Lalitteraturen'estpasmonfort et apko: Merci beaucoup pour vos reviews ! Ca fait chaud au cœur ! Je suis vraiment heureuse que ça vous plaise ! J'ai pas mal d'avance sur les chapitres : je pense pouvoir tenir un rythme relativement soutenu... dans un premier temps en tous cas ! A très vite, donc ! :)

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4 - Seuls

Après cette semaine éprouvante, nous décidâmes d'un commun accord de fuir pour un après-midi l'atmosphère pesante de l'école pour l'ambiance joviale du pub des Trois Balais de Pré-au-Lard. Nott et moi devions réserver des places pendant que Pansy et Blaise constitueraient des réserves chez Honeydukes pour tenir la semaine prochaine sans déprimer. Aussi, une fois la porte du pub passée, notre déconvenue fut grande lorsque nous le trouvâmes bondé d'élèves.

-Il y a plus d'élèves au mètre carré ici qu'à Poudlard, grommela Nott pendant que nous nous faufilions jusqu'au bar pour nous emparer des trois dernières places restantes. Une fois assis sur la chaise haute, accoudé au comptoir, je pus observer la salle.

-Toujours aussi bruyants, commenta mon acolyte en désignant la table de Potter et sa bande.

Ils formaient un groupe nombreux toutes maisons confondues excepté Serpentard, réunissant plusieurs tables et occupant tout l'espace sonore par leurs rires et leurs exclamations de joie. Tout le contraire de ce que nous, Serpentard, pouvions fournir, en somme. Mon dernier fou-rire était lointain et la sérénité était un sentiment que je ne considérais qu'avec nostalgie. Qu'étais-je devenu ?

-Vu la foule ici, je n'ose même pas imaginer les rayons de Honeydukes... Blaise et Pansy vont en avoir pour des plombes ! Grogna Nott.

-C'est bourré de 3e années en plus...

-On pourrait faire de la contrebande pour les premières et deuxièmes années, t'en penses quoi ? S'écria Nott, comme recevant une illumination divine.

-Et tous les samedis aller faire la queue dans cette boutique plus peuplée que l'Enfer ! Non merci ! Ma santé mentale vaut plus que les dix galions qu'on pourrait se faire...

-On enverrait Blaise et Pansy !

-Je suis sûr que Zabini est déjà en train de péter un câble, souriais-je.

-Toi, tu te chargerais de la vente et de la communication, poursuivit-il, toujours enthousiaste.

-Moi ? Tu te rappelles qui je suis ?! Ils vont tous crier au racket !

-Pansy alors ?!

-Tssss, il ne le savent pas mais ils devraient bien plus la craindre que moi...

Il pouffa :

-C'est pas faux !

Alors, pour l'amuser, j'imitais sa voix :

-«Achetez bande de tocards.»

Un gloussement surgit de derrière moi.

-On t'a jeté un sort de confusion Granger ? Demanda Nott, goguenard.

Je me retournais brusquement vers elle, surpris. C'était bien la première fois que je suscitais chez la Gryffondor autre chose que de la colère. Elle avait ri... Elle avait ri ! Pour un truc que j'avais pu dire... Sans que je puisse l'expliquer, un feu naquit dans ma poitrine.

-Pardon, ça m'a échappé... Je ne voulais pas vous déranger, s'excusa-t-elle précipitamment en rougissant... J'attends que Rosemerta prenne ma commande, rajouta-t-elle pour se justifier.

Un silence s'installa. Nott était sans doute aussi nul que moi, socialement parlant. Mais lui, contrairement à moi, avait toujours su se taire, ce qui lui donnait un air mystérieux. Quant à moi, j'avais finalement appris de mes erreurs et désormais je craignais trop les maladresses de ma langue pour oser dire quoi que ce soit. Elle se racla la gorge, visiblement mal à l'aise elle aussi.

-Il y a beaucoup de monde aujourd'hui, commenta-t-elle.

-Tous les troisièmes années ont voulu faire leur première sortie je suppose, répondit Nott distraitement, pendant que je sentais mon cœur battre à tout rompre.

Cet échange fut interrompu par une exclamation bruyante de la table de Gryffondors qui nous fit tous nous retourner.

-Je passe mon temps à leur dire qu'ils sont trop bruyants... Ils n'écoutent pas... expliqua-t-elle navrée.

-Tu n'es pas leur mère, répondit Nott.

-C'est vrai, sourit-elle.

-Les temps ont été dur... Alors je modère mon exaspération avec philosophie, compléta-t-il et son sourire à elle s'élargit encore.

Une sorte de grognement résonnait en moi : depuis quand il savait tenir une conversation plaisante, lui ?!

-Alors Malfoy, tu ne dis plus rien ? Taquina Nott, bien au courant de mon malaise vis à vis de Granger.

-C'est ce qu'il se passe généralement lorsqu'on a rien à dire, ripostais-je sèchement sans réussir à restreindre un rictus méprisant.

Nott pouffa, comme à chaque fois que je renvoyais ses piques. Hermione fronça les sourcils, comme si elle n'approuvait pas notre échange. C'était ça le problème. Elle voyait le mal partout. Ce n'était qu'une simple répartie banale. Rien de méchant !

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Hermione regrettait amèrement d'avoir laissé s'échapper ce gloussement de pintade, digne de Lavande Brown. Tout ça pour une pauvre imitation de Malfoy ! Et lui, depuis quand il était drôle ?! C'est à dire... vraiment drôle, sans être mesquin ou caustique. C'était bien la première fois qu'elle le voyait ainsi ! Bon, évidemment, ses plaisanteries restaient toujours au dépend d'autres personnes : Malfoy restait Malfoy après tout ! Mais ce n'était pas... malveillant...

Et maintenant, elle était coincée dans cette discussion bancale avec les deux Serpentards. Elle ne savait pas ce qui était le pire : entretenir une conversation avec Nott, la personne la plus insaisissable qu'elle ait jamais rencontrée ou faire face au regard indéchiffrable de son acolyte, à la fois lointain et attentif, perçant et mélancolique.

Et, bien-sûr, comme ils ne savaient pas faire autrement, ils se provoquaient. Elle ne comprenait pas ce besoin des Serpentards à chercher le conflit sans arrêt, même entre amis ! Ils semblaient se délecter des joutes verbales sans se préoccuper des dommages collatéraux qui pouvaient en résulter. Comme s'ils n'en avaient pas eu assez, ces derniers temps ! C'était si loin de sa manière d'être : douce, loyale et bienveillante avec ses proches ! Bien sûr, elle n'était pas contre de petites taquineries : elle-même s'y adonnait en prenant généralement Ron pour cible... Mais, eux, c'était trop ! Cela les rendait inaccessibles et incapables d'avoir des relations normales avec les autres. Elle avait l'impression que jamais elle ne réussirait à les comprendre et que jamais ils ne réussiraient à s'intégrer au reste de la communauté magique. Il le faudrait pourtant, pour un monde en paix.

-Vous n'avez pas changé, finit-elle par dire en levant les yeux au ciel dans une expression exaspérée, coupant court à leur chamailleries.

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-Et pourquoi aurions-nous du changer ? demandais-je bêtement en oubliant bien vite tous mes principes de précautions. Mon comportement de Malfoy mal léché, ressortant malgré moi, eut le don de transformer la lassitude de mon interlocutrice en colère. Hélas, j'étais déjà trop exaspéré par son air pincé pour pouvoir penser à rectifier le tir.

-Je ne sais pas, peut-être parce que ça blesse les gens ? Rétorqua-t-elle avec ses mimiques de Miss-je-sais-tout qui avaient le don de me hérisser le poil.

-Mais personne n'est blessé, là !

-Peut-être mais ce n'est pas comme si ce n'était jamais arrivé !

-Je me suis déjà excusé ! Répondis-je ulcéré, comprenant parfaitement ce à quoi elle pouvait faire référence.

Oui, je savais que j'avais fait du mal, mais que voulait-elle que je fasse de plus, par Merlin ? Que je rampe à ses pieds ? Que je m'incline profondément sur son passage ? Et que je m'habille en elfe de maison aussi peut-être ? Quant à elle, ses yeux brillaient de rage et son visage était animé par une colère explosive qu'elle peinait à maîtriser.

-Oh, tu t'es excusé ! S'écria-t-elle d'une voix sur-aiguë. Comme c'est gentil de ta part !

-Mais alors que veux tu que je fasse de plus ? M'écriais-je hors de moi.

-Commence déjà par savoir qu'on ne "s'excuse pas" mais qu'on "prie quelqu'un de bien vouloir nous excuser."

-C'est pareil !

-Non, c'est pas pareil ! Et si moi, je n'avais pas envie de t'excuser ? Et si j'avais été trop blessée pour pouvoir oublier et t'accepter ?

Je tombais des nues. Je pensais que le fait de s'excuser suffisait, un peu à la manière d'une formule magique. Je découvrais alors qu'en plus d'avoir essuyé cette humiliation, on pouvait aussi se prendre celle d'un refus ! Décidément, quelle arnaque ! J'avais l'impression d'avoir mis le doigt dans un engrenage qui finirait par m'arracher la main... ou le bras.

-Alors je vous prie, Madame, de bien vouloir daigner recevoir et accepter mes excuses ainsi que mes sincères salutations, répondis-je avec un ton guindé en m'inclinant profondément.

Jamais je ne la vis aussi furieuse, je crois. Alors qu'elle s'apprêtait à rugir, Nott se leva.

-Je vous laisse, vous avez beaucoup trop de choses à vous dire.

Et il me murmura à l'oreille en passant devant moi :

-Arrête de te la jouer et fais ce qu'elle dit.

-Mais je sais même pas ce qu'elle veut !

-Commence par te taire et écoute-la.

Et il disparut dans la foule. Entre-temps, Hermione avait été servie.

-Moi aussi je m'en vais de toute façon, dit-elle en faisant mine de saisir ses boissons.

-Attends, l'interrompis-je avec une calme fermeté que je ne me connaissais pas.

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Elle aurait pu pleurer, si elle ne s'était pas endurcie le long de ces sept dernières années. Comment faisait-il pour toujours tout gâcher? Pour la blesser alors même qu'il était en train de «s'excuser» ? Il voulait qu'on lui pardonne gratuitement, sans qu'il n'ait à formuler aucun réel repentir. Comme d'habitude, tout lui était dû et il ne s'intéressait qu'à lui et à son propre mal-être : d'elle, il n'en avait rien à faire ! Il ne savait que blesser les gens autour de lui. Elle s'était rapprochée trop près, à portée de tir, et il l'avait touchée exactement là où ça faisait mal, comme toujours. Elle n'avait eu que ce qu'elle méritait : elle savait qu'il était nocif et que se confronter à lui ne lui apporterait rien de bon, mais elle le haïssait trop pour accepter qu'il s'en tire avec indifférence, sans souffrir, ne serait-ce qu'un peu !

Hermione considéra la main que le Serpentard avait posé sur son avant bras comme par réflexe, sans réfléchir. Une main qui lui semblait peser une tonne. De quel droit se permettait-il ? Elle s'était figée, sidérée. Puis, comme un plongeur remontant à l'air libre, elle se reprit brusquement, se rabrouant d'avoir cédé, même qu'un instant, à son charisme. Elle retira vivement son bras et il sursauta comme s'il venait d'émerger d'un rêve en rosissant. Lorsqu'elle releva les yeux, elle rencontra les siens, au regard sombre, comme deux puits dans lesquels elle risquait de tomber. Elle força un rictus : à Rome fais comme les romains.

-Je ne pense pas que tu sois en mesure de me donner un ordre. N'oublie pas qui je suis.

De son côté, il s'était métamorphosé : se rasseyant complètement sur la chaise haute, il avait stoppé net son emportement. Il la regardait avec intensité et son visage arborait une expression sérieuse. Elle plissa les yeux, intriguée. Au fond d'elle, une inquiétude vorace jouait avec ses entrailles : elle croyait déjà le voir lever l'encre et déplier les voiles, fuyant de nouveau leur champ de bataille et l'abandonnant à sa propre misère. Il reprit :

-Pourtant, dans cette histoire, il n'est pas tout à fait question d'héroïne de guerre ou d'ancien Mangemort, n'est-ce pas ...? Mais plutôt d'une histoire de gamins... ?

Elle ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel : décidément, il n'en manquait pas une ! Voilà que maintenant il balayait tout d'un revers de la main comme si rien n'avait d'importance ! Comme si tout cela n'avait été que d'anodines chamailleries !

-En disant cela, continua-t-il de sa voix grave et posée, comme s'il avait lu dans ses pensées, je ne dis pas que cette affaire n'est pas importante... elle l'est. Je dis juste qu'il n'y a rien de politique dedans et qu'on arrivera à régler ça entre nous. Je n'étais qu'un sale gamin qui répétait les absurdités qu'il entendait chez lui, sans réfléchir et sans se rendre compte qu'il ne les pensait même pas. Bien sûr, tout est plus compliqué mais tenons-nous en à cette version, surtout vraie pour nos quatre premières années... Alors je m'exc... Je te prie de bien vouloir accepter mes excuses... J'ai bien compris que tu te réservais le droit d'accepter ou pas... et je pense que je comprends.

-Oh tu apprends vite, répliqua-t-elle vivement avec tout le mépris du monde, ne pouvant s'empêcher de poursuivre avec violence cette confrontation qui la faisait se sentir exister. Elle aurait tant aimé avoir le recul dont lui semblait faire preuve... et que lui ne l'ait pas !

-C'est à dire que... On ne m'a jamais enseigné comment s'excuser... Répondit-il avec un sourire désolé, sans paraître affecté par ses provocations.

Alors, à nouveau, elle se sentait démunie, luttant pour rien. Il était redevenu ce brouillard, ou ce mirage : inatteignable, insaisissable. Comme une murène, il mordait puis disparaissait dans l'obscurité. Il était cette chose contre laquelle on ne peut se battre mais qui, à l'inverse, savait vous toucher, vous envelopper et vous emporter.

-C'est du bon sens pourtant ! Cracha-t-elle, dans un effort qui lui parut surhumain.

S'il répondait encore une fois avec ce même calme, cette même douceur, il la désarmerait complètement et elle aurait perdu. Alors, par Merlin, faites qu'il se batte ! Faites qu'il puisse souffrir !... Au moins autant qu'elle !

-Sans doute, sourit-il en coin, et je n'ai jamais douté d'en manquer avec les autres... Alors dis-moi, car honnêtement, je ne sais pas quoi faire de plus.

- Pourquoi est ce-si important pour toi ? Tu t'en étais bien passé jusque là ! demanda -t- elle d'une voix mal assurée, gâchant ainsi sa dernière allumette pour mettre le feu au poudre.

- Et pourquoi pas ? répondit-il dans un sourire chaleureux qu'elle ne lui connaissait pas, avec toute la patience du monde.

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Elle resta silencieuse et immobile, les lèvres tremblantes. Elle se détourna un instant pour maîtriser son émotion et je pus la contempler de profil. Ses cheveux indomptables tombaient en cascade sur ses épaules. Et bien sûr, elle était belle. Enfin, elle se remit face à moi et rassembla son courage. Elle ouvrit la bouche mais aucun son ne sembla en sortir. Elle soupira en fermant les yeux. C'était comme avant un saut dans le vide.

-Je sais bien, qu'il faut que je pardonne... Que sans ça, on avance pas... Mais j'ai tellement de colère ! Je me dis qu'un jour, je finirais par oublier tout ça... Mais je n'en ai pas envie. Je veux garder toute cette haine pour lui permettre d'exploser un jour. Je veux que les coupables souffrent.

"...que tu souffres", corrigeais-je en mon fort intérieur : elle n'avait pas osé le dire mais je l'avais instantanément compris. Je me redressais sur mon siège, cachant le mieux possible le pincement que je ressentais au cœur. Elle et moi, on était pareil : rongés par la colère. Mais contrairement à elle, j'avais compris que je devais la laisser partir... Au moins essayer en tous cas. Elle reprit :

-Et cette colère, elle m'a permis de survivre... Que me reste-t-il si elle disparaît ?

-Rien, répondis-je honnêtement, comme complétant un monologue qui aurait été le mien, quelques mois auparavant. Mais ça laisse de la place pour autre chose.

-Quelle autre chose ? demanda-t-elle, presque naïvement, la voix chevrotante, comme si elle attendait que je lui révèle le plus grand mystère de l'univers.

-Ce que tu veux. Répondis-je simplement, car c'était ce que je voulais croire pour moi.

-Toi ? M'interrogea-t-elle, comme prise d'une révélation.

-Moi ?

Elle me regarda fixement, comme si j'étais sensé deviner ses pensées. Alors je repris, incertain :

-Moi... Je n'ai plus rien... Et j'ai tout à la fois... Toutes ces possibilités pour être un autre... Mais c'est pareil pour toi, tu sais.

-Mais je ne sais pas... Tout me parait vide, répondit-elle les larmes aux yeux.

-Il faut du temps, répondis-je en jetant un rapide un coup d'œil autour de nous, un peu paniqué à l'idée qu'elle puisse pleurer.

Je ne savais absolument pas comment consoler quelqu'un. Et puis... au bar, nous étions trop exposés. Les quiproquos pouvaient aller très vite et j'étais moyennement motivé pour me faire casser la gueule par Weasley. Heureusement, l'établissement était tellement bondé qu'on ne pouvait pas voir à plus d'un mètre. Elle me regarda avec de grands yeux, comme si elle ne me comprenait pas.

-Tu as du temps, répétais-je.

-Comment tu sais tout ça ? demanda-t-elle avec un air suspicieux.

C'était un reste de vent après la tempête. Elle n'avait pas encore tout à fait capitulé. Bien sûr, je devinais ses tentatives pour m'atteindre. Nous aurions pu continuer à nous détester royalement si de mon côté je n'étais pas autant écœuré par la violence. Si je n'avais pas reconnu tous mes torts, si je n'avais pas envie de construire ce nouveau moi malgré cette fameuse rage qui me consumait, et si je ne m'étais pas enfin autorisé à écouter cette envie mystérieuse qui me propulsait vers elle.

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-Devine, sourit-il.

-Je ne sais pas, répondit-elle prudemment.

Sa colère lui faisait poser des questions bêtes : évidemment qu'il avait souffert ! Évidemment qu'il devait se reconstruire ! Et évidemment que ce sujet était trop épineux pour qu'il puisse en parler, surtout à elle ! Elle aurait pu dessiner les contours de l'être de Drago Malfoy, celui souffrant et en colère. En tout cas elle le devinait. Mais son intérieur, impossible. Il la considéra pensivement un instant puis finit par reprendre. Son sourire prit une teinte ironique.

-En première année, en métamorphose j'ai eu une sale note, je ne m'en suis jamais remis. Depuis j'en veux à la terre entière ! Il était pourtant pas si mal ce toucan !

D'abord étonnée, elle ne put s'empêcher de sourire. Il bottait en touche, sans surprise. Le sujet était décidément trop sensible. Mais pourtant, elle aurait tant aimé avoir cette discussion, cette plongée dans son âme. Compatir à une autre douleur que la sienne et celle des Gryffondors, sortir un peu d'elle-même. Un silence s'installa. Soudain, son visage se ferma d'un coup et il rougit légèrement.

-Je suppose que ces trois bièraubeurres ne sont pas toutes pour toi, lança-t-il, un peu brusquement.

-Non ! C'est pour Luna et Ginny.

Il acquiesça en silence, buvant une gorgée de la sienne. Le regard perdu dans le vide, il semblait déjà à des milliers de kilomètres d'elle. Elle se saisit de la perche qu'il lui offrait sur un plateau pour s'enfuir.

-Je vais les leur apporter, d'ailleurs ! On se voit lundi !

De nouveau il se fit insaisissable et la salua un bref signe de tête. Alors elle récupéra les bouteilles restées sur le comptoir et s'enfonça dans la masse épaisse de la foule. Un sentiment indéfinissable la tenait. C'était étrange, ça irradiait et pourtant elle ne savait pas ce que c'était. Ce n'était pas de la colère... C'était quelque chose de positif. Du soulagement peut-être ? Elle avait cette sensation que l'armée adverse n'avait finalement pas tout à fait quitté le champ de bataille. C'était juste... qu'elle avait installé son camp un peu plus loin, dans le brouillard et la nuit, et seuls parfois leurs feux transperçaient l'obscurité opaque.