AlexiaHime : Au bout du huitième chapitre, je me suis dit qu'il fallait quand même avancer significativement... ^^ Contente que ça te plaise ! Pour Ron, j'ai beaucoup de pitié ! Dans les livres aussi bien que dans les films, sa famille prend quand même bien cher !

Pour le manoir, je respecte grosso-modo le plan d'Hardwick Hall, utilisé pour le tournage des films.

9 - «Elle est debout sur mes paupières et ses cheveux dans les miens» («L'Amoureuse», Eluard)

Après l'agitation de la journée, le silence semblait me hurler dans les oreilles. Il était 17 heures et la nuit avait bientôt repris tous ses droits. L'angoisse du désœuvrement me saisit : je devais absolument trouver quelque chose à faire avant de sombrer dans l'état mélancolique le plus profond. En quelques coups de baguette magique, je lançai le nettoyage du hall et de toutes les autres pièces qui avaient été occupées par l'assemblée. Ensuite, j'allumai un feu dans l'ensemble des pièces pour chasser l'humidité de novembre qui s'installait.

Je fis ainsi le tour du propriétaire : un jour, je devrais trier toutes les affaires de mes parents, pour faire de ce manoir, mon manoir. Par quoi commencer ? Se débarrasser de tout ce qui, au cachot, avait pu servir à emprisonner des gens ? Changer les tentures sombres et tristes ? Retirer les portraits qui m'insultaient sur mon passage ? Vaste question ! De toute façon, j'avais toutes les vacances pour y penser, réalisais-je, amèrement.

Alors que je plaçais des seaux sous les fuites du toit, j'entendis sonner au portail. Par l'intermédiaire de l'interphone magique, je demandai à l'invité surprise qui il était. Je reconnus immédiatement la voix de Zabini :

-Bonbons ou maléfices ?!

Je me retins de sauter de joie. Au vu du soulagement qu'une voix amie venait de provoquer en moi, je pus estimer toute la crainte que m'inspirais cette première nuit seul dans le manoir. Je vis Théodore, Pansy et Blaise remonter l'allée, éclairés par la lumière intérieure, diffusée par les fenêtres.

-Tu es tout seul, tout le monde est parti ? demanda Pansy en passant l'entrée de la bâtisse.

-Les derniers sont partis il y a deux heures.

-Les derniers ?

-Potter et sa bande, tu les connais, toujours aussi fouineurs.

Le regard perçant de Pansy me déplut : elle semblait toujours deviner.

-Vous avez discuté ?

-Un peu, dis-je en haussant les épaules avec affectant un air distancié.

Le regard perçant devint suspicieux. Je savais que j'étais cuit, elle avait compris qu'il s'était passé quelque chose. Elle découvrait toujours tout de toute façon. Pourquoi cette simple accolade avec Granger devait-elle prendre plus de sens pour moi qu'elle n'aurait dû ? Normalement, il n'y aurait rien de plus à penser sur ce sujet. Pourtant, quoi que je faisais, je ressentais toujours l'étreinte, comme si Hermione était encore là, dans mes bras, et ma poitrine conservait un reste de flammes qui ne voulait pas s'éteindre.

-C'est une bonne chose, conclut-elle simplement, avec un sourire entendu.

Soucieux de cacher mon trouble je les invitais à prendre place dans l'immense hall qui me servait de salon. Honteux, je me rendis compte que je n'avais rien à manger. L'habitude des elfes de maison ne m'avait jamais appris à anticiper ce genre de choses. Nous nous contentâmes de sardines et de petits pois retrouvés au hasard dans la cuisine vide. Malgré tout, nous passâmes un très bon moment, prenant bien soin de ne pas évoquer davantage cette journée de l'horreur. Zabini avait ramené des jeux de société. Comme à son habitude, Nott nous massacrait et décelait toutes les tentatives de triche de Zabini. Ce n'est qu'à une heure avancée de la nuit que Zabini, vaincu une énième fois par Nott, annonça qu'il allait se coucher. Il fut suivi de près par Nott qui, sur un ton provoquant, se disait lassé de ne pas trouver des joueurs à sa hauteur. Nous le sommâmes, amusés, de ne pas rajouter à l'énervement de Zabini. Enfin, il nous quitta.

Il était évident que Pansy cherchait à avoir une discussion concernant ce qui avait pu se passer dans la journée. Je la laissai faire sachant qu'elle ne lâcherait pas le morceau. Je lui racontais donc rapidement la reconstitution jusqu'à l'évanouissement d'Hermione.

-Tu as assuré. Tu peux être fier de toi, tu es libre ! Santé ! s'exclama-t-elle en trinquant sa tasse de tisane tiède encore à moitié pleine contre la mienne vidée depuis une demi-heure.

J'acquiesçai en silence pour garder contenance.

-Granger s'est évanouie ? Un médicomage est arrivé ?

-Il n'y en avait pas.

-Ah ? Comment avez-vous fait alors ? Potter et Weasley s'en sont occupé je suppose.

Prêcher le faux pour avoir le vrai. Je reconnaissais bien là la technique sournoise de Pansy pour obtenir des aveux. Telle un félin qui guette sa proie, elle ne me lâchait pas des yeux, à l'affut d'un quelconque signe de faiblesse… Et elle savait bien s'y prendre ! Je ne pus m'empêcher d'expliquer, agacé, déjà à bout de patience à cause de mon tourment intérieur :

-Je l'ai portée jusqu'à ma chambre pour qu'elle se repose, c'est tout.

- C'est tout ?

-Oui, mentis-je, avec la ferme intention de garder cette version.

Je n'avais pas réussi à la convaincre avec mon « C'est tout ». Au contraire : un « C'est tout » énoncé comme j'avais pu le faire avait tout de suspect. Je me maudissais. Cependant, comprenant que j'avais colmaté toutes mes brèches, elle ne poursuivit pas dans cette voie. Elle choisit alors un nouvel angle d'attaque.

-Vous vous êtes bien rapprochés, elle et toi.

Encore une fois, je hochais la tête pour ne pas trop en révéler. Pressé ainsi, je me sentais exploser par un trop plein d'émotions qui ne m'étaient pas coutumières. Ce que j'avais ressentis lors de notre étreinte et ce que je ressentais encore m'apparaissait comme la chose la plus honteuse qui soit.

-Écoute Drago, tu peux tout me dire tu sais ? Tu n'as rien besoin de me cacher.

Attaque par les bons sentiments. Agacé, désespéré, perdu, j'avais envie de lui hurler :

« Mais te cacher quoi ? Que je l'ai prise dans mes bras ? Que j'ai beaucoup trop aimé ce moment pour être honnête ? Que je suis aussi sale et répugnant que Greyback quand je suis avec elle ? Je suis un être immonde et je ne serai jamais digne d'elle ! »

Mais face à son air stupéfié, je me rendis compte que je l'avais bel et bien dit, sous le coup de la colère et de la fatigue. Je m'en voulus à mort. Je m'affalais dans mon fauteuil en soupirant.

-Alors tu t'en es enfin rendu compte ?

-De quoi ?

-De tes sentiments ?

-Mais quels sentiments ? J'ai juste… honte. Je suis un monstre, c'est tout.

Elle eut alors un sourire triste.

-Tu n'es pas un monstre !

-Tu ne sais pas comment j'étais à ce moment-là et comment je suis encore maintenant. Je… Je n'arrive pas à l'oublier !

Je frottais mes yeux avec mes paumes puis me recoiffais nerveusement. En silence, elle posa alors une main sur mon bras, dans un geste consolateur. Elle semblait réfléchir. Après un temps, elle reprit :

-Un monstre, ça ne cuisine pas des petits pois pour ses amis.

-Ah non ? Demandais-je, sarcastique.

-Ça ne se laisse pas arnaquer au Monopoly sorcier non plus… et les monstres n'aiment pas les infusions de verveine.

Je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire. Il est vrai que tout cela ressemblait fort peu à mon père ou à Greyback.

-Si tu le dis…

-Allons nous coucher, je pense que nous sommes tous les deux fatigués. Nous en reparlerons demain.

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Plongé dans mes idées noires, je me remis à penser à Hermione. Pourquoi ? Pourquoi ce moment m'avait à ce point marqué ? Pourquoi est-ce que je me préoccupais tant d'elle ? Surtout ces derniers temps… Ces derniers temps ? C'est-à-dire… depuis un an ? Non, bien plus… Deux ? Trois ans ? Depuis la première année à Poudlard en réalité…

Alors une idée très nette avait fini par éclore dans mon esprit, de la manière la plus simple et naturelle qui soit, comme une vérité générale, une évidence qui me dépassait : j'étais amoureux d'elle. C'était aussi simple que ça. Je compris tout alors : mon acharnement, mon mal être en sa présence, ma bêtise. Je pus enfin comprendre la part mystérieuse de ma tristesse et de mon désespoir : je ne devais même pas me laisser le luxe de rêver être avec elle.

C'était ça alors, cette soif qui me propulsait vers elle ? Je sentis alors mon cœur plonger en chute libre dans un gouffre sans fond, comme si son baudrier avait lâché : après tout ce que j'avais pu faire, je n'avais aucune chance et surtout, elle avait Ron. Eux deux, ce n'était qu'une question de temps, j'en étais sûr. Il était bien ce Ron : sa vie, son univers, tout était simple. Surtout, il avait été bien éduqué, loin des Mangemorts et sa famille était soudée. Pour la première fois dans ma vie, je voulus être Ronald Weasley : c'était bien la preuve que je n'allais pas bien du tout.

000

Ma nuit fut courte et agitée, hantée par le fantôme d'Hermione. J'essayai de faire taire toutes mes pensées et mes voix intérieures, aussi insistantes que les têtes de l'Hydre de Lerne, en vain. Alors que je me tournais et me retournais dans mon lit, j'entendis une porte s'ouvrir discrètement puis des pas légers dans le couloir. Je reconnus la démarche de Pansy. Je perçus ensuite le son d'une autre porte s'ouvrir, juste en face de la mienne. Celle de Zabini. Je me figeais. Pourquoi... ? Puis une illumination : est-ce qu'ils étaient ensemble ?! Ils s'étaient bien gardés de le dire...

Je passais mes mains sur mon visage, comme si cela pouvait chasser mes pensées tristes. Pourquoi tout était toujours plus simple pour les autres et plus compliqué pour moi ?

Le lendemain, nous partîmes à l'épicerie du village le plus proche pour acheter de quoi manger pour ces deux semaines de colocation. Alors que Zabini babillait sur les parties de jeux de société de la veille, écouté par un Nott très sarcastique, Pansy me prit le bras et me força à ralentir l'allure pour laisser les deux autres nous distancer. C'était le deuxième round. Le premier round m'avait déjà laissé de graves séquelles. Le second ne pouvait pas être pire. Je pesai rapidement le pour et le contre le fait de tout lui avouer. Elle commença de but en blanc, comme à son habitude.

-Alors ?

-Alors quoi ?

-Tes sentiments ?

-Il me semble que tu t'en doutes déjà, dis-je avec prudence, espérant au hasard une porte de sortie.

-C'est possible tu sais. Un jour peut-être…

-Oh pitié, tu sais très bien qu'il n'y a rien à faire.

Elle ne répondit pas, un air désolé s'affichait sur son visage. Elle reprit après un temps :

-Tu veux qu'on essaye la divination ?

-Ces conneries, non merci. De toute façon, pas besoin d'être sorcier pour savoir ce qu'il va se passer.

-On n'en sait rien !

-Mais même si c'était possible, Pansy, je n'en suis pas digne ! Criai-je ulcéré par son obstination.

-De quoi parlez-vous ? Demanda joyeusement Blaise en trottinant à notre rencontre.

-De la coupe de Quidditch de Poudlard, répondis-je sarcastique.

En arrière, Nott me lança un regard interrogatif, mais je répondis par un signe de tête à la négative pour lui signifier de laisser tomber. Malheureusement, je savais que c'était inutile : il irait de sa propre petite enquête et comprendrait tout rapidement, fortement aidé par une Pansy incapable de lui cacher un secret. Ainsi, l'ensemble des élèves de Serpentard de septième année serait au courant en quelques jours. La situation m'échappait complètement. J'espérais seulement qu'ils resteraient assez discrets et subtils.

000

Le soir même, alors que Blaise et Pansy préparaient le dîner, Nott me prit à part :

-Comment va la coupe de Quidditch ? demanda-t-il avec un air ironique.

Exaspéré mais sans me démonter, je répondis du tac au tac. Cependant, je me rendis compte que tout pouvait être compris à double sens. Je fus donc à demi-contraint d'avouer. En tout cas, la discussion amusait beaucoup Nott.

-On n'est pas près de la gagner, on est beaucoup trop... inexpérimentés.

-L'équipe de Potter est en forme, à ce qu'il paraît, osa-t-il.

Je ne le contredis pas : l'absurde de cette conversation commençait à me plaire.

-Potter se débrouille bien en attrapeur… continua-t-il.

-Ce n'est pas lui qui m'inquiète…

-C'est vrai, Weasley est un bon batteur… Il s'est bien amélioré depuis le temps !

-Qui l'aurait cru ? raillais-je avec une méchanceté qui avait au moins le mérite de me défouler.

-C'est vrai que ce n'est pas gagné, admit-il, ce qui me transperça le cœur.

-Après, poursuivit-il, ce n'est jamais perdu : il suffit juste d'être très bon, non ?

-Il faudrait être excellent, et on est loin du compte ! On est quand même une sacrée équipe de bras cassés et on fait beaucoup d'erreurs tactiques qui ne pardonnent pas. En tout cas, si on la gagnait, on ne l'a mériterait pas.

-Les erreurs, ça se répare non ?

Je ne répondis pas, trop honteux.

-Il suffit juste d'un bon entraîneur, poursuivit Nott.

-Qui ça ?

-Nous trois, répondit-il en désignant d'un mouvement de tête Pansy et Blaise dans la pièce d'à côté.

-Toi et Pansy, vous détestez le Quidditch, pourtant, dis-je en feignant une naïveté qui fit pouffer Nott.

-On va être obligés de se forcer, répliqua-t-il en soupirant et levant les yeux au ciel pour jouer un air ennuyé.

Je souris à mon tour. Un espoir était né et avait embrasé ma poitrine. Cette sensation était si douce que j'en voulus à Nott de l'avoir fait apparaître. Je savais très bien que plus je m'entêterais dans cette voie, plus je souffrirais.

La suite des vacances se déroula paisiblement. Nous avions bien avancé dans les travaux : les fuites avaient été réparées, les tentures changées, les portraits récalcitrants mis au grenier. Plus tard, lors des prochaines vacances sans doute, je devrais m'occuper des affaires de mes parents. Je devrais également m'occuper de l'appartement de Severus, qu'il m'avait légué à sa mort.

000

C'était lundi, le lundi de la rentrée, et comme tous lundis, la journée commençait par un cours de potion. Et qui dit cours de potion, dit binôme avec Hermione. J'étais à la fois heureux et tétanisé. Être amoureux aurait dû être la onzième plaie de l'Egypte. C'était tellement plus confortable le déni !

Je soignais plus qu'habituellement ma tenue et ma coiffure. Je montais les escaliers avec une sorte de trac très déplaisant et pris mon petit-déjeuner en silence entouré des sourires et coups d'œil entendus de mes trois acolytes. J'aurais pu les trucider, je crois, car je devenais paranoïaque : chaque allusion était dite trop haut, chaque mimique devait être la moins discrète du monde. J'en voulus à ma faiblesse de caractère : pourquoi leur avais-je tout dit ?! Je devais être suicidaire. Je me demandais alors qui serait le plus susceptible de me tuer s'il apprenait mon inclination : Potter, son frère de cœur ? Ron, son futur mari ? Ginny, sa meilleure amie et future belle-sœur ? A moins que ce ne soit la coupe de Quidditch elle-même ?

Je remontais le couloir qui menait vers la salle avec une envie de hurler de tous les diables. Pourtant, de stress, je serrais tant les dents qu'elles auraient pu se souder ensemble. Le trio était déjà installé dans la salle. Lorsqu'il me vit, Harry me fit un signe amical et me sourit. Je réussis à fournir à mon tour un sourire mais celui-ci devait avoir l'air si crispé qu'il devait ressembler à une grimace de douleur. Je répondis également par le même signe avec un bras tellement rigide qu'on aurait cru un bras d'automate rouillé. Ron ne se retourna pas, m'ignorant, ce qui semblait gêner quelque peu Harry.

Quant à Hermione, elle sortait minutieusement ses affaires. Lorsqu'elle m'aperçut, le vide se fit en moi. Soudain, j'étais d'un calme olympien. J'étais prêt à en découdre.

000

-Bonnes vacances, Malfoy ? demanda Harry, désireux de l'inclure dans le groupe.

Le Serpentard semblait avoir mal dormi et sa mine sombre inquiétait le Gryffondor.

-Oui, très bien, répondit-il avec un sourire factice. Et vous, le Terrier ?

Harry pataugeait un peu, pour ne pas dire ramer. Poser cette question à quelqu'un qui venait de perdre tout contact avec sa famille devait être un peu maladroit. Il ne savait pas comment répondre à cette question sans trop exposer la chance qu'il avait et que Malfoy n'avait pas.

-Oui, très bien, répondit-il coincé.

La situation s'enlisait. Harry était particulièrement mal à l'aise. Heureusement, Slughorn arrivait, le libérant de ses souffrances.

000

Drago prit place à côté d'Hermione qui le regardait en souriant.

-Comment vas-tu ? demanda-t-elle, soucieuse.

-C'est surtout à toi qu'il faut demander ça, répliqua-t-il pour éluder la question.

Elle sourit des manières délicates de son voisin.

-Bien ! Nous avons pu nous reposer. Nous sommes allés quelques jours à la chaumière aux coquillages… Voir la mer m'a fait du bien !... Tu es resté les deux semaines au manoir ?

-Oui, j'ai fait… des travaux… Avec l'aide de Parkinson, Zabini et Nott.

Il a regarda longuement, pensif, puis lui rendit enfin son sourire, ce dernier était de ceux chaleureux qui plaisaient à Hermione. Elle ne put s'empêcher de rougir et s'en voulut de réagir de cette manière. Puis, brusquement, il se racla la gorge et se plongea dans la lecture du protocole à suivre. Il s'agissait d'un antidote général contre toutes sortes de poisons. Comme à chaque fois, il se proposa galamment pour chercher les différents ingrédients et ustensiles.

-Attention, rappela Slughorn, le binôme qui réussira le premier à faire parfaitement cette potion gagnera sa place pour la petite soirée que je pense organiser demain soir !

Il n'en fallait pas plus pour voir se peindre sur le visage de Malfoy une détermination inébranlable.

-Tu as des astuces ? chuchota Hermione.

Le jeune homme sourit, il se délectait d'être dans son élément.

-Il faut broyer le plus finement possible le bézoard. N'utilise pas ta baguette car il faut être précis pour ne pas en perdre un seul grain. Je commence à broyer pour le casser. Tu voudras bien prendre la suite ?

Hermione acquiesça d'un signe de tête et il se mit de suite à l'ouvrage. Elle le regardait s'affairer, le visage fermé, concentré par l'effort, sa mèche blonde battant son front au rythme des coups qu'il portait avec le pilon sans faiblir. Au bout de quelques minutes, les bras endoloris, il lui tendit le pilon pour qu'elle prenne la relève. Autour d'eux, les groupes avaient déjà commencé leur mélange et elle s'en inquiéta. Il alla au-devant de son interrogation :

-Le temps perdu à broyer est gagné sur le temps de décoction… mais il faut faire attention à ne pas perdre de poudre : plus elle sera fine, plus il faudra être délicat dans le mouvement.

Alors que Drago commençait à préparer le feu sous le chaudron, Dean Thomas s'approcha, par curiosité.

-Ton feu ne prends pas correctement Malfoy. Il faut souffler plus fort !

Et d'un coup, avant que personne n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit, il expira tout l'air de ses poumons d'un coup. Son souffle mal orienté fit voler dans les airs une bonne partie de la poudre de Bézoard. La poudre était si fine qu'elle s'éleva comme un volute de fumée et Malfoy resta interdit, immobile, comme sidéré au milieu des particules qui commençaient à tomber sur ses cheveux et sa robe sorcier.

-C'était exactement pour cela que je me retenais de cracher sur mon feu, crétin.

Dean Thomas se recouvrit la bouche, visiblement très gêné par sa boulette. S'il y avait bien un point commun qui devait relier Drago et Hermione à ce moment-là, c'était bien l'envie de meurtre.

-Je suis vraiment désolé, Malfoy !

-Je pense que… tu devrais retourner à ta place, Dean… réussit à glisser Hermione entre ses dents.

Dean recula avec une démarche raide jusqu'à sa paillasse et on ne l'entendit plus de tout le reste du cours. Slughorn, n'ayant pas mesuré le drame qui venait de se passer, commenta avec une intonation de speaker :

-Aïe, aïe, aïe, coup dur pour le binôme Malfoy-Granger ! Ils avaient eu la très bonne idée de tout miser sur la finesse de la poudre, comment vont-ils s'en sortir ? Le groupe Potter-Weasley passe en tête !

Malfoy eut son sourire poli lorsque le professeur se rapprocha d'eux pour évaluer l'étendue des dégâts.

-Ne vous laissez pas abattre, jeunes gens ! Comment allez-vous faire pour vous remettre en piste ?

-Nous pourrions diviser les quantités par deux. C'est à peu près ce qu'il reste de notre bézoard… Maintenant que notre feu est parfaitement allumé, il serait dommage de s'arrêter là, commenta-t-il, ironique.

-Très bonne idée, M. Malfoy ! Vous avez décidément de très bonnes aptitudes en potion !

La rage de vaincre s'alluma de nouveau dans les yeux du Serpentard. Hermione en bon second, réalisa toutes les tâches à la perfection et ils réussirent à finir premier exæquo avec le groupe d'Harry et Ron. Si Harry prenait la compétition à la légère, ce n'était pas le cas de Ron qui regardait d'un œil torve son camarade blond.

A la fin du cours, le professeur se rapprocha et inspecta les deux potions.

-C'est une très bonne consistance que vous avez-là, M. Malfoy. Malheureusement le vert n'est pas aussi proche de l'émeraude que vos camarades. Messieurs, dit-il en s'adressant à Harry et Ron, je vous attends demain soir à 19 heures précise pour la petite réception. Vous pouvez bien-sûr venir accompagné de la personne de votre choix. Instantanément, Ron se retourna et sourit de manière entendue à Hermione.

Cette dernière s'efforça de lui rendre son sourire, mais elle avait le cœur gros. Ce n'était vraiment pas juste ! Drago et elle s'étaient tellement donnés pour réussir cette potion ! Encore une fois, les deux garçons volaient la vedette. Elle était dégoûtée de n'être qu'une pièce rapportée malgré tous ses efforts pour briller hors du trio, dans lequel elle étouffait parfois. Elle voulait être considérée comme un sorcière brillante à part entière et pas seulement comme l'amie de l'Élu !

-Je suis désolée, finit-elle par dire. On l'aurait largement méritée, cette place.

-Ce n'est pas grave, répondit Drago avec son sourire policé qui ne l'avait pas quitté depuis l'intervention de Slughorn. De toute façon, je doute que j'y aurais trouvé ma place. Entouré de Gryffondors… l'horreur !

-Arrête de faire semblant. Je sais très bien que ça compte pour toi.

Drago se figea un instant, les yeux écarquillés de surprise par la remarque de la jeune femme. Il plongea ses yeux dans les siens. Son regard avait une telle intensité qu'Hermione peina à le soutenir. Elle finit par lui sourire pour masquer la gêne qui menaçait de la faire rougir.

-C'est vrai, finit-il par dire. La prochaine fois, on les éclate.

Son sourire apparut comme un lever de lune. Il était franc et accompagné d'un petit pouffement. Il tendit sa main à la jeune fille, comme pour sceller un pacte. Hermione la saisit avec fermeté, de plus en plus surprise par le tournant que prenait cette conversation. Avouer sa déception, pour cette citadelle imprenable qu'était Drago Malfoy, ce n'était pas rien. Elle lui rendit son sourire et ils marchèrent sereinement côte à côte vers la porte de sortie.

-Tu as réussi à remplir les trois parchemins pour le cours de métamorphose ? Demanda Drago tout naturellement.

-J'ai explosé le nombre maximum de page : je vais encore avoir un malus ! Répondit-elle toute penaude, ce qui amusa le jeune homme.

-Fidèle à toi-même ! Rétorqua-t-il dans un pouffement.

Elle esquissa un sourire.

-Hermione, tu viens ? interrompit Ron qui l'attendait dans le couloir avec Harry.

Après un regard gêné d'Hermione et un faible sourire d'Harry, le trio s'éloigna.

000

Ron avait une sorte de goût amer dans la bouche qui ne l'avait pas quitté de toute la journée. Il avait cette étrange impression que toute sa vie se désagrégeait dans ses mains. Rien n'était tangible, comme de la fumée. Il avait l'impression de se noyer. Il gardait difficilement la tête hors de l'eau en se débattant avec une sorte d'énergie du désespoir qui lui permettait tout juste de survivre une seconde de plus à chaque battement de bras ou de jambe.

En réajustant sa cravate face au miroir, il renonça à sa décision d'avouer ses sentiments à Hermione lors de la réception pour laquelle il se préparait. Il était trop tôt, il n'était pas prêt. Le fait est que plus il essayait de se rapprocher d'elle, plus il la sentait fuyante. Il essayait tant bien que mal de lui laisser cet espace dont elle semblait avoir besoin mais cela ne semblait jamais être assez pour la jeune fille. C'était comme un désert qui se créait entre eux, comme si tout ce qui pouvait les unir se réduisait en poussière.

Non, vraiment, c'était trop tôt. Ce serait toujours trop tôt. Et se dire que « ce serait toujours trop tôt » était plus réconfortant pour Ron que de se dire que « ce ne serait jamais »

En descendant l'escalier, il vit Hermione qui les attendait dans la salle commune en feuilletant un grimoire. Elle leva les yeux et lui sourit gentiment. Elle se leva et ils partirent pour la soirée de Slughorn. Devant eux, marchaient Harry et Ginny qui se tenaient la main fermement. Harry lâcha la main de la rousse pour lui préférer ses épaules. Elle se lova dans ce bras.

Ron serra sa main vide tandis qu'Hermione croisa ses bras contre sa poitrine. Ce n'était pas le bon moment. Plus tard, sans doute.