Jules des Bois : Merci pour tes encouragements qui continuent à bien me booster ! ^^ j'espère que ce chapitre te plaira ! :) Je me rends compte qu'effectivement c'est assez sombre... Et avec ce chapitre, on peut dire que j'ai exploité le filon à fond... Promis, ça ira mieux au prochain ! X) J'appréhende tellement le moment où je devrais mettre un point final à ce projet que je vais biiiien le faire traîner en longueur je pense... en espérant que je réussirais à me renouveler suffisamment !

15 -«J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre» («Les Séparés», Marceline Desbordes-Valmore)

Allongé dans le noir, incapable de trouver le sommeil, tentant de me repaître de souvenirs déjà vidés de leur substance, j'attendais mon visiteur. Soudain, un poids atterrit sur mes jambes puis de légères pressions remontèrent mon corps jusqu'à ma poitrine. Les pressions s'immobilisèrent alors et on frottait une masse chaude et duveteuse contre ma joue. Finalement, on se laissa tomber sur moi sans délicatesse dans un léger ronronnement. Je souris : cela faisait deux semaines maintenant qu'il venait tous les soirs. Je m'étais fait à sa présence et désormais, je la recherchais. C'était une source de réconfort inépuisable et quelque part, Pattenrond, c'était un peu Hermione. Je perdais mes mains dans son épais pelage que je savais orange.

-Ce chat fait flipper, chuchota Blaise, qui n'était visiblement pas encore endormi. Enfin, je veux dire : il te suit dans les couloirs ! Il s'assoit sur tes genoux en heure d'étude ! Et il vient tous les soirs ! C'est du harcèlement à ce stade !

-Parce que t'appelles ça un chat, toi ?! Poursuivit Adrian Pucey moqueur. Il est é-norme ! C'est le croisement entre un ours et plumeau !

Le chat redressa sa tête d'un coup et avait stoppé ses ronronnements. Je craignais qu'il ne s'en aille.

-Un plumours ! Suggéra Zabini, hilare.

-Ne les écoute pas, tentais-je incertain, pour l'apaiser. Ils disent n'importe quoi.

Était-il intelligent au point de comprendre ce que nous pouvions dire ? En tout cas il s'était réinstallé confortablement sous mes caresses.

-Et voilà qu'il lui parle maintenant ! Malfoy, tu crains ! On dirait ma vieille voisine craquemol !

-Et ta voisine craquemol, elle t'a déjà suggéré d'aller te faire voir ?

-Taisez-vous, grogna Nott dans un demi-sommeil.

Nous nous exécutâmes : on ne sait rien refuser à Théodore Nott lorsqu'il est d'humeur massacrante.

000

Ron ne savait pas s'il se sentait heureux ou malheureux. Ces semaines avec Hermione n'avaient pas eu le même goût que dans ses rêves. Elle était là sans être là, toujours absente. Elle était insaisissable, incompréhensible. En apparence elle cherchait sa présence mais il sentait que tout en elle le repoussait. Alors, aussi surprenant que cela pouvait être, cette semaine avait été l'une des plus lourdes de son existence... Il était assoiffé devant une fontaine à laquelle il ne pouvait pas boire.

La chose était simple : il la rendait malheureuse. Alors, quand elle lui avait proposé de la retrouver, ce samedi après-midi de vacances, pour se balader sur le chemin de traverse, il savait. C'était fini. Fini. Fini sans avoir même commencé.

Lorsqu'elle lui dit enfin, il ressentit une sorte de soulagement. Enfin, ils pourraient ne plus faire semblant. Et lui, bien que malheureux, n'aurait plus à courir après une chimère. Ce devait être un nouveau départ, moins triste, moins subi et moins en colère.

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Harry sentait son groupe d'ami se déliter avec tristesse. Le deuil les rongeait et les détruisait de l'intérieur. Il avait besoin d'air, surtout depuis qu'Hermione avait fini par accepter de sortir avec Ron. Il n'avait pas osé demander pourquoi. Il y avait beaucoup réfléchi et il lui apparaissait que ce choix était plus de raison que de cœur... Car il était évident qu'elle ne le supportait pas, en tant qu'amoureux. S'en voulait-elle de le repousser sans cesse ? Peut-être. Mais une chose était sûre, Drago Malfoy devait avoir un rôle à jouer là-dedans car le revirement d'Hermione avait eu lieu juste après leur journée en tête à tête... Ron aurait-il raison concernant les sentiments de Malfoy...? Et ceux d'Hermione, quels étaient-ils réellement ? Quoi qu'il en soit, depuis qu'ils avaient remis une franche distance entre eux, sans raison apparente, les deux semblaient être au fond du trou...

Harry cloisonna son esprit avant de retrouver les Serpentards à Pré-au-Lard. Ils l'attendaient devant Honeydukes. Ils se saluèrent brièvement et transplanèrent jusqu'au chemin de traverse, à partir duquel ils se rendirent dans le monde Moldu.

Après quelques minutes de marche ils arrivèrent devant un «cybercafé». Harry se souvint, presqu'avec tendresse, que Dudley affectionnait ce genre d'endroit et y passait tous ses après-midi avec ses mufles d'amis.

Avant de passer la porte, il se sentit obliger de faire un petit point :

-Ici, vous trouverez plein d'ordinateurs prêts à être utilisés. Suivez moi... Et surtout... ne dites rien. Laissez moi parler.

Les autres acquiescèrent, trop impressionnés pour braver l'interdit, ce qui fit sourire le Gryffondor. Malfoy ou Nott, ces grandes gueules vaniteuses et sans gêne, Zabini et Parkinson, d'habitude si bavards et expressifs, observaient Harry en gardant un silence concentré, presque religieux.

Le gérant, un grand maigre mal rasé aux cheveux longs et blonds , attachés en une queue de cheval basse, lisait un magasine sur les jeux-vidéo.

-Bonjour, nous voudrions prendre un ordinateur pour une heure, s'il vous plaît.

L'homme leva les yeux :

-Tous les cinq ?

-Oui, c'est pour... envoyer une lettre à une adresse mail d'Internet, répondit Malfoy sûr de lui, malgré l'interdiction de parler.

Harry se tourna vers lui pour lui faire les gros yeux et le Serpentard le regarda avec son flegme habituel, comme si rien n'avait d'importance. Il haussa les épaules avec un air surpris.

-Quoi ?

Décidément, pensa Harry en levant les yeux au ciel, s'il y avait bien quelque chose qui n'avait pas changé, c'était bien l'incapacité de Malfoy à savoir se taire. C'était pas croyable ! Il ne pouvait pas s'en empêcher, même déprimé. Est-ce qu'il n'y aurait pas un moment où son caquet ne serait pas définitivement rabattu ?

Le trentenaire fit une moue qui pouvait être interprétée comme "faites comme vous voulez". Il leur indiqua ensuite le prix et leur désigna le poste numéro 6. Nott paya puis ils se dirigèrent vers le fond de la salle. A côté d'eux, deux gamins jouaient à un jeu qui leur donnait du fil à retordre.

Nott et Harry s'assirent près de l'écran tandis que les autres restèrent debout. Harry montra à Nott comment allumer la machine puis lança Internet. Le bruit du routeur fit sursauter les quatre sorciers. Cela rajouta sans doute à leur fascination.

-Bien, maintenant, on va te créer une adresse mail. Thé ?

Nott acquiesça sans trop savoir si cette adresse convenait très bien ou pas. Harry poursuivit :

-Un mot de passe ?

Harry lança un regard interrogatif à Nott mais il s'aperçut bien vite que le Serpentard était complètement largué.

-C'est le même principe que pour entrer dans nos salles communes... Bon, le livre que tu lis en ce moment ?

Crime et Châtiment.

-Quelle idée ! S'exclama Pansy.

-Ce n'est pas du tout ce que vous croyez : c'est un roman moldu !

-Super sujet de conversation lors de votre premier rencard ! " Moouuiii alors moi je troouuve que rien ne vaut le baiser du détraqueeuur..." Singea Pansy avec une voix haut perchée.

Nott semblait piqué :

-Mais ça n'a rien à voir ! C'est l'histoire d'un étudiant qui se croit au-dessus de la morale et décide de tuer une usurière...

-Mouais, garde bien ça pour toi quand même. Répondit la jeune femme en souriant.

-Bon, coupa Harry, ton mot de passe ce sera CrimeetChatiment86. Retiens bien toutes ces infos car tu devras les redonner à chaque fois que tu voudras te reconnecter.

Nott écrivit toutes les informations sur un bout de parchemin, puis vint l'interminable profil à compléter. Enfin, ce fut le moment de rédiger le fameux mail. Nott tapait trop lentement et Harry prit le relais.

-Écris, dis le grand brun, Chère Abigaelle...

-Tu peux être moins formel, ce n'est pas exactement comme une lettre..

-Alors, Bien chère Abigaëlle.

-Non, trop formel. Oublie le "chère"

-Bien Abigaëlle ? Mais ça ne veut rien dire...

-Salut Abigaëlle, ça ira très bien, s'impatienta Pansy.

-Salut Abigaëlle, parfait ! Valida Harry.

-J'espère que tu vas bien... Reprit Nott

Harry acquiesça en tapant.

-Faut lancer la conversation maintenant... remarqua Malfoy, pensif.

-Je pensais justement lui parler de Crime et Châtiment... C'est le livre qu'elle lisait, proposa Nott en feignant de ne pas remarquer Pansy qui levait les yeux au ciel.

-Bonne idée ! remarqua Zabini enthousiaste.

-Alors... J'ai lu Crime et Châtiment... et ça m'a plu... ? J'ai beaucoup aimé l'étude psychologique faite par l'auteur de chacun des personnages.

Harry continuait avec un hochement de la tête.

-Est-ce que ça t'a plus aussi... ? A bientôt, Théodore... ?

-Très bien ça ! Commenta Blaise, toujours plein d'entrain.

-Bon et maintenant on envoie, dit Harry en rapprochant la souris du bouton.

-Attends, attends ! S'exclama Nott, Vous êtes sûrs ?

-Sûrs de quoi ? demanda Harry.

-Bah je sais pas...

-Allez, on envoie. Trancha Pansy. De toute façon, il y a mille façons de lui écrire, et aucune ne pourra te sembler parfaite.

Et Harry appuya sur ne bouton. C'était la première fois qu'il voyait Nott dans cet état : angoissé et doutant de lui. Cela le fit sourire.

-Et maintenant ? Demanda Nott d'une voix anxieuse.

-On attend qu'elle réponde. Tout dépend si elle va souvent sur sa boîte mail...

-Je ne pourrais pas y aller tous les jours, remarqua Nott.

-Tu devras essayer au moins une fois par semaine... C'est mieux que rien !

Il acquiesça : il sentait que même si rien n'aboutissait, cette aventure avait au moins le mérite de l'amuser.

000

Après une excursion dans un pub Moldu, nous nous séparâmes au niveau du chemin de traverse. Harry passait les deux semaines au Terrier, Pansy, Blaise et Nott étaient attendus par leur famille. Ils resteraient chez eux la première semaine puis me rejoindraient au manoir la veille du procès des Mangemorts. Nous passerions ensemble cette dernière semaine.

Une fois dans la grande bâtisse-chez moi, le même sentiment de solitude me reprit. Mes pas résonnaient dans le hall et le vent d'hiver faisait trembler les vitres. Les instants passés avec Hermione me revinrent en mémoire et me déchirèrent la poitrine. C'était un temps où je pouvais encore croire que tout était possible mais maintenant...

Ce constat aurait eu la force de me briser le cœur si je ne l'avais pas tout de suite cloisonné. Pour tromper ma tristesse et mon ennui, j'allumai un feu dans chaque pièce pour chasser l'humidité du manoir. Chasser l'humidité. Chasser toute l'eau.

Soudain, poussé par un courage que je ne soupçonnais pas, j'entrais dans la chambre de mon père. C'était une pièce tendue de noir et aux rideaux opaques en velours d'un violet sombre. Les lourds voilages du lit à baldaquin étaient de la même couleur. Les draps et les couvertures avaient été soigneusement bordées, tout comme mon père l'exigeait de moi chaque matin. C'était comme si ce soir, il devait tranquillement revenir. Même le jour où devait avoir lieu une sanglante bataille , mon père faisait son lit, avec rigueur et discipline. Je le reconnaissais bien là.

A gauche du lit, une armoire en bois sombre décorée de riches marqueteries. En face, il y avait un semainier en acajou. Sur sa tablette de marbre noir se trouvaient un nécessaire de rasage, une cuvette et une carafe en porcelaine blanche d'une simplicité presque rustique. Un miroir ovale était suspendu au dessus. Après avoir fait son lit, j'imaginais qu'il se rasait avec précision, comme il m'en avait donné l'habitude. En m'approchant, je découvris, cachés derrière la cuvette deux petits portraits en photographie sorcière : l'une montrant ma mère me portant lorsque je n'étais encore qu'un bébé. Je m'amusais avec ses cheveux et elle retirait mes mains pour finalement regarder le photographe avec sérieux. La deuxième me montrait à l'âge de trois ou quatre ans, assis sur une chaise, me tenant droit, en habit de cérémonie. Je bougeais peu, sage comme une image, et regardais moi aussi avec sérieux l'objectif.

J'étais surpris de découvrir ça : mon père répétait que les photos, ce n'était que pour nourrir le sentimentalisme et que si l'on voulait garder une trace, un bon portrait officiel devait faire l'affaire. Il devait les voir chaque jour en se rasant... Pourquoi s'autoriser ce fameux sentimentalisme pour ensuite se comporter avec moi avec froideur et rudesse ? Exigent et jamais satisfait, il m'avait enseigné la supériorité de nos ancêtres et de notre famille tout en me rabaissant constamment. Est-ce qu'il pensait réellement que c'était le mieux pour moi ? Il avait sans doute été élevé ainsi : grand-père Malfoy n'était pas réputé pour sa douceur mais plutôt pour sa main leste.

Voir ces photos m'attristèrent autant qu'elles me mirent en colère. J'avais l'impression que toute l'affection, la tendresse qu'il avait pu avoir pour moi avaient été étouffés par l'étiquette et la tradition. Cet homme esclave de son statu et de son devoir n'avait pas réussi à se libérer. Finalement, l'aristocratie était la pire malédiction qu'on pouvait jeter sur une famille, ses membres, un à un, se transformant en statue de pierre.

Mon père m'avait aimé à sa manière... et avec ma mère, ils étaient la seule famille que j'avais. La semaine prochaine commençait le procès des Mangemorts et mon témoignage devait être la clé qui participerait à les faire plonger. Pour la première fois, des remords m'assaillirent. Je savais qu'ils étaient des criminels racistes et violents mais c'étaient toujours mes parents, ils ne m'avaient pas montré beaucoup d'affection et sans doute, s'ils revenaient, ne seraient-ils pas capables de faire mieux... mais on ne sait jamais ! Peut-être que, maintenant que tout était fini, ils changeraient ? Si je pouvais tout dire à mon père, peut-être qu'il comprendrait ? J'étais si seul, perdu dans cet immense manoir ! Une vie si solitaire pouvait-elle avoir un sens ? Celui qui dit qu'il vaut mieux être seul que mal accompagné était sans doute accompagné. Rien n'est pire que la solitude. J'avais besoin d'eux, même si je leur en voulais à mort.

J'avais ouvert la porte de cette chambre avec l'idée de la ranger. Je la refermais sans rien n'y avoir touché. Cette chambre, c'était tout ce qu'il restait de mon père. C'était le garder encore un peu vivant et ces photos sur cette commode, c'était comme un baiser sur le front avant de m'endormir. C'était comme s'il me tenait la main ou qu'il me souriait avec bienveillance en me disant «je suis fier de toi, mon fils». Peut-être lui prêtais-je des intentions et des sentiments qui n'étaient pas les siens, mais qu'importe ? Des lambeaux de rêve valent mieux que le désespoir.

Avant de descendre dans le grand hall qui servait de pièce à vivre, je pris ma robe de chambre tandis que les feux de cheminée luttaient vaillamment contre le froid mordant de décembre.

000

C'était Noël et Hermione était soulagée. Ron avait accepté leur rupture et il avait eu la bonne idée de ne parler de leur relation à personne. Ainsi, seuls Harry et Ginny étaient au courant et Georges Weasley pouvait continuer à les taquiner sur le fait qu'ils formeraient un joli couple. L'ambiance dans la salle à manger était chaleureuse et Ron semblait plus serein.

Cependant, Hermione n'était pas parfaitement tranquille. On pouvait même dire qu'elle croyait devenir folle car alors que la fête battait son plein, elle ne pouvait que penser à la solitude de Drago, éloigné de tout dans son grand hall vide... Pour lui, c'était le premier Noël sans ses parents. Est-ce que ça avait de l'importance pour lui ? Une boule au ventre se formait à mesure que les plats défilaient devant elle. Elle avait envie de crier, de courir pour le retrouver. Cette sensation commençait à lui être familière. Malgré tout, jamais elle ne s'était écoutée : elle n'osait tout simplement pas ! Ce n'était pas faute d'avoir essayé de lui parler pourtant, mais elle craignait tellement son rejet !

Ses craintes avaient assez duré. Il fallait qu'elle avance et qu'elle s'écoute. Et, là, tout de suite, maintenant, elle voulait le retrouver. Elle voulait retrouver leur proximité : ses taquineries, son sourire, ses bras... Et c'est ce qu'elle allait faire ! Il fallait au moins qu'elle essaie, quitte à ce qu'il la repousse. Et s'il lui en voulait, elle se ferait pardonner.

Alors que le dessert et minuit arrivaient, prise d'une inspiration soudaine, elle se leva de table et, n'assumant pas encore pleinement, elle prétexta une mélancolie soudaine.

-Tu ne veux pas attendre le dessert ma chérie ? Demanda avec inquiétude Mme Weasley.

-Non, je préfère y aller... je vais essayer de me reposer un peu.

Tout le monde semblait regretter son départ mais malgré son malaise, elle tint bon. Elle monta dans sa chambre, prit son manteau au passage et transplana aussitôt, pour ne pas se laisser une occasion de se dégonfler.

000

Il faisait nuit noire dans le parc. Hermione le traversa en s'emmitouflant plus étroitement dans son manteau. La neige étouffant tous les bruits, il régnait sur la nature un calme presque angoissant. Sur le qui-vive, elle sortit sa baguette. Elle arriva devant le portail et sonna. Elle regrettait déjà son choix et en même temps, une sorte d'excitation la poussait à continuer. Personne ne répondit. Au bout de quelques minutes, elle réessaya. Le manoir au fond de l'allée était plongé dans l'obscurité. Peut-être dormait-il ?

Elle savait que la bienséance et la raison auraient dû lui faire faire demi-tour. Cependant, elle ouvrit le portail, défait de tous ses sorts de protection pour les besoins de l'enquête. Elle marcha à vive allure sur le chemin. Elle n'hésita que quelques secondes devant l'entrée : sans qu'elle sache pourquoi, ce lieu l'attirait... Il était plein de mystères : il avait vu des générations grandir, Drago entre autres...Et était chargé de souvenirs, des terribles mais aussi des lumineux, comme celui de la première fois où il l'avait prise dans ses bras.

Une fois devant la porte, elle sonna une nouvelle fois et ne reçut pas de réponse. Mordue par le froid, elle décida d'actionner la poignée sans y attacher trop d'espoir. Mais, à sa grande surprise, la porte s'ouvrit en un grincement de vieux bois. Après avoir inspecté le hall avec la lumière de sa baguette, elle entra avec précaution. Il devait décidément bien dormir pensa-t-elle et soudain l'absurdité de sa présence ici la gifla. Elle entrait chez quelqu'un sans y avoir été invitée ! C'était de la folie ! Mais il fallait qu'elle se mesure au lieu. Une soif de revanche sur cet endroit qui l'avait tant fait souffrir la poussait à continuer. Elle ne voulait plus être esclave de ses souvenirs et était déterminée à s'en créer de nouveaux sans tristesse et sans douleur.

Elle traversa le hall qui servait de salon. Ses pas résonnaient sur le marbre en damier. Un reste de feu éclairait et réchauffait la pièce. La salle avait été nettoyée et redécorée. Les tableaux injurieux avaient été retirés et les tentures sombres avaient été troquées contre un tissu jaune pâle mais chaleureux. Finalement, cet endroit n'avait plus rien à voir avec les jours de sa torture et de la reconstitution. Il avait été vaincu. Pas par elle, mais par Drago qui avait sans doute lui aussi tout à reconquérir. Et parce qu'il avait réussi à s'imposer, elle l'aimait encore plus.

Elle se rapprocha du fauteuil face au feu sur lequel était laissée négligemment une robe de chambre sombre. Une tasse avec un fond de thé et une théière étaient posés sur un guéridon juste à côté. Elle ne put s'empêcher de prendre le vêtement, de le toucher, de le saisir à pleines mains, de le presser contre elle comme si c'était lui. Il sentait son odeur... quelque chose de boisé et capiteux, sans être écœurant et rien que cela la rassura. Elle enfouit son visage dans le tissus pour en capter toutes les effluves. Elle voulait pouvoir convoquer le souvenir de ce parfum à chaque fois qu'elle le désirait : dans dix minutes, dans le froid glacial de l'hiver pour la réchauffer ; dans une demi-heure, au Terrier pour la réconforter ; dans une heure, dans son lit ou dans un rêve.

A regret, elle décida de repartir. Il était minuit et demi et au Terrier les gens n'allaient pas tarder à monter se coucher... Elle pouvait encore y retourner sans que l'on remarque son absence. Elle s'autorisa un bref tour du rez-de-chaussée avant de repartir. Des cuisines, un cellier, une blanchisserie et diverses salles plus ou moins vides.

Une fois de retour dans le hall, elle se figea : il était là. Il venait visiblement de rentrer et n'avait pas encore remarqué sa présence. S'essuyant scrupuleusement les pieds mouillés de neige, il alluma les chandelles de l'immense lustre suspendu dans le grand hall d'un coup de baguette magique. Elle avait oublié à quel point la carrure qu'il avait suffisait à remplir toute une pièce. Et, Merlin, il était toujours aussi beau. C'était comme si elle le redécouvrait à chaque fois qu'elle le regardait.

Il avait sur les épaules son long manteau noir recouvert de flocons et ses joues étaient rougies par le froid. Las, il défit son écharpe aux couleurs de Serpentard. Devant l'imminence du danger d'être découverte, elle décida de prendre le taureau par les cornes.

-Drago...

Il sursauta en dégainant instinctivement sa baguette. Encore cachée dans la pénombre du couloir, il plissa les yeux pour distinguer son interlocuteur.

-Granger ? Demanda-t-il incertain.

-Je suis désolée, je voulais te voir... répondit-elle en sortant de l'obscurité.

-À une heure du matin ? coupa-t-il rudement.

Son ton sec et son rictus sardonique déstabilisèrent Hermione. Elle avait beau s'y attendre, s'y confronter était toujours une autre paire de manche.

-C'est Noël et je pensais...

-Je suis allé dans un pub, l'interrompit-il une nouvelle fois.

Hermione comprit le sous-entendu. Il voulait dire : je n'ai pas besoin de toi. Je m'en sors très bien tout seul. Et surtout, surtout... je n'ai pas besoin de ta pitié.

-Tu as bien fait, commenta-t-elle dans un sourire, pour garder la face mais elle sentit son cœur se briser.

Le silence s'installa. Il continua à délier son écharpe, indifférent, comme si elle n'était pas là. Sans lui jeter un seul regard, il retira son bonnet, ébourifant négligemment ses cheveux blonds. Cette mèche décoiffée qui battait son font, toujours. Ensuite, il enleva ses gants après avoir posément tiré sur chacun de leurs doigts. Elle réussit à sortir de son état interdit et prit la parole, incertaine :

-Drago...

Sans faire davantage attention à elle, il ouvrit son manteau qui laissa apparaître son éternel col roulé noir.

-Je suis désolée, répéta-t-elle d'une voix cassée, les larmes aux yeux : l'ignorer était la pire chose qu'il pouvait lui réserver.

Il poursuivit son installation, semblant ne pas l'entendre, concentré : il épousseta son manteau et sécha toute l'eau fondue d'un brusque coup de baguette. Elle retrouva chez lui le même visage inflexible, dur, le même silence borné qu'après la sombre histoire de Patil et Finch-Fletchley déguisés en détraqueur. Elle se souvint que la situation n'avait pu se débloquer que lorsqu'elle l'avait obligée à l'écouter. Alors, elle prit son courage à deux mains :

-Je suis désolée d'être rentrée sans invitation. Mais tu sais, ce n'est même pas la chose pour laquelle je suis la plus désolée, car si j'ai fait ça, ce n'était pas... Enfin c'était pour... te prier de m'excuser... Je me suis mal comportée avec toi et je le regrette. J'espère que tu me pardonneras et que tout... redeviendra comme avant ?

Il s'était arrêté pour écouter. Une lueur de surprise et d'espoir apparut dans ses yeux, ce qui encouragea Hermione.

-C'est quoi comme avant ? Demanda-t-il avec une fausse froideur.

Cette question prit de cours Hermione.

-Quand on était amis, réussit-elle à articuler.

Elle n'avait pas osé. Qu'elle était bête ! Pourquoi n'y arrivait-elle tout simplement pas ? Il pouffa d'un rire sans joie, l'étincelle dans son regard s'était transformée en flamboiement de colère. Il voulut rugir une réponse mais son émotion fit sa voix se briser, de déception peut-être :

-Amis ?! Amis bien-sûr...! Ce mot...!

Visiblement troublé, il passa une main nerveuse sur son visage, comme pour reprendre contenance. Il se tourna pour regarder par la fenêtre. Soudain, il se figea, tête baissée et reprit avec un nouvel air de calme résignation.

-Il n'y aura jamais...

Il s'interrompit une nouvelle fois. Il se retourna en la regardant intensément. Ce genre de regard qui donnait à Hermione l'envie de lui sauter au cou pour l'embrasser avec passion.

-Jamais quoi ? Demanda-t-elle pleine d'espoir.

-Rien, laisse tomber, répondit-il brusquement, comme reprenant ses esprits.

-Dis-moi, insista-t-elle en se rapprochant d'un pas.

Il ferma les yeux, une tempête intérieure semblait le malmener. Après ce qui semblait être une lutte intense, il finit par réussir à imposer son masque de marbre à son visage, avec son fameux petit sourire en coin. Seul un léger tremblement de ses mains résistait, relique de l'émotion qu'il tentait d'étouffer.

-Mais dis-moi... Tu dois sacrément aimer te foutre de moi pour venir le faire jusqu'ici à cette heure.

-Me foutre de toi ?! Mais j'ai toujours été sincère ! S'écria-t-elle.

Il la regarda d'un air désabusé, sans se défaire de son sourire, comme s'il savait d'avance que quoiqu'il arriverait, quoiqu'ils se diraient, cette discussion resterait stérile.

-Et la fois dans les toilettes des filles ?

-Sincère.

-Et au cinéma ?

-Sincère.

-Et tout ça, c'est ce que font des amis selon toi ?

-Oui...? Je ne sais pas... Peut-être ? risqua-t-elle, complètent perdue, n'osant se contredire. Elle gardait en mémoire qu'il lui était arrivé de se faire gentiment repousser. Elle se méfiait des sentiments du Serpentard et n'osait se révéler. Elle avait une sorte de blocage, comme si on lui avait lancé un sort de langue de plomb : elle n'arrivait pas à dire simplement ce qu'elle pouvait ressentir. Elle sentit bien vite que cet échange n'avait pas plu à Drago :

-Écoute Granger... je te souhaite une bonne nuit, reprit-il avec son sourire factice qu'elle connaissait si bien.

Et il ouvrit la porte d'entrée.

En un instant, elle se retrouva dehors devant la porte qui se refermait doucement sur elle. Elle avait strictement tout foiré. Et ils étaient plus éloignés que jamais, plus encore que lorsqu'il la traitait de sang de bourbe. Car là, ce n'était pas juste son sang qu'il méprisait mais sa personne toute entière. Jamais elle ne pourrait le retrouver. Elle avait la sensation qu'elle avait perdu l'occasion d'être un jour heureuse et que tout ce qui suivrait ne serait que plus terne, moins beau que ce qu'elle avait pu connaître avant. Aucune des horreurs qu'elle avait pu vivre n'avait pu lui faire perdre foi en l'avenir, mais perdre Drago, si. C'était tellement bête et insensé ! Mais il fallait qu'elle se résigne. Elle ne put retenir ses larmes. Pourquoi est-ce que c'était si difficile d'avouer ses sentiments ? Pourquoi est-ce qu'elle avait aussi peur ? Et pourquoi est-ce que lui, ne disait pas clairement ce qu'il voulait ?

000

Elle se foutait de moi ? Mais vraiment, Il n'y avait pas de limite ! Sans doute ne voulait-elle pas d'une relation sérieuse : je devais être là, bien gentil, pour la cajoler quand ça n'allait pas et elle me jetterait de nouveau quand elle n'aurait plus besoin de moi ! Et après ce sont les Serpentards qui passent pour des manipulateurs sans cœur ! J'étais tellement en colère que ma magie faisait s'éteindre toutes les chandelles que je pouvais allumer et je devais rattraper certains objets qui partaient en lévitation. Je dus donc me coucher dans le noir, tenant fermement deux-trois livres et un presse papier. J'allais nécessairement passer une mauvaise nuit.