Ccassandre24 : Merci pour ta review ! J'avoue que la partie "stage" a été assez marrante à écrire ! Quant à Abigail et Nott, j'espère que leur histoire ne fera pas trop doublon avec celle d'Hermione et Drago ! merci encore pour ton soutien, ça me fait chaud au coeur ! :)

12«Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie» («El Desdichado», Nerval)

Nous avions marché quelque temps avant de nous arrêter devant un bâtiment présentant une dizaine d'affiches au dessus de ses portes.

-C'est un cinéma. Voici les films qu'il propose en ce moment. Il y en a un qui t'intéresse ? Me demanda Hermione.

Mais le fait était que je n'en avais aucune idée. Les titres ne me disaient rien : The Big Lebowski, the Truman Show, il faut sauver le soldat Ryan, Mulan, American Story X... et j'en passe.

-Je te fais confiance, lui suriais-je.

Sur un coup de tête, elle finit par choisir The Truman Show.

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Nous avancions dans un couloir sombre, très intimiste, qui me mit mal à l'aise. Le bruit de nos pas était étouffé par l'épaisse moquette. Nous arrivâmes devant deux lourdes portes à pousser successivement et derrière elles, nous découvrîmes une vaste salle en pente avec des rangées de sièges moelleux recouverts de tissus rouges.

-Viens, m'intima-t-elle.

Je la suivis jusqu'au rang le plus élevé de la salle puis nous nous assîmes au centre de la rangée.

-Ce sont les meilleures places, m'assura-t-elle et j'étais bien obligé de la croire.

Le film devait commencer dans dix minutes et petit à petit des moldus entraient tantôt seuls, tantôt en bandes joyeuses. Sur le mur en face de nous, une espèce de surface blanche et lisse était accrochée au mur. J'en déduisis que ce devait être là que le film apparaîtrait. Assis à côté d'elle, je sentais mon cœur battre à tout rompre. Une boule se formait au niveau de ma poitrine. J'avais envie de hurler. Pourquoi ? Une sorte d'intuition absurde me faisait serrer les mâchoires de trac.

Un couple de notre âge s'assit devant nous. Le garçon avait mis son bras derrière la tête de la jeune fille et cette dernière se blottit contre lui. Il ne fallut que peu de temps après l'extinction des feux pour qu'il l'embrasse. Pendant ce temps défilait un film de publicité pour un buffet à volonté de je ne sais quelle nourriture avec du poisson cru. Je me sentais exploser. Comme je l'avais pressenti, ce lieu ne servait pas juste qu'à voir des films. C'était aussi un lieu de rendez-vous. Je me maudissais d'avoir insisté pour aller dans ce fameux «cinéma». Je n'étais qu'un crétin d'ignorant. Un «gros demeuré» comme affectionnent de m'appeler les moldus qui font du vélo. Et ils avaient bien raison. Je voulais me liquéfier, me dissoudre dans l'air tandis que le loup-garou tapi en moi resurgissait. Je me méfiais toujours de cette impulsivité. Pourquoi ce que je pouvais ressentir pour elle ne pouvait pas rester simple et pur ? Il fallait toujours que mes pensées dérapent et me transforment. Quelle était la limite acceptable ? Nous nous étions tenu la main : est-ce qu'elle accepterait que je la lui reprenne ?

Mais soudain, coupant court à mes tergiversation, elle posa sa tête contre mon épaule. C'était comme un départ de feu de forêt. Sans réfléchir, je me saisis de sa main laissée au hasard sur ses genoux et j'entrelaçais mes doigts au siens. Je peinais à mesurer toute l'audace dont je pouvais faire preuve. Je retenais mon souffle, comme lors de ce fameux épisode dans les toilettes des filles, attentif à tout ce qu'elle pouvait faire, prêt à battre en retraite à tout moment. Elle retira sa tête de mon épaule pour me regarder. De sa main libre, elle caressa ma joue. Alors, mes défenses contre le loup-garou cédèrent. Il réussit à bondir par-dessus son enclos. J'approchais mon visage avec la ferme intention de l'embrasser mais alors que nos souffles se mêlaient déjà, nos lèvres à quelques centimètres l'une de l'autre, ce fut elle qui s'enfuit. Elle se leva brusquement de son siège et sortit de la salle. Et alors, tout s'écroula autour de moi.

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Hermione rafraîchissait son visage à grande eau dans les toilettes du cinéma. Mais à quoi avait-elle la tête ? Elle était complètement folle ! Il fallait qu'elle réfléchisse. Oui, voilà, réfléchir. Tout partait du fait qu'elle était amoureuse de Drago Malfoy. Hermione Granger. Amoureuse de Drago Malfoy. Très bien. Tout allait bien. Parfaitement bien ! Non. Elle devait se fabriquer des idées saugrenues en le fréquentant un peu trop souvent. Tout devait les opposer : elle, Gryffondor, lui Serpentard. Elle héroïne de guerre, lui ancien Mangemort. Lui issu de la noblesse sorcière et Sang-Pur de surcroît, elle pauvre roturière Sang-de-Bourbe. Tout devait les séparer. Ils étaient de mondes, de traditions bien trop éloignés. Leurs valeurs devaient être parfaitement inconciliables. C'était bon pour un flirt, mais rien de sérieux ne pouvait leur arriver. Or, elle, elle voulait du sérieux.

D'ailleurs, les Serpentards avaient une réputation de coureurs. Bon, aucun Serpentard qu'elle ne connaissait ne s'illustrait dans ce domaine mais, après tout, peut-être ne connaissait-elle pas toutes leurs histoires ? N'étais-ce pas une amie d'amie de Parvati Patil dont le cœur avait été brisé par un Serpentard ? Même s'il avait fait des progrès indéniables, même s'il en était devenu aimable, terriblement aimable, redoutablement aimable... ni elle, ni personne ne pouvait garantir qu'il resterait ainsi, loin de ses anciens travers. Comme disent les moldus : «chassez le naturel, il revient au galop».

Mais finalement, ce qui acheva parfaitement de convaincre Hermione, c'était l'avis des autres. En effet : quel couple improbable ils feraient ! Ce serait parfaitement absurde ! Et elle ne se sentait pas de taille pour essuyer les regards, les remarques des autres. Être avec lui, ça voulait dire quitter Ron, Ginny, tout le Terrier et Harry aussi peut-être... Ce serait définitivement trop compliqué. Sa famille, c'était eux et Malfoy ne saurait tous les remplacer. Elle, finalement, tout ce qu'elle voulait, c'était qu'on lui fiche la paix. Enfin un petit bout de sérénité après tout ce qu'elle avait pu vivre. Quelque chose de simple et de sain.

Alors, il fallait prendre des mesures. Mettre des gardes fous pour mettre de la distance entre elle et lui. Avec ce qu'il venait de se passer, sans compter l'incartade des toilettes dont elle ne pouvait se souvenir sans honte, il ne devait pas se faire d'idées. Désormais, interdiction de se retrouver seule avec lui. Interdiction de chercher sa présence à tous prix. Interdiction de chercher à capter son regard. Interdiction de lui sourire gratuitement. Interdiction de rentrer dans son jeu de taquinerie. Elle essayait de se convaincre que ce changement de comportement importerait peu au Serpentard. Après tout, n'avait-elle pas déjà statué qu'il était un coureur de jupon invétéré ? Il ne devrait pas s'émouvoir pour une vulgaire Sang-de-Bourbe ! Elle ne devait être qu'une parmi une multitude ! Alors avec elle ou une autre qu'est-ce que cela pouvait lui faire ? Tiens, la pouffe du métro pourrait parfaitement convenir !

Mais elle savait qu'il lui faudrait une mesure bien plus radicale...

Bien que sa nouvelle résolution lui déchirait le cœur, elle réussit à feindre un calme olympien en retournant dans la salle. Lorsqu'elle passa les portes, elle se rendit compte que les lumières avaient été rallumées. La salle était vide, seul restait un moldu en bleu de travail et à la moustache broussailleuse qui passait entre les rangs pour vérifier que rien n'avait été oublié. Elle ressortit de la salle promptement, suivie par le regard interrogatif de l'homme.

Elle retrouva Malfoy assis sur un banc sur la place devant le cinéma. Il était déjà en train de rédiger sur son cahier le compte rendu de la journée. Malgré sa position inconfortable, sa présentation restait soignée et son écriture fine gardait une régularité à toute épreuve.

Elle se plaça devant lui, interdite, ne sachant quoi dire ou quoi faire. Il leva sur elle un regard soucieux qui la transperça de part en part.

-Ça va ? demanda-t-il d'une voix qui trahissait son inquiétude.

Ne rien dévoiler de personnel. Elle choisit d'éluder la question :

-Il est bientôt dix-huit heures, répondit-elle en se faisant sourde à toutes les voix intérieures qui hurlaient en elle.

Mais il reprit, se levant pour lui faire face, visiblement tourmenté :

-Hermione...

Elle se crispa en entendant son prénom sortir de sa bouche. Il lui semblait redécouvrir ses sonorités : il sonnait si bien ainsi ! Mais elle ne devait pas flancher. Il s'était rapproché d'elle en se mettant debout et lui avait tendu la main, instinctivement, pour qu'elle la prenne, comme ils avaient pu faire plus tôt. Elle recula d'un pas.

-Dépêchons-nous, on va être en retard, réussit-elle à articuler, de sa voix la plus froide possible, évitant son regard.

Il continua en parlant avec précipitation, la panique commençant à le gagner:

-Hermione ! Je-je te prie de bien vouloir m'excuser : si j'ai fait quelque chose-c'est à dire que-je ne voulais pas-je ne pensais pas que... je ne pensais pas à mal !

Cette façon de demander pardon qu'il avait désormais était un nouveau coup de poignard dans le cœur de la Gryffondor. Il laissa retomber sa main, la passa nerveusement dans ses cheveux puis occulta ses yeux pour reprendre contenance :

-Écoute, je...

-Il y a une ruelle à cinq minutes d'ici où nous pourrons transplaner, le coupa-t-elle.

-Hermione, s'il te plaît ! La supplia-t-il.

-Ne perdons pas de temps.

Il finit par se figer en la regardant intensément. Puis, il baissa les yeux et acquiesça en silence. Son regard implorant devint dur et son visage se ferma instantanément, les mâchoires serrées.

Ils marchèrent en silence, éloignés l'un de l'autre de plus d'un million de kilomètres semblait-il. Il se tenait droit, rigide, avec ce port de tête qui respirait la noblesse et son masque de suffisance capable d'intimider n'importe qui. Il était toujours aussi beau, même en statue de marbre. Hermione sentait émaner de lui cette aura d'invulnérabilité et de détermination sans faille qu'elle lui avait découvert le jour de la reconstitution, alors qu'il faisait face à son père. Alors, c'était comme si... rien ne pouvait le toucher ou le blesser. Pourtant Hermione savait désormais à quel point c'était faux ! Il était comme une sorte d'œuf et sous sa coquille d'apparence lisse et parfaite, le plus formidable des orages.

Le voir ainsi brisa le cœur d'Hermione. Plus que jamais elle avait envie de le rejoindre. «Il est impossible qu'il ait des sentiments pour toi, tu es une Sang de Bourbe. Tu n'es qu'une parmi d'autre», se répétait-elle en boucle tout le long du trajet qui les mena jusqu'à une ruelle sombre et étroite où ils purent transplaner en sécurité.

Arrivés devant la grande salle de Poudlard, il ne prêta plus attention à elle et rejoignit les trois autres Serpentards pour attendre la conclusion de la directrice. Cette dernière fut brève et efficace. Elle les libéra enfin pour les laisser se préparer pour le repas du soir.

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-Par pitié, peut-on parler d'autre chose que le déroulement de ma journée ? Parlons de la vôtre plutôt !

Les mains et le ton tremblant de Malfoy convainquirent les trois autres de battre en retraite. Le faux ton enjoué qu'il affectait inquiétait d'autant plus Nott. Une sombre rage aspira toute sa joie. Qu'avait-il pu se passer ? Encore quelque chose de grave. Et cette fois-ci, le trio était forcément impliqué. Ron avait encore fait des siennes ? Pourtant, le sorcier ne semblait pas avoir été blessé... C'était Hermione alors qui l'avait peut-être repoussé... ? Mais de quelle manière ? Il lui semblait que Malfoy n'avait de toute façon aucune prétention... Nott s'en voulut d'avoir poussé son ami à persévérer dans cette voie. Il était vrai, avec le recul, que cette histoire n'avait que de très maigres chances de bien se finir...

-Eh bien... Je dirais que le métro est le pire endroit sur terre et que rien que pour affronter cela tous les jours, les Moldus citadins ont toute mon admiration ! Commença courageusement Pansy. En revanche, Dean Thomas reste un mufle invétéré : il mange avec ses doigts, vous imaginez !

-Je crois que c'est le principe du fast-food corrigea Nott.

Pansy ponctua la conversation avec une mine dégoûtée. Elle finit par reprendre :

-On a passé toute l'après-midi à regarder des danseurs de rue et à passer en revue une boutique officielle d'un club de sport... C'est un peu comme le Quidditch mais sans balai et les joueurs courent après un ballon... J'ai pas retenu le nom.

-Le football, compléta Nott.

-Oui, un truc dans ce genre. Bref, je ne vais pas avoir grand chose à raconter sur cette aventure ô combien palpitante. Finit-elle en levant les yeux au ciel.

Ils se mirent en route vers la grande salle pour le repas. Tandis que Pansy continuait à babiller vaillamment, Nott voyait se lever un rictus méprisant sur le visage de Malfoy. Le Drago des mauvais jours était de sortie et cela, il le craignait par dessus-tout. Pas après tous ses efforts, tous ses progrès.

Pendant le repas, ce fut au tour de Zabini de raconter sa sortie avec Seammus. Lui non plus n'avait pas retenu grand chose de positif. L'horreur du métro revint sur le tapis et perdura cahin-caha sur une bonne dizaine de minutes, tous craignant l'épuisement de sujets de conversation et ayant à cœur de divertir leur ami infortuné. Plus le repas avançait plus la mine de Drago devenait mauvaise. Il avait repris sa posture de sale gamin méprisant qui donnait à Nott des envies de violence.

En sortant de table dans les couloirs, le jeune homme blond bouscula un première année en lui lançant un regard noir qui pétrifia le garçon. C'en fut trop pour le grand brun qui saisit Malfoy par le pull.

-Nous attendez pas, on revient. Lança-t-il aux deux autres qui s'étaient figés.

Il le trimbala jusqu'à un couloir sombre.

-Je peux savoir ce qu'il te prend ? S'écria le sorcier blond.

-Je crois que je pourrais te retourner la question. Répondit Nott d'une voix froide.

-Rien. J'ai pas besoin qu'on me materne. Rétorqua Malfoy en se défaisant violemment de l'emprise et en faisant mine de partir.

-Il semblerait que si : tu te comportes en sale gamin, répartit le brun en bloquant le passage au blond.

-Fous moi la paix, c'est quoi ton problème ?

Cette fois-ci, Malfoy força le passage mais fut retenu par Nott qui le plaqua au mur.

-Tu veux que Weasley de te donne des conseils ? Provoqua le blond sans se défaire de son air méprisant.

-Si tu te retrouves deux fois en peu de temps dans cette situation, peut-être que c'est toi le problème.

-Mais bien sûr, s'écria-t-il, ce sera toujours moi le problème, à quoi d'autre peut-on s'attendre avec moi ?! Et regarde ça ! Ça !

Il avait remonté la manche gauche de son pull et brandissait son avant bras tatoué de la marque des ténèbres sous les yeux d'un Nott impassible.

-La marque, c'est du vent. Ce n'est pas la marque qui te dit de bousculer un première année et de l'envoyer paître. Tu as le droit d'être malheureux mais pas d'être un connard.

-Mais j'ai essayé !

Nott vit des larmes monter dans les yeux de ce sorcier pourtant si redoutable et inflexible que pouvait l'être Drago Malfoy.

-Je sais. Et il faut continuer. Tu sais très bien qu'on a rien à leur prouver. Soyons justes et droits dans nos bottes, pas pour eux mais parce qu'il faut l'être. Leurs avis, on s'en fiche. On est ensemble, et c'est tout ce qui compte. Entre Serpentards. Un jour proche, on pourra choisir un endroit où on pourra vivre loin de leurs préjugés, de leur méchanceté... loin de tous ceux qui nous font du mal... Et alors tout ira bien. On pourra être heureux.

Nott vit son ami se détendre d'un coup. Ce dernier porta ses mains à ses yeux pour se calmer et camoufler quelques larmes qui lui avaient peut-être échappé. Un frisson de relâchement musculaire le parcourut. Il inspira à pleins poumons puis expulsa tout d'un coup. Nott se força à reprendre : il n'aimait pas ce qu'il allait dire.

-Laisse-la. Oublie-la. Je pense que c'est le mieux à faire. Elle n'en vaut pas la peine. Jusqu'à présent, tu n'en as tiré que des ennuis : entre l'autre fou-furieux qui te casse la gueule et ce qui s'est passé aujourd'hui...

Malfoy acquiesça en silence.

-Tu ne veux pas me raconter ? proposa Pansy d'une voix presque inaudible.

Dans l'ombre, se détachèrent sa silhouettes et celle de Blaise, recroquevillés l'un contre l'autre, inquiets. Ils s'approchaient sans un bruit. Malfoy leur sourit faiblement. Évidemment, ils écoutaient depuis le début.

Il leur raconta tout : la proximité physique qui s'était installé depuis l'épisode des toilettes pour fille jusqu'au non-baiser du cinéma. Il leur raconta son incompréhension face à des signes si contradictoires, ses pulsions animales et honteuses et la catastrophe à laquelle elles avaient mené.

Les trois autres écoutaient en silence. Nott vit un léger sourire encourageant se dessiner sur le visage de Pansy. Sans doute allait-elle lui conseiller de persévérer. Il capta son regard et d'un signe discret de la tête, il lui fit comprendre qu'il fallait arrêter là le massacre. Elle obtempéra sur le champs et reprit un air contrit.

-Allons nous coucher. Ça ira mieux demain. Et encore mieux après demain. Conclut-elle. On est ensemble, c'est tout ce dont on a besoin.

-Mieux vaut être seuls tous les quatre que mal accompagnés, renchérit Blaise.

Nott acquiesça en silence.

C'est avec la détermination d'atteindre des jours meilleurs qu'ils se couchèrent.

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Le week-end fut organisé de la manière la plus agréable possible. Les devoirs furent bâclés le samedi matin, ce qui laissa le champ libre sur la journée et demie qui restait. Ils prirent bien soin d'éviter les Gryffondors en choisissant des lieux reculés où se promener et en restant dans leur salle commune. Beaucoup de Serpentards avaient fait de même et ils avaient pu ainsi s'amuser sans trop se sentir à l'étroit. Nott et Malfoy organisèrent un tournois d'échec dont le vainqueur gagnerait l'admiration de Pansy pendant une minute trente. Cette dernière ne tint d'ailleurs pas le temps promis ce qui brisa le cœur d'Adrian Pucey, d'un an son cadet, qui s'était surpassé pour gagner, motivé par le prix.

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Le lundi arriva et avec lui le désormais détesté cours de potion. Je m'armais de détermination : rien, venant d'elle, ne devait me toucher, en bien ou en mal. Je m'assis posément et sortis mes affaires scrupuleusement. J'entendis le trio arriver mais je ne me retournais pas. A ma grande surprise, ce fut Harry qui s'assit à côté de moi.

-Tiens, c'est toi qui te coltines le Serpentard aujourd'hui ? Demandais-je, peut-être un peu brutalement, feignant l'humour.

-Oui, répondit-il posément, la garde est alternée et aujourd'hui c'est Papa.

Cette répartie me fit rire malgré ma tristesse sourde. Je ne savais pas que Potter pouvait faire preuve d'humour. Bonne nouvelle. Mais mon agréable surprise fut de courte durée : Ron et Hermione passèrent devant notre paillasse et s'assirent côte à côte. Ils se tenaient la main.

Ils se tenaient la main. Elle ? avec lui ? C'était tellement incompréhensible ! Il l'étouffait ! Elle le fuyait il n'y avait pas encore une semaine ! C'était ridicule ! Il était incapable de voir qui elle était ! Il ne voulait pas d'Hermione : il ne voulait que l'ombre d'elle même, triste comme lui. Comment pouvait-elle se laisser faire ?

Je me rendis compte que la direction que prenaient mes pensées n'était pas la bonne. Je ne devais pas m'impliquer dedans. Ils étaient ensemble, point. Fin de l'histoire et des triturations de méninge. C'était un fait, une information à assimiler et il n'y avait pas à tergiverser.

Très bien.

Ce pauvre Harry me regardait avec un air gêné. Je me blindais machinalement, c'était presque un réflexe, une seconde nature chez moi, et coupais ainsi court à toute émotion. Je sortis mon rôle du parfait petit Serpentard et je focalisais mon attention sur la potion du jour, sourd et aveugle aux miasmes romantiques qui remontaient jusqu'à notre paillasse.

Je conseillais régulièrement Harry sur la manière de faire tel ou tel geste, d'incorporer tel ou tel ingrédient. Soudain, je le vis hésiter puis, il finit par me dire :

-Tu sais, il existe un manuel de cours de potion avancé sur lequel Rogue a inscrit toutes ses astuces.

Il avait piqué ma curiosité :

-Où se trouve-t-il ? Demandai-je en essayant de contenir mon excitation.

-Je l'ai caché dans la salle sur demande.

-Comment l'as tu eu ?

-Je l'ai trouvé dans une armoire de cette salle pendant notre 6e année.

-C'était donc ça, ton soudain talent ! M'exclamais-je, ce qui fit retourner les amoureux du rang de devant.

Ron me gratifia de son plus beau regard noir. Je lui répondis avec mon sourire le plus éclatant. Il se retourna en grommelant.

-Tu... saurais le retrouver ?

-Je crains que le feudeymon n'ait tout détruit...

J'acquiesçais en silence, déçu, tandis que Slughorn se rapprocha de notre chaudron et l'inspecta.

-Couleur et consistante parfaite, comme d'habitude M. Malfoy. Vous avez pensez à faire pharmamage ? ou apothicaire ? ou mage en chimie ?

Il me prenait de court. J'avais déjà du mal à me projeter sur un mois, avançant tant bien que mal jour après jour, et lui me demandait de choisir un métier pour la vie ?

-Je vais y réfléchir, professeur, éludais-je avec un sourire policé.

-Réfléchissez bien ! Il serait dommage de ne pas exploiter votre potentiel !

Puis, il se rapprocha de moi, et prit un ton de confidence.

-A ce propos, depuis le début de l'année, je suis bien dur avec vous... Venez donc jeudi à la petite fête que j'organise. Vous y avez tout à fait votre place !

Il me fit un clin d'œil de connivence et s'éloigna pour inspecter le chaudron des autres. Pendant ce temps, je luttais pour contenir mon sourire triomphant sous le regard courroucé de Ron et satisfait de Harry. Quant à Hermione, elle n'avait pas daigné se retourner, continuant à vaquer à ses occupations.

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Je passais, plein d'espoir ou de déni, trois fois devant la salle sur demande : «Le livre de mon parrain. Le livre de mon parrain. Le livre de mon parrain». Une petite porte en bois apparut. Je l'ouvris et m'apprêtais à retrouver le capharnaüm habituel... mais non. Je me tenais devant une salle de quelques mètres carrés. On y trouvait une petite table où étaient disposés le livre mais aussi une tasse de thé au citron et une assiette de gâteaux à la cannelle. A côté de cette table se tenait un fauteuil moelleux au velours vert émeraude. En face, un feu crépitait et diffusait une douce lumière. Ma surprise passée, j'entrais et m'emparais du grimoire vivement, comme s'il allait disparaître. Puis, je m'installais dans le fauteuil. J'ouvris le livre et reconnus l'écriture de Severus. Mon cœur se serra mais bien vite la curiosité l'emporta sur la tristesse.

Soudain, un bruit sourd et prolongé à ma gauche. Je baissais les yeux et vis cette erreur de la nature qu'Hermione avait l'habitude d'appeler «Pattenrond». Qu'est ce qu'il foutait là ? Parcourant le château comme s'il était le maître des lieux (c'était bien les manières d'un chat de Gryffondor !), il avait dû entrer en même temps que moi, sans que je n'y prête attention.

Ce «chat», roux et moche comme Weasley, la face plus aplatie qu'un pancake, n'aurait décidément jamais pu survivre pendant le Moyen-Age moldu. Cependant, il était réputé intelligent dû à son ascendant fléreur : il fallait bien qu'il ait quelque chose pour lui. Il continuait à me regarder, comme s'il attendait quelque chose alors, cédant à mon goût pour les chats et peut-être aussi à mon manque affectif, j'écartais le grimoire de moi de manière à lui faire de la place. La créature se tassa immédiatement sur elle-même et sauta souplement sur mes cuisses. Le volume sonore de ses ronronnements doublèrent au point qu'ils auraient pu faire trembler les murs en pierres de taille.

Les chats, de manière générale, m'aimaient bien et ce depuis toujours. Je ne sais pourquoi. Mais lui ? Je le pensais sauvage, son air grincheux me le rendant antipathique. Visiblement, je me trompais. La chaleur touffue qu'il dégageait me réconforta.

-Si ta maîtresse savait où tu es ! souriais-je en perdant ma main dans ses longs poils oranges pour le caresser alors qu'il faisait des tours sur lui-même pour trouver une position confortable.

Il me regarda alors avec ses grands yeux et s'assit en posant sa tête sur ma poitrine sans me lâcher du regard.

-Elle doit te chercher, vu l'heure qu'il est... Tu t'en fiches ? Et bien moi aussi.

Alors, il se blottit complètement contre moi et ferma les yeux, continuant de ronronner sous mes caresses tandis que je poursuivais tranquillement ma lecture. Je passais enfin un agréable moment.