guest : Merci pour ta review ! Avec plaisir ! :) A bientôt ! ^^

Drou : Coucou ! Merci pour ta review et ton compliment ! J'espère que ce chapitre te plaira ! :)

18 - «J'ai chaud extrême en endurant froidure» («Je vis, je meurs...», Labé)

Lorsqu'il s'assit à sa place, le lundi matin, il n'eut pas un seul regard en sa direction. Lorsqu'elle se retournait pour parler à Harry, à côté duquel il était assis, il feignait de ne pas la remarquer. A la fin du cours, il partit en s'efforçant d'éviter son contact. Dans les couloirs, il ne répondit pas à son sourire et lors des cours suivants, il ignora ses regards appuyés. Au repas du midi, il garda son attention résolument orientée à l'opposé du groupe des Gryffondors. L'après-midi, il maintint ses yeux rivés sur son parchemin, concentré et appliqué, sourd aux plaisanteries de Seamus et de Dean. Le soir, dans la Grande Salle, il se fit tout aussi fuyant. Il s'était assis dos à elle, ce qui n'était pas arrivé depuis... des lustres. De mémoire, elle avait toujours croisé au moins une fois son regard lors des repas... et ce depuis la première année peut-être. Mais cette sorte de rituel tacite semblait désormais révolu.

D'un côté, elle se dit qu'il appliquait à la lettre ce qu'ils avaient défini la veille, qu'il avait de l'amour pour elle, bien caché sous sa froideur et qu'elle ne devait pas s'étonner car, après tout, c'était elle qui voulait la discrétion. C'était juste qu'il faisait ça bien... trop bien.

Et, séparée de lui par ce secret qui semblait agir comme une paroi de verre, elle voyait. Elle assistait, impuissante aux regards de travers et aux provocations qu'on destinait au Serpentard. Ces attaques, à peine voilées -jamais directes, car, bien sûr, il impressionnait trop ses détracteurs pour qu'ils osent s'en prendre franchement à lui, étaient suffisamment claires pour qu'elles ne trompent personne et suffisamment anodines pour qu'on puisse les ignorer les unes après les autres... Mais l'usure, par Merlin ! Elle fulminait de rage, le cœur déchiré de le voir malmené. Lui, ne se défit pas un seul instant de son masque de marbre et de cette aura qui semblait le rendre invulnérable. Une falaise qui résiste aux inlassables assauts de la mer ; immense et superbe. Il se contentait de transpercer du regard l'impudent du moment ou de lui répondre quelque chose de concis et d'acerbe. Le justicier du dimanche perdait alors contenance et fuyait en courant. Combien de fois avait-il dû foudroyer du regard en une journée seulement ?

Elle pensa alors que demain, ça irait mieux. Que les crétins se lasseraient et que le masque d'indifférence qu'il lui réservait finirait par craquer à force de fatigue et de manque car malgré sa rigueur et son sérieux, il restait un homme.

Le lendemain se déroula exactement de la même manière. Et le surlendemain aussi. Et enfin, c'était toute une semaine qui s'était écoulée, comme une traversée du désert. Obsédée par le Serpentard, elle finit par croiser les regards de Pansy, de Blaise, de Nott, mais de Drago, jamais. Et cela lui pesait. Le vendredi soir, sa décision était prise : elle devait se débrouiller pour le voir, seul à seul, le week end. Comment ? Poudlard était beaucoup trop calme en ce moment et les préfets étaient très peu sollicités pour travailler en équipe. Elle en arrivait presque à espérer de nouvelles inscriptions injurieuses sur les murs. Hélas, le harcèlement dont Drago faisait l'objet devait suffisamment . plaire à leur auteur pour qu'il ne daigne pas ajouter son grain de sel.

Hélas, le week-end se déroula aussi paisiblement que cette première semaine... Pendant ces deux jours de repos, les Serpentards étaient restés soigneusement cloîtrés dans cette cave sordide qui leur servait de salle commune. Seul Nott avait fait une brève apparition à Pré-au-Lard.

Ainsi, la semaine suivante arriva bien vite et commença dans la même solitude que la première. C'en était trop : Hermione se demandait si son cher et tendre n'était pas en fin de compte une statue de pierre. Il n'avait pas failli une seule fois et la sorcière commençait à psycoter : est-ce qu'il ne commençait pas un peu à l'oublier ? Est-ce qu'il lui en voulait pour quelque chose ? Est-ce qu'il avait changé d'avis ? Une chose était sûre, elle était au fond du trou. Malheureusement, elle n'était pas au bout de ses surprises.

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-Salut Drago ! Minauda Lavande en passant devant ma table, en cours d'histoire de la magie.

Surpris, je répondis un bonjour peu convainquant puis j'échangeais un regard perplexe avec Nott.

-Elle sait parler, elle ? Demanda-t-il de son air narquois.

-Faut croire... Mais la question, surtout, c'est : pourquoi elle me parle ?

-Qu'elle te parle sans d'insulter, rectifia Nott.

Je lui répondis de ma moue la plus dubitative. Mais en ce mercredi, ce fait étrange ne fut pas un cas isolé puisqu'au cours suivant ce fut Hannah Abbot qui me demanda de l'encre. Puis, Padma Patil se jeta par terre en gloussant pour ramasser une plume que j'avais fait tomber par inadvertance. C'était à n'y rien comprendre : depuis quand étais-je passé de personna non grata à membre à part entière de la classe ? A la sortie du dernier cours, Hannah me sourit en nous croisant dans les couloirs.

-Tu te rends compte qu'aujourd'hui tu auras eu plus d'interaction avec Hannah Abbott qu'avec Granger, me taquina Nott qui trouvait notre souci de discrétion ridicule et ne manquait pas une seule occasion de s'en moquer.

-Très drôle...

-Mais qu'est-ce qui leur prend ? demanda Blaise.

-Mais enfin ?! S'exclama Pansy, vous n'avez pas lu le dernier Sorcière Hebdo ? Ils te consacrent tout un dossier...

Et elle sortit le magasine de son sac. J'étais en première de couverture, un air dépressif peint sur le visage, avec derrière moi le manoir dans le crépuscule. Le titre du dossier indiquait : « La détresse de l'héritier Malfoy»

Dedans, Rita Skeeter rappelait ma déclaration au procès et l'absence de réponse d'Hermione, faisant de moi un garçon au passé trouble mais capable d'aimer une personne envers et contre tout... et, de fait, un cœur brisé à prendre et à réparer.

-Au secours, commenta Nott.

-Super, maintenant, on a pitié de moi...

-Ne le prends pas comme ça, sourit Pansy. Elles pensent seulement pouvoir te consoler et te chouchouter...

-Et bien si elles veulent materner, qu'elles prennent un lapin ! Je suis Drago Malfoy ! j'ai pas besoin qu'on me console ou qu'on me chouchoute ! Un Malfoy reste digne, fort, solide sur ses appuis !

-C'est sûr... ponctua Nott avec un sourire en coin qui me donnait des envies de violence.

Sentant la tension monter, Pansy arrondit les angles :

-C'est juste qu'elles doivent se dire que si tu as été capable d'aimer une Gryffondor né-moldue malgré tous les obstacles que tu as pu rencontrer, alors elles devraient avoir une chance...

Une chance ? Une chance de remplacer quelqu'un que j'avais attendu sept ans ? Comment pouvait-on espérer que quelqu'un soit aussi changeant ? Comment pouvait-elles espérer remplacer Hermione ? Est-ce qu'elle pouvaient prétendre être aussi intelligente, aussi courageuse qu'elle ? Il n'y avait qu'elle pour trouver les mots justes et me faire redescendre sur terre. Un fait s'imposa à moi : elle me manquait. Je la voyais tous les jours mais c'était comme si nous étions à des milliers de miles l'un de l'autre.

-Je te jure que même désespéré il n'y aurait pas moyen de quoi que ce soit, répondis-je, mauvais.

-Surtout Lavande, compléta Zabini.

-La légende raconte qu'elle retrouve forme humaine à la pleine lune, inventa Nott.

Et nous pouffâmes de concert pendant que Pansy faisait mine de se mettre en colère contre notre méchanceté gratuite sans pour autant réussir à contenir un sourire :

-Vous êtes vraiment des sales cons...

Et cela nous fit rire d'autant plus.

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Hermione croyait halluciner en parcourant ce torchon de Sorcières Hebdo. Elle avait l'impression de lire une annonce pour adopter un chiot. Dans tout ce ramassis de crétineries, elle ne savait pas ce qui était le pire : l'accroche peut être ?

« En écoutant le témoignage de Drago Malfoy lors du procès de ses parents, dans lequel il expliquait toutes les horreurs qu'il avait pu subir de sa naissance jusqu'à aujourd'hui, nous ne pensions pas découvrir sa blessure la plus intime et la plus secrète. En effet, notre héritier préféré a avoué à la Terre entière son amour pour la célèbre Hermione Granger. Malheureusement pour notre bel Apollon, celle-ci ne daignera pas lui répondre...»

Cela dit, le faux témoignage de Rita Skeeter devait aussi être souligné :

«Il ne dort pas et ne mange presque plus. Il a l'air toujours ailleurs et passe son temps à faire de longues promenades seul à cueillir des fleurs...»

Mais la conclusion avait aussi un certain mérite : « Alors mesdames, un cœur à prendre réside à Poudlard. Serait-il aussi fortifié que le château ? A vous de voir...»

Tout cela donnait à Hermione envie de vomir. Le pire était sans doute qu'elle voyait certaines filles, attirées par le côté ténébreux du Serpentard, prendre pour argent comptant ce qui avait été écrit. Après tout, s'il avait été capable d'aimer une Gryffondor, alors tout était permis ! Gryffondors, Serdaigles, Poufsouffles, toutes commençaient à la regarder, elle, l'héroïne de guerre, avec un œil torve : elle était devenue la rivale à abattre... Et ça la mettait hors d'elle. Est-ce que l'admiration et la reconnaissance n'étaient pas les sentiments les plus fugaces qui puissent exister ?

Elle essayait de se raisonner en se concentrant sur le positif et en étouffant son amertume : au moins, certains commençaient à comprendre qu'il était une victime lui aussi et lui pardonnaient... C'était un pas en avant, non ?

Le samedi suivant, alors qu'elle avait prétexté devoir réviser pour pouvoir réfléchir tranquillement à la situation, elle trouva dans ses affaires un morceau de parchemin sur lequel il y avait été écrit à la va-vite :

«Retrouve-moi à 20h samedi edi au sommet de la tour d'astronomie.»

-C'est quoi ?

-C'est rien ! S'écria Hermione bien malgré elle.

Et elle rangea précipitamment le papier entre les pages du manuel qu'elle feuilletait au hasard.

Ginny la regarda avec un air suspicieux. Elle s'assit à côté d'elle et prit une pose attentive.

-Tu as l'air... triste en ce moment, je trouve. Il y a quelque chose...?

-Ça va ! Répondit la sorcière avec ce fameux sourire qu'on aurait pu qualifier de serpentardesque.

-Tu sais, si c'est Ron...

-Non ! Vraiment, tout va bien ! Affirma-t-elle alors qu'elle sentait sa gorge se serrer et les larmes lui monter aux yeux, décrédibilisant complètement sa réponse.

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La jeune rousse soupira. Elle sentait qu'il y avait quelque chose d'anormal dans le comportement de son amie. D'abord, ses disparitions à Noël et le lendemain du procès. Ensuite, cela faisait un mois que son état se détériorait. S'il y avait eu du mieux à la fin de ces vacances, elle sentait de nouveau Hermione glisser vers une mélancolie chronique. Au début, elle pensait que c'était Ron qui posait problème. En effet, l'un comme l'autre avaient été très évasifs concernant le motif de leur rupture, après deux pauvres semaines. Elle craignait que le rouquin n'ait fait des siennes et que la jeune femme en pâtisse... Mais maintenant, elle n'en était plus si sûre...

Face au silence de son amie, et parce qu'elle n'était pas du genre à attendre que les choses se passent, Ginny décida de mener sa propre enquête. Elle avait déjà un très bon point de départ : ce petit mot glissé dans son manuel. Toute la journée, elle surveilla les moindres faits et gestes, les moindres réactions d'Hermione. Depuis qu'elle avait reçu ce mot, elle paraissait tendue, troublée. Mais soudain, une intuition. Au repas du soir, elle crut capter quelque chose, un regard. Furtivement, Malfoy avait posé les yeux sur Hermione, ce qu'il n'avait pas osé faire depuis le retour des vacances. Cette dernière le remarqua et s'était figée une fraction de seconde, une expression de surprise peinte sur son visage. Puis elle s'était agitée sur son siège, rougissant violemment. Cet instant avait été bref, mais Ginny sut immédiatement qu'il était capital. Elle décida de suivre Malfoy, pas nécessairement coupable, mais suspect par défaut.

La suite du repas s'écoula avec lenteur tandis qu'elle rongeait son frein. Elle avait du mal à tenir en place. Lorsque les desserts disparurent enfin, elle prit le parti de traîner à se lever de table pour garder en visuel le blondinet. Ce dernier montrait quelque chose à ses amis. En bonne dernière de leur groupe, Ginny se dirigea vers la sortie. Devant la porte de la grande salle, les Serpentards se séparèrent : Zabini et Parkinson partirent en direction de leur salle commune, Nott prit le chemin de la bibliothèque. Malfoy, visiblement, avait une autre destination en tête. Il porta ses pas vers la tour d'astronomie. Étrange, se répétait Ginny. Elle jeta un sort pour étouffer le bruit de ses pas, alors qu'elle montait les escaliers en colimaçon à quelques mètres de lui.

En arrivant en haut des escaliers, Ginny resta cachée derrière le mur, sachant pertinemment qu'une fois la porte passée, elle ne pourrait se cacher nulle part. Elle essaya d'écouter : elle percevait les bruits d'une conversation... et même si elle n'arrivait pas à distinguer ce qui se disait, elle comprit vite qui était son interlocutrice. Qu'est-ce qui avait pu mener Hermione à accepter un tel rendez-vous ? En tous cas, il y avait de grandes chances pour que les motivations de Malfoy soient malhonnêtes : de la rédemption du Mangemort, elle n'en croyait pas un mot.

Enfin, un silence qui se prolongeait entre les deux. Ginny n'aimait pas ça. Pourquoi se taisaient-ils ? Avec un mauvais pressentiment, elle décida qu'il était temps d'agir et surgit de l'embrasure de la porte pour mettre fin à l'entretien.

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Je montais les marches avec le cœur au bord des lèvres. J'avais rêvé ce moment sans jamais oser le provoquer. Heureusement, Hermione savait prendre les choses en main. Ces deux semaines avaient été une véritable torture et j'avais dû mettre en œuvre toute la discipline et la rigueur que je savais m'imposer pour ne pas nous trahir.

Elle était déjà là, à m'attendre. Elle me sourit simplement et se rapprocha de moi lentement. Je n'eus pas sa patience et franchis le reste d'espace qui nous séparait plus impétueusement que je ne l'aurais voulu. Sans attendre, je la pris dans mes bras et elle s'y blottit.

-Tu voulais me voir ? Lui soufflais-je dans l'oreille.

-Oui, mais sans ton mot, je n'aurais jamais osé...

-Mon mot ?

-Oui, tu sais bien, celui que tu as mis dans mon manuel de métamorphose.

Je m'écartais d'elle pour la regarder. Elle releva la tête : ma perplexité devait se lire sur mon visage car à son tour elle ne sembla plus rien comprendre. Finalement, elle fouilla un instant dans sa poche et en sortit un morceau de parchemin où je pouvais lire l'heure et l'endroit du rendez-vous. Une écriture arrondie et spacieuse, une majuscule calligraphiée... rien à voir avec mes lettres fines, régulières et déployées efficacement.

-C'est l'écriture de Pansy... découvris-je désabusé.

Je lui montrais le mot que j'avais reçu à mon tour.

-C'est l'écriture d'Harry, remarqua-t-elle.

-Ils sont sérieux ? Ils ont vraiment peur de rien...

-On ne va pas s'en plaindre, répondit-elle en pouffant.

Elle passa ses bras autour de mon cou et, une main perdue dans son abondante chevelure, l'autre caressant sa joue, je baissais lentement mon visage vers le sien pour l'embrasser, enfin. Non, on n'allait pas s'en plaindre. Je fermai les yeux pour capturer la douceur de ce moment. Lorsque nos lèvres se touchèrent, elle soupira d'aise et m'attira davantage vers elle. Prenant cela pour un encouragement, je resserrai mon étreinte sur sa nuque et approfondis mon baiser. Elle se mit doucement à jouer avec mes cheveux, tantôt les caressant, tantôt les agrippant délicatement par poignées. Cela réveilla en moi des sensations nouvelles, si fortes qu'elles me firent sursauter et prendre conscience d'une certaine manifestation de mon corps... Je n'y pouvais rien ! C'était plus fort que moi : la délicate chaleur de son corps, son parfum de muguet, la tendresse de ses caresses, de ses baisers... et ses soupirs...! tout cela me rendait fou.

Une cascade de pensées... ou d'images... ou plutôt d'intuitions sensorielles, complètement inédites, m'assaillirent alors, toutes plus osées les unes que les autres.

Il s'agissait de posséder : je mourrais d'envie de la toucher davantage, de la presser contre moi de toutes ma force, de parcourir toute la surface de sa peau sans en négliger une seule parcelle, de l'étreindre toute entière et que chaque centimètre de nos corps s'embrasent, de l'élever et la porter dans mes bras pour nous rapprocher encore car j'avais la sensation que jamais nous ne le serions suffisamment. C'était une sorte de besoin impérieux, de soif sauvage qui rendait mon souffle irrégulier et faisait battre mon cœur à toute vitesse.

Je me crispais alors sous la violence du souffle qui me traversait, comme une terre craque, malmenée par les flux magmatiques qui la parcourent. C'était si puissant que je croyais en rêver une partie. Qu'est-ce que c'était que ça ?! C'était comme si nos étions deux : le loup-garou rugissant... et moi, à distance, qui découvrait pour la première fois la force dont pouvait faire preuve la bête lorsqu'elle se déchaînait pour de bon.

Je me ressaisissais comme un somnambule se réveille : museler et raccourcir la laisse.

Prendre Hermione dans mes bras et l'embrasser, impliquait de marcher au bord du précipice de mon désir et je savais bien qu'assouvir ne serait-ce qu'une seule de ces envies mènerait irrémédiablement, une chose entraînant une autre, à dépasser une limite que je n'osais nommer. Je devais retrouver mes moyens ! Ce n'était décidément pas convenable ! Pas raisonnable ! Comment le corps pouvait-il prendre ainsi le pas sur l'esprit ?!

Alors, restreignant mon avidité, je relâchais l'étreinte que j'avais resserrée sans m'en rendre compte au fur et à mesure que cette folle envie s'accroissait. Cependant, je m'autorisais tout de même à lui rendre ses caresses : attentif, je me réglais sur elle. Alors, inlassablement, je caressais son visage et ses cheveux. Je m'enhardis même jusqu'à parcourir ses fines épaules et son dos qui s'arquait sur mon passage quand soudain :

-MALFOY RELACHE LA ! hurla soudainement une voix et mon cœur rata un battement.

Ginny avait surgi de nulle part, baguette sortie, un air furieux déformant son visage. Elle se stoppa net lorsqu'elle découvrit la véritable teneur de la scène.

-Malfoy ? Finit-elle par demander d'une voix blanche. Qu'est-ce que...qu'est-ce que tu fais ?

Je me ressaisis vite :

-Ça me semble évident, rétorquais-je du tac au tac, maniant mon ironie de combat pour situations désespérées.

Dans mes bras, Hermione s'était pétrifiée. Je me détachai doucement d'elle et vins instinctivement me placer entre elle et la tarée de Weasley.

-Hermione ?... Malfoy !... Hermione ?! Malfoy !

Son regard ricochait entre ma douce Gryffondor et moi, comme si elle ne savait pas où donner de la tête.

-Vous... vous êtes... Mais non !

Elle fit une pose pour réfléchir les mains croisées et posées sur sa tête inclinée en arrière. Hyperactive de nature, elle s'était mise à marcher en décrivant des cercles.

-Mais noooooooon ! Répétait-elle en boucle pour elle-même à voix basse.

-Écoute Ginny... essaya Hermione qui semblait de nouveau être habitée par un souffle vital.

Mais la rouquine ne réagit pas tout de suite. Après un temps seulement, elle s'arrêta pour nous regarder attentivement, comme si nous allions disparaître, tels un mirage. Laissant passer un silence qui me parut interminable, elle réussit à reprendre en me regardant :

-Alors, c'était vrai ?

-Heu... oui...? Risquais-je, incertain.

Elle devait parler de ma déclaration au tribunal...? Je suppose ? Puis, s'adressant à Hermione :

-Et toi ? Tu le haïssais !

-J'ai appris à pardonner, répondit Hermione en me regardant avec un air amène en saisissant ma main.

En réponse, je la serrai à mon tour avec force et lui rendant son sourire.

-Du délire, souffla la rousse, sans doute peu habituée à me voir ainsi.

-Ginny, reprit Hermione, est-ce qu'on pourrait garder ça entre nous... ?

Mais cette dernière ne sembla pas l'entendre, de nouveau aspirée par son incrédulité :

-Mais noooooooooon ! Reprit-elle en même temps qu'elle avait repris sa trajectoire circulaire. Mais vous vous rendez compte ?! C'est complètement fou !

Elle s'arrêta brusquement :

-Harry sait ?

-Oui, répondit Hermione avec un air penaud.

-Ron ?

-Non. Je pense...

-Il ne vaut mieux pas, coupa Ginny. Écoutez, voilà ce qu'on va faire. On va faire comme si je n'avais rien vu et on garde ça bien secret pour l'instant.

Je sentis Hermione se détendre. Ginny se dirigea vers l'escalier avec la démarche de quelqu'un de sonné. Elle se retourna une dernière fois :

-Faites gaffe, ici, c'est le spot de Luna et Neville le mercredi après-midi... Et toi, je t'ai à l'œil, me dit-elle en me menaçant mollement de sa baguette.

-Je n'en doute pas, répondis-je en esquissant un sourire.

Pour moi, ça sonnait comme une bénédiction.

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Étrangement, Hermione se sentait soulagée de désormais partager ce secret avec Ginny. C'était très bien ainsi et cela ne mettait plus Harry en porte-à-faux. Bien vite, cependant, toutes ces considérations disparurent de son esprit : ils étaient à nouveau seuls. Tout naturellement, il lui avait pris les mains et les avait replacées où elles étaient avant l'interruption. Puis, il avait posé son front contre le sien.

-Je me serais attendu à quelque chose de bien plus explosif, murmura-t-il, comme soulagé.

-Moi aussi... sourit-elle.

Ils restèrent un certain temps ainsi, jusqu'à ce qu'elle trouve le courage de briser le silence :

-Tu es très doué pour la discrétion...

-Ah oui ? J'avais l'impression que c'était écrit sur mon visage...

-Pas du tout... même-moi, j'étais à deux doigts de croire que tu m'avais oubliée...

-T'oublier après avoir autant galéré... répondit-il d'un ton taquin et elle rougit.

-Ce que j'ai pu être bête !

-C'est derrière nous, conclut-il en la serrant plus fort contre lui.

Elle ne pouvait pas s'empêcher de culpabiliser : elle l'avait quand même bien fait mariné ! Et tout n'avait pu se débloquer qu'après que le Serpentard n'ait été poussé dans ses retranchements les plus extrêmes.

-Personne ne t'a reparlé du procès ?

-Pas... directement, éluda-t-il.

Mais elle savait parfaitement ce que son silence tentait de cacher. Elle ne put s'empêcher de soupirer de dépit. Ce qu'ils pouvaient être... bêtes.

-Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda-t-il, un léger sourire flottant sur ses lèvres.

D'une main, il releva délicatement son menton.

-Rien sourit-elle à son tour, n'osant aborder un sujet sur lequel il semblait ne pas vouloir s'étendre, trop sensible sans doute.

Hermione repensa soudain aux minauderies de Lavande, Padma et Susan, non sans bouillir intérieurement. Elle se demandait s'il avait repéré leur petit manège.

-J'ai l'impression que certains, malgré tout, commencent à te croire... à comprendre ton histoire...

Son sourire s'élargit. Il sourit malicieusement :

-Tu penses à Abbott et compagnie ?

-Non, pas spécialement, mentit-elle, pour cacher la jalousie qu'elle sentait poindre. Qu'est-ce qu'il se passe avec Abbott ?

-Disons que maintenant, lorsqu'elle me parle, ce n'est plus pour m'insulter...

-Et c'est plutôt positif alors ? Risqua la jeune femme. Si déjà ils ne te prennent pas pour un odieux manipulateur comme le voudraient certains médias...

Il pouffa :

-Rajouter l'étiquette "manipulateur" en dessous de celle de "Mangemort", c'est comme rajouter une pincée de sel en trop dans un plat carbonisé : c'est peut-être pire mais ça ne change pas grand chose...

-Moi, ça ne me dérange pas ! S'exclama-t-elle avec un sourire mutin, en passant ses mains dans ses cheveux.

«Et visiblement Abbott, Brown et Patil aussi» ajouta-t-elle en son fort intérieur.

-Oui mais toi, taquina-t-il en posant son front contre le sien, tu as un penchant naturel pour les choses mal aimées : tu adoOores les brocolis et l'histoire de la magie avec Binns.

Elle rit en levant les yeux au ciel pour jouer un faux air navré.

-Ça se fera petit à petit, c'est déjà en marche reprit-elle après avoir retrouvé son sérieux.

-Je suppose, oui, répondit-il, sans paraître plus préoccupé que cela de l'acceptation des autres.

C'était ça aussi sa force : celle d'accepter sa place dans ce monde, aussi inconfortable soit-elle. Il la combattait, se rebellait contre mais ne fuyait pas. Il marchait d'un pas résolu vers le futur, prenant les défis un à un. Il était un maçon traçant sa voie pavés après pavés, les enfonçant solidement dans le sol, il était un golem d'eau vive et de montagne aux appuis sûrs et dont le pas faisait trembler la vallée. Il était... si puissant ! Jusque là, rien n'avait su le détruire et désormais rien ne le saurait plus.

Il la regardait avec bienveillance, le visage illuminé par ce sourire qu'il ne réservait qu'à elle. Elle se sentait complètement inondée de son amour. Contre toute attente, c'était ça, la relation saine qu'elle espérait avoir, elle n'était plus ni une béquille ni un bijou qu'on exhibe, comme elle avait pu être dans ses autres histoires. Un couple équilibré avec Drago Malfoy ! Des fois, elle se répétait ça, comme si elle n'avait toujours pas réalisé. Ça paraissait fou !

La soirée avait bien avancé et l'extinction des feux approchait. Il était l'heure de se quitter. A contre cœur, ils s'écartèrent l'un de l'autre et descendirent les escaliers.

-On essaye de se revoir ? Demanda Hermione, angoissée à l'idée de repasser les semaines à venir aussi seule que les deux semaines écoulées.

-Samedi prochain, même endroit, même heure ?

Arrivés en bas de l'escalier, il l'embrassa furtivement sur la tempe, comme au moment de leur départ du manoir, il y avait deux semaines. Puis ils prirent chacun le chemin devant les mener à leur propre dortoir, non sans se retourner une dernière fois à l'angle du couloir.