2 - Bienvenue

Les élèves, comme des petits ruisseaux, commençaient à sortir des wagons pour former une petite rivière qui, au fur et à mesure, grossissait. Cependant, la rivière n'atteignit pas la taille de gros fleuve qu'elle avait pu avoir il y a quelques années, quand tout semblait encore normal aux yeux de Nott. Beaucoup d'élèves avaient été tués ou blessés lors de la guerre, Les Sixièmes et Septièmes années se faisaient rares. Beaucoup de familles de Serpentards avaient été décimées ou avaient fui la Grande Bretagne. Celles qui avaient décidé de rester avaient longtemps hésité à envoyer leurs enfants à Poudlard. Ils avaient peur des représailles, surtout face à une administration qu'on craignait rancunière. Certains avaient arrêté leurs études prématurément, d'autres avaient été envoyés à Durmstrang.

Enfin chez lui ! Nott retrouvait avec plaisir cette grande salle aux longues tables et au plafond prodigieux. Il s'était déjà accoutumé aux chuchotements sur son passage et s'assit à la table de sa maison. Ses yeux profonds et sombres, ses cheveux noirs élégamment décoiffés, ses lèvres fines et ses traits délicats, sa silhouette élancée et longiligne… tout cela respirait une assurance qui désarçonnait les autres élèves. On le craignait tant pour son intelligence que pour ses aptitudes en magie. Son air ténébreux et mystérieux lui avait toujours attiré des regards mêlés de peur, de curiosité et d'admiration… ou de jalousie. Et petit à petit, la haine avait fait son entrée dans ce grand théâtre que représente, aux yeux de Nott, la vie des autres. Contrairement à Malfoy, son assurance et sa nonchalance n'étaient pas feintes. Elles avaient été forgées dès sa plus tendre enfance grâce à sa vive intelligence. Il se moquait des autres et de leur bêtise crasse. Les Mangemorts et leur idéologie idiote, les autres pour leur manichéisme borné.

Nott fut sorti de ses réflexions par l'entrée des premières années dans la Grande Salle. Assis à la table des Serpentards, ils devaient être une vingtaine tout au plus. Une misère. Les élèves des autres tables se tournaient fréquemment vers la table des Serpentards en chuchotant. Cela rendait les voisins de table de Nott nerveux. Décidément, cette maison était devenue celle de la honte. La cérémonie de répartition avait commencé par la fameuse chanson du Choixpeau. Nott affecta d'observer la table des professeurs plutôt que d'écouter cette guenille ridicule. Les professeurs remplaçants n'avaient pas été choisis au hasard. Plusieurs avaient été membres de l'ordre du Phoenix : Hestia Jones, en métamorphose, Sturgis Podmore pour les défenses contre les forces du mal…

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Je regardais, désabusé, la file des premières années se préparant à recevoir leur affectation. Je me souvenais de la mienne comme si c'était hier ! Le Choixpeau n'avait pas hésité une seule seconde. A ce moment-là, je ne doutais pas non plus… Qu'en serait-il aujourd'hui ?

Cela faisait dix minutes que la cérémonie avait commencé et pour l'instant aucun élève n'avait été envoyé à Serpentard. C'était la première fois que la cérémonie se déroulait dans une tension palpable. Que se passerait-il si un élève était envoyé dans notre maison ? Ma question ne resta pas sans réponse bien longtemps. En effet, je fus tiré de ma rêverie par un « Serpentard ! » du Choixpeau énoncé fort et distinctement. Une petite fille se tenait pétrifiée sur le siège, n'osant bouger. Le monde entier semblait s'être arrêté. Pas un applaudissement, pas une acclamation, pas un souffle de la foule. Elle descendit du siège et marcha d'un pas mal assuré vers notre table. Honnêtement, je la plaignais. Nott, en face de moi poussa un soupir de dédain et se mit, seul, à applaudir. « Serpentard », on aurait dit une incantation pour maudire quelqu'un. Ses pas raisonnaient dans l'air figé de la Grande Salle avec le claquement des mains de Nott. Elle prit place à la table, loin de nous. Des Serdaigles – avides de connaissances parait-il mais surtout de potins – se retournaient en pouffant et en chuchotant tout en la dévisageant sans aucune retenue. C'était insupportable. Elle devait avoir onze ans et déjà on la mettait dans le sac des coupables...Mon sac. On ne lui laissait aucune chance de faire ses preuves !

-C'est moi que vous cherchez ? demandais-je aux Serdaigles. Ils se retournèrent vivement vers leur table, passablement effrayés et je ne pus retenir un rictus méprisant et satisfait.

Les paroles de Nott résonnaient en moi : il fallait que l'on se serre les coudes, que nous fassions bloc, envers et contre tous ces crétins. Et moi, avec cette soif d'aller vers les autres, il fallait bien que je commence quelque part... Voler à la rescousse d'une première année semblait être un bon exercice. Je pris mon courage à deux mains et me levais pour aller à la rencontre de la petite fille qui manifesta un air terrifié. Décidément, j'étais empêtré avec moi-même : ma réputation, mon histoire, mon physique… Je n'avais rien pour moi. A mesure que j'approchais, ses yeux s'ouvraient davantage avec effroi. Je m'assis auprès d'elle sans plus prêter attention à rien.

-Ne reste pas seule. Tu es avec nous maintenant. Et on ne laissera personne…

-Je ne veux pas ! Je ne suis pas comme vous ! Explosa – t –elle dans un sanglot.

Je restai décontenancé. Je regardai autour de moi comme pour chercher l'aide de quelqu'un. C'était bien beau de vouloir s'ouvrir aux autres mais j'avais oublié un menu détail : j'étais très nul à ça, trop maladroit. J'avais toujours cette satanée poussée d'adrénaline qui me faisait dire n'importe quoi, tantôt pour garder les autres éloignés, tantôt pour avoir un peu d'attention. Performant dans les joutes verbales, je ne savais aborder les étrangers à mon cercle que de cette manière... Et pour le reste, j'étais une vraie chèvre... un troll des montagnes...

Soudain, je croisai de jolis yeux noisette à l'autre bout de la salle. Granger. Elle se leva et rejoignit discrètement notre table par l'arrière tandis que la répartition se poursuivait. Elle s'approcha de nous, ce qui fit taire et se retourner une bonne fois pour toute les Serdaigles les plus courageux. Le regard inquisiteur qu'elle me lança me mit automatiquement sur la défensive. Pour elle, je devais encore jouer un sale tour, ou quelque chose dans le genre... Elle s'assit de l'autre côté de la petite.

-Que se passe-t-il Octavia ? Dit-elle de sa voix la plus douce.

-Mes parents vont me détester ! Et jamais je ne me ferai d'ami ! Je vais rester seule toute ma vie ! d'une voix chevrotante.

-Pourquoi dis-tu ça ? Demanda-t-elle d'un air faussement naïf.

-Parce qu'à Serpentard il n'y a que des personnes mauvaises ! Et ses pleurs reprirent de plus belle.

Hermione resta interdite. Sans doute pensait-elle la même chose. Elle finit par reprendre d'une voix mal assurée :

-Mais pas du tout voyons...

Inspiré par je ne sais quoi, Salazar peut-être, je l'interrompis.

-Tu as raison, il y en a. Mais pas que. Tu sais, tout n'est pas complètement noir ou blanc. On retient souvent les noms de ceux qui ont mal agi, mais l'écrasante partie des Serpentards est aussi honnête que les autres sorciers.

Elle osa détourner son regard d'Hermione pour me regarder. Cela m'encouragea à poursuivre, conscient que mon discours s'adressait indirectement à la préfète des Gryffondors :

-Regarde le blond là-bas qui est en train de soupirer parce qu'il regrette sa troisième portion de frites. Tu le vois ?

Octavia fit un signe de tête affirmatif. Je repris :

-Eh bien lui, c'est le meilleur joueur d'échec de tout Poudlard. On dit même qu'il est meilleur que Dumbledore à son âge. Il sera ravi de t'apprendre, si tu lui demandes. Et regarde le grand brun là-bas, mal fagoté.

-Je ne vois pas…

-Mais si, il a un air d'ahuri…

-Je vois un grand brun, mais il n'est pas vraiment mal fagoté et n'a pas de tête d'ahuri, dit-elle en rosissant légèrement.

-Bon, répondis-je en me raclant la gorge un peu gêné de constater qu'elle ne partageait pas mon point de vue. Eh bien lui, c'est Nott. Le meilleur élève de septième année. C'est un vrai génie !

Je sentis Hermione s'agiter derrière nous en entendant cela et je ne pus me retenir d'esquisser un sourire. Je ne m'interrompis pas pour autant :

-Nott a l'air froid comme ça… mais au fond, c'est un grand sensible… Et la fille là, aux cheveux très sombres, c'est Pansy Parkinson. Elle a une volonté de fer. Elle souhaite renoncer à l'héritage de ses parents, de riches commerçants, pour essayer de bâtir son propre empire. L'année dernière, elle était préfète… Et elle passait son temps à materner les premières années... Et tu sais, certains Serpentards ont combattu honorablement pendant cette guerre. Regarde le professeur de potion, à droite de la directrice. Il s'appelle Horace Slughorn, c'est le directeur de notre maison. Eh bien il a participé à la protection de Poudlard lors de la bataille finale.

Je sentais qu'Octavia s'était apaisée. J'étais soulagé… mais ma satisfaction fut de courte durée :

-Et toi ?

Hermione s'était réveillée. Je sentais que cette conversation n'avait plus le but exclusif de rassurer une pauvre petite année, aussi bien pour elle que pour moi.

-Et moi, je vais chercher à tout prix à me faire pardonner… et apprendre à vivre normalement, librement sans que l'on m'impose quoi penser.

Hermione me regardait intensément, les yeux flamboyants. Seul Merlin pouvait savoir ce qui se passait dans sa tête. Sous son regard je sentais toujours la lame de la culpabilité me traverser. Ce que j'avais pu être détestable ! A s'en taper la tête contre les murs... Mais alors que tout en moi voulait me faire baisser les yeux, je tins bon et soutins son regard.

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Hermione ne savait pas trop quoi penser. Elle ne pensait pas que Malfoy aurait pris son rôle de préfet à cœur. Consoler les autres n'était pas son domaine de prédilection et pourtant il n'avait pas hésité à voler au secours de la pauvre première année. Et bien qu'elle l'ait senti complètement déboussolé au début, il avait réussi à se ressaisir et faire des miracles. C'était... assez surréaliste. Il voulait se faire pardonner... hein ? Elle n'en aurait jamais attendu autant ! Il ne restait plus qu'à compter le nombre de jours qu'il tiendrait sans l'insulter ou se moquer d'Harry ou Ron.

Elle retourna à sa table perdue dans ses pensées et fut accueillie par Harry et Ron qui se demandaient où elle avait bien pu passer.

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Trois. Seulement trois ! Nott était scandalisé : il n'y avait que trois premières années envoyées à Serpentard cette année alors que d'habitude, ils étaient une dizaine ! C'était impossible ! Il regagna les dortoirs amer, ayant l'intuition qu'une menace insaisissable rôdait autour de ses camarades et lui. Il se coucha aussitôt.

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Je me réveillai en sursaut. Quelqu'un me secouait vigoureusement. Apeuré, je vis le visage de Slughorn près du mien, continuant de m'appeler. Je me levai vivement en inspectant la pièce : certains de mes camarades avaient été réveillés pas le raffut ; il faisait nuit noire.

-Prenez votre robe de chambre M. Malfoy et rejoignez-moi dans la salle commune. Faites vite !

Je tentais de reprendre mes esprits. Il était quatre heures à ma montre et les autres élèves s'étaient recouchés. Je m'habillai à la hâte et descendis rejoindre le professeur. Il m'attendait face au feu, se parlant à lui-même. Il paraissait extrêmement préoccupé et ne m'entendit pas approcher. Il sursauta lorsque je m'adressai à lui.

-Professeur, que se passe-t-il ?

Il ne répondit pas et d'une moue accompagnée d'un mouvement de tête il m'invita à sortir. Mon cœur battait la chamade. Tout cela me paraissait bien mystérieux et pas du tout rassurant… Était-il arrivé quelque chose de grave ? Sans doute. A qui ? Un élève ? Un professeur ? Mes parents ?

Ce ne fut qu'après quelques pas et fort embarrassé qu'il prit la parole.

-Écoutez, Malfoy, cela ne doit pas vous inquiéter. Pas le moins du monde ! Et, vous savez, nous allons trouver le coupable. Bien sûr, c'est inadmissible et Mme la Directrice sera très ferme avec les auteurs de cette… heu… mauvaise plaisanterie… Elle me l'a dit elle-même !

Je pense qu'il n'y avait pas pire manière d'introduire le problème. Mon cœur était gonflé d'angoisse et je me retenais à grand peine de lui hurler d'arrêter de tourner autour du pot.

-Enfin, professeur, que se passe-t-il ?

Il s'arrêta un instant et me fixa dans les yeux. Je m'attendais à ce qu'il me révélât tout. Il entrouvrit la bouche comme pour parler mais se ravisa.

-Il vaut mieux que vous le voyiez par vous-même.

C'en était trop. Je laissai échapper malgré moi :

-Professeur, je vous en prie, dites-moi ce qu'il se passe !

-Des inscriptions, dit-il en détournant le regard. On a écrit sur les murs, en face de la salle de potion, des insultes à votre égard et envers les Serpentards.

Je déglutis difficilement. Évidemment ! A quoi avais-je la tête en revenant à Poudlard ? J'aurais dû écouter mon intuition et fuir le Poudlardexpress. J'étais vraiment le premier des crétins.

Au détour d'un couloir, nous vîmes une lumière vaciller. Les torches avaient été allumées et je commençais à distinguer des voix. C'étaient McGonagall et les autres préfets. Ils s'interrompirent en me voyant. Je découvris alors les inscriptions. « Malfoy Mangemort » « Serpentard hors de Poudlard » « Serpentards à Azkaban ». Je ne pus réprimer un rictus méprisant pour cacher mon malaise : une de mes bonnes vieilles habitudes. Je remarquai que tous me fixaient. Je suppose qu'ils attendaient que je dise quelque chose, mais je n'avais rien à dire. Alors, comme il est toujours plus facile de se cacher derrière son mépris que de présenter ses émotions, je finis par lâcher avec mon air le plus suffisant :

-En voilà quelque chose d'original. Pour avoir l'idée, ils ont dû s'y mettre à plusieurs.

-M. Malfoy, finit par dire McGonagall, vous n'êtes pas sans avoir remarqué que les Serpentards sont dans une situation délicate en cette rentrée… En tant que Préfet, je vous demanderai d'être particulièrement vigilent au bien-être de vos pairs.

Comme si cela lui importait.

-J'y veillerai, professeur. Répondis-je avec un sourire policé.

-Cela vaut aussi pour vous, reprit-elle en s'adressant aux autres préfets. Aussi, avez-vous eu vent d'informations qui pourraient nous aider à découvrir le coupable ?

-Non professeur. Répondit Hermione qui regardait intensément le mur dégradé. Nous pourrions étudier l'écriture…

-Cela fait beaucoup d'écriture à comparer, répondis-je. Il faudrait essayer de réduire le nombre de personnes à suspecter.

-Je vais m'occuper moi-même de cette affaire, interrompit la directrice. La priorité pour l'instant est d'effacer toute trace de ce vandalisme et d'éviter que cela ne se sache. Ce n'est sans doute qu'un cas isolé.

La moue de Granger me signifiait qu'elle était moyennement convaincue par cela. Si dès le premier jour des personnes se permettaient cela, alors qu'est-ce que la suite nous réservait ?

-Nous allons faire une ronde pour vérifier que personne ne traîne dans les couloirs et ensuite vous retournerez dans vos dortoirs. Quant à moi, je vais interroger les tableaux.

Mcgonagall me considéra un instant.

-Patil et Finch – Fletchley, vous vous occuperez de la moitié Est, Malfoy et Granger de la moitié Ouest.

Je sursautais, comme si nos deux noms ne pouvaient pas être prononcés ensemble. Je jetais à ma co-équipière un regard discret. Son visage était encore gonflé de sommeil, les traits tirés et ses cheveux étaient ébouriffés. Pourtant, cet aspect négligé ne la rendait pas moins belle à mes yeux. Sa robe de chambre étroitement nouée autour de sa taille fine laissait deviner ses courbes. En un an, elle avait maigri. Beaucoup. Son regard était devenu plus lointain et ses sourires gardaient un fond mélancolique. A ces pensées, mon cœur se serra.

Je m'égarai : je fermai les yeux pour chasser les absurdités qui me passaient par la tête. La fatigue sans aucun doute. Je rouvris les yeux et je vis la raison de mon trouble me regarder.

-Dépêche-toi Malfoy, plus vite nous aurons fait le tour, plus vite nous pourrons retourner nous coucher.

Je la suivis sans discuter.

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Elle marchait à côté de moi. Nous n'avions échangé aucune parole. Je ne savais pas depuis combien de temps nous avancions en silence, elle, regardant une étrange carte pour ne pas se perdre et moi, suivant ses décisions. Je ne pouvais m'empêcher de la regarder à la dérobée, à l'image de ces sept dernières années. Ainsi, malgré tout, il y avait des choses immuables. Soudain, elle prit la parole :

-Comment s'est passée la suite du repas pour Octavie ?

-Je pense que ça s'est bien passé… Elle a fait la connaissance des deux autres nouveaux, je crois.

-Tu crois… ?

Son ton, un savant mélange de suspicion et de mépris digne d'une miss-je-sais-tout, eut le don de m'horripiler. Elle ne s'attendait pas à ce que je la pouponne quand même ! L'émotion de la journée, la fatigue aussi sans doute, cette suspicion ambiante, le désespoir enfin, me poussèrent idiotement dans mes travers. Je répondis du tac au tac de ma voix traînante en affectant un air ironique :

-Je n'ai pas le souvenir que nous l'ayons trop malmenée, si c'est ça qui t'inquiète…

Elle se figea puis se tourna d'un bloc vers moi. Honnêtement, je crus que j'allais me prendre la même mandale qu'en troisième année. Ses yeux lançaient des éclairs : elle était entrée dans une colère noire qui me semblait disproportionnée par rapport à ma réplique, elle aussi peut-être trop fatiguée pour percevoir mon ironie. Elle sortit sa baguette d'un geste vif et la pointa sous mon nez. Je reculais prudemment jusqu'à sentir le mur du couloir contre mon dos.

-Je te hais comme je n'ai jamais autant haï quelqu'un. Tu es la pire personne qui puisse exister sur terre.

Cette répartie me fit mal mais je réussis à contenir de justesse un : "Même avant Bellatrix ?" goguenard.

Elle reprit :

-Tu n'as aucune idée de ce que c'est que souffrir.

-Si tu le dis... Répondis-je, dans un rictus méprisant, piqué par cette dernière remarque.

Elle me regardait intensément, son visage à quelques centimètres du mien, comme pour y lire une inscription à demi-effacée. Elle me relâcha brutalement et s'éloigna en me tournant le dos. Et, se retournant à moitié elle me lança un dernier :

-Meurs.

Je me rendis compte que nous étions arrivés devant le croisement dont les couloirs menaient séparément à nos dortoirs respectifs. Elle prit le chemin de gauche et disparut dans l'obscurité.

Quant à moi, je lâchai un profond soupir et reposa ma tête contre le mur derrière moi. Elle était visiblement à des lieux d'imaginer ce qu'avait pu être mon éducation et ces longs mois avec Vous-Savez-Qui.

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Une soirée ! Il n'avait tenu qu'une soirée avant de redevenir infâme ! C'est peu pour quelqu'un qui veut se faire pardonner ! Hermione tournait dans son lit sans parvenir à se rendormir. Elle avait du mal à se défaire de la panique qui l'avait gagnée lors de sa discussion avec Malfoy. Comment pouvait-il rire de la douleur alors que c'était la seule chose qu'elle était capable de ressentir désormais ? Elle le haïssait du plus profond de son être : comment réussissait-il à toujours faire ressortir le pire qu'il y avait en elle?! Toute cette violence et cette rage cachées et qui explosaient quand il osait la provoquer l'effrayait. Malfoy en préfet… Non mais quelle blague ! Et pourquoi pas un troll, tant qu'on y était ? Eux au moins, avaient le mérite de ne pas savoir parler !

Il était clair maintenant qu'elle serait régulièrement confrontée aux Serpentards. Malheureusement, son rôle de préfet en chef devait faire d'elle une médiatrice entre les maisons. Elle avait espéré que leur retour à Poudlard se ferait sans trop d'animosité de la part des autres maisons, mais c'était sans compter la bêtise humaine qui, elle, touchait toutes les maisons confondues. Il fallait donc qu'elle se prépare à côtoyer régulièrement Malfoy et sa bande. Et visiblement, McGonagall allait lui coller régulièrement ce dernier sur le dos… Comme si elle était la seule capable de le gérer ! Tout le monde se reposait sur elle. Elle devait aller bien.

Soudain la cicatrice à son bras la démangea si fortement qu'elle dut se lever pour la passer sous de l'eau froide. Elle se leva doucement, passa devant le lit de Ginny dont le sommeil était très agité et se rendit sans un bruit jusqu'à la salle de bain que Mimi Geignarde avait abandonnée depuis la bataille. A la lumière blafarde de la lune, elle vit son visage fatigué, marqué par la tristesse. Cela faisait deux mois que tout cela s'était terminé. Harry et Ron étaient brisés par le chagrin et le désœuvrement. Après l'année qu'ils venaient de vivre, tout leur semblait vide et vain.

Hermione fut parcourue d'un frisson. Vide, c'est le mot. Chaque année, depuis ses onze ans, elle et ses amis frôlaient la mort. Et maintenant, plus rien. Elle était partagée entre le soulagement et une angoisse sourde. Comme si cette existence pour laquelle elle avait tant lutté n'avait plus de sens. Et ce néant la rongeait. Elle ferma le robinet d'eau froide et observa sa cicatrice. Des flashs éblouissants lui revinrent en mémoire. Le souvenir de la douleur la saisit comme si elle était à nouveau réelle. Elle se cramponna au lavabo pour ne pas tomber et appuya son front brûlant contre le miroir froid. Elle se concentra un instant sur cette sensation de contraste. Lorsque la crise fut terminée, elle s'écarta lentement en se fixant dans les yeux, jusqu'au moment où elle vit une silhouette derrière elle. Elle se retourna vivement en dégainant sa baguette.

Personne.

-LUMOS MAXIMA ! cria-t-elle.

Et la lumière bleuâtre de sa baguette gagna en intensité. Elle scruta le vide avec terreur, orientant la lueur vers les endroits les plus sombres, vérifiant et revérifiant chaque recoin.

Rien.

Elle sentit alors une vague de désespoir l'envahir. Une tristesse infinie s'empara d'elle et des larmes inondèrent ses yeux et ses joues, tombant lourdement sur sa robe de chambre. Elle éclata en des sanglots sonores ponctués de cris silencieux. Elle se laissa tomber à terre et se recroquevilla sur elle-même. Rien ni personne autour d'elle : c'était bien ça le problème.