Un léger souffle s'échappa d'entre les lèvres de Dumbledore. Il se sentit coupable de cacher un élément essentiel au fabricant, mais il n'avait pas d'autres choix, il ne pouvait lui révéler sa propre théorie sur Ophélia.
_Nous avons trouvé cette baguette dans la forêt interdite, l'avant-bras de son sorcier tranché à ses côtés. Je souhaitais régler cette affaire sans passer par le ministère, comprenez que suite à l'histoire de l'année passée, je préférais me renseigner sans utiliser leur registre, avoua Dumbledore en s'asseyant en face de lui. C'est pourquoi j'avais besoin de votre savoir. Je me doutais qu'elle provenait de votre magasin mais j'étais loin d'imaginer que vous étiez en train de la composer.
_Ce que nous avons vu, Albus, n'avait rien de normal, assura Ollivander les traits tirés. Cette réaction…Je n'avais rien observé de tel. Et cette puissance ! Cela a dépassé tous les niveaux d'une baguette ordinaire.
_J'en ai bien conscience. Nous ne pouvons pas nous permettre d'ébruiter cette histoire. Elle pourrait arriver jusqu'à Voldemort.
À l'entente du nom du mage noir, Ollivander devint livide. L'idée qu'il puisse venir jusqu'à lui pour trouver cette baguette lui retourna l'estomac.
_Que comptez-vous en faire ?
Dumbledore dont le regard avait perdu de sa superbe, débuta le rangement de la boutique par quelques informulés. L'esquive de la question fit hérisser les cheveux blancs du vendeur. Sa patience luttait pour ne pas s'effriter complètement.
_Vous venez ici, dans ma propre boutique, mettre en danger tous les commerçants, acheteurs et moi dans le compte, avec une baguette dont l'existence est plus que douteuse et vous pensez que vous pouvez encore éviter de me répondre ?! explosa Ollivander.
_Gardez là.
Le directeur venait de finir sa tâche, presque content de lui devant son travail. Dans son dos, Garrick ouvrit en grand sa bouche, époustouflé par le toupet de cette demande. Jamais il n'avait autant ressenti une telle colère envers son ami.
_Pouvez-vous répéter ? s'enquit Garrick la mâchoire serrée.
_J'aimerais que vous gardiez cette baguette dans votre stock. Que vous puissiez la surveiller et me prévenir au moindre changement que vous pourriez déceler en elle, exposa le plus naturellement du monde Dumbledore.
Le fabricant s'étrangla face à tant d'audace.
_Vous rendez-vous compte de ce que vous me demandez ?
Son air effaré creusait ses rides qui parsemaient son visage. La peur le rendait encore plus vieux, déformant les traits d'Ollivander.
_Vous êtes le seul en qui je peux faire confiance pour cette tâche. Sans vous et votre savoir, je ne pourrais jamais élucider le mystère qui l'entoure, dit Dumbledore en posant sa main sur son épaule.
Un nouveau mensonge à sa longue liste.
De sa main il ressentit le tremblement du corps du pauvre sorcier dont le poids de la demande affaissait déjà ses épaules. Il savait très bien que ça allait être dur pour lui de ne pas succomber à la panique. Le danger courait si facilement à l'extérieur ces temps-ci, prêt à frapper à n'importe quel moment.
_Est-ce vraiment nécessaire ? questionna faiblement Garrick, déjà sur le point de capituler pour leur amitié et la détresse qu'il avait aperçue chez son ami.
_Des ombres courent dans notre monde, elles se préparent cher ami. J'espère de tout cœur réussir à contrer l'une d'elle et ça par tous les moyens que je dispose.
/-/-/-/
Il n'y avait aucun bruit au sein des longs couloirs de l'école. La nuit semblait calme. Le château, lui, paraissait dormir paisiblement. Personne ne pouvait se douter que les flammes dans la cheminée du directeur continuaient de crépiter. Fumseck, installé sur son perchoir, observait en silence son maître emprunt à une insomnie des plus coriaces.
Accoudé à son bureau, Dumbledore lisait la dernière lettre qu'il avait reçue du jeune Harry Potter, celui-ci s'inquiétait de la façon dont il avait quitté si précipitamment le Terrier en lisant la missive de Minerva.
Son empressement n'était pas passé inaperçu, même pour une partie de la famille Weasley.
Le garçon qui venait de fêter ses 17 ans ne se retenait plus au niveau de ses craintes, le moindre changement lui apparaissait aussi visible qu'un troll des montagnes vous fonçant dessus. La main maudite de Dumbledore n'avait pas échappé à sa nouvelle vigilance.
Bien qu'il eût encore à dissimuler la vérité au garçon, Albus savait que les piètres mensonges ne marcheraient plus sur l'élu. La vérité devait finir par faire son apparition, éclater au grand jour et apporter son lot de réponses. Il ne pouvait l'en empêcher.
Sur le bureau se trouvait une toute autre lettre, écrite sur une feuille de papier moldu et non sur un bout de parchemin. Une lettre dont l'esthétique ne paraitrait pas inaperçue dans le monde magique. L'écriture qui la remplissait était italique, fluide. Le destinataire n'avait pas hésité le moindre instant à écrire ces mots. En la prenant dans ses mains, Albus fut tenté de la relire une énième fois, comme s'il avait l'espoir de déceler un quelconque message caché derrière les lignes.
Mon cher Albus,
Voici de nombreuses années que je n'ai pas pris ma plume pour t'écrire. Ce geste, bien qu'ancien, me rend soudainement si nostalgique. Je pense que tu es le plus à même de me comprendre.
Je me doute que cette lettre doit te surprendre, tout autant que la demande que je m'apprête à te faire. Vois-tu, Albus, je suis devenue mère. Elle s'appelle Ophélia et nous venons récemment de fêter ses 24 ans. Elle est loin de la petite fille que j'aurais tant voulu te présenter, si tu l'avais vu plus jeune…Un véritable diablotin ! Je pense que cela t'aurait fait sourire de voir à quel point nous nous ressemblions au même âge.
Désolée…Je m'égare dans des futilités…Quelque chose va se produire, le mal s'approche de nous, je suis incapable de nous en éloigner. J'aimerais que tu lui viennes en aide, qu'elle soit mise en sécurité. Tout ce qui me reste pour la protéger, c'est ta miséricorde.
Grâce à un retourneur de temps que j'ai réussi à modifier, Ophélia sera en mesure de s'enfuir le moment venu et d'arriver jusqu'à toi. Malheureusement, je ne suis pas en capacité de la suivre, une seule de nous deux peut être sauvée.
En tant qu'ancienne apprentie, mais surtout en tant qu'amie, je te fais la demande de la prendre sous ton aile. Quand tu la rencontreras, je te prie de la ménager, elle n'a pas conscience de l'existence de ses pouvoirs magiques. Je l'ai coupé de notre monde et bridé sa magie depuis sa plus tendre enfance. Je t'assure que ces choix furent nécessaires pour sa protection.
Je sais déjà ce que tu aimerais lire, mais je ne peux accéder à ton désir. Je ne pourrais jamais t'expliquer moi-même la raison de mon départ. Tous ces secrets que j'ai dû accumuler au fil du temps ont un seul but : vous garder tous en sécurité. Je t'en prie, ne m'en veux pas.
L'un de mes souhaits les plus chers aurait été de te revoir une dernière fois. Je ne peux que me contenter de cette unique lettre pour te dire à quel point tu comptes pour moi, je te souhaite le meilleur une dernière fois.
Fais-lui découvrir le monde que tu as pris tant de temps à m'apprendre enfant, montre-lui à quel point notre monde peut être beau et formidable à sa façon. Qu'elle laisse enfin ses pouvoirs s'exprimer, qu'ils puissent resplendir au grand jour Je compte sur toi pour la guider.
Tendrement, Iri.
P.S : Méfiez-vous des yeux dorés.
Les mots se reflétaient sur le verre de ses lunettes, il avait beau les lire, Albus restait insatisfait de cette lettre.
Elle n'avait pas pris la peine d'expliquer après tant d'années d'attente ce qui avait pu la pousser à disparaitre, pas la moindre minuscule raison. Malgré la légère rancœur qu'il ressentait face à ce silence, ça ne l'avait pas pour autant empêché de déceler le désespoir à travers ses mots. Elle venait de lui donner la charge de sa fille... Irina était devenue mère. Cette information ne l'avait pas laissé de marbre, sa protégée avait pu trouver un certain bonheur.
Le post-scriptum qui achevait cette lettre l'intriguait. Irina avait toujours eu une habitude assez particulière, celle de mettre une phrase très importante à la fin de ces missives. Celle-ci devait être la plus grande mise en garde qu'elle avait pu lui dire.
Des yeux dorés. Une couleur très particulière quand on y pensait. Une couleur qu'on ne pouvait pas associer à celle d'un regard humain.
Sa main reposa délicatement la lettre près de celle d'Harry.
Il finit par baisser les yeux vers le tiroir de son bureau dans lequel il avait placé l'avant-bras retrouvé dans la forêt interdite. Un très léger film bleuté recouvrait le membre, une particularité du sort de conservation très utilisé par les médicomages. La baguette qui l'avait accompagné reposait désormais chez le marchand de baguettes, en attente d'une potentielle réaction magique de sa part.
Son esprit divagua vers le passé, il repensa au retourneur de temps qu'il avait offert à Irina durant ses études à Poudlard. Elle fut folle de joie de recevoir un tel présent. Était-ce celui-ci qu'elle avait modifié pour sauver sa fille ? Pourquoi avait-elle dû le modifier et par quel moyen avait-elle réussi ce prodige ? Ces questions restaient sans réponses.
Les éléments de l'histoire attendaient patiemment qu'il réussisse à les rassembler.
En voyant Albus poser son front contre ses mains pour calmer une migraine naissante, Fumseck vola jusqu'au dossier de sa chaise pour se percher au-dessus de lui, montrant son soutien. Le sorcier se permit de sourire et caressa son familier de sa main non-maudite.
_Elle me manque à moi aussi, chuchota Dumbledore en échangeant un doux regard avec le phœnix.
