Drou : C'est çaaaa qu'on veeeut ! ^^ Merci pour ta review ! :)
Jules des Bois : Tes réactions enthousiastes me font rire ^^ Oui, après 15 chapitres, j'ai jugé qu'il était temps d'arrêter la torture. x) Ce sont effectivement les problématiques abordées (entre autres ^^) dans les prochains chapitres... En espérant qu'il te plairont ! :) Merci pour ta review ! =)
17 - «Face aux ténèbres, j'ai dressé des clartés» («L'espérance», Chedid)
A notre retour, l'après-midi, j'étais devenu le centre de l'attention. Je devais m'attendre à faire la une de la presse à scandale et je voyais Rita Skeeter lorgner sans arrêt dans ma direction. On me regardait de toute part avec plus encore de dégoût que d'habitude. Cependant, cela ne réussit pas à me faire redescendre de mon petit nuage. En fait, j'avais du mal à croire à mon propre bonheur. Je me retenais de regarder dans la direction d'Hermione et me forçais à garder un air grave... Ce qui finalement n'était pas si difficile au vu de ce qu'il se passait dans le tribunal. Hermione, elle, peinait à cacher son sourire, ce qui sembla étrange à beaucoup de monde. Elle fut longuement interrogée à la sortie du tribunal par des journalistes de tout poils mais elle réussit à s'en sortir grâce à une pirouette oratoire dont elle avait le secret.
Toute l'après-midi, mon père fut interrogé par son avocat et exprimait tout son amour pour son fils. Il semblait réciter un texte, machinalement, les yeux dans le vide, comme s'il n'avait plus conscience de l'endroit où il était. Son affection même encore aujourd'hui, malgré lui, devait être réelle, à sa manière... mais gâchée par des mensonges orchestrés par son crétin d'avocat. En effet, il n'avait pas changé de ligne de défense. Ainsi, il expliquait que tout ce qu'il avait pu faire, c'était pour moi, pour me protéger et me créer un avenir. Peut-être y avait-il un fond de vérité, mais tellement enfoui sous ses raisons égoïstes que je ne la percevais que comme une défense bancale à laquelle personne ne croirait. En clair, il justifiait tous ses actes, alors que tout ce qu'il avait à faire était de demander pardon, comme j'avais pu le faire. Il n'avait aucun remord ni aucune considération pour ses victimes. D'ailleurs, il refusait de regarder en direction du trio.
Cela me mit en colère : à quel point pouvait-il être borné, aveugle et insensible ? Et ces moments où il faisait éclater tout son entêtement, son hypocrisie allaient être sans doute les derniers que je passerais avec lui, dans une même pièce. La dernière fois où nous nous regarderons dans les yeux serait cette fois, où il m'utilisait pour attendrir le jury et me montrer comme le pire des fils. Et tout cela allait rester gravé dans le monument de ma mémoire.
Le lendemain était le jour du verdict. Le jury ne s'était pas retiré très longtemps et je voyais cela comme un très mauvais signe pour mes parents. J'espérais au moins pour eux une sentence pas trop douloureuse. Avec les Serpentards, nous avions eu un débat : que souhaiter entre Azkaban à vie ou le baiser du détraqueur ? Pour ma part, je n'en savais rien. Je préférais ne pas me poser la question.
Un membre du jury se détacha du groupe et attribua à chaque Mangemort sa peine. Enfin, vint le tour de mes parents.
-Malfoy Lucius : coupable. Baiser du détraqueur.
Ma mère poussa un long gémissement tandis que mon père semblait complètement déconnecté de la réalité, ne semblant pas comprendre l'enjeu de ce qui venait d'être dit.
-Malfoy Narcissa : coupable. Baiser du détraqueur.
Et ses plaintes reprirent de plus belle, me fendant l'âme. Le membre de jury poursuivit son énumération sans prêter attention au brouhaha dans la salle.
Lorsque le jury eut terminé, les aurors commencèrent à emmener les Mangemorts. Je me levai précipitamment et sortis en courant de la salle. J'avais l'espoir de les intercepter. Je ne savais pas trop ce que j'attendais de la furtive entrevue que j'essayais obtenir : après tout, j'avais participé d'une manière ou d'une autre à leur chute. M'excuser ? Hors de question ! Leur dire que malgré tout je les aimais ? Trop délicat. Que je leur pardonnais ? C'était faux, je n'étais pas encore prêt. Ils m'avaient fait trop de mal. Est-ce que ce n'était pas tout simplement le moment de leur dire au revoir ?
Au bout du hall, j'aperçus mes parents, chacun fermement tenu par un auror, perdus parmi les autres condamnés.
-Père ! Criai-je, toujours en courant. Père ! Mère !
Seule ma mère finit par se retourner. Elle me jeta un regard plein de dédain. Elle qui était pourtant si aimante lorsque mon père se faisait trop rude ! Elle se détourna et partit, poussée par son garde. Elle éclata de nouveau en sanglot.
-Père !
J'avais réussi à atteindre son épaule du bout des doigts, les aurors m'empêchant de trop m'approcher. Il se retourna enfin. Il avait toujours son regard vague.
-Ramène ta mère à la maison, Drago. Elle est fatiguée. Je vous rejoindrai quand j'aurai réglé mes affaires à Exeter.
-Je... d'accord.
-Je reviendrai dans quelques jours. Je te laisse le soin du domaine. Qu'il ne parte pas en friche comme une vulgaire chaumière.
-Oui, Père.
-Viens Dobby, dit-il à l'auror qui le tenait. On s'en va.
Ce dernier pouffa ironiquement en lançant un regard entendu à ses collègues qui rirent discrètement à leur tour.
-Oui maître ! Répondit-il avec un voix trop aiguë, ce qui suscita de nouveaux rires.
-C'est lamentable, rétorquais-je avec tout le mépris dont j'étais capable.
Alors qu'il emmenait mon père, j'essayai à nouveau de capter son attention pour lui dire au revoir à mon tour.
-P...
Soudain, une douleur à la tempe et ma vue se brouilla. Je tombai à terre, pris de vertiges.
-Ça ira comme ça, entendis-je.
J'émergeai avec peine, la tête me tournant toujours. Soudain quelque chose de chaud et visqueux tomba sur moi. Je réussis, malgré le flou qui voilait mes yeux, à reconnaître Greyback. L'odeur de viande avariée. Je devinais qu'il venait de me cracher dessus avec un rire rauque, sous le regard complice des aurors. Comme quoi la méchanceté réunit toutes les bannières.
Alors que les derniers Mangemorts sortaient, les premiers spectateurs, témoins et plaignants arrivaient. J'essayai de me relever le plus vite possible, chancelant, pour sauver la face. Au loin, je voyais mon père marcher, le dos droit, la tête haute.
Je ne le quittais pas des yeux, comme si le regarder, c'était le maintenir en vie. Dans une ou deux secondes, il allait prendre à gauche vers le couloir de sortie. Et alors, soustrait à ma vue, c'était comme s'il était mort. Je voulais brûler au fer rouge ma mémoire, ma rétine avec ces ultimes images, pour qu'il y ait au moins un endroit sur terre où il continuerait d'exister.
Que je sois une tablette d'argile, un fossile, un bac d'eau de pluie...! ou que son pas soit infiniment ralenti pour que jamais son image ne cesse d'être !
Il tourna et disparut.
-Drago ? Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Il y a un bleu qui apparaît sur ta tempe ... Et ton sourcil... tu saignes. Tu es tombé ? Non. On t'a frappé. C'est ça ?
-Son père, tu crois ?
-Non.
-Un Mangemort... Greyback ?
-Ils sont tous enchaînés. C'est un auror je pense.
- Ah ! Reprit la voix avec un air dégoûté. Et ça c'est quoi ?! Un crachat ?!
-Ça, pour le coup, ça ressemble bien à Greyback.
-Tous des enflures.
-Allez, on rentre.
Nous transplanâmes jusqu'au manoir. Nott nettoya ma plaie, Pansy me prépara un thé et Zabini pleurait sur un tabouret. Je crois qu'il extériorisait ce que j'avais bien renfermé au fond de moi.
-Vraiment tous des connards ! On nous a frappé et craché dessus ! Vous vous rendez compte ? Et on a perdu nos parents !
-Cette journée est terminée, ça ira mieux demain et encore mieux après demain, répondit machinalement Pansy, sans plus vraiment y croire.
-J'ai l'impression que tu nous dis ça toutes les semaines depuis septembre ! Selon tes calculs, on devrait être au Nirvana à l'heure qu'il est !
-Oui mais on sort avec Granger maintenant, contra Pansy.
-Et elle est où là, hein ? Alors qu'on a besoin d'elle !
-Bien tranquille au Terrier, je suppose, répondit Nott pensivement en regardant par la fenêtre.
-C'est pas sensé se passer comme ça ! Un couple ça se soutient, ça...
-Allez, bois ton thé, il refroidit, encouragea Pansy. Elle s'était mise derrière lui et lui caressait doucement les cheveux. Il finit par relâcher la pression et reposa sa tête contre elle.
-Ensemble et c'est tout ponctua Nott.
Nous acquiesçâmes en silence.
000
Je finis par me réveiller. Il faisait nuit noire. Deux heures du matin. Un courant d'air ? La pluie ? Une branche d'arbre contre ma fenêtre ? J'entendais une sorte de chuintement. Ce mystère me fit complètement émerger. Je compris que des chuchotements provenaient du feu. Je sortis ma baguette instinctivement et m'approchais.
-Drago ? Drago ?
-Hermione ?
-Drago ! Tu me vois ?
-Oui !
Son visage sortait du brasier et ses mèches rebelles se terminaient en flammèches.
-Je ne pouvais pas attendre lundi. Je... Comment tu vas ?
-Ça va ! Répondis-je machinalement avec mon fameux sourire factice et douloureux.
Toujours sur la défensive par défaut.
-Drago, j'ai appris à reconnaître quand tu mens. Ça ne va pas.
-Mais le dire ne changera pas grand chose.
-Je pourrais être là... J'ai envie d'être là pour toi.
Je ne savais pas trop quoi répondre. Après tout, j'avais été habitué dès la petite enfance à tout gérer tout seul et à contenir mes émotions. Or, depuis septembre, on me demandait sans cesse de tout extérioriser.
-Tu peux tout me dire, insista-t-elle.
-Mais je ne sais même pas si j'ai quelque chose à dire. Pourquoi faut-il toujours parler ?
Elle demeura pensive un instant.
-Et si je venais ?
-Ici ?
-Oui !
Je marquai un temps d'arrêt.
-Tu veux dire dans ma chambre ?
-Oui !
-En pleine nuit ?
-Quelle importance ? Je prends le réseau de cheminée ou je transplane !
Je restais pensif. Vraiment ? Hermione ? Dans ma chambre ? En pleine nuit ? C'était inconvenant, non ? Après tout, ça ne faisait même pas deux jours qu'on était ensemble !
-Arrête de réfléchir ! Je sais, c'est peut-être bizarre mais on s'en fiche, non ? De ce qu'il faut faire ou pas.
En roue libre totale.
-D'accord.
En une seconde elle était là, devant moi, en pyjama épais pour les froides nuits d'hiver. Je remis une bûche dans la cheminée pour m'occuper le corps et les pensées. Alors que je mettais tous mes efforts pour tisonner le plus consciencieusement possible un feu pourtant parfaitement lancé, elle me prit par les épaules.
-Arrête, il est très bien ce feu. Viens.
Je baissais enfin ma garde et je m'abandonnais à sa volonté. Après tout, j'étais trop perdu pour savoir quoi faire : elle devait savoir, elle. Je me relevai, elle se blottit contre moi et encadra mon visage dans ses mains. Elle scrutait chacun de mes traits comme pour y déchiffrer quelque chose. Elle passa ses mains dans mes cheveux et m'embrassa en se mettant sur la pointe des pieds, ce qui réussit à me décrocher un léger sourire. Elle sourit à son tour.
Mon cœur battait à tout rompre et j'étais de nouveau tremblant d'émotion. Ce que je détestais cet état de faiblesse ! Elle s'écarta pour s'asseoir sur le lit et tapota le matelas pour me signifier de la rejoindre. Je m'exécutais docilement. Ensuite, elle désigna ses genoux.
-Couche-toi et mets ta tête là.
Mon malaise allant croissant, je continuais à suivre ses indications en m'allongeant sur le dos, reposant ma tête sur ses genoux.
000
Soudain, alors qu'elle avait à peine commencé à lui caresser les cheveux, il fut prit d'un fou-rire et cacha ses yeux de ses bras, de gêne sans doute.
-Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda-t-elle surprise.
-C'est rien, c'est juste que c'est tellement étrange...! et nouveau ! Toi... Mes cheveux... Ma tête...
-C'est le début d'une longue série, alors prépare-toi ! sourit Hermione.
Il dégagea son visage pour la regarder avec intensité.
-Alors c'est vraiment sérieux nous deux ?
-Est-ce que tu crois qu'Hermione Granger est capable de faire quelque chose sans être sérieuse ? ironisa-t-elle.
-Dit comme ça, c'est vrai que ça semble évident, répondit-il avec son sourire moqueur qu'elle commençait à aimer.
Puis, son visage se ferma dans une expression pensive. Il rougit.
-Et pour longtemps ?
-J'espère, répondit-elle. Parce que je... Parce que voilà.
Il pouffa.
-Il y a au moins deux trucs pour lesquels je suis plus doué que toi.
-Et en quoi, monsieur s'il vous plaît ? Rétorqua-t-elle faussement outrée.
-La potion... et dire «Je t'aime».
Elle ne réussit pas à répondre. Elle se crispa, même, car ces mots, ces si jolis mots, lui paraissaient étrangement crus et impudiques et les dire à son tour lui était impossible : c'était comme poignarder son cœur, l'ouvrir comme on ouvre une huitre.
-Ça va ? Demanda-t-il, rendu inquiet sans doute par son air lointain.
En guise de réponse, elle lui sourit et recommença à lui caresser les cheveux, se perdant dans ses yeux. La lumière du feu dessinait délicatement ses traits fins.
-C'est marrant, tu ne révèles rien de tes sentiments, sauf ça, remarqua-t-elle, pour donner le change.
-Hier matin a été un bon entraînement, ironisa-t-il. Et toi, tu sais tout exprimer... sauf ça...
Il éleva dans les airs sa main gauche pour caresser le visage de la jeune femme. Dans le mouvement, Hermione remarqua que la manche du pull qu'il avait enfilé à la hâte descendait, révélant le début de la marque qu'il portait sur son avant bras. Il suivit son regard et comprit. Il rebaissa rapidement son bras et tira sur la manche pour camoufler le tatouage. Pour désamorcer le malaise, elle l'embrassa sur le front et il ferma les yeux, apaisé. Un temps de silence passa. Elle crut même un instant qu'il s'était endormi. Mais soudain, après dix minutes peut-être, il les rouvrit, l'air déprimé. Il les gardait baissés.
-Aujourd'hui, j'ai perdu mes parents... J'ai beau leur en vouloir à mort pour tout ce qu'ils ont pu faire, je n'arrive pourtant pas à les haïr. C'est à dire que... J'ai passé ma vie entière à souffrir et à espérer qu'ils changent. Maintenant, ils vont mourir et pourtant, malgré toutes mes prières, ils n'auront pas changé. Ils seront morts avant d'avoir pu. Mon père n'aura jamais eu l'occasion d'être un bon père et ma mère une femme forte capable de protéger son enfant. Et le pire, c'est que j'ai fait partie de ceux qui ont tranché leur vie... A cause de moi, cette occasion, ils ne l'auront jamais.
-Tu as déjà tellement donné Drago... Tu n'es pas responsable de leur vie, ni de leur changement, ni de leur mort. Avec leur vie, ils ont fait des choix. Comme toi tu as dû en faire. Rien n'est de ta faute. Je sais que quand un désastre touche des proches, on a tendance à culpabiliser mais crois moi, bien souvent nous ne pouvons rien y faire, c'est hors de notre portée... Nous sommes peut-être des sorciers mais nous ne sommes pas tout puissants.
-Je les ai trahi...
-Mais qu'est-ce qu'une fidélité aveugle ? Tu as été fidèle à toi même et est-ce que ce n'est pas le plus important ? Le choix que tu as eu à faire était difficile et quelque soit la voie que tu aurais choisie, tu aurais eu des remords, d'une manière ou d'une autre... Comment te serais-tu senti en mentant pour eux ? En disant à quel point ils avaient été des parents exemplaires ? En minimisant ou en justifiant leurs atrocités, comme ils ont pu le faire lors de leur procès ?
Il acquiesça silencieusement. Elle sursauta légèrement lorsqu'il se mit sur le côté pour enfouir sa tête contre son ventre.
-Mais si on avait attendu juste encore un peu plus, un tout petit peu plus, un tout, tout, tout petit peu plus...
Elle le sentait se crisper comme s'il retenait des larmes, sa respiration devint saccadée. Elle reprit ses caresses et petit à petit sa respiration s'apaisa. Il enlaça sa taille de ses bras avec force. Hermione serrait les dents pour ne pas se laisser aller à l'émotion. C'était dur. Severus, Lucius, Narcissa, que des personnes qui avaient fait des mauvais choix mais qui représentaient tout pour une personne. A son tour, elle se raidit, arc-boutée comme un barrage pour retenir ses larmes. Il le sentit. Il se retourna pour lui faire face et la regarda avec des yeux inquiets. En voyant les larmes qui coulaient sur ses joues malgré elle, il s'assit prestement sur le bord de son lit.
-Je suis désolé, je ne voulais pas...
Il s'accouda sur ses genoux et enfouit son visage dans ses mains, honteux.
-Ne t'excuse pas, il n'y a rien de grave... Pleurer, ce n'est pas grave. Ça fait partie de la vie, sourit-elle.
Elle prit ses mains pour dégager son visage et les mis autour de ses propres épaules puis elle s'assit sur ses genoux. Son sourire et son regard bienveillant triomphèrent de ses larmes qui continuaient à couler. Alors, il ne vit plus qu'eux. Elle caressa le front du Serpentard, pour repousser ses mèches. Il la regardait sourire simplement et l'embrassa. C'était aussi délicat que leur premier baiser. Enfin, il se plongea dans la chevelure de la jeune femme. Il restèrent longtemps ainsi. Elle tombait de sommeil et elle sentait qu'il luttait aussi. Elle s'étendit contre lui en le gardant enlacé et ils s'endormirent dans la minute.
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Hermione s'éveilla avec une légère sensation de chatouillis : c'étaient les cheveux de Drago contre sa joue. Il dormait toujours à poings fermés. Étendu sur elle, son poids reposait délicieusement contre son corps. Il avait sa tête au creux de son épaule, les avant-bras et les paumes de ses mains fermement collés le long des côtes de la jeune femme. C'était comme s'il avait peur qu'elle reparte. Elle commençait à sonder la profondeur de l'abîme dans laquelle pouvait se trouver le Serpentard, un océan de tempêtes, un cyclone sans œil. Et elle, elle se retrouvait au milieu de cet ouragan... espérant être de taille pour le soutenir.
L'aube grise commençait à s'installer. Il devait être aux alentours de sept heures du matin et elle savait qu'au Terrier, on se levait tôt. Si elle voulait que son absence reste inaperçue, elle devait partir sur le champ, mais elle ne pouvait pas bouger sans le réveiller. Il faudrait alors lui expliquer qu'elle devait partir, elle devrait lui annoncer que ce moment était fini. L'abandonner en somme. Et ça, elle ne pouvait décemment pas. C'était trop dur. D'ailleurs, elle n'en avait pas envie. Elle trouverait bien une excuse à sortir aux Weasley... et à Harry, même si elle sentait qu'il se doutait de quelque chose.
Elle se redressa sur l'oreiller sans le réveiller et entreprit de s'amuser avec les cheveux diaphanes du jeune homme. C'était étrange cette couleur. Pour une fois, c'était elle qui le surplombait et elle découvrait un nouvel angle de vue sur son visage. Endormi, ses traits avaient perdu leur dureté et leur expression ironique. Ses commissures étaient légèrement marquées et il avait quelques tâches de rousseur, très discrètes, perdues sur ses pommettes et son nez. Ils restèrent ainsi pendant une bonne heure et elle entendait autour d'elle la maison s'éveiller progressivement autour d'eux. Deux portes ouvertes, trois pas différents. Il y avait deux Serpentards qui venaient de la même pièce. Qui dormaient ensemble ? Elle misa sur Pansy et Blaise. Lui, n'était pas du tout discret et la couvait sans cesse des yeux.
Dans un début de réveil, Drago inspira une grande bouffée d'air et se redressa sur ses avant-bras en enfouissant sa tête contre la peau de la jeune femme. Mais il émergea bien vite. Il redressa vivement son visage à quelques centimètres de celui d'Hermione, le regard surpris en constatant dans quelle posture ils étaient. Hermione lui sourit. Elle voulut lui caresser le visage mais il s'assit vivement sur le bord du lit, lui tournant le dos, rouge de confusion comme la veille.
-Pardon.
-Pardon pour quoi ? demanda la Gryffondor en feignant la naïveté.
Elle commençait à comprendre que le rapport au corps et à l'intimité allait être, entres autres, un problème épineux à régler.
-C'était inconvenant. Je n'aurais pas dû.
-Pourquoi ?
Il se retourna vers elle sans rien répondre, se sachant peut-être pas lui-même la raison de ce principe.
-Tu veux partir ? Demanda-t-il inquiet.
-A moins que tu mes chasses, non, plaisanta-t-elle.
Il sourit.
-Tu veux petit-déjeuner ? Je pense que les autres sont déjà levés... Alors si tu veux qu'on soit discret...
Elle acquiesça d'un sourire.
-On peut descendre avec eux : on n'a plus grand chose à leur cacher de toute façon. C'est presque grâce à eux qu'on est ensemble.
-Comment ça ?
-C'est Pansy qui m'a dit où tu étais, alors que je ne lui avais rien demandé ! Et elle m'a sommé de «nous mettre d'accord, qu'on en finisse »
Il rit franchement. Il se leva et commença ce qu'Hermione soupçonnait être une routine rigide, presque obsessionnelle. Il disparut dans une petite pièce à côté où elle entendit de l'eau couler. Elle en profita pour s'habiller à la va-vite avec les habits qu'elle avait rangé dans son petit sac rose à perle. Après quelques minutes, il revint pour se raser à la lumière du jour près de la fenêtre. Elle en profita pour faire un tour dans la sommaire salle de bain pour se débarbouiller. Quand elle revint, il était rasé de près, comme à son habitude, et le lit était fait au carré. Cette rigueur impressionna Hermione, l'intimida même : elle sentit que son côté bordélique peinerait à trouver sa place ici. On était loin des matinées tranquilles qu'elle affectionnait tant !
-On y va ? demanda-t-il avec un franc sourire en lui tendant la main.
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Hermione était stressée. Alors qu'ils descendaient l'escalier monumental du hall, ses mains moites glissaient sur la rampe en marbre. Elle allait se trouver immergée dans un monde qu'elle ne connaissait pas. Autant Pansy avait un côté brut de décoffrage déstabilisant mais elle réussissait à la mettre globalement à l'aise, autant Nott et sa froideur la pétrifiaient. D'ailleurs, son regard d'avant-hier avait été assez évocateur : de toute évidence, il ne la portait pas dans son cœur.
Enfin, ils arrivaient devant la porte entrebâillée de la cuisine. Le visage de Malfoy se ferma d'un coup. Il se redressa dans une attitude qui dissuaderait toute personne de poser des questions. Et, d'un geste protecteur et décidé, il plaça son bras sur les épaules de la jeune femme.
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-On s'apprêtait à lancer un avis de recherche... Lança Pansy en voyant enfin Blaise, un tablier autour de la taille, revenir de la petite cuisine, essoufflé.
-Je crois que cette fois-ci c'est la bonne, annonça ce dernier plein d'entrain en portant à bout de bras une poêle contenant une omelette bien (trop) cuite. Harry, tu vas voir, ce sera la meilleure omelette à la moldue que tu aies jamais mangé !
-Ce ne serait pas plus simple que tu apprennes les sorts domestiques ? Demanda Pansy en levant les yeux au ciel.
-Non, s'entêta Blaise. On a un invité pour le petit déjeuner et je veux bien le recevoir !
-Quel rapport ?!
-Elle est parfaite cette omelette, mentit Harry tandis que Blaise lança un regard triomphant à la sorcière.
-C'est gentil d'être passé prendre des nouvelles en tout cas, assura Pansy dans un sourire. C'est étrange que Drago ne soit pas encore descendu : c'est toujours lui le premier d'habitude.
-Il a dû ressasser toute la nuit, commenta Nott qui lisait la gazette du sorcier.
«Drago Malfoy, Roméo malheureux ou manipulateur dangereux ?» affichait la une en gros titre. Dessous, une photographie sorcière montrait un gros plan du jeune homme avec une expression défaite sur le visage.
-Si à dix heures il n'est pas descendu, je monte voir ce qu'il se passe reprit Pansy.
-Mais laisse-le dormir, contredit Blaise, il a besoin de récupérer.
Pansy fut la première à remarquer la porte menant au hall s'ouvrir.
-Bonjour, lança Drago, serrant les dents, rouge comme une pivoine.
-Sa...lut...? Répondit Pansy, perplexe en voyant qui l'accompagnait.
Alors elle était venue... C'était bon signe ! Pansy était surprise qu'ils aient déjà passé la nuit ensemble : les principes rigides de la famille Malfoy, dont le jeune homme ne s'était pas défait, ne le permettait pas... Ils étaient, en règle générale, plus du style chambre à part et compagnie. Cette famille était décidément coincée dans le XVIIIe siècle. Elle vit la Gryffondor se figer en voyant Harry tranquillement assis parmi eux.
-Hermione ?! S'exclama ce dernier tout aussi surpris qu'elle.
Cette dernière eut un sourire gêné :
-Je voulais aller à Londres mais je me suis trompée dans mon transplanage, plaisanta-t-elle pour détendre l'atmosphère.
Le Gryffondor rebondit :
-Oui, c'est fou, moi aussi, j'ai dit au Weasley que je devais aller chez les Dursley prendre des nouvelles et j'ai atterri ici, rit-il.
-C'est la faute de mon omelette, s'accabla faussement Blaise. Elle est tellement prodigieuse qu'elle détourne les flux magiques.
-Bon bah, installe-toi Malfoy, tu es chez toi après tout ! commenta malicieusement Nott.
Le grand blond assassina son ami du regard.
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Hermione s'installa à côté d'Harry, étrangement heureuse de le retrouver dans cette terre inconnue.
-Alors ? demanda-t-il.
-Je crois que tu as tout compris, éluda-t-elle.
Elle se tourna vers lui et lui souffla dans l'oreille :
-On aimerait rester discrets...
-Et d'ailleurs, c'est pour ça que vous alliez prendre un petit déjeuner avec tous les Serpentards de 7e année...
-Il leur dit tout depuis le début, marmonna-t-elle, penaude.
-En fait, c'est surtout toi qui ne veux rien dire aux Gryffondors...
Elle acquiesça avec réticence d'un signe de tête.
-C'est marrant, entre vous deux, je ne pensais pas que ce serait toi la plus secrète.
-Ne le dis à personne, s'il te plaît !
Harry opina du chef. Il se rendait compte qu'elle n'était pas tranquille : elle continuait à le regarder de biais.
-Tu ne dis rien ? Finit-elle par demander, d'un air méfiant.
-Dire quoi ? Je suis heureux pour vous. Il a beaucoup changé, c'est devenu quelqu'un de confiance, et de bien. Et... bon, tu l'as entendu comme moi au tribunal. S'il a changé, de manière plus ou moins consciente, c'est pour toi.
Puis, après un temps d'hésitation, il reprit :
-Tu seras mieux avec lui qu'avec Ron. Ron reste mon meilleur ami mais il te faut quelqu'un... hors de notre cercle. Tu étouffes, je le vois bien. On est trop à devoir panser les mêmes plaies. Et il te faut aussi... quelqu'un d'intelligent, de doué... Et je ne suis pas sûr que quelqu'un t'égale dans notre groupe, conclut-il avec un sourire en coin.
-Merci, sourit-elle en prenant sa main.
-Tant qu'on peut compter l'un sur l'autre, tout ira bien.
-Ensemble et c'est tout ponctua Hermione pensivement.
-Exactement.
-Ginny sait que tu es là ?
-Non... Je ne sais pas si les Weasley sont prêts à pactiser avec «l'ennemi».
-Je suis sûre que Madame et Monsieur Weasley seraient prêts à pardonner à n'importe qui...
-S'il n'y avait qu'eux... Ginny progresse tous les jours mais j'ai l'impression que Ron fait du surplace...
Hermione soupira.
-C'est pour ça que je veux rester discrète. Les Weasley, c'est ma nouvelle famille. S'ils l'apprennent ils vont me chasser à coups de balais !
-Il va falloir perfectionner nos alibis, répondit-il en souriant.
-Aux prochaines vacances, installons-nous au square Grimaud, l'ambiance au Terrier est vraiment étouffante.
-Avec Georges qui fait sans cesse des sous-entendus...
-Je te jure que je vais finir par le tuer.
-Ah ! Tuer des gens ! S'exclama Pansy, qui passait par-là. On se demandait justement comment occuper notre dimanche après-midi !
-Pansy arrête ! Fais pas ce genre d'humour devant les Gryffondors ! S'écria Blaise, soucieux de la paix sociale.
-Les Serpentards sont interdits d'humour, c'est bien connu, poursuivit Nott, sarcastique.
-Heureusement, on nous laisse au moins les jeux de mots et les calembours, reprit Drago avec un faux air pince-sans-rire.
-Et encore, malheureux ! Pas tous ! Corrigea Nott. Seulement les «Monsieur et Madame».
-Oh oui, enchaîna Pansy, on se fait des soirées de dingue avec ça ! Malfoy est excellent ! Montre leur, champion !
-M. et Mme Covert ont un fils, comment s'appelle-t-il ? Demanda le grand blond avec l'air le plus sérieux du monde.
-Harry ? Risqua Harry.
-Oui.
-On vous l'avait dit, c'est le meilleur ! S'exclama Nott avec un entrain surjoué, envoyant une tape affectueuse sur l'épaule de Drago.
Pendant ce temps, Blaise soupirait, consterné, dans un coin. Harry et Hermione se regardaient, gênés, ne savant pas vraiment interpréter la saynète qui s'était déroulée devant eux.
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La journée se passa agréablement. Après avoir bavardé tranquillement une bonne partie de la matinée et de l'après-midi, ils décidèrent de partir faire un petit tour de l'immense parc environnant le manoir. C'était un magnifique jardin à l'anglaise aménagé avec goût et qui permettait de profiter de plusieurs paysages : des prairies, un égrènement de bosquets, un bois et un lac à l'arrière sur lequel se reflétait les pierres de taille du manoir.
Harry appréciait la beauté des lieux en écoutant d'une oreille distraite les dernières nouvelles de Zabini. Le petit groupe s'était laissé distancer par Malfoy et Hermione qui se tenaient la main. Les Gryffondors avaient décidé de quitter les Serpentards après la promenade et les deux amoureux semblaient, chacun à leur manière, redouter cette séparation certes courte, mais brutale. En effet, même s'ils devaient se retrouver le lendemain, ils avaient décidé de rester cachés et donc de marquer une franche distance entre eux. Harry savait son amie anxieuse tandis qu'il sentait Malfoy ailleurs, comme s'il se préparait déjà mentalement aux difficultés qui les attendaient, incapables tout deux de profiter de l'instant présent. Quoi de plus naturel ? Après avoir enduré toutes ces épreuves, lâcher prise n'était pas si simple.
Les séparation furent brèves. Malfoy, comme Harry s'en doutait, n'était pas démonstratif, en tout cas en public. Il embrassa furtivement la tempe d'Hermione. Celle-ci croisa ses bras sur sa poitrine comme pour combler un manque. Puis, après un dernier signe de la main, Harry et elle transplanèrent.
Une fois devant le Terrier, elle expira tout l'air de ses poumons, comme une actrice qui s'apprêtait à entrer en scène.
-On s'est retrouvés par hasard sur le chemin de traverse ?
-Devant Fleury et Bott.
-J'en sortais. Et toi ?
-Le glacier Fortarôme.
Hermione acquiesça en silence. Ils rentrèrent dans la vieille maison.
